Archive pour la catégorie 'Almanach'

Bonne année 2010

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C’est Jour de fête ! Il y a cinquante ans, Robert Doisneau photographiait le cinéaste Jacques Tati avec le vélo de François, le désopilant facteur spécialiste des tournées à l’américaine !
Outre que surgit peut-être là l’idée d’un très prochain billet, je reprends son célèbre cliché comme métaphore du casse-tête et des embûches qu’on nous demande d’affronter en ces temps de crise.
L’ozone qui en remet une couche à Copenhague, la grippe A qui nous rend fiévreux, l’identité nationale et ses querelles de clochers … et de minarets, les disques (vertébraux) de Johnny qui déraillent et la main de Henry dans la surface de réparation de ma soeur … pardon, sur un ballon de football, rien ne tourne rond sur la planète terre. Heureusement, ma blogosphère est plus souriante et les visites de mes lecteurs ont quadruplé en 2009 : voilà au moins un indice de croissance qui constitue un chaleureux encouragement à poursuivre mes chroniques. Meilleurs vœux pour une bonne et heureuse année 2010 !

Publié dans:Almanach |on 2 janvier, 2010 |6 Commentaires »

Joyeux Noël

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Dans la nuit de l’hiver
Galope un grand homme blanc
Dans la nuit de l’hiver
Galope un grand homme blanc
C’est un bonhomme de neige
Avec une pipe en bois,
Un grand bonhomme de neige
Poursuivi par le froid.
Il arrive au village.
Voyant de la lumière
Le voilà rassuré.
Dans une petite maison
Il entre sans frapper ;
Et pour se réchauffer,
S’assoit sur le poêle rouge,
Et d’un coup disparaît.
Ne laissant que sa pipe
Au milieu d’une flaque d’eau,
Ne laissant que sa pipe,
Et puis son vieux chapeau.
(Jacques Prévert)

Puissent se refléter dans cette flaque d’eau beaucoup d’yeux brillants de bonheur et de tendresse.
Joyeux Noël à vous tous chers lecteurs ainsi qu’à vos familles.
Et comme cadeau, je vous offre une promenade photographique en traîneau d’un modeste village du Vexin jusqu’aux ors de la ville lumière.

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Publié dans:Almanach |on 24 décembre, 2009 |Pas de commentaires »

Tombe la neige …

« Tombe la neige
Tu ne viendras pas ce soir
Tombe la neige
Et mon coeur s’habille de noir
Ce soyeux cortège
Tout en larmes blanches
L’oiseau sur la branche
Pleure le sortilège … »

Tombe la neige, je suis venu ce soir vous offrir quelques flocons poétiques, réminiscences des récitations de mon enfance.

Nuit de Neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.

 

Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.

 

La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter.

 

Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde,
Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ;
Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.

 

Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.

 

Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.

Guy de Maupassant (1850-1893), Hiver

Notre Bel-Ami nous fait entendre le silence de la neige qui recouvre le plateau du Pays de Caux, décor de tant de ses savoureux contes et nouvelles.
Aussi curieux que cela puisse paraître, je devinais imperceptiblement dans ma chambre mansardée, enfoui sous le gros édredon, son bruit ouaté, promesse de joyeuses batailles de boules de neige et de la construction d’un bonhomme.

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Contraste de nos jeux heureux et de la désolation de la campagne normande de Maupassant et de la plaine de Flandre d’Emile Verhaeren !

La neige
La neige tombe, indiscontinûment,
Comme une lente et longue et pauvre laine,
Parmi la morne et longue et pauvre plaine,
Froide d’amour, chaude de haine.

 

La neige tombe, infiniment,
Comme un moment -
Monotone – dans un moment ;
La neige choit, la neige tombe,
Monotone, sur les maisons
Et les granges et leurs cloisons ;
La neige tombe et tombe
Myriadaire, au cimetière, au creux des tombes.

 

Le tablier des mauvaises saisons,
Violemment, là-haut, est dénoué ;
Le tablier des maux est secoué
A coups de vent, sur les hameaux des horizons.

 

Le gel descend, au fond des os,
Et la misère, au fond des clos,
La neige et la misère, au fond des âmes ;
La neige lourde et diaphane,
Au fond des âtres froids et des âmes sans flamme,
Qui se fanent, dans les cabanes.

 

Aux carrefours des chemins tors,
Les villages sont seuls, comme la mort ;
Les grands arbres, cristallisés de gel,
Au long de leur cortège par la neige,
Entrecroisent leurs branchages de sel.

 

Les vieux moulins, où la mousse blanche s’agrège,
Apparaissent, comme des pièges,
Tout à coup droits, sur une butte ;
En bas, les toits et les auvents
Dans la bourrasque, à contre vent,
Depuis Novembre, luttent ;
Tandis qu’infiniment la neige lourde et pleine
Choit, par la morne et longue et pauvre plaine.

 

Ainsi s’en va la neige au loin,
En chaque sente, en chaque coin,
Toujours la neige et son suaire,
La neige pâle et inféconde,
En folles loques vagabondes,
Par à travers l’hiver illimité monde.

Émile Verhaeren

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Neige hostile pour les sans logis, les vagabonds, les clodos de la faim auxquels Jean Richepin rend hommage dans sa Chanson des gueux qui valut à ce fils de médecin breton, un mois de prison et cinq cents francs d’amende. Comment ne pas penser aux enfants de Don Quichotte et à toutes ces personnes dont les conditions d’existence indécentes n’intéressent les médias que lorsque l’hiver pointe son nez.

LA NEIGE
La neige à flocons blêmes tombe,
Tombe, tombe en mols tourbillons,
Lis effeuillée sur une tombe.
Pour qui fait-on cette hécatombe,
Hécatombe de papillons ?
La neige à flocons blêmes tombe,
Tombe, tombe en mols tourbillons.

 

Toute blanche dans la nuit brune,
La neige tombe en voletant,
O pâquerettes ! une à une,
Toutes blanches dans la nuit brune…
Qui donc là-haut plume la lune ?
O frais duvet ! Flocons flottants !
Toute blanche dans la nuit brune,
La neige tombe en voletant.

 

La neige tombe, monotone,
Monotonement, par les cieux.
Dans le silence qui chantonne
La neige tombe, monotone,
Et file, tisse, ourle et festonne
Un suaire silencieux.
La neige tombe monotone,
Monotonement par les cieux.

Jean RICHEPIN.- Chanson des gueux

Il neigeait … La neige est obsédante et ne cesse de tomber dans le poème de Victor Hugo extrait de son recueil Les Châtiments. L’exilé de Jersey y relate une chronique des guerres napoléoniennes, la retraite de Russie de 1812.

IL NEIGEAIT
Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l’aigle baissait la tête.
Sombres jours ! l’empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L’âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
Il neigeait. Les blessés s’abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d’être tremblants,
Marchaient, pensifs, la glace à leur moustache grise.
Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n’avait pas de pain et l’on allait pieds nus.
Ce n’étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre,
C’était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d’ombres sur le ciel noir.
La solitude, vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul ;
Et, chacun se sentant mourir, on était seul.
- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?
Deux ennemis ! Le czar, le nord. Le nord est pire.
On jetait les canons pour brûler les affûts.
Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,
Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.
On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige,
Voir que des régiments s’étaient endormis là.
O chûtes d’Annibal ! lendemains d’Attila !
Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
On s’écrasait aux ponts pour passer les rivières,
On s’endormait dix mille, on se réveillait cent.
Ney, que suivait naguère une armée, à présent
S’évadait, disputant sa montre à trois cosaques.
Toutes les nuits, qui-vive ! alerte ! assauts ! attaques !
Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux
Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,
Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,
D’horribles escadrons, tourbillons d’hommes fauves.
Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait.
L’empereur était là, debout, qui regardait.
Il était comme un arbre en proie à la cognée.
Sur ce géant, grandeur jusqu’alors épargnée,
Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;
Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,
Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,
Il regardait tomber autour de lui ses branches.
Chefs, soldats, tous mouraient. Chacun avait son tour.
Tandis qu’environnant sa tente avec amour,
Voyant son ombre aller et venir sur la toile,
Ceux qui restaient, croyant toujours à son étoile,
Accusaient le destin de lèse-majesté,
Lui se sentit soudain dans l’âme épouvanté.
Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,
L’empereur se tourna vers Dieu ; l’homme de gloire
Trembla ; Napoléon comprit qu’il expiait
Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet,
Devant ses légions sur la neige semées:
- Est-ce le châtiment, dit-il, Dieu des armées ? -
Alors il s’entendit appeler par son nom
Et quelqu’un qui parlait dans l’ombre lui dit : Non.

Victor Hugo

Sous la plume de Gainsbourg, la neige devient carbonique tandis que Marilou entraîne dans sa destruction passionnelle, l’homme à la tête de chou ; meurtre à l’extincteur pour éteindre le feu au cul de Marilou …

« Marilou repose sous la neige
Et je me dis et je me redis
De tous ces dessins d’enfant que n’ai-je
Pu préserver la fraîcheur de l’inédit

 

De ma Lou en bandes dessinées je
Parcourais les bulles arrondies
Lorsque je me vis exclu de ses jeux
Erotiques j’en fis une maladie

 

Marilou se sentait pris au piège
Tous droits d’reproduction interdits
Moi naïf je pensais que me protégeaient
Les droits du copyright opéra mundi

 

Oh ma Lou il fallait que j’abrège
Ton existence c’est ainsi
Que Marilou s’endort sous la neige
Carbonique de l’extincteur d’incendie »

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« J’aime me régaler de flammes/J’ai pris assez de bûches pour cela/C’est mon harem de jeunes femmes/Ma cheminée est un théâtre » chantait Claude Nougaro. À travers ses admirables rimes, la femme est objet sacré, de la neige virginale à la neige spermatique.
« Enfance, silence, neige et Blanche-Neige, La neige est un poème intense, flamboyant et muet, un flacon de flocons, du pur à mort ! ».

La neige
Oh la neige! Regarde la neige qui tombe…
Cimetière enchanté fait de légères tombes
Elle tombe la neige, silencieusement
De toute sa blancheur d’un noir éblouissant
La neige…
Les yeux les mieux ouverts sont encore des paupières
Et Dieu pour le prouver fait pleuvoir sa lumière
Sa lumière glacée, ardente cependant
Cœur de braise tendu dans une main d’argent
La neige…
Elle vient de si haut, la chaste damoiselle
Que sa forme voilée d’étoiles se constelle
Elle vient de si haut, cette sœur des sapins
Cette bombe lactée que lancent les gamins
Elle vient de si haut, la liquide étincelle
Au sommet de la terre elle brille éternelle
Brandissant son flambeau sur le pic et le roc
Comme la liberté dans le port de New York
La neige…
Meneuse de revue aux Folies-Stalingrad
Descendant l’escalier des degrés centigrades
Empanachée de plumes, négresse en négatif
Elle dansait un ballet angélique, explosif
Pour le soldat givré, agrippé à son arme
Oeuf de sang congelé dans un cristal de larmes
Elle danse la neige dans la nuit de Noël
Autour d’un tank brûlé qu’elle a pris pour chapelle
La neige
Tout de suite moisson, tout de suite hécatombe
Oh la neige! Regarde la neige qui tombe…

De Adamo à Nougaro en passant par Hugo, la neige ourle ma promenade poétique en ce premier jour de l’hiver.

Publié dans:Almanach, Poésie de jadis et maintenant |on 22 décembre, 2009 |Pas de commentaires »

Citrouilles m’étaient contées … de Cendrillon à Halloween

« Dieu fait bien ce qu’il fait. Sans en chercher la preuve
En tout cet univers, et l’aller parcourant,
Dans les citrouilles je la treuve.
Un villageois, considérant
Combien ce fruit est gros et sa tige menue :
« A quoi songeait, dit-il, l’auteur de tout cela ?
Il a bien mal placé cette citrouille-là
Hé parbleu ! je l’aurais pendue
A l’un des chênes que voilà ;
C’eût été justement l’affaire :
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire… »

Ainsi à travers les mots de La Fontaine, s’exprime le bon sens paysan jugeant que dans la nature, la logique n’est pas respectée ; de l’arbre imposant tombe un modeste gland tandis que l’énorme citrouille pousse à même le sol. Voici une fable qui tourne à la farce et qui invite les hommes à l’humilité : la nature n’est pas à leur service mais un don qui leur est fait par Dieu, « l’auteur de tout cela ». Cette leçon de métaphysique ne semble pas incongrue encore aujourd’hui à l’heure du sommet de Copenhague pour la défense de la planète.
Avant que la neige ne recouvre les potagers de son manteau blanc et que Noël ait chassé Halloween de l’esprit des enfants, je voudrais vous entretenir de quelques cucurbites dont l’homophonie « pipicaca » fait sans doute s’esclaffer les petits. Vous avez reconnu ces courges, citrouilles, potirons et autres potimarrons qui flamboient dans les jardins au soleil d’automne. Ils appartiennent à la famille des Cucurbitacées, privilège qu’ils partagent avec les cucumis comme le melon, le concombre et le cornichon ; une sacrée famille de paresseux dont l’appareil végétatif ne se donne pas la peine de dresser leurs fruits souvent monstrueux et préfère les laisser ramper à même le sol.

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Le nom de cette véritable tribu potagère vient de la courge, cucurbita en latin, qui évidée, servait autrefois de gourde.
Si l’on se réfère à la classification du botaniste Duquesne, on distingue les plantes à feuilles molles et à calice très court du genre Cucurbita moschata telles la courge musquée de Provence, la courge porte-manteau de Naples, la Doubeurre ou butternut, la sucrine du Berry, et les plantes à feuilles rigides et à long calice campanulé du genre Cucurbita maxima avec un fruit à pédoncule cylindrique tels le potiron, le potimarron et le giraumon et son bonnet turc en forme de turban, et du genre Cucurbita pepo au pédoncule anguleux comme la citrouille, le pâtisson et la courge spaghetti. Il est même des Cucurbita ficofolia aux graines noires nommées communément courge de Siam ou melon de Malabar que les mexicains appellent joliment chilacayote et dont les espagnols raffolent préparée en confiture de cheveux d’ange.
Vous pouvez faire votre marché, comme dans la chanson des zizis de Pierre Perret, il y en a de toutes formes, tailles et couleurs, des potirons rouge vif d’Etampes, jaune gros de Paris, blanc de Mayet, bleu de Hongrie, des joufflus, des dodus, des énormes (jusqu’à 60 kg), des longs, des tordus, des renflés, des calottés, des cornus. Il en est même un pustuleux, victime d’une étrange syphilis potagère baptisé officiellement giraumon galeux d’Eysines, une citrouille spécifique de cette commune proche de Bordeaux.
Mélangés, ils composent de superbes corbeilles ornementales ; séchés, ils agrémentent avec originalité votre intérieur. Ainsi, une courge du potager familial d’Ariège se dresse fièrement dans mon entrée depuis une bonne décennie.

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De même, trône dans mon salon, une guitare en forme de calebasse ramenée de chez les Lacandons, la dernière tribu maya pure de la selva des Chiapas au Mexique.

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Ce n’est point là le fruit du hasard puisque toutes les cucurbites proviennent à l’origine du continent américain, on en trouve trace dès 1200 ans avant notre ère, notamment au Pérou et au Mexique méridional où elles profitent du climat tropical chaud et humide. Que viva Mejico, haricot, tequila, chocolat et cucurbita !
Comme beaucoup (trop ?) de choses chez nous, les citrouilles viennent donc d’Amérique et se seraient implantées en Europe au seizième siècle au temps de Christophe Colomb.
Je vous fais confiance, vous saurez persuader vos enfants que, plutôt qu’un big nasty de Mac Do, leur palais sera ravi avec les soupes, crèmes, gratins, purées, flans, tartes et même spaghettis concoctés à partir de citrouilles et potirons. Prévoyez même du fromage râpé que vos petits saupoudreront sur leur assiette de potage !
Mesdames, ne craignez rien pour leur ligne ni surtout pour la vôtre car avec jusqu’à 95 % d’eau, la valeur nutritive est modeste. De plus, très digestes, leurs pépins ont des propriétés vermifuges.
Attention cependant, tous les fruits ne sont pas comestibles, ainsi les Citrullus, contrairement à ce que l’on pourrait à l’évidence imaginer, ne sont pas des citrouilles mais des melons d’eau et des coloquintes lesquelles contiennent un suc toxique dont l’empereur Claude fit l’amère expérience.
Il est vrai qu’en ce temps-là, on ne rigolait pas chez les romains, enfin c’est une manière de parler car ils passaient aussi du bon temps ! Ainsi, Claude qui n’est alors pas encore empereur mais tout de même âgé de cinquante ans, épouse en troisièmes noces Messaline, une jeunette de quatorze ans. Elle met au monde, trois ans plus tard, Britannicus, celui qui, rappelez-vous le temps du lycée, vous fit bailler d’ennui devant les vers de Pierre Corneille ! Dommage que je n’eus pas un professeur de français avant-gardiste révélant le thriller qui se cachait derrière toutes ces intrigues. Et puis, avouons qu’à défaut de Messaline et Agrippine, nous criions alors après Aline pour qu’elle revienne !
Je m’égare, donc Messaline, une sacrée libertine n’hésitant pas à user de ses charmes à des fins politiques, va même en l’an 47, jusqu’à épouser le consul Silius sans avertir son mari Claude de son divorce. Le Claude (ne pas confondre avec le Glaude de La soupe aux choux, c’est un autre potage !) n’appréciant que modérément, fait mettre alors à mort Silius puis ordonne l’exécution de Messaline dans les jardins de Lucullus par les sbires de Narcisse.
Bien que Meetic n’existât pas à l’époque, il s’amourache vite de sa propre nièce Agrippine la Jeune, sœur de Caligula. Les mariages entre oncles et nièces sont alors considérés comme incestueux mais qu’à cela ne tienne, une loi sénatoriale bientôt les autorise et en l’an 49, Claude épouse Agrippine.
Je sens la migraine poindre avec toutes ces orgies romaines qui vous mettent la tête comme une citrouille ! Encore un peu de patience !
Agrippine va tout mettre en œuvre pour que son fils Néron, enfanté d’un premier mariage, soit reconnu comme le successeur de l’empereur plutôt que Britannicus, l’héritier naturel. Comme dirait une amie, c’est compliqué les gonzesses !
Claude meurt opportunément le 13 octobre 54 et plusieurs sources latines affirment qu’Agrippine n’est pas étrangère à ce décès. Aidée de la sombre Locuste, elle imagine d’empoisonner l’empereur en incorporant au hors d’œuvre, quelques amanites phalloïdes. Mais selon la mode en vigueur chez les puissants de la Rome antique pour tromper leur gourmandise, Claude se fait vomir après avoir consommé le premier plat. Elle a alors recours pour soigner les premiers symptômes déclenchés par les champignons mortels, à des lavements au suc de coloquinte qui achèvent la besogne. Ainsi Néron le sanguinaire devint empereur…
Sacré péplum ! Savez-vous d’ailleurs que le premier film de ce genre cinématographique (et le plus court car durant moins d’une minute) produit par les frères Lumière en 1896, s’appelait … Néron essayant des poisons sur un esclave !!! Décidément, ils n’ont que cela en tête les empereurs romains !
L’heure avance et je voudrais avant que les douze coups de minuit sonnent, vous entretenir d’une belle jeune fille plutôt malheureuse qui lorsqu’elle avait achevé son travail, s’asseyait dans les cendres au coin de la cheminée, ce qui lui valait le surnom de Culcendron. Un jour, elle pleura encore plus fort que d’habitude, chagrinée de ne pouvoir se rendre au bal donné par le fils du Roi. Sa chance fut que sa marraine soit fée.
Ce qui est génial avec une fée, c’est qu’il n’y a ni autoroutes embouteillées ni grèves sur la ligne A du RER ! Il suffit de cueillir la plus belle citrouille de son potager.
Donc madame la fée (comme chantait Boby Lapointe), ce soir-là, creusa la citrouille puis d’un coup de baguette magique, la transforma en un beau carrosse doré. D’un autre coup de baguette, elle fit de six souris, un bel attelage de six chevaux à la robe gris … souris bien entendu. Puis elle changea un gros rat en un gras cocher et six lézards en laquais. Enfin, les vilains habits de la demoiselle devinrent toujours aussi magiquement draps d’or et d’argent chamarrés de pierreries, et ses chaussures, de magnifiques pantoufles de verre. À ce propos, des polémiques entretenues au dix-neuvième siècle par des personnes aussi éminentes qu’Honoré de Balzac, Anatole France et Émile Littré, défendent l’idée matérialiste de pantoufles de vair du nom de la fourrure du petit-gris, une variété d’écureuil.
Je n’ose envisager ce qu’il serait advenu de la pauvre Cendrillon, vous l’avez reconnue, si elle avait été la filleule de Shirley et Dino, les inénarrables fantaisistes aux tours ratés !
Par l’imagination de Charles Perrault en 1697 puis plus tard, celle des frères Grimm, voilà comment une citrouille permit à Cendrillon et au prince de se marier et d’avoir beaucoup d’enfants.
Par équité botanique, il semble que dans la version cinématographique du conte, Walt Disney ait effectué une erreur de casting et que la citrouille soit en fait un potiron !

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« … A l’arrière des dauphines
Je suis le roi des scélérats
A qui sourit la vie
Marcher sur l’eau
Eviter les péages
Jamais souffrir
Juste faire hennir
Les chevaux du plaisir
Osez osez Joséphine
Osez osez Joséphine
Plus rien ne s’oppose à la nuit
Rien ne justifie
Usez vos souliers… »

Autre temps, autres mœurs, sous la plume surréaliste d’Alain Bashung (et de ses paroliers), nul besoin de fée, rien ne s’oppose à la nuit,  les berlines et les dauphines remplacent les carrosses !
Si les enfants rêvent moins de carrosses, ils prennent par contre les citrouilles pour des lanternes et sacrifient volontiers à Halloween, une fête traditionnelle nord-américaine récemment importée sur notre vieux continent. Quoique pour être exact, on lui prête des racines celtiques et ce sont les immigrants irlandais et écossais qui auraient emmené cette coutume au-delà de l’atlantique dans le courant du dix-neuvième siècle.
Ainsi, dans la dernière semaine d’octobre, aux lectures et écritures de contes, les petits campagnards préfèrent les activités artistiques et récupèrent dans le jardin familial, quelques citrouilles ou potirons qu’ils affublent de visages grimaçants et creusent pour y loger une bougie en souvenir de Jack-o’-lantern, personnage emblématique d’une légende irlandaise.

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Ce Jack, avare et ivrogne, n’avait aucune chance d’accéder au paradis à la différence de Georges Clooney dans la publicité de Nespresso. What else ? Jack jouant régulièrement des tours au diable, se vit aussi privé d’enfer à sa mort ! Cependant, il parvint à convaincre le démon de lui fournir un peu de charbon ardent pour éclairer son chemin dans les ténèbres. Ainsi, plaçant la braise dans un navet, avec sa lanterne de fortune, il erra jusqu’au jugement dernier.
Vous savez pourquoi maintenant, après Jack l’éventreur, il y a de petits éventreurs de  Jack-O’-Lantern !
Dans le village, quelques vieux messieurs et dames cucurbitacées lézardent au soleil d’automne sur un banc devant les maisons.

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Et puis, quand la nuit tombe le 31 octobre, All Hallow Even, le soir de tous les saints, la veille de la fête chrétienne de la Toussaint, de drôles de petits garnements aux allures de fantômes, monstres et sorcières hantent rues et chemins et sonnent aux portes. « Trick or treat ! », des bonbons ou un mauvais sort ; devant leurs airs terrifiants, vous avez intérêt à avoir fait provision de friandises Haribo … des barres de chocolat font aussi l’affaire !

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Rien ne se perd dans la citrouille d’Halloween et les gentilles mamans font rôtir les graines et utilisent la chair pour une tarte et de la confiture. Hum !

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Qui sait si après ma tentative de réhabilitation, l’ « espèce de courge » lancée péjorativement à la face des pauvres d’esprit, ne deviendra pas bientôt compliment !
Cucurbites, le retour ! Longtemps mésestimées voire oubliées, elles rénovent nos potagers, embellissent nos intérieurs et s’invitent à nos tables. Pire encore, certaine entre dans nos salles de bains telle la Luffa dont le fruit perd progressivement sa pulpe pour devenir éponge végétale.
Cinq cent vingt ans après son Traité de l’ombre et de la lumière, suivez dans vos jardins les conseils de Léonard de Vinci : « j’ai expérimenté de laisser une petite racine à une citrouille qui n’était nourrie que d’eau et cette citrouille conduisit à la perfection tous les fruits qu’elle pouvait générer et qui furent soixante citrouilles. »

Remerciements aux enfants de La Bastide du Salat (Ariège) et à leurs parents.

Publié dans:Almanach, Recettes et produits |on 18 décembre, 2009 |1 Commentaire »

Bonne Fête Mamans

Pour cause de Pentecôte tardive, les mamans sont fêtées, cette année, en ce premier dimanche de juin.
Dans un ancien billet (voir Fête des Mères et Collier de nouilles du 25 mai 2008), j’ai évoqué longuement l’origine de cette tendre tradition.
Aujourd’hui, plutôt qu’un long discours, je m’efface derrière les mots du chanteur algérien Idir, fils de berger berbère. Son nom de scène signifie en kabyle, « il vivra » ; ainsi appelle-t-on l’enfant né difficilement pour l’encourager à vivre.
Artiste discret et modeste, homme de conviction, Idir participe souvent à des concerts pour soutenir de nobles causes. Il chante l’amour, la liberté, l’exil qu’il connaît bien puisqu’il est installé en région parisienne depuis 1975.
Bien avant la mode du raï exporté notamment par Khaled et Cheb Mami, il enregistre « Avava inouva », le premier tube planétaire issu du Maghreb.
En ce jour, je vous propose d’écouter une autre de ses berceuses, écrite en hommage à sa mère.
Ssendu est le mouvement de balancier que sa maman effectuait quand elle battait le lait pendant des heures pour obtenir une petite motte de beurre :

« Baratte ! et donne-nous du beurre bien blanc
Baratte ! que l’on remplisse le pot
Baratte-toi petit lait
Donne-nous une motte de beurre
Dont on a envie (comme on le souhaite)

Calebasse que les mains étreignent
C’est toi, tout mon secret !
Malgré la disette…
Le chant adoucit la misère
Venant te solliciter…
Ma calebasse appelle le bien
Mon petit lait sera clarifié…
Avec la grâce du seigneur. »

Au-delà de l’amour d’une mère pour ses enfants et de la profonde gratitude du fils devenu adulte, Ssendu constitue un émouvant hommage aux mères d’Algérie et plus universellement, à toutes les mamans du monde. Savourez, c’est sublime!
Tendrement à toi chère maman !

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Publié dans:Almanach, Coups de coeur |on 6 juin, 2009 |3 Commentaires »

Les Saints de glace

Ce printemps très clément, du moins en Ile-de-France, a suscité une fréquentation précoce des pépiniéristes et des centres de jardinage, de la part des citadins impatients de fleurir leurs fenêtres avec les inévitables géraniums et pétunias, ou de manier pelle et sarcloir pour planter les légumes qui seront la fierté de leur coin de potager dans quelques semaines … surtout s’ils sont les premiers dans le quartier à « sortir » !
Faut-il accorder du crédit à cette témérité agricole ? Comme l’affirme certaine banque, le bon sens pourrait bien se trouver au coin de ma rue, dans les sympathiques jardins ouvriers, dernières traces maraîchères d’avant la ville nouvelle, si malheureusement de plus juteux projets immobiliers ne les menaçaient pas !

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En matière de jardinage, « chi va piano va sano », qui va doucement va sûrement, ou encore « hâtez-vous lentement » comme disait Boileau, celui-là même qui appartient au fameux procédé mnémotechnique pour se souvenir des grands écrivains du XVIIème siècle, « sur la racine de la bruyère, la corneille boit l’eau de la fontaine Molière » !
Bref, comme me le confiait, il y a quelques jours encore, une aïeule ariégeoise, experte « main verte », il vaut mieux ne rien entreprendre qui pourrait geler avant les Saints de Glace.
Nous-y voilà justement à ce mini âge de glace de trois jours, les 11, 12 et 13 mai, annonciateurs d’un possible retour tardif des gelées capables d’anéantir complètement les efforts prématurés des jardiniers trop impatients.
Rien ne sert de vous précipiter sur votre calendrier de La Poste et ses adorables chatons ! À propos, vous imaginez Olivier Besancenot lors de sa tournée d’étrennes à Neuilly, « cette année, ma p’ite dame, c’est la crise, je n’ai que des bébés et des chiots à vous proposer » !
Ne vouez pas aux gémonies, sainte Estelle, saint Achille et sainte Rolande qui ne sont nullement à l’origine des problèmes existentiels des fleurs et des légumes. Le responsable est le Vatican qui, à l’occasion de plusieurs conciles à bulles, a nettoyé le calendrier des personnages douteux dégageant quelques réminiscences de paganisme.
Ainsi, depuis 1960, vous ne pouvez plus vous vouer à Mamert, patron du 11 mai, Pancrace saint du 12 mai et Servais fêté le 13.
Comme les trois mousquetaires, les Saints de Glace se les gèlent parfois par quatre ! Ainsi, certains leur associent Boniface , saint du 14 mai … n’y voyez aucun culte païen landais envers un inoubliable duo de frères rugbymen qui, au contraire, enflammaient les stades avec leur art du cadrage débordement !
Dans le Gard, on craint les « cavaliers » du froid, contemporains de gelées tardives, saint Georges le 23 avril, saint Marc le 25, saint Eutrope le 30, saint Croix le 3 mai.
Parfois, Urbain, patron du 25 mai, s’invite avec civilité : « Quand la saint Urbain est passée, le vigneron est rassuré » ou « Mamert, Pancrace et Servais sont les trois saints de glace mais saint Urbain les tient tous dans sa main ».
Est-ce à cause d’une confusion phonétique, saint Gervais, nom prédestiné il est vrai, traîne dans le coin, « saint Gervais quand il est beau, tire saint Médard de l’eau » !
Par une incompréhension auditive, Mamert, Pancrace et Servais devenus Saintes Glaces, perdent même leur virilité chez certains.
Comble du paganisme et probable coquille d’imprimerie de Wikipédia qui n’est pas la bible virtuelle, la preuve, « saint Servais, saint Pancrace et saint Mamelon font à trois un petit hiver », l’occasion d’évoquer en tout cas Les seins de glace, le film réalisé par Georges Lautner dans lequel Mireille Darc exhibait sa poitrine de feu à Alain Delon !

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Maintenant que la glace est rompue, faisons plus ample connaissance avec nos saints.
«Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace ». Saint Mamert vécut au Vème siècle au temps des invasions barbares. Il était évêque de Vienne lorsque les Burgondes s’installèrent dans la vallée du Rhône et répandirent l’hérésie arienne avec les Wisigoths de Toulouse. Peu efficace dans ses tentatives de conversion des Burgondes, il obtint plus de succès en instituant les Rogations, du latin rogato signifiant prière de demande.
En effet, on lit dans la Légende dorée de Jacques de Voragine : « Vienne était affligée de fréquents et affreux tremblements de terre qui renversaient beaucoup de maisons et d’églises. Pendant la nuit, on entendait des bruits et des clameurs répétés. Quelque chose de plus terrible arriva, le feu du ciel tomba le jour de Pâques et consuma le palais royal tout entier. De même que, par la permission de Dieu, des démons entrèrent autrefois dans des pourceaux, de même aussi par la permission de Dieu, pour les péchés des hommes, ils entraient dans des loups et dans d’autres bêtes féroces, et sans craindre personne, ils couraient en plein jour non seulement par les chemins mais encore par la ville, dévorant çà et là des enfants, des vieillards et des femmes. »
Décidément, il se passait de drôles de choses dans la vallée du Rhône, souvenez-vous de la Tarasque, dragon terrifiant qui surgissait régulièrement des eaux du fleuve pour dévorer les enfants, le bétail et submerger les bateaux.
Bref, avec la bénédiction du pape, le saint évêque Mamert ordonna trois jours de prières, processions, litanies et jeûne, juste avant l’Ascension du Seigneur ; alors, ces tribulations s’apaisèrent !
Depuis 1969, les conférences épiscopales peuvent fixer les Rogations à une autre période de l’année en fonction des catastrophes mais cette année, on peut envisager de les célébrer aux dates traditionnelles pour conjurer l’épidémie de grippe porcine.

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Le 12 mai est le jour de naissance de ma tendre maman (Saint Ma Mère ?), ce qui ne peut que réchauffer mon coeur en cette date de célébration de Pancrace, second saint de glace de la trilogie et jeune martyr chrétien des premiers siècles. Originaire de Phrygie, en Asie Mineure, orphelin de ses parents très tôt, il est confié à Denys, son oncle paternel avec lequel il se rend à Rome. Il y rencontre le pape Corneille qui le convertit à la foi chrétienne. Malheureusement, il tombe très vite, c’est le moins qu’on puisse dire, dans une sale Galère du nom de l’instigateur des persécutions de Dioclétien promulguées par l’empereur contre les chrétiens, et est décapité sur la voie Aurélienne en 304 alors qu’il n’a que quatorze ans.
Pancras, Brancaziu en corse, signifie aussi rapine ce qui prête à sourire lorsqu’on sait que San Brancaziu fut le grand saint patron des bandits corses et que, sur l’île de Beauté, beaucoup de chapelles et oratoires champêtres sont consacrés au culte de ce saint. Chaque année, les Bastiais fidèles gagnent à pied l’oratoire de Monserrato et gravissent à genoux les marches du magnifique Escalier Saint, la Scala Santa jusqu’au reliquaire contenant des restes des martyrs Pancrace et … Achille (juste le talon ?), comme ils se retrouvent !
Pancrace est encore un saint guérisseur des rhumatisants et un protecteur des troupeaux ce qui explique que la fête de San Brancaziu se déroule à une période de tonte des brebis.
En Corse toujours, Pancrace est connu pour annoncer aux vivants leur mort prochaine en frappant trois coups au pied du lit de celui qui n’a plus que trois jours à vivre. En foi de quoi, n’ayant eu aucune nouvelle à ce jour, vous me subirez au minimum jusqu’à jeudi prochain … mais il est vrai que j’ignore si la prévision s’applique aussi aux natifs normands ! On retrouve pourtant des traces de Pancrace en Normandie sous le nom de Planchers, de même Crampas dans le sud-ouest.

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« Avant la Saint Servais point d’été, après la Saint Servais plus de gelée », voici le tour de notre dernier saint au sang de navet ! Servais occupa très probablement son siège d’évêque du diocèse de Tongres en Belgique, dès 344. On sait qu’au Concile de Rimini en 359-360, il se révéla, avec saint Phébade d’Agen, un des fervents défenseurs de l’orthodoxie catholique contre l’arianisme. Avec infiniment moins de certitude, on avance qu’ayant appris par une vision que les Huns allaient s’attaquer à la Gaule (en fait ce sont les autres, les Vandales qui saccagèrent Tongres !), il se rendit à Rome pour implorer sur sa tombe la protection de saint Pierre. Il semblerait qu’à l’époque, il n’y eût pas de karcher pour se débarrasser de la racaille !!! … mais ce bon saint Pierre, dans une autre vision, rassura Servais en l’informant que si cette invasion était inévitable, il n’en serait cependant pas témoin. Servais, rentré à Tongres, prit congé de ses diocésains et se rendit à Maastricht où il mourut vers 383. Bien vu saint Pierre !

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L’origine des saints de glace remonte à bien avant le christianisme. La météorologie, peu soucieuse des proverbes et de la religion catholique, ne nie pas que certaines périodes printanières jusqu’en mai, sont sujettes à une descente des températures en dessous de zéro, en fin de nuit, qui peut être préjudiciable aux cultures, arbres fruitiers et fleurs sensibles au gel, plus généralement, à une végétation qui aurait démarré précocement.
Les scientifiques avancent deux explications : d’abord, à cette époque, l’orbite de la Terre traverse une zone de l’espace sidéral particulièrement chargé en poussières provenant de résidus de la formation des planètes. Ces poussières faisant légèrement obstacle au rayonnement du soleil, l’intensité lumineuse serait affaiblie. On évoque également un essaim d’étoiles filantes venues de la constellation du Léon formant un écran entre la terre et le soleil et refroidissant donc l’atmosphère.
Ensuite, sous nos climats, mai correspond à la fin de la rapide circulation de systèmes météorologiques d’hiver et quand le ciel se dégage sous un anticyclone, la perte de chaleur est encore importante, surtout la nuit, car la couverture nuageuse ne remplit plus son rôle de conservation de la chaleur accumulée pendant la journée.
Devant ces phénomènes de gel tardif et nocturne constatés empiriquement par les paysans, l’Eglise, très opportuniste, imposa des intercesseurs (un peu comme les multiples coordinateurs pilotes qui pullulent aujourd’hui dans nos organigrammes !), nos trois saints de glace, qui étaient censés protéger les cultures pendant ces jours critiques.
Le hic, il fallait bien s’y attendre, leur patronage fut d’une inefficacité quasi totale et nos trois usurpateurs victimes de la vindicte populaire, finirent par endosser la responsabilité des gelées et recevoir leur lettre de licenciement des calendriers.

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Cependant, leur souvenir persiste et ils provoquent toujours méfiance et appréhension chez beaucoup de passionnés des travaux agricoles. Ceux-ci, dans le même ordre d’idées, regardent aussi d’un mauvais œil la lune rousse, la lunaison qui commence après Pâques, à laquelle on attribue les gelées tardives qui roussissent les feuilles et les bourgeons des jeunes pousses : « Tant que dure la lune rousse, mes fruits sont sujets à fortune ». En réalité, on accuse abusivement cette ronde dame qui a le seul tort d’être visible les soirs où l’atmosphère est dégagée et les nuages absents laissent échapper la chaleur de la terre dans l’espace.
« Le soleil de mai a rendez-vous avec la lune rousse et les saints de glace l’attendent », nul doute que Charles Trenet, dans sa folie chantante, nous aurait tricoté quelques rimes propres à réconcilier les laboureurs et jardiniers, Mamert, Pancrace, Servais, Gervais, Parfait, Miko et les autres dont saint Affrique, évêque du Comminges, quitte à les réunir dans un jardin de curé de la petite commune des Deux-Sèvres, proche de Bressuire, qui porte le nom poétique de Saint-Sauveur de Givre en Mai !
Au ciel, tous nos saints ont peut-être suivi les récents travaux du « Grenelle de l’environnement » avec intérêt et circonspection. En effet (de serre ?), avec la diminution de la couche d’ozone, que vaudront bientôt ces prédictions qui, depuis des siècles, refroidissent les jardiniers dignes de ce nom quand mai pointe son nez ?

Publié dans:Almanach |on 10 mai, 2009 |Pas de commentaires »

Fête l’oeuf de Pâques

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« Voici venir Pâques fleuries,
Et devant les confiseries
Les petits vagabonds s’arrêtent, envieux.
Ils lèchent leurs lèvres de rose
Tout en contemplant quelque chose
Qui met de la flamme à leurs yeux.

Leurs regards avides attaquent
Les magnifiques œufs de Pâques
Qui trônent, orgueilleux, dans les grands magasins,
Magnifiques, fermes et lisses,
Et que regardent en coulisse
Les poissons d’avril, leurs voisins … »

Nul doute qu’en ce dimanche pascal, comme dans ce poème de jeunesse de Marcel Pagnol, le visage de nos enfants et petits-enfants s’éclairera quand vous leur offrirez des œufs en chocolat ou mieux encore, quand ils les dénicheront dans le jardin.
Purs produits de la civilisation des Kinder bueno et des Ferrero Rocher, ils méconnaissent vraisemblablement la symbolique attachée à ces gourmandises.

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Depuis des temps ancestraux, l’œuf, symbole universel de la fécondité et d’une nouvelle vie, est associé au printemps et au renouveau de la nature. Il y a cinq mille ans, les Perses offraient déjà des œufs de poule comme porte-bonheur pour fêter cette saison. Les Romains en cassaient le jour du printemps pour purifier l’atmosphère ; c’est ainsi qu’on découvrit des milliers de coquilles lors de l’ouverture des catacombes chrétiennes de la Rome du IIIe siècle. Les Égyptiens les décoraient et les Gaulois les teignaient pour l’arrivée du printemps.
Depuis le 1er concile de Nicée en 325, Pâques, fête religieuse chrétienne commémorant la résurrection de Jésus-Christ, le troisième jour après sa Passion, correspond au premier dimanche qui suit la première lune de printemps, encore lui !… soit entre le 22 mars et le 25 avril. Pour les chrétiens, ce n’est pas fortuit car à l’équinoxe, le soleil éclaire simultanément tous les points de la terre situés sur le même méridien tandis que la pleine lune continue à réfléchir ses rayons pendant la nuit. La lumière de Dieu !
L’équinoxe de printemps est également une date de référence pour de nombreux calendriers.

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L’œuf de Pâques trouverait sa signification chrétienne au IVe siècle avec l’instauration du Carême, temps de pénitence de quarante jours avant Pâques, durant lequel la consommation d’œufs était interdite par l’Église. Pauvre de moi, fan inconditionnel de l’œuf à la coque (voir billet du 6 mars 2008), heureusement que certaines mœurs ecclésiastiques se sont relâchées !
Conséquence des pratiques religieuses très vivaces dans les campagnes, de grandes quantités d’œufs s’accumulaient donc dans les fermes en temps de jeûne. Ils étaient conservés à la cave dans des pots en grés remplis de chaux. Le meilleur moyen de les écouler était de les offrir aux enfants.
Mon père me contait cette coutume encore observée lorsqu’il était enfant … de chœur dans son petit village natal de Picardie. Il parait à l’envol pour Rome des cloches donc silencieuses du jeudi au samedi saint, en faisant tourner le long des rues de Villers-Campsart, une crécelle, la « tortrelle » (de tourterelle), sorte de roue dentée montée sur un manche contre laquelle vient frapper une lamelle en bois flexible. Ses camarades et lui criaient de loin en loin, selon l’heure, « l’Angélus sonne » ou « Midi sonne » et chantaient le « O Crux ave, spes unica », l’hymne à la croix, devant les calvaires et les chapelles.
Dans chaque ferme, en récompense du service rendu, ils « cueillaient leur pocage » sous forme de pièces en bronze et d’œufs. La bande joyeuse se partageait ensuite plus ou moins équitablement sa collecte, ce qui était source parfois de mémorables batailles d’œufs.
Peut-être alléché par cette tradition, j’émis le vœu d’officier comme enfant de chœur au temps de ma première communion mais mes parents, hussards noirs de la République dans l’âme, y opposèrent un veto formel.
Mon frère conserve comme relique, la fameuse crécelle, parfois nommée aussi « raquette » en Belgique. Imaginer cependant un racket d’oeufs chez nos voisins d’outre-Quiévrain, constituerait pure malveillance étymologique !

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Au XIIe siècle, les gens de condition modeste commencent à s’offrir le jour de Pâques, des œufs bénis à l’église.
Bientôt, les nobles adaptent cette coutume en s’adressant à des artisans, peintres, graveurs, pour décorer les œufs. Louis XIV distribue à ses courtisans des œufs peints à la feuille d’or.
À la fin du XIXe siècle, le joaillier russe Pierre-Karl Fabergé crée sa célèbre collection d’œufs pour le compte des tsars Alexandre III et Nicolas II.

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Un véritable art de la décoration d’œufs en bois ou pierre polie, subsiste toujours, particulièrement dans les pays de l’Est.
La tradition des œufs en chocolat est finalement récente. En France, ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle qu’on commence à vider un œuf frais pour le remplir de chocolat puis à créer des moules pour fabriquer les œufs dans des tailles variées.
Aujourd’hui, cloches, poules et lapins posent auprès des oeufs dans les vitrines parfois très esthétiques des confiseurs. Hors des considérations commerciales évidentes, ces sujets possèdent une valeur symbolique fondée sur des croyances et des pratiques religieuses ou païennes.

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La tradition des cloches de Pâques naît au VIIe siècle lorsque l’Église interdit de les sonner en signe de deuil pour commémorer la période entre la mort du Christ et sa résurrection. Cessent de tinter également les clochettes d’autel agitées par les enfants de chœur. Durant ce temps de l’événement fondateur de la religion chrétienne, les cloches de métal sont remplacées par divers instruments en bois tels la crécelle de ma grand-mère, le martelet, le claquoir, le batelet, l’écalette.
Les cloches retrouvent toute leur vigueur et carillonnent à pleine volée le dimanche de Pâques pour se réjouir que Jésus soit ressuscité.
L’Église récupère en fait des rites païens très anciens à l’occasion desquels on faisait beaucoup de bruit pour marquer l’accouchement printanier de la nature.
Dans la légende contée aux enfants, les aïeux racontent que les cloches sont muettes parce qu’elles sont parties à Rome recevoir la bénédiction du Pape. Elles en reviennent joyeuses le matin de Pâques, munies d’ailes et de rubans ou transportées dans un char, et surtout, cachant sous leur grande jupe de fonte, quantité d’œufs qu’elles disséminent durant leur vol dans les jardins.
Selon les régions, le motif du voyage romain diffère un peu. En Lorraine, on affirme qu’elles vont déjeuner avec le Pape, en Isère, elles iraient se confesser. J’avoue qu’il y a pourtant mieux à faire un « week-end à Rome, tous les deux sans personne afin de coincer la bulle dans ta bulle, vacances ritales » façon Etienne Daho !

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Suivant les pays, les cloches n’ont pas le monopole des transports d’œufs. Au Tyrol, on préfère la poule comme messagère tandis que les Suisses font confiance au coucou malgré sa mauvaise réputation de placer ses œufs dans le nid des autres … existerait-il aussi des paradis fiscaux chez les volatiles ? En Westphalie, on charge le renard de cette mission bien qu’il ne soit pas toujours très amène avec les poules.

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Dans les pays germaniques et nordiques, c’est le lièvre qui, pour une fois, part à point, pour livrer les oeufs à temps. Il symbolise la fécondité (4 à 8 portées par an), la prolifération et l’abondance. C’était l’animal emblématique d’Ostara, la déesse de la fertilité et du printemps chez les Saxons. « Easter » qui signifie Pâques en anglais, tire son nom de cette déesse.
Vers le XVe siècle, le lapin blanc apparaît associé avec les œufs pour honorer le printemps en Alsace et en Allemagne (l’Osterhas).

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En Australie, depuis quelques années, on remplace le lapin par le bilby de Pâques afin de sensibiliser les enfants et dégager des fonds pour la sauvegarde de ce petit marsupial du désert.
La présence d’une « friture » de poissons dans les œufs de Pâques trouve son origine dans la pêche miraculeuse effectuée par Jésus dans les eaux mortes du lac de Tibériade. Beaucoup plus fort que Blaireau, le braconnier campé par Louis De Funès dans Ni vu ni connu, le savoureux film d’Yves Robert !
L’imagination poétique des écoliers d’un cours préparatoire suggère qu’un matin de dimanche de Pâques, un des œufs lâchés par les cloches, roula dans l’herbe et tomba dans l’eau. Une maman poisson avala ce bel œuf multicolore, décoré de cœurs, de traits et de ronds. Dans son ventre, l’œuf se transforma en de nombreux petits œufs de toute beauté. Lorsque la maman pondit dans l’eau, les œufs libérèrent beaucoup de petits poissons brillants et décorés.
Les grands enfants que nous demeurons ne boudent pas la tradition pascale ; ainsi dans le Sud Ouest, on ne casse pas les œufs sans faire l’omelette du lundi de Pâques.
Dans la ferme familiale d’Ariège, rite jusqu’alors immuable, au dessert, la maîtresse de maison apportait sur la table, l’onctueuse omelette ployée déjà délicieuse en temps normal. On plongeait alors la pièce dans l’obscurité et tandis qu’elle saupoudrait de sucre l’omelette, le regretté patriarche répandait généreusement l’eau de vie de prune maison et craquait l’allumette pour flamber. Instant enivrant de regarder les flammes danser dans des effluves de caramel, avant la dégustation ! Voilà une autre madeleine de Proust !
Toujours en Ariège, à Mazères, les chevaliers de la confrérie « mondiale » de l’omelette pascale confectionnent une omelette de plus de dix mille œufs dans une poêle géante de plusieurs centaines de kilos.
L’omelette est aussi prétexte aux pique-niques en plein air, le lundi de Pâques. Ainsi, une année, je surpris ma nièce et quelques unes de ses amies, sacrifiant à la tradition sur un versant enneigé en surplomb de l’étang de l’Hers, dans les Pyrénées ariégeoises.
Même si les considérations liturgiques ont pris un sérieux coup dans l’aile (de poule), les œufs de Pâques feront encore la joie des petits, ce week-end. Comme il n’a jamais été bon de mettre tous ses œufs dans le même panier et qu’on ne les gagne pas sans rien faire, la tradition de les dissimuler dans le jardin, revient à la mode. Mais attention, notez bien sur un papier toutes les cachettes, cela vous évitera de dénicher un œuf oublié quand vous débarrasserez le potager de ses mauvaises herbes !

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Publié dans:Almanach, Recettes et produits |on 10 avril, 2009 |1 Commentaire »

Vive le printemps

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Au-delà de mon clin d’œil iconographique, pour fêter le printemps neuf du vingt et unième siècle, je m’efface derrière les rimes du regretté Félix Leclerc, le père de la chanson québécoise.
Autant Gilles Vigneault est le troubadour de la « poudrerie » et des joyeuses veillées hivernales (à Saint Dilon ou ailleurs), autant l’ami Félix est le chantre du printemps qu’il célébra avec ses bottes, sa chemise à carreaux et sa guitare comme bouclier aux froids,.
« J’aime mon pays parce que les saisons se retrouvent toujours bien à leur place, marquées par la nature et en accord avec elle », confiait-il souvent.
Saluons d’abord son (L’) hymne au printemps, ballade paysanne qui acquit au fil du temps, une dimension politique avec « les crapauds qui chantent la liberté ».

Les blés sont mûrs et la terre est mouillée
Les grands labours dorment sous la gelée
L’oiseau si beau, hier, s’est envolé
La porte est close sur le jardin fané.

Comme un vieux râteau oublié
Sous la neige je vais hiverner
Photos d’enfants qui courent dans les champs
Seront mes seules joies pour passer le temps
Mes cabanes d’oiseaux sont vidées
Le vent pleure dans ma cheminée
Mais dans mon coeur je m’en vais composer
L’hymne au printemps pour celle qui m’a quitté.

Quand mon amie viendra par la rivière
Au mois de mai, après le dur hiver
Je sortirai, bras nus, dans la lumière
Et lui dirai le salut de la terre.

Vois, les fleurs ont recommencé
Dans l’étable crient les nouveaux-nés
Viens voir la vieille barrière rouillée
Endimanchée de toiles d’araignées
Les bourgeons sortent de la mort
Papillons ont des manteaux d’or
Près du ruisseau sont alignées les fées
Et les crapauds chantent la liberté
Et les crapauds chantent la liberté.

Levons maintenant nos yeux vers l’azur pour le Passage de l’outarde, cet oiseau échassier qui file vers le nord. Entre chaque couplet, Félix en imite le sifflement …

« Passage de l’outarde en mai, qui file vers le nord
Plus qu’une main de femme fait frissonner mon corps
Mes ailes fatiguées ne peuvent pas la suivre
Sans île dans l’azur, plus de raison de vivre

Qu’ai-je fait qu’ai-je dit durant tous ces hivers
L’oreille sur ma porte attendant une venue ?
La porte s’est ouverte dans un éclat de rire
Et à l’oiseau en cage une île est apparue

Depuis bien des matins je t’apprends la marée
La semence du grain et la fin des gelées
Mais toi riant tout plein tu m’apprends que la joie
Tu la portes en ton sein et que l’auteur c’est moi

Passage de l’outarde revenant de bien loin
Elle fuit la poudrerie avec tous ses poussins
Dans mon jardin d’automne debout cabrant les reins
Je lui montre ma vie au bout de mes deux poings. »

Il suggérait de « prévoir que dans la vie, il y a des périodes différentes qui sont à l’image de nos quatre saisons ».
Profitons donc du printemps ! … et en toute saison, écoutez Félix Leclerc, un immense poète qui, avec sa guitare, savait faire des trous dans la glace !

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Ma vitre est un jardin de neige

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« Qu’il est doux, qu’il est doux d’écouter des histoires,
Des histoires du temps passé,
Quand les branches d’arbres sont noires,
Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !
Quand seul dans un ciel pâle un peuplier s’élance,
Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher
L’immobile corbeau sur l’arbre se balance,
Comme la girouette au bout du long clocher ! «

Un petit bonjour d’Alfred … de Vigny en ce matin où ma vitre est un jardin de neige. Dehors qu’il est glacial ce vent qui donne la chair de poule d’eau ! Dedans, qu’il est doux de raconter mes histoires !

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Publié dans:Almanach |on 13 février, 2009 |Pas de commentaires »

C’est l’hiver!

En ce début d’année 2009, les Rois Mages apportent des flocons de neige dans leur corbeille d’offrandes. Aujourd’hui, à midi, le mercure descend de six degrés en-dessous du zéro fatidique! Les enfants sont heureux…

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Publié dans:Almanach |on 6 janvier, 2009 |Pas de commentaires »

Bonne année 2009

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Cela fait un an que j’ai plongé dans la blogosphère, au départ, pour moi, par curiosité et par jeu … et peu à peu pour vous qui semblez apprécier mes écrits à la plume trempée dans l’encre violette puis formatés numériquement avec la police arial 10 points !
Le cap des 30 000 visites a été franchi, il y a deux jours. C’est à la fois ridicule en comparaison des centaines de milliers de clics quotidiens pour une vidéo de YouTube ou Dailymotion, et étonnant eu égard à la modestie de mes sources d’inspiration.
La lecture de mes billets a peut-être changé le cours de vos émotions mais vous avez aussi modifié les miennes. Désormais, lors de mes lectures et promenades, au fil des expositions, concerts et festivals de cinéma, vous m’accompagnez dans un coin de mon esprit … et si ce que je vois, j’entends et je ressens, je vous le faisais partager?
Avec l’an neuf, deux mille neuf même, je reprends mon bâton de pèlerin (transition habile pour annoncer un très prochain article) pour mon plaisir et, je souhaite encore, le vôtre.
Meilleurs vœux pour que cette nouvelle année qu’on nous promet morose, vous offre tout de même quelques petits bonheurs.

Publié dans:Almanach |on 1 janvier, 2009 |5 Commentaires »

La bûche de Noël comme chez nous

Déguster la bûche de Noël préparée dans la ferme familiale d’Ariège, est un plaisir attendu qui émoustille les papilles.
Réminiscence des souvenirs de l’enfance et de la cuisine de nos grand-mères, elle constitue un petit bonheur à la manière de la madeleine chère à Marcel Proust. Etrange coïncidence, ces deux pâtisseries se succèdent dans le vieux carnet aux pages jaunies où la maîtresse de maison consigne ses recettes.

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Dans notre époque « bling bling », il est certes des bûches aux textures et aux arômes plus sophistiqués ou au design plus tapageur, mais celle dont je vous parle, possède la simplicité et l’authenticité des plats paysans de cette « terre courage » occitane.
La tradition du gâteau roulé de Noël remonte au XIXe siècle et si j’en crois un récent article paru dans le quotidien La Dépêche du Midi, il aurait été inventé, en 1879, par Antoine Charadot, un pâtissier de la rue de Buci à Paris.
En fait, cette spécialité culinaire reproduit un rite beaucoup plus ancien lié à diverses célébrations du solstice d’hiver telles les feux de joie des celtes. En effet, depuis au moins le XIIe siècle, il était de coutume d’allumer dans l’âtre, lors de la veillée de Noël, une vraie bûche dont la flamme serait un hommage au soleil.

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Le tronc ou la souche, coupés avant le lever du soleil, devaient être suffisamment grands et durs pour se consumer, sinon du 24 décembre à l’Epiphanie, du moins le temps de la veillée dans l’attente de la naissance du divin enfant. Censés garantir une bonne récolte pour l’année suivante, ils étaient choisis, de préférence, dans un bois d’arbre fruitier, symbole de fertilité, comme le cerisier, le noyer, le châtaignier ou l’olivier. Selon les provinces françaises, cette bûche se nomme aussi suche en Bourgogne tronche en Franche-Comté, tréfou dans le Loir-et-Cher, kef Nedeleg en Bretagne, calignaou (bois d’olivier) en Provence.
Tout un cérémonial accompagnait son installation. Décorée de feuillages et de rubans, elle était portée à deux jusqu’à la cheminée puis bénie par le chef de famille, parfois avec de l’huile ou de l’eau-de-vie, souvent avec une branche de buis ou de laurier conservée précieusement depuis les Rameaux. Le rite de l’allumage fluctuait selon les régions et les superstitions. Souvent, il incombait au plus vieux et au plus jeune de la famille. En Provence, auparavant, au seuil de la porte, l’aïeul et le cadet buvaient trois fois du vin en offrande. En Saône-et-Loire, la combustion était surveillée pendant la messe de minuit, par un homme armé d’un fusil pour éviter l’extinction due à un démon malveillant, synonyme d’un futur grand malheur. Dans cette France ancienne fortement rurale, les croyances étaient vivaces. Dans des régions viticoles, on arrosait régulièrement la bûche de sel pour chasser les sorcières, et de vin cuit pour assurer une bonne vendange. Ailleurs, il ne fallait s’occuper du bois qu’avec les mains, aucun instrument ne devant le toucher, ou placer dans l’âtre, autant de bûches que le foyer possèdait d’habitants. Beaucoup d’étincelles embrasant la cheminée promettaient une excellente moisson, l’été suivant, ou un mariage dans la maisonnée ; si la lumière du feu projetait des silhouettes sur le mur, c’était le mauvais présage du décès d’un membre de la famille dans l’année. On conservait les cendres pour se protéger des orages, guérir de certaines maladies ou fertiliser les terres. On promenait aussi la bûche dans le jardin pour éloigner les insectes. Imagine-t-on, de nos jours, dans notre France quoique encore obscurantiste d’une autre manière, deviner à travers la combustion de son insert, l’évolution de la crise économique qui nous secoue ou la résorption du chômage ? Les embûches ne vinrent pas des sorcières éloignées mais de la fée électricité et de la disparition des grandes cheminées remplacées par des poêles en fonte, qui portèrent atteinte à la coutume des bûches brûlées. Dans un premier temps, on imagina un succédané en déposant un modeste tronçon de bois décoré de bougies et de verdure, au centre de la table de Noël. Puis la tradition fut perpétuée avec le délicieux dessert à base de crème au beurre dont la forme rappelle la bûche des âtres d’antan. Ce n’est pas la seule pâtisserie liée au cycle de Noël. Ainsi, en Alsace, le kouglof ou kugelhopf, préparé dans un moule spécial en poterie de Soufflenheim ou Betschdorf, est une brioche qui tire son origine d’une légende prétendant qu’elle fut confectionnée par les Rois Mages pour remercier de son hospitalité, un pâtissier de Ribeauvillé du nom de Kugel.
En Provence, on sacrifie à la fin du souper de Noël, à la tradition des treize desserts, treize comme Jésus et les douze apôtres, « douze assiettes de friandises à base des produits du jardin et du potager et une treizième beaucoup plus belle, remplie de dattes ».
Chez nous, la bûche se prépare la veille de Noël. Bien avant qu’on se lève, la cuisinière enfourne sa pâte génoise puis après cuisson, la laisse reposer, enroulée dans un linge humide. Plus tard, la famille alléchée, assiste à la confection de la crème au beurre parfumée au café ou au chocolat (cette année, c’est café !). A voir leurs yeux écarquillés, certains attendent avec impatience que soit étalée complètement la crème sur la pâte, pour curer le récipient avec le doigt. Encore quelques dessins avec la fourchette pour figurer le lignage du bois et l’objet de toutes les convoitises rejoint le réfrigérateur jusqu’au lendemain.
Quelques instants avant de l’apporter sur la table, la cuisinière orne son œuvre, osons écrire son chef d’œuvre, de quelques attributs, un sapin, une scie, un lutin et sa hache, des baies de houx. Je vous laisse deviner la suite avec un verre de vin moelleux, en l’occurrence, un Pacherenc du Vic-Bilh, vendanges de novembre !

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Le téléphone sonne … une nièce, au travail en ce jour de fête, supplie de lui garder une part ! Elle envisage d’effectuer la recette pour le jour de l’an. Comme ma compagne a, depuis longtemps, assimilé les leçons culinaires de sa maman, la coutume de la bûche de Noël n’est pas prête de se consumer dans la famille.

 


 

Publié dans:Almanach, Coups de coeur, Recettes et produits |on 29 décembre, 2008 |2 Commentaires »

Mes marchés de Noël en Alsace

Bien qu’y possédant des attaches familiales, depuis plusieurs décennies, je n’avais encore jamais eu l’occasion de me trouver en Alsace à l’époque des marchés de Noël. Depuis quelques jours, cette lacune est comblée.

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Cette coutume ancestrale subit malheureusement, elle aussi, les effets de la mondialisation et, victime des dérives commerciales, perd peu à peu son âme. On la retrouve, dévoyée, dans le moindre village de France et à l’étranger, souvent transformée en salon des saveurs et des terroirs. Cependant, c’est en Alsace et en Lorraine que l’on perçoit encore véritablement un peu de l’authenticité de cette chaleureuse tradition.
L’origine du marché de Noël remonte, en Alsace et en Allemagne, au XIVe siècle sous l’appellation de « marché de Saint-Nicolas ». Un document de 1434 fait état d’un « Striezelmarkt » se tenant à Dresde, le lundi précédent Noël.
A la fin du XVIe siècle, la Réforme protestante estimant la célébration de Saint Nicolas, trop païenne, le remplace par le Christkindel, l’Enfant-Christ, qui rappelle le don de Dieu fait aux hommes.
Officiellement, le marché de Noël de Strasbourg remonte à 1570 et le Christkindelsmärik de la place Broglie en constitue le coeur historique tandis que les élégants chalets de bois servant d’échoppes, affluent désormais dans de nombreux autres quartiers de la capitale européenne.

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A l’origine, le marché se déroulait la semaine avant Noël. Aujourd’hui, pour des raisons probablement mercantiles, il commence avec l’Avent, période qui débute le quatrième dimanche avant Noël dans les églises utilisant le calendrier romain. Ainsi, les commerçants proposent les couronnes de l’Avent, autre coutume de l’Est de la France. En général, elles sont tressées avec des branches de pin ou sapin, de houx et de gui. Leur forme ronde évoque le soleil et son retour chaque année. Pour les chrétiens, elles symbolisent le Christ Roi et le houx rappelle les épines posées sur sa tête. Suspendues aux portes et fenêtres, elles sont ornées parfois de quatre bougies successivement allumées chaque dimanche de l’Avent.
Vers dix-sept heures, la nuit tombe tôt en Alsace, la féerie s’installe avec les illuminations qui embrasent la ville. Place Kléber, un grand sapin scintille d’étoiles aux couleurs des pays membres de l’Union européenne. A ses pieds, cachés dans un massif rappelant les montagnes vosgiennes, des anges soufflent dans des trompettes.

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L’Alsace est le berceau de l’arbre de Noël, le premier aurait été dressé à Sélestat en 1521 tandis qu’il serait apparu à Paris seulement trois cents ans plus tard, en 1837, grâce à la princesse Hélène de Mecklembourg, épouse du duc d’Orléans. On prétend encore que Marie Leszcynska, femme de Louis XV, l’aurait introduit à Versailles, en 1738, sans grand succès. L’influence venue de l’Est , semble incontestable. Cette coutume, née de la fusion de traditions chrétiennes et païennes, trouverait son origine en Allemagne. Selon la légende, Saint Boniface de Mayence, moine évangélisateur du VIIe siécle, voulant convaincre les druides des environs de Geismar que le chêne n’était pas un arbre sacré, en fit abattre un exemplaire qui, dans sa chute, écrasa toute la végétation excepté un jeune sapin. Face à ce miracle, Boniface déclara que ce conifère s’appellerait désormais l’arbre de l’Enfant Jésus et depuis lors, on planta de jeunes sapins pour célébrer la naissance du Christ.
Au XIe siècle, un arbre de paradis, garni de pommes rouges, était dressé lors des Mystères de Noël, scènes jouées sur le parvis des églises pour raconter la naissance de Jésus. Au fil des siècles, le sapin s’enrichit, outre les pommes, d’hosties, de confiseries et de multiples objets plus ou moins symboliques. Au XVe siècle, brille à la cime de l’arbre, une étoile rappelant aux catholiques, celle de Bethléem guidant les rois mages. Deux siècles plus tard, apparaissent les premières illuminations avec, accrochées aux branches, des coquilles de noix remplies d’huile, ancêtres des bougies et guirlandes électriques.
Une pénurie de pommes consécutive à une forte sécheresse, en 1858, aurait amené un artisan verrier de Goetzenbruck, en Moselle, à créer les boules décoratives en remplacement du fruit qui rappelait que sur l’ancien calendrier des saints, le 24 décembre était réservé à Eve et Adam. Depuis une dizaine d’années, le centre d’art verrier de Meisenthal revisite cette tradition des boules de Noël en verre.
Le sapin artificiel est une invention récente mais les strasbourgeois, attachés à la tradition, aiment encore acquérir un spécimen naturel auprès des pépiniéristes installés devant les colonnes de l’Opéra, à l’extrémité de la place Broglie (en Allemagne, c’est sensiblement moitié prix !).

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Je me glisse maintenant dans les allées étroites du Christkindelsmärik pas trop encombrées en ce milieu de semaine froid et pluvieux. Les étals sont envahis par les accessoires utiles aux décorations autour et sur le sapin ainsi que par les friandises typiques de cette fête. Signe des temps, quelques stands proposent des objets qui tiennent plus de la foire et la fête foraine que de la tradition de Noël.

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Plaisir des yeux lors de ma déambulation sous une voûte d’étoiles bleutées ! Ici, on vend des boules avec des motifs hivernaux et des guirlandes multicolores, là, de jolies répliques en bois de scènes villageoises devant les typiques maisons alsaciennes à colombages. Des pères Noël de toutes sortes tournoient, suspendus à l’auvent des échoppes.

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Des santonniers exposent les petits sujets en argile cuite peints ou à peindre qui enrichiront la crèche au pied du sapin . Le « santoun », petit saint en provençal, a de multiples sources d’inspiration, les personnages de la Nativité, les vieux métiers d’autrefois, l’actualité aussi, selon l’esprit créatif du potier. Me reviennent soudain des images de ma jeunesse lorsque mon oncle de Marseille m’accompagna à l’extraordinaire foire aux santons le long de la Canebière. J’avais choisi le moulin de Fontvieille cher à Alphonse Daudet et quelques uns des personnages de ses contes.

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Plaisir du palais aussi ; une forte colonie allemande improvise un « kolossal » goûter autour des stands de friandises. Les « bretzels » sucrés ont leur faveur qu’ils arrosent d’un ou plusieurs gobelets de vin chaud dont les effluves de cannelle se répandent dans le marché.

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En Alsace, Noël est prétexte à confectionner de nombreuses pâtisseries, en tête de liste, les fameux bredle ou bredele, d’ailleurs un marché leur est exclusivement réservé place d’Austerlitz. Le bredele est un délicieux petit gâteau sucré (en tout cas, moi j’adore !) d’origine très ancienne, qui revêt presque autant de formes et compositions que de familles alsaciennes. L’anisbredele, sablé à l’anis, le schwowebredele, petit gâteau des Souabes, le butterbredele, au beurre, moulé à l’emporte-pièce, sont parmi les plus populaires. L’alsacien s’exclamera « D’Kritchtkingel backt Bredele » devant un flamboyant coucher de soleil d’hiver, les lutins activant le fourneau à en faire rougir le ciel tandis que la Mère Noël prépare ses bredele !

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Les épices d’Orient acheminées par le Rhin, dès le XVIe siècle, favorisèrent la fabrication du pain d’épice alsacien qui perdure encore ; le petit village de Gertwiller en est même la capitale. En cette période, il prend la forme de couronne d’Avent, sapin, père Noël, roi mage, vierge, croissant de lune et cœur…
Bien d’autres pâtisseries sont de circonstance comme le lekerle, petit rectangle parfumé au miel et recouvert de sucre glace, le männele, pain au lait en forme de bonhomme, le christstolle, pain très consistant aux fruits secs et épices en forme d’enfant emmailloté que l’on déguste après le 28 décembre en souvenir du massacre des saints innocents à Bethléem.
Pour sacrifier au rite du vin chaud, je préfère la chaleur douillette d’une winstub de la rue Outre en face du restaurant gastronomique d’excellente renommée Au crocodile.

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Devant la célèbre maison Kammerzell, un Charlot blanc comme neige donne l’illusion d’être statufié et guette une modeste obole pour agiter sa canne. A quelques mètres, sur le parvis de la cathédrale, quatre Pères Noëls musiciens nous offrent un concert jazzy.

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Nous entrons dans le magnifique monument gothique envahi par les touristes, pour admirer la crèche mise en scène de la naissance de Jésus de Nazareth. Surprise, devant la mangeoire de l’étable, Marie et Joseph sont seuls; le quotidien régional Les Dernières Nouvelles d’Alsace ne nous signale pourtant aucun rapt de bébé ! En fait, la tradition veut que le divin enfant n’apparaisse que dans la nuit du 24 au 25 décembre, après les douze coups de minuit.
Non loin de là, sur la droite, Gaspard, Melchior et Balthazar, les trois rois mages en adoration, sont accompagnés d’animaux exotiques, éléphant et dromadaire, leur servant de montures. Dans certains endroits, ils ne trouvent place qu’à l’Epiphanie ; ici, ils se rapprocheront progressivement de l’étable avec leurs offrandes.

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Saint François d’Assise aurait créé, en 1223, la première crèche vivante dans son église de Grecchio, en Italie. Peu à peu, cette coutume se répand en Europe, les tableaux vivants étant remplacés par des crèches de figurines. La réforme protestante, réticente devant les représentations figurées, condamne la crèche, lui préférant la tradition du sapin comme symbole de la Nativité ; inutile donc d’entrer dans les temples nombreux en Alsace.
Aujourd’hui, grâce aux santonniers, les crèches ont pénétré les foyers.
Curieuse époque, je relève dans la presse locale que des lycéens musulmans ont refusé l’installation d’une crèche au pied du sapin de leur établissement. Où vont donc se nicher les signes ostentatoires de la laïcité !

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Le lendemain, je rejoins quelques villages de la « route des vins » afin de retrouver un peu de la fraîcheur (pas celle du mercure qui s’entête à stagner en dessous du zéro !) des marchés d’antan avant que des cohortes de touristes de la « France de l’intérieur » n’envahissent Strasbourg.
A l’entrée de Zettelberg, petit bourg viticole accroché à une colline, une crèche rappelle les images naïves des livres animés de mon enfance.

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A Riquewihr, superbe cité médiévale, nous nous régalons, dans une winstub, les uns d’un baeckoffe, moi d’une choucroute très bien garnie, fleurons d’une « alsacitude » gastronomique. Derrière moi, dans une attendrissante crèche, Marie a accouché avant terme et le petit Jésus a déjà pris place dans son lit de paille.

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Je mets à profit l’attente de l’heure entre chien et loup afin de mieux goûter aux illuminations, pour visiter, dans la ville haute, un merveilleux magasin ouvert toute l’année. Son enseigne n’est pas usurpée : « La féerie de Noël ». Dès le seuil franchi, naît l’enchantement mais attention, le cheminement est malaisé dans cette maison labyrinthe et mieux vaut ne pas avoir le profil d’un éléphant dans un magasin de décorations de Noël ! On arpente un mini village alsacien dans son manteau d’hiver ; d’un balcon, on surplombe un sapin enneigé aux ornements scintillants, on traverse une forêt de guirlandes, étoiles et boules, on se glisse entre des tables somptueusement décorées selon des harmonies différentes, on croise des pères Noël, des bonhommes de neige, des anges, dans des postures et des couleurs variées. Vous y trouverez votre bonheur pour les Noëls futurs ; cependant, gare aux prix un peu élevés en ces temps de crise.
Je sors de la boutique pour entrer, presque en face, dans La légende des sorcières, autre prétexte à rêver. A Riquewihr, les sorcières portent bonheur depuis qu’au XVIIe siècle, Marie Wolf qui vivait recluse après la mort de son fiancé soldat, fit fuir l’ennemi, avec ses longs sanglots lors d’une de ses promenades sur les remparts. En effet, « même pas peur » en me faufilant au milieu de ces sorcières pendues au-dessus de ma tête ou assises sur des étagères ! Est-ce fortuit, j’en ai remarqué une au nom de Ségolène mais chacun peut faire broder le prénom de son choix !
Dans la pénombre, les maisons à colombages prennent leur air de fête. Des Pères Noël montent en rappel le long des façades pour atteindre la cheminée. Des ours bruns et polaires se promènent sur le rebord des fenêtres, des cerfs tirent des traîneaux, le temps de l’enfance est revenu.

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Il se prolonge, un peu plus tard, à Kaysersberg. Les lumières créent une atmosphère irréelle en se reflétant sur le pavé mouillé de la chaussée. Les petites cours de la vieille ville revêtissent leurs plus beaux atours. Dans une échoppe, nous achetons une bûche plus vraie que nature, constituée de deux serviettes à main couleur chocolat. La petite fille à qui nous l’avons offerte, a bien ri de voir sa maman la déposer dans le réfrigérateur.

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Un petit tour dans l’église pour l’incontournable crèche orpheline de l’enfant pas encore né avant de nous réchauffer avec un vin chaud dans (l’ancien) restaurant de Roger Hassenforder, un coureur des tours de France de mon enfance aussi fantasque et facétieux que les joyeux lutins qui ont squatté le lavoir au bord de la Weiss.

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Le lendemain, à Strasbourg, j’arpente, une fois encore, les rues étroites de la cathédrale au Christkindelmärik, les sens en éveil, à la découverte d’émotions nouvelles Des enfants glissent sur une patinoire de fortune comme dans un tableau de Brueghel. On rêve encore sur les marchés de Noël en Alsace mais prenons garde de ne pas casser nos jouets à cause d’un mercantilisme outrancier !

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Publié dans:Almanach, Coups de coeur |on 21 décembre, 2008 |2 Commentaires »

Georges Brassens à Crespières

Il y a, ce jour, vingt-sept ans, Georges Brassens « cassait sa pipe » légendaire.
Il faudra, sans doute, attendre trois ans et le nombre rond du trentième anniversaire, pour assister au concert de louanges et publications d’ouvrages, CD « best-of » et de chansons inédites ou introuvables, bref toutes ces choses plus mercantiles que sincères. Dans l’un de mes premiers billets (voir 26 décembre 2007), je vous avais emmené au fond de la mythique impasse Florimont, du XIVe arrondissement de Paris, où Brassens connut, entre 1944 et 1966, le temps des vaches maigres puis « les trompettes de la renommée ».
Aujourd’hui, en guise d’hommage, je vous entraîne, à une quinzaine de kilomètres de mon domicile, au fond d’un vallon verdoyant. C’est là qu’en 1958, dans la campagne, entre Crespières et Thiverval-Grignon, petits villages ruraux dans ce qui est encore le département de Seine-et-Oise, il acquiert le moulin de la Bonde, alors désaffecté, pour se soustraire quelque peu à sa notoriété grandissante dans la capitale et recevoir plus confortablement sa « bande de cons », les copains d’abord, à l’étroit à l’impasse.

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Son choix (celui, en fait, de son secrétaire Gibraltar, chargé de la transaction immobilière) prête à sourire car les quelques hectares de prés et de bois qui entourent le domaine, sont limitrophes du camp militaire de Frileuse, réputé pour sa discipline très sévère, où les jeunes recrues effectuent leurs classes avant d’incorporer leur régiment.
Du père anar qui écrivait en 1946 dans la revue Le Libertaire jusqu’au père plus peinard, d’accord pour « mourir pour des idées mais de mort lente », Brassens n’eut de cesse de chanter son irrévérence et sa désobéissance volontaires envers les conventions sociales ainsi que son aversion pour l’hypocrisie de la société
Dans la société mollement consensuelle d’aujourd’hui, il est malaisé d’imaginer que ses couplets antimilitaristes firent grand bruit à leur sortie :

« C’était l’oncle Martin, c’était l’oncle Gaston
L’un aimait les Tommies, l’autre aimait les Teutons
Chacun, pour ses amis, tous les deux ils sont morts
Moi, qui n’aimais personne, eh bien ! je vis encor …

…On peut vous l’avouer, maintenant, chers tontons
Vous l’ami les Tommies, vous l’ami des Teutons
Que, de vos vérités, vos contrevérités
Tout le monde s’en fiche à l’unanimité

 

De vos épurations, vos collaborations
Vos abominations et vos désolations
De vos plats de choucroute et vos tasses de thé
Tout le monde s’en fiche à l’unanimité … »

Et, lors de ses concerts, des rangs entiers de spectateurs se levaient, outrés qu’on puisse mettre sur un même plan, résistants et collabos.
Semblable incident s’était produit, deux ans auparavant, avec des anciens combattants choqués :

« Depuis que l’homme écrit l’Histoire
Depuis qu’il bataille à cœur joie
Entre mille et une guerr’ notoires
Si j’étais t’nu de faire un choix
A l’encontre du vieil Homère
Je déclarerais tout de suite:
« Moi, mon colon, cell’ que j’préfère,
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit! »

Est-ce à dire que je méprise
Les nobles guerres de jadis
Que je m’soucie comm’ d’un’cerise
De celle de soixante-dix?
Au contrair’, je la révère
Et lui donne un satisfecit
Mais, mon colon, celle que j’préfère
C’est la guerr’ de quatorz’-dix-huit… »

Les querelles se turent peu à peu, Brassens expliquant aux journalistes qu’il fallait bien évidemment dépasser le premier degré et déceler les véritables messages que délivraient ses rimes.
D’ailleurs, Les deux oncles révèlent un pacifisme visionnaire en ce temps-là :

« …Maintenant que vos controverses se sont tues
Qu’on s’est bien partagé les cordes des pendus
Maintenant que John Bull nous boude, maintenant
Que c’en est fini des querelles d’Allemand

Que vos fill ‘s et vos fils vont, la main dans la main
Faire l’amour ensemble et l’Europ’ de demain
Qu’ils se soucient de vos batailles presque autant
Que l’on se souciait des guerres de Cent Ans… »

Le camp de Frileuse existe toujours, occupé désormais par la gendarmerie nationale … autre tête de turc du poète.
Ce matin, je longe le long mur d’enceinte de l’INRA, l’institut national d’agronomie, puis m’enfonce doucement dans le vallon. Je laisse sur la gauche, le hameau du Val des 4 Pignons qui revêtira, plus tard, une importance capitale. Bientôt, la chaussée devenue plane, suit le méandre d’un modeste ruisseau, le Ru de Gally.

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Encore, quelques dizaines de mètres dans un sous-bois clair et … voilà qu’apparaît un long corps de bâtiments aux façades mangées par la vigne vierge encore verte.

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Sur un pignon, une plaque discrète renseigne le curieux.

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Instant d’émotion. J’imagine le « gros » comme aimait le surnommer ses amis quand il acheta ici. C’est d’ailleurs une des raisons qui le poussèrent à se réfugier dans cette campagne pour fuir la vie sédentaire de Paris et faire fondre ses cent dix kilos à travers la rénovation du moulin. Il s’attela, notamment, avec son ami écrivain René Fallet, à détourner et canaliser le cours du Ru de Gally courant dans sa propriété.
En m’élevant sur le coteau, en face, je distingue dans le parc, au bord du ruisseau, un majestueux saule pleureur à défaut du Grand Chêne qu’il débita en rimes :

« Il vivait en dehors des chemins forestiers,
Ce n’était nullement un arbre de métier,
Il n’avait jamais vu l’ombre d’un bûcheron,
Ce grand chêne fier sur son tronc… »

… Grand chên’, viens chez nous, tu trouveras la paix,
Nos roseaux savent vivre et n’ont aucun toupet,
Tu feras dans nos murs un aimable séjour,
Arrosé quatre fois par jour… « 

Georges, qui se partage entre le moulin et l’impasse, s’éloigne complètement de celle-ci lorsqu’en 1966, la célèbre Jeanne, s’éprend et épouse, à soixante-quinze ans, un éthylique de trente ans son cadet.
Dans les années 1965 et 66, des coliques néphrétiques récurrentes, bien plus que les travaux de la campagne, l’amaigrissent au, point que la presse s’interroge et évoque un cancer . Certain journaliste annonce même sa mort à la radio ce qui lui fait répondre, au téléphone, à Fallet, affolé, que « c’est très exagéré » !
C’est ainsi que, jaloux de sa vie privée, pour brocarder ces ragots, il commet son salace « Bulletin de santé » :

« J’ai perdu mes bajou’s, j’ai perdu ma bedaine,
Et, ce, d’une façon si nette, si soudaine,
Qu’on me suppose un mal qui ne pardonne pas,
Qui se rit d’Esculape et le laisse baba.

Le monstre du Loch Ness ne faisant plus recette
Durant les moments creux dans certaines gazettes,
Systématiquement, les nécrologues jou’nt,
À me mettre au linceul sous des feuilles de chou.

 

Or, lassé de servir de tête de massacre,
Des contes à mourir debout qu’on me consacre,
Moi qui me porte bien, qui respir’ la santé,
Je m’avance et je cri’ toute la vérité.

 

Toute la vérité, messieurs, je vous la livre
Si j’ai quitté les rangs des plus de deux cents livres,
C’est la faute à Mimi, à Lisette, à Ninon,
Et bien d’autres, j’ai pas la mémoire des noms.

 

Si j’ai trahi les gros, les joufflus, les obèses,
C’est que je baise, que je baise, que je baise
Comme un bouc, un bélier, une bête, une brut’,
Je suis hanté : le rut, le rut, le rut, le rut ! … »

Sa santé fragile lui suggèrera plus tard, ce bon mot lorsqu’à la question « que signifient pour vous 1968 ? », il répondra « des calculs »… rénaux bien sûr, cloué qu’il était sur son lit de la clinique Jouvenet durant les évènements de mai !
Au moulin, Brassens a probablement écrit de nombreuses chansons ; ce dont on est certain, en tout cas, c’est qu’il y enregistre artisanalement avec Pierre Nicolas à la contrebasse, et trois assistants pour la technique, les deux albums de 1966 et 1969. Imaginez, amis de Georges, que vous écoutez sur votre platine, entre autres chefs d’œuvre, la « non demande en mariage » et la « supplique pour être enterré à la plage de Sète », en différé du moulin de la Bonde !
A Crespières, il honore l’amitié, tous les passagers de ce bateau qui, peut-être, « naviguait en père peinard sur la grand-mare des canards du Ru de Gally ». René Fallet, à l’amitié jalouse et possessive, lui rend visite en semaine pour ne pas croiser les autres, les camarades sétois d’enfance (Eric Battista, athlète champion de France de triple saut et peintre notoire, fit une aquarelle du vallon et du moulin), les copains de Basdorf et du STO en Allemagne, les amis du music-hall et du cinéma. La liste des familiers du moulin, est longue et prestigieuse : Marcel Amont, Guy Béart, Georges Moustaki, Pierre Louki, Boby Lapointe, Fred Mella soliste des Compagnons de la Chanson, Lino Ventura, Raymond Devos, Brel plus épisodiquement. Il n’y a que La Jeanne qui refuse obstinément de quitter Florimont. Ils sont là ce matin dans mes pensées, aux fenêtres de la grande dépendance. Je n’oublie pas Bourvil qui habitait à moins d’une lieue, et est inhumé sur le plateau, dans le joli village de Montainville. Il offrait volontiers les services de son employée de maison pour aider Puppchen, la non-demandée en mariage, à nourrir toute la bande.

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A défaut, les joyeux drilles filent au village, à L’Auberge des Routiers, en bordure de la route qui mène à Saint-Nom-la-Bretèche. Je me souviens y avoir remarqué derrière le comptoir, quelques photographies souvenirs de leurs libations. Un soir de 1966, toute l’équipe du Théâtre National Populaire se retrouva là, après un des concerts où, pendant un mois, Brassens et Juliette Gréco enchantèrent la salle du palais de Chaillot.
Brassens aime aussi à parler philosophie avec le curé de Thiverval-Grignon, l’abbé Marsadon qui dira à sa mort, « non, Brassens n’était pas un bouffeur de curés, il n’aimait pas les cons, c’est tout ! »
Ce temps heureux cesse en 1970, lorsque le terrain jouxtant la propriété est vendu à un promoteur qui entreprend la construction du lotissement du … Val des 4 Pignons !
« 1027 pavillons, ça fait 1027 pelouses donc 1027 tondeuses à gazon, il faut se barrer ! » décrète Brassens qui, du jour au lendemain, quitte Crespières.

« …Il (Le grand chêne) eût connu des jours filés d’or et de soie
Sans ses proches voisins, les pires gens qui soient ;
Des roseaux mal pensant, pas même des bambous,
S’amusant à le mettre à bout… »

Brassens retourne à Paris, « auprès de son arbre » dans ce XIVe arrondissement où il vécut heureux, achetant bientôt une maison à Lézardrieux en Bretagne.
Le moulin sera vendu en 1976. Entre temps, peu après que Brassens l’eût déserté, des visiteurs indélicats, à plusieurs reprises, se servent, cassent portes et fenêtres, dérobent même radiateurs et compteur électrique, inspirant ces Stances à un cambrioleur :

« Prince des monte-en-l’air et de la cambriole
Toi qui eus le bon goût de choisir ma maison
Cependant que je colportais mes gaudrioles
En ton honneur j’ai composé cette chanson

Sache que j’apprécie à sa valeur le geste
Qui te fit bien fermer la porte en repartant
De peur que des rôdeurs n’emportassent le reste
Des voleurs comme il faut c’est rare de ce temps

 

Tu ne m’as dérobé que le stricte nécessaire
Délaissant dédaigneux l’exécrable portrait
Que l’on m’avait offert à mon anniversaire
Quel bon critique d’art mon salaud tu ferais

 

Autre signe indiquant toute absence de tare
Respectueux du brave travailleur tu n’as
Pas cru décent de me priver de ma guitare
Solidarité sainte de l’artisanat … »

J’ai un faux air de maraudeur, à rôder aux abords de la propriété habitée encore par le souvenir du poète. J’entends les rires du « capitaine » Georges et de « ses matelots, pas des enfants de salauds », assis sur les chaises de jardin défraîchies, au bord du ruisseau.

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Sous la verrière, tout en haut de la dépendance, résonnent les refrains hilarants de Boby Lapointe qui séjourna ici avec son pianiste. Brassens l’adorait et l’associa à plusieurs premières parties de ses concerts. Dans La religieuse qu’il enregistra ici, il commit ce calembour à faire pâlir d’envie, l’ami de Pézenas, orfèvre en cet exercice : « Et les enfants de chœur, branlant du chef, opinent ». Sait-on que Brassens, accompagné de sa guitare, aimait fredonner à ses copains, des chansons paillardes, et avait en projet d’en enregistrer un album avec quelques unes de sa composition. Dans un disque posthume d’inédits, Jean Bertola osa inclure S’faire enc… !
A regret, je quitte ce « p’tit coin de paradis » à forte charge émotionnelle, et rejoins le village distant d’environ trois kilomètres. « Au village, sans prétention, il n’avait pas mauvaise réputation », au contraire même.Il faisait des dons aux œuvres sociales, notamment pour les personnes âgées et les écoles. Il suivait les enterrements, allait boire un verre de prune au bistrot de la Mère Lebourg, s’approvisionnait en tabac pour sa pipe, chez le buraliste. Le monsieur aux gros mots apparaissait finalement très doux, respectueux et aimable.
Que reste-t-il, aujourd’hui, de Brassens à Crespières ? Récemment, des amoureux bénévoles organisèrent un festival Génération Brassens où de jeunes talents et des moins jeunes chantaient les vers du poète. En 2007, l’absence de subventions a mis fin à cette manifestation.
La municipalité a rendu hommage à l’artiste en baptisant de son nom, une rue … d’un nouveau lotissement tel que ceux qui le firent fuir en son temps !

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L’Auberge des Routiers survécut encore quelques années avant de céder la place à un restaurant plus chic que les propriétaires eurent le bon goût d’appeler « Les sabots d’Hélène ».

« Moi j’ai pris la peine
De les déchausser
Les sabots d’Hélèn’
Moi qui ne suis pas capitaine
Et j’ai vu ma peine
Bien récompensée
Dans les sabots de la pauvre Hélène
Dans ses sabots crottés
Moi j’ai trouvé les pieds d’une reine
Et je les ai gardés… »

Quelle n’est pas ma déception, aujourd’hui, de constater que depuis peu, en guise d’enseigne, les tongs d’un restaurant asiatique ont remplacé les sabots !
« L’éternel estivant qui fait du pédalo sur la plage (de Sète) en rêvant, qui passe sa mort en vacances » aurait, aujourd’hui, 87 ans depuis une semaine.
Avec le temps, tout s’en va … chantait l’autre « anar » Léo Ferré. Je vous prouve qu’en ce qui me concerne, il n’en est rien !

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans:Almanach, Coups de coeur |on 29 octobre, 2008 |6 Commentaires »

Jacques Brel, 30 ans déjà!

« La pluie est traversière,
Elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs
Qui fredonnent Gauguin
Et par manque de brise,
Le temps s’immobilise
Aux Marquises. »

Cela fait aujourd’hui trente ans que le temps s’est figé pour l’immense Jacques Brel ; trente ans qu’il nous a demandé de « rire, de danser, de s’amuser comme des fous quand c’est qu’on l’mettra dans l’trou » , tout près du peintre Gauguin dans le cimetière d’Atuona, seul village de l’île d’Hiva-Oa isolée au milieu du Pacifique.
Trente ans, c’est un compte rond pour une commémoration et pour nombreuses opérations commerciales juteuses mais bien moins talentueuses et sincères que le « Grand Jacques » ! Le manuscrit, sur un cahier d’écolier, d’Amsterdam (à l’origine, le titre était Pisser dru!) s’est vendu hier 110 000 euros. Ce sera au moins l’occasion de retrouver l’univers « brélien » et le pays qui était le sien, dans l’édition du DVD de Franz, le premier film qu’il réalisa avec Barbara comme actrice à ses côtés.
J’ai eu l’occasion (voir billet du 16 décembre 2007 « Pagny (dé)chante Brel) de vous conter mes souvenirs de jeunesse à propos du poète et des concerts auxquels j’eus le bonheur d’assister. Aujourd’hui, plus encore qu’à l’habitude, je regarderai avec émotion les pochettes de ses disques vynil et j’écouterai quelques uns de ses merveilleux refrains, « oldies but (tellement) goodies » comme on dit dans la langue de Shakespeare.
Poète, chanteur, comédien, réalisateur mais aussi navigateur et aviateur ; hier, presque par hasard, en me promenant sur les Champs-Elysées, dans le cadre du centenaire de l’industrie aérospatiale française. j’ai admiré le Wassmer Super 421, l’un des deux avions que posséda Brel, construit en bois et en toile.

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Brel disait « je n’aurais jamais été chanteur si j’avais pu être Blériot ». « Quand je ne chante pas, je fais de l’avion, ou j’en rêve. Ce qui est beau, c’est de faire du rase-mottes dans les nuages. On trouve des routes, on suit des avenues, on se perd… »

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Peut-être, allait-il voir d’un peu plus près le Bon Dieu à qui il régla son compte, lui préférant l’homme, dans son dernier disque avec la sublime pochette d’un ciel nuageux bleu tel un message, l’image du paradis des Marquises qu’il avait choisi pour finir ses jours.

« Toi, si t’étais l’bon Dieu
Tu f’rais valser les vieux
Aux étoiles
Toi
Toi, si t’étais l’bon Dieu
Tu allumerais des bals
Pour les gueux

Toi
Toi, si t’étais l’bon Dieu
Tu n’s’rais pas économe
De ciel bleu
Mais
Tu n’es pas l’bon Dieu
Toi, tu es beaucoup mieux
Tu es un homme. »

Brel avait un côté inimitable et nombre de chanteurs se sont cassés les dents à vouloir l’interpréter. Exceptionnellement, je vous invite vivement à écouter la déchirante version de la valse lente du Bon Dieu par son compatriote Arno.
Si tu étais le bon dieu … Jacques Brel aurait 80 ans en avril prochain !

Publié dans:Almanach, Coups de coeur |on 9 octobre, 2008 |3 Commentaires »

Y a plus de dicton!

« Y a plus d’jeunesse, y a plus d’saison
Y a plus d’printemps, y a plus d’automne
Tout fout l’camp …
Y a plus d’soleil
Y a plus d’romance
Y a plus de bon air
Y a plus d’essence
Tout fout l’camp … »

A ce savoureux pamphlet de Mouloudji, l’interprète de l’inoubliable « Comme un p’tit coquelicot » dont je vous entretiendrai bientôt, je pourrais ajouter « Y a plus de proverbe, y a plus de dicton »
En effet, du moins dans un petit village d’Ariège, il a fait soleil à la Saint Médard et j’ai pu pointer quelques boules sur le boulingrin face à la ferme. Par contre, Saint Barnabé qui semble ne pas supporter le chômage technique, n’a pas trouvé mieux que d’ouvrir les vannes célestes, fêtant à sa façon, l’anniversaire du déluge.

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Peu avant la Saint Guy, à l’honneur le lendemain, nous avons dû chausser les bottes et ouvrir les parapluies pour entamer une drôle de danse avec les pelles et les balais. Etait-ce un hommage prémonitoire à Cyd Charisse, vous vous souvenez celle qui faisait tournoyer sur son pied, le canotier de Gene Kelly dans Singing in the rain, décédée lundi dernier ?
Sous le halo des réverbères, le spectacle était à la fois désolant et fascinant. L’eau dévalant des collines gonflait le ruisseau de la Tuilerie lequel, avec beaucoup d’impétuosité, inondait les rigoles du pré commun à hauteur des passerelles donnant au village un air de Venise ariégeoise.

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Des dizaines d’escargots, chassés des talus, avaient colonisé le mur de l’école. En face, notre voisin se félicitait de l’obligation de surélever sa maison neuve de soixante-dix centimètres ; seule sa pelouse engazonnée était transformée en vaste étang.

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En rentrant à la ferme, dans la pénombre, j’ai manqué marcher sur deux crapauds.
Tout fout l’camp ! Décidément, on ne sait plus à quels saints se vouer !

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Publié dans:Almanach |on 19 juin, 2008 |Pas de commentaires »

La Saint Médard

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« A la Saint Médard mon Dieu qu’il a plu
Au coin du boul’vard et de la p’tite rue
A la Saint Médard mon Dieu qu’il a plu
Y aurait pas eu d’bar on était fichus !
A la Saint Médard mon Dieu qu’on s’est plu
Tous deux au comptoir en buvant un jus
A l’abri dans l’bar on s’est tell’ment plu. »

Je me souviens, lors d’un concert au théâtre Saint-Georges à Paris, du désopilant quatuor des « Frères Jacques » vêtus de collants bicolores, gants blancs, chapeaux claques et fausses moustaches, et affublés de parapluies pour évoquer, dans une chorégraphie poétique, cette histoire d’eau.

« … Il a encore plu
A la Saint Barnabé, oh ça tant et plus
Pour bien nous sécher au bar on a bu
Trois jus arrosés puis on s’est replu.
Saint Truc, Saint Machin, toujours il pleuvait
Dans le bar du coin, au sec on s’aimait.
Au bout d’quarante jours quand il a fait beau
Notre histoire d’amour est tombée à l’eau. »

Qui sont donc ces saints qui alimentent, chaque première quinzaine de juin, les sempiternelles conversations sur « le temps qu’il fait » ?
Saint Médard serait né en 456 dans le petit village picard de Salency, de l’union d’un noble franc Nectardus, et Protagia, une noble gallo-romaine. Il serait mort dans sa quatre-vingt-dixième année, longévité remarquable pour l’époque, le 8 juin 545 à Noyon. Il avait un frère jumeau Gildard qui est complètement tombé dans les oubliettes malgré une honorable « carrière » d’archevêque de Rouen puis de … saint !
Dès l’enfance, Médard manifeste beaucoup de compassion et de générosité à l’égard des plus démunis. On dit qu’il offrit ses vêtements neufs à un mendiant aveugle presque nu. Une autre fois, alors qu’il les amenait à l’abreuvoir, il donna un des chevaux de son père à un paysan qui venait de perdre le sien à la tâche. Déjà touché par la grâce, lorsqu’il ramena les chevaux et que son père les compta … il n’en manquait aucun !
Un jour de déluge pluviométrique, du Ciel bienveillant apparut un aigle qui déploya ses ailes au-dessus de lui, faisant office de parapluie. Cela explique qu’on représente parfois le saint de ce jour avec ce rapace le survolant.
A propos, l’introduction du calendrier grégorien dans l’usage officiel a provoqué la suppression des fêtes de douze saints. C’est ainsi qu’auparavant Médard était fêté le 20 juin, jour voisin du solstice d’été. C’est à cette époque qu’apparaissent les premières dans le ciel parce que les plus brillantes, les étoiles du triangle d’été dont fait partie Altaïr de la constellation de l’Aigle … étrange coïncidence !
Plus grand, il fait ses études ecclésiastiques en compagnie de son frère, à Vermand près de Saint-Quentin. On prétend qu’ils assistent Saint Rémi, évêque de Reims, lors du baptême de Clovis en 496.
En 530, le même Saint Rémi qui semble le porter en haute considération, nomme Médard évêque de Vermand. L’année suivante, cause ou conséquence de cette nomination, le siège épiscopal est déplacé et Médard devient évêque de Noyon, ville voisine de Salency.
En 532, à la mort de leur évêque Saint Eleuthaire, les habitants de Tournai réclament Médard pour le remplacer. Sur l’insistance du roi mérovingien Clotaire, il finit par accepter et le pape le nomme, unifiant le diocèse de Tournai et celui de Noyon. On loue son zèle infatigable, parcourant les bourgs et villages, prêchant, consolant les fidèles, administrant les sacrements et développant le règne de la foi. La reine Radegonde reçoit le voile de ses mains quand elle se fait religieuse.
Il meurt à Noyon et ses reliques sont transportées à Soissons où sera érigée l’abbaye de Saint-Médard. Son culte rayonnera à travers l’hexagone où plus de soixante-dix communes portent le nom de Saint-Médard.
Quelques-unes de ses reliques seraient conservées en l’église Saint-Médard, située en bas de la rue Mouffetard à Paris, au sud-est de la Montagne Sainte-Geneviève. La construction de cette église s’étala du XVème au XVIIIème siécle, et fut interrompue durant les guerres de religion et notamment le « tumulte de Saint-Médard » qui entraîna le saccage de l’église par les protestants en 1561.
La légende dit que Saint-Médard institua à la fin du Vème siècle, la fête de la « rosière », à l’occasion de laquelle, on remet une couronne de roses à la jeune fille dont la conduite irréprochable, la vertu et la piété ont marqué le village. La première rosière aurait été la sœur de Saint-Médard et la tradition se perpétue encore dans certains de nos villages. On peut voir dans la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Médard à Paris, une toile de Louis Dupré représentant « Saint-Médard couronnant la première rosière ».

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Dans l’esprit de cette coutume, au XIXème siécle, pour fêter son accession au trône et sa victoire à Austerlitz, Napoléon décrète que des jeunes filles pauvres et vertueuses seront dotées par l’Etat et mariées.
Rappelez-vous aussi Guy de Maupassant : « C’était l’époque où l’on couronnait des rosières aux environs de Paris, et l’idée vint à Madame Husson d’avoir une rosière à Gisors … Pas une ne sortit intacte de cette enquête scrupuleuse. Françoise interrogeait tout le monde, les voisins, les fournisseurs, l’instituteur, les sœurs de l’école et recueillait les moindres bruits. Comme il n’est pas une fille dans l’univers sur qui les commères n’aient jasé, il ne se trouva pas dans le pays une seule personne à l’abri d’une médisance … Or, un matin, Françoise qui rentrait d’une course, dit à sa maîtresse : ‘Voyez-vous, madame, si vous voulez couronner quelqu’un, il n’y a qu’Isidore dans la contrée.’ »
C’est ainsi que l’on retrouva Bourvil, en équivalent masculin de rosière dans l’adaptation cinématographique de cette farce villageoise par Jean Boyer sur un scénario de Marcel Pagnol !
Sur Barnabé, fêté le 11 juin, on est beaucoup moins prolixe. Il nous est connu par le livre des Actes des Apôtres » : « Joseph, que les apôtres avaient surnommé Barnabé (ce qui signifie l’homme du réconfort), était un juif originaire de Chypre. Il avait une terre, il la vendit et en apporta l’argent qu’il déposa au pied des Apôtres. » Discernant le charisme de Paul, il a l’audace d’introduire auprès des apôtres, cet ancien persécuteur de chrétiens. Il participe avec lui à son premier voyage à Chypre et en Asie Mineure, et témoigne avec lui à Jérusalem devant tous les responsables de l’Eglise, des merveilles que Dieu accomplit chez les païens !!!
Nos deux héros du jour se sont-ils jamais rencontrés ? … en tout cas, chaque année, ils sont réunis dans le fameux dicton :
« S’il pleut à la Saint Médard, il pleut 40 jours plus tard (pendant quarante jours) … à moins que Saint Barnabé ne lui coupe l’herbe sous le pied. » … que dans certaines régions, on prolonge par « Mais s’il pleut à la Saint Barnabé, ce sera Saint Gervais (le 19 juin) qui fermera le robinet. »

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Parapluies de bergers en Ariège

Vous excuserez mon manque de professionnalisme sur ce dossier, je n’ai pu rencontrer aucun témoin direct qui puisse me fournir des éléments indiscutables, aussi je me contente de vous livrer pêle-mêle, quelques suppositions sur l’origine de ce conflit météorologique.
Il se dit que la Saint Médard passait pour être le jour anniversaire du Déluge et donc que la vindicte populaire l’accabla : « Saint Médard, grand Pissard ». De même, « Quand il pleut à la Saint Médard, si l’on boit du vin, on mange du lard » se justifie par le fait que la pluie nuit à la culture de la vigne mais favorise celle des choux qui accompagnent le lard dans l’assiette à la ferme ».
Certains prétendent qu’une grande sécheresse sévissant dans leur région, les habitants de Salency auraient réclamé un coup de piston à leur ancien évêque devenu saint lequel, pourtant loin de toute campagne électorale, aurait exaucé leurs prières et leur aurait envoyé des averses pendant plus d’un mois.
Ces agriculteurs, ils ne sont jamais contents, c’est bien connu … quand il pleut, il leur faut le soleil, quand Râ est généreux, c’est trop sec, et tout est prétexte à réclamer des indemnités pour catastrophe naturelle ! Je les taquine, je connais les vicissitudes du temps et je les estime pour avoir eu dans ma famille, nombre de représentants de cette valeureuse corporation (souvenez-vous ma mémé Léontine dans les portraits de famille !).
D’autres sources mettent en avant l’esprit vertueux de Médard qui, offusqué du mauvais comportement des jeunes à l’occasion des bals célébrant le retour du printemps, intercéda auprès de Dieu pour qu’il fasse tomber la pluie, quarante jours durant, jusqu’au temps des moissons.
Ses relations privilégiées avec les crachins, averses, ondées, orages ont conduit laboureurs et marchands de parapluies à le vénérer et en faire leur patron. Et lorsque la pluie miraculeuse ne tombait pas, la population pouvait se venger en aspergeant d’eau la statue de Saint Médard.
Une légende bretonne met en exergue les pépins (le mot est de circonstance) entre Saint Médard, marchand de parapluies et Saint Barnabé, vendeur d’ombrelles. Une année où il fit très beau, la conjoncture économique lui étant néfaste, Médard sollicita Dieu qu’il fasse tomber la pluie pendant au moins quarante jours. Son vœu fut exaucé, et chaque année, à l’époque de sa fête, la vente des parapluies fut florissante. Le bonheur des uns faisant dit-on le malheur des autres, le commerce d’ombrelles du pauvre Barnabé périclita. A son tour, celui-ci pria Dieu de faire briller le soleil et … il ne plut que durant trois jours.
Une autre version plus « kleenex » prétend que Saint Médard perdit un âne auquel il était très attaché, ce qui déclencha un tel torrent de larmes que villes et champs furent inondés. Heureusement, la providence plaça sur son chemin Saint Barnabé qui lui ramena l’âne trois jours plus tard.
A l’heure de la mondialisation et des cultures OGM, les dictons disparaissent peu à peu de la mémoire collective même si celui qui nous préoccupe aujourd’hui, demeure encore vivace dans nos esprits surtout si ce 8 juin 2008 est pluvieux … nous ne manquerons pas de guetter alors le bulletin météorologique de mercredi prochain.
Sont-ils le fruit de l’imagination fertile de nos ancêtres et de croyances superstitieuses ou au contraire, de précieuses connaissances accumulées au fil des siècles par des observateurs rigoureux ? Une étude accomplie à Lyon sur une durée de soixante ans, montre qu’il a plu 30 fois à la Saint-Médard et qu’il plut 15 jours sur les 40 qui suivirent. Les 30 fois où le ciel fut clément, il plut également 15 jours dans les 40 jours suivants.
En 1692, pendant la guerre de la ligue d’Augsbourg, en présence de Louis XIV qui s’était déplacé personnellement, ses soldats maudirent Médard lors du siège de Namur et de sa citadelle : « La pluie tomba par torrents. La Sambre débordée se répandait dans les plaines couvertes de moissons verdoyantes. Les ponts de la Méhaigne furent emportés et entraînés dans la Meuse. Les routes se transformèrent en fondrières. Les tranchées étaient tellement engorgées d’eau et de boue qu’il fallut trois jours pour passer un canon d’une batterie à une autre. En pareille circonstance, l’autorité de Louis XIV fut nécessaire pour maintenir l’ordre. Ses soldats montrèrent beaucoup plus de respect pour lui que pour certaines choses placées sous la sauvegarde de la religion. Ils maudirent cordialement Saint Médard ou brûlèrent toutes celles de ses images qu’ils purent trouver. »
« Juin bien fleuri, vrai paradis », « Juin froid et pluvieux, tout l’an sera grincheux », « Beau mois de juin change l’herbe rare en beau foin », « Beau temps en juin, abondance de grain », « Eau de juin ruine le moulin », « Pluie de juin fait belle avoine et maigre grain » … tous ces dictons liés au temps de la fenaison et empreints d’une certaine poésie tombent en désuétude et ne font plus le bonheur que de quelques almanachs. « Ma bonne dame, avec leurs expériences dans le ciel, le temps est détraqué, il n’y a plus de saison » !!!! Ce dimanche matin, nous scruterons le ciel … S’il fait beau, ce sera barbecue dans le jardin ; si la pluie est au rendez-vous, nous ferons des claquettes avec Claude Nougaro ou chanterons et danserons avec Gene Kelly ou bien encore nous prendrons la grand-route …

« Elle cheminait sans parapluie
J’en avais un, volé, sans doute
Le matin même à un ami
Courant alors à sa rescousse
Je lui propose un peu d’abri
En séchant l’eau de sa frimousse
D’un air très doux, elle m’a dit oui.

Un p’tit coin d’parapluie
Contre un coin d’paradis
Elle avait quelque chose d’un ange
Un p’tit coin d’paradis
Contre un coin d’parapluie
Je n’perdais pas au change pardi. »

Je me sauve vite avec cet ange, je ne veux pas de pépin avec Barnabé !

 

 

 

Publié dans:Almanach |on 6 juin, 2008 |Pas de commentaires »

Fête des Mères et Collier de nouilles


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Aujourd’hui, c’est la fête des mamans, l’un des évènements les plus populaires du calendrier. Traditionnellement, elle se célèbre le dernier dimanche de mai sauf lorsque celui-ci coïncide avec la Pentecôte ; elle est alors reportée au premier dimanche de juin.Un demi siècle fut nécessaire, en France, pour officialiser cette manifestation.
Cependant, les premiers germes apparaissent dans les sociétés anciennes. Ainsi, dans la Grèce antique, au printemps, sont organisées des cérémonies en l’honneur de Rhéa, femme de Cronos et mère de tous les dieux, notamment Poséidon et Zeus.. Dans la mythologie romaine, Rhéa est assimilée à Cybèle, l’aïeule de tous les dieux ; elle est surnommée la déesse des Bérécynthes. Dans son recueil « Les antiquités de Rome », le poète Du Bellay lui rend hommage :

« Telle que dans son char la Bérécynthienne
Couronnée de tours, et joyeuse d’avoir
Enfanté tant de dieux, telle se faisait voir
En ses jours plus heureux cette ville ancienne … »

A Rome, justement, jusqu’au Vème siècle avant Jésus-Christ, au mois de juin, sont célébrées les « Matralia », la fête des femmes et des mères. Rassemblées au temple de Mater Matuta, la « Mère du Matin », les romaines offrent à la déesse des galettes jaunes symbolisant le soleil puis portent dans leurs bras, les enfants de leurs sœurs et non pas les leurs.
L’émergence de la religion chrétienne entraîne la disparition de tous ces rites.
En Grande-Bretagne, entre le XVème et XVIIème siècle, lors du « Mothering Sunday », organisé d’abord au début du carême puis au quatrième dimanche de printemps, les mères qui travaillent comme domestiques dans les familles fortunées, ont congé pour retourner à leur domicile, passer cette journée avec leur famille.
Cependant, la véritable origine moderne de la Fête des Mères, nous arrive des Etats-Unis (comme beaucoup de choses, malheureusement pas toujours aussi heureuses !).
En 1872, l’écrivain Julia Ward Howe lance l’idée, à Boston, d’octroyer un jour de l’année aux mères pour les célébrer. Jugée trop originale, l’initiative est assez rapidement abandonnée avant d’être reprise en 1907 par Anna Jarvis, une habitante de Philadelphie. Elle demande aux autorités de la Virginie qu’un office religieux en l’honneur de toutes les mères soit organisé chaque second dimanche de mai, date anniversaire de la mort de sa maman. Cette fois, la coutume prend son essor et le président Wilson l’officialise par décret, en 1914.
En 1917, les soldats américains, engagés sur le vieux continent, dans la première guerre mondiale, envoient des cartes à leurs mamans à l’occasion de la Fête des Mères et exportent ainsi le concept.
En fait, l’idée germe en France depuis quelques années. Dès 1897, l’Alliance Nationale contre la dépopulation suggère de fêter les familles nombreuses. Ainsi, fleurissent quelques « Fêtes des Enfants » où l’on récompense plus l’enfant, fruit de l’union, que la mère qui a donné le jour.
En juin 1906, à l’initiative de « l’Union fraternelle des pères de familles méritants » d’Artas, en Isère, se déroule la première célébration des mères avec remise de diplômes et décorations aux plus méritantes.
Le 16 juin 1918, est créée la première « Journée des Mères », à Lyon. Plusieurs familles reçoivent des récompenses notamment offertes par le Président de la République.
Le 9 mai 1920, dans un contexte de politique nataliste, le ministre de l’Intérieur autorise la première « Journée Nationale des Mères de familles nombreuses ». Une collecte publique est organisée avec succès dont les fonds récompensent les familles qui repeuplent la France. Cette année-là, des enseignants d’Alsace proposent à leurs élèves, de fabriquer un objet et rédiger un compliment en l’honneur de leur maman.
Le succès grandissant de cette manifestation conduit le gouvernement à décider la mise sur pied, chaque année, de la « Journée des Mères » dont la première cérémonie se tient le 20 avril 1926 avec remise de médailles.
En 1941, le régime de Vichy inscrit la Fête des Mères au calendrier. La nouveauté est qu’on y honore toutes les mamans
Enfin, une loi du 24 mai 1950 signée par le Président de la République Vincent Auriol, institue la Fête des Mères sous la forme que l’on connaît actuellement.
En bref, il aura fallu attendre la fin des colliers de tickets de rationnement pour connaître et commettre … les colliers de nouilles que nous-mêmes d’abord, nos chers enfants ensuite, ont fabriqué avec amour.

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Il est, aujourd’hui, de bon ton d’ironiser sur tous ces petits cadeaux bricolés à l’école dans la quinzaine précédant la fête. Qui ne s’est pas tordu de rire avec le dessinateur Reiser devant ses caricatures hilarantes de parents interloqués par les objets d’un goût plus que douteux que leur rejeton a imaginés avec la complicité d’une maîtresse « sadique » ! Qui sait, d’ailleurs, si cette bande dessinée de la fin des années 1970, n’a pas contribué à une prise de conscience artistique et à la disparition progressive du collier de nouilles. Il constitue une telle caricature qu’aucun enseignant n’oserait aujourd’hui en proposer la confection.
C’est d’ailleurs la savoureuse réflexion proposée dans le cadre d’une « conphérence singulière » de Mademoiselle Morot, chercheuse au Conservatoire des Curiosités, à laquelle j’ai eu le bonheur d’assister il y a quelques semaines.
Ce spectacle décalé, monté par le Théâtre de la Marionnette, se tenait dans un lieu appuyant le propos, en l’occurrence, la salle de classe 1900 reconstituée au Musée départemental de l’Education du Val d’Oise.
Pour y avoir réalisé plusieurs films, je peux témoigner de la qualité de l’ équipe d’animation qui organise de remarquables manifestations culturelles en perspective avec les riches archives scolaires dont recèle le musée.
Les deux acteurs jouent sur la limite entre le vrai et le faux, faisant, par exemple, déjà de l’entrée dans la salle, un moment de représentation. Ainsi, la personne dont j’ignore encore qu’elle est la fameuse Mademoiselle Morot, m’accueille de manière quelque peu infantilisante en m’imposant, vu ma taille, de m’installer à un banc de la dernière rangée. A jouer le jeu, je me mets dans la peau du cancre de service et choisis évidemment la table près du radiateur, un beau pupitre avec encrier de porcelaine et banc à dossier, sentant bon l’encaustique et … l’encre violette ! Je passe sur les mines interloquées et penaudes des quelques retardataires devant les remarques acerbes proférées par l’inflexible enseignante. L’autre acteur, au regard peu éveillé, mâchouillant inlassablement son chewing-gum, assis près du tableau, interprète un emploi consolidé qui assistera la conférencière dans une présentation maladroite de différents supports iconographiques et la lecture hésitante et monocorde de quelques poèmes d’enfants.

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Bientôt, dans ce décor nostalgique, Mlle Morot entame son analyse des colliers de nouilles en approfondissant la problématique écrite au tableau: « Le cadeau de fête des mères, élément récurrent de l’art scolaire et des patrimoines familiaux, peut-il encore débrider les imaginaires tant dans les sphères éducatives que privées ? »
S’en suit une désopilante et magistrale apologie, abondamment illustrée, du bijou en coquillettes dont les « élèves » ressortent enrichis de moult connaissances sur l’origine de ce rituel, sur l’amour filial, sur les techniques de collage et le design des pâtes, sur les limites de la créativité en milieu scolaire et les responsabilités éducatives des uns et des autres.

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A l’issue de la conférence, les spectateurs sont invités à découvrir dans la salle voisine, « 45 ans de cadeaux en nouilles collées », une incroyable exposition qui a été confiée au Conservatoire des Curiosités par Madame Ferretti, habitante de l’île bretonne de Molène. La conférencière et son stagiaire ainsi que Madame Ferretti elle-même via une video, nous font profiter de leurs commentaires éclairés ! Outre les incontournables colliers et parures jalousement enfermés dans des vitrines (leur valeur s’est accrue considérablement ces derniers mois avec l’explosion du prix du blé !!!), nous découvrons de surprenants objets en nouilles séchées tels un buste-baromètre, un téléphone, un voilier, un phare et même un cercueil (la bière de Molène !). Ces objets loufoques et souvent d’un mauvais goût profond constituent de véritables pièces à conviction pour raconter une farce … convaincante.

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La représentation s’achève par un verre de l’amitié (un cidre, île de Molène oblige !) au cours duquel surgit encore la distance théâtrale à travers quelques gags.
Au-delà de ce spectacle, sans vouloir réhabiliter les colliers de nouilles, les paniers en boîte de camembert, les bougeoirs en pots de yaourt, soyons tout à fait honnêtes, quelle est la jeune maman qui n’a pas eu un instant d’émotion devant l’objet, témoignage de tendresse de leur enfant ?
Les enseignants ont développé d’autres activités artistiques et sont souvent devenus réfractaires à régler le calendrier scolaire sur les fêtes religieuses et commerciales. La croissance des situations familiales compliquées peut expliquer également la désaffection de la coutume.
Le temps a effacé de ma mémoire ce que mes petites mains de l’époque, confectionnaient pour ma chère maman. Je me souviens seulement qu’au matin de ce jour , j’accompagnais mon papa chez le fleuriste pour choisir un bouquet ou une plante que j’offrais rayonnant à l’heure du repas.
Dans ma vie adulte, je n’ai dû manquer que deux fêtes pour cause d’éloignement à l’étranger. Je ne saurais trop l’expliquer, j’avais besoin des yeux de ma mère, plus brillants encore qu’à l’accoutumée.
Cela me fait penser aux vers infiniment tendres et émouvants qu’éructe le chanteur belge Arno :

« Ma mère elle a quelque chose
Quelque chose dangereuse
Quelque chose d’une allumeuse
Quelque chose d’une emmerdeuse…
Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière
L’amour je trouve ça toujours
Dans les yeux de ma mère…
Ma mère elle m’écoute toujours
Quand je suis dans la merde
Dans les yeux de ma mère
Il y a toujours une lumière… »

La mienne n’était ni dangereuse, ni allumeuse (ou alors d’incendies de douceur), encore moins emmerdeuse ! Lorsqu’elle s’est absentée à jamais, nombre de « mes » présents me sont revenus. Bien au-delà du « filialement correct » et des récupérations commerciales, ils jalonnent une vie de tendresse indéfectible et témoignent de jours heureux dont je suis terriblement orphelin.
Je connais une petite fille qui écrivit à sa maman, « Maman, tu es ma DS » et avouant ses lacunes orthographiques, elle ajouta entre parenthèses, «je ne sais pas écrire DS mais ce n’est pas ma console » !

Bonne fête à toutes les mamans qui me liront. Elles ne sont sans doute pas toutes heureuses mais chacune est unique car elle est celle qui a donné la vie.

Un petit complément tendre et émouvant: voir billet « Bonne Fête Mamans » du 6 juin 2009

Publié dans:Almanach |on 25 mai, 2008 |1 Commentaire »

Le muguet

« Il est revenu le temps du muguet Comme un vieil ami retrouvé Il est revenu flâner le long des quais Jusqu’au banc où je t’attendais Et j’ai vu refleurir L’éclat de ton sourire Aujourd’hui plus beau que jamaisLe temps du muguet ne dure jamais Plus longtemps que le mois de mai Quand tous ses bouquets déjà se sont fanés Pour nous deux rien n’aura changé Aussi belle qu’avant Notre chanson d’amour Chantera comme au premier jour »

 C’est l’occasion, en reprenant les premiers vers de cet hymne au muguet, de rendre hommage à son auteur Francis Lemarque. Chanteur engagé, il écrivit de nombreux succès dont l’inoubliable « A Paris », popularisés notamment par Yves Montand. Ironie de la mort, ils reposent côte à côte au cimetière du Père Lachaise.

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Le muguet de mai est une plante herbacée et vivace des régions tempérées dont les fleurs forment des grappes de clochettes blanches très odorantes. Il se multiplie facilement dans la fraîcheur des sous-bois grâce à son rhizome traçant. Il se cultive aussi à l’ombre des jardins.
Sa tige unique est une hampe glabre dressée supportant la grappe de fleurs et penchant assez fortement. De la base, s’élèvent généralement deux feuilles, d’une longueur de 10 à 20 centimètres, finissant en pointe.
Au moment de la fructification, à partir de juillet, les clochettes blanches sont remplacées par des baies rouges.
Le muguet est une plante qu’il faut apprécier avec les yeux et le nez mais en aucun cas goûter. Fleurs et fruits, tige et feuilles sont particulièrement toxiques.

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Son appellation latine de Convallaria Majalis indique qu’il pousse en mai dans les vallées.
Son nom français connu dans les textes du Moyen Age sous la forme de mugue et musguet, puis mugade et muguette, est un dérivé de musc et muscade, sans doute en raison de son parfum.
On lui connaît une multitude de noms souvent très poétiques comme clochette des bois, grelot et grillet en raison de sa fleur en forme de campanule, lys des vallées, amourette, larmes de Sainte Marie. La légende voulant qu’Apollon ait tapissé le mont Parnasse, de muguet pour que les neuf muses ne se blessent pas en marchant, est à l’origine du sobriquet de Gazon de Parnasse.
Après le « daffodil » de la jonquille, je ne résiste pas à vous livrer sa savoureuse traduction anglaise de « Lily of the valley ». Cela aurait pu être une héroïne balzacienne, c’est presque le titre de l’un de ses romans.
En Picardie, on appelle parfois « muguet bleu », la jacinthe des bois.
Dès le XVIème siècle, le muguet était un parfum très apprécié des hommes et, jusqu’au XIXème siècle, il servait à désigner un homme très élégant.
« Passé huit heures du soir, les héros de roman ne courent pas les rues dans le quartier des Invalides. Muguet n’était encore qu’un adolescent médiocre lorsqu’il tourna l’angle de la rue de Ségur. » C’est ainsi qu’Antoine Blondin (dont je vous ai déjà entretenu pour ses chroniques sur le Tour de France) entame « L’Europe buissonnière », son roman insolent sur la seconde guerre mondiale. Muguet et les autres personnages traversent l’Europe mais leurs seules conquêtes sont des femmes. Avec un esprit de légèreté et sa légèreté d’esprit, Blondin narre les aventures de Muguet, héros picaresque, revenant de guerre comme d’une escapade : « Muguet avait un verre dans le nez. L’ivresse créait un boulevard sous ses pas. A ses côtés, Benjamin marchait dans le scintillement des enseignes lumineuses.
-L’avenir est à la publicité, pensa Muguet ; en quoi il se trompait lourdement, car on verra par la suite que l’avenir était promis à la clandestinité. Mais pourquoi l’auraient-ils pressenti ? La lune était au-dessus d’eux, comme une réclame pour le ciel : Chez Dupont, tout est bon ; chez le bon Dieu, tout est mieux.

-C’est beau, dit Muguet, elle est pleine…
-Tu es rond !
-Elle est ronde…
-Non, Benjamin, je suis lucide.
La lune évoquait en lui l’idée de perfection. Il trouvait l’optimisme suspendu en ses contours gracieux et toute une métaphysique : à la fois, Dieu, vu par les Français, et un symbole de la femme lisse et hypocrite.
-Moi, dit Benjamin, je la trouve loin. Si on allait plutôt au bordel ? »

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Depuis très longtemps, le muguet est associé au mois de mai même si cette année, du fait de la douceur hivernale, on le trouve précoce dans les jardins.
Autrefois, on dressait devant chez quelqu’un, des « arbres de mai », des mâts enrubannés et décorés de muguet et d’aubépine, en signe d’honneur ou d’amour.
Au Moyen Age, en mai, mois des « accordailles », on accrochait un brin au-dessus de la porte de la bien-aimée.
C’est en 1561 que le roi Charles IX instaure la tradition du muguet du 1er mai. En ayant reçu à cette date, l’idée le séduisit et il décida d’en offrir aux dames de la cour en guise de porte-bonheur. De son règne, il est plus plaisant de retenir cette mesure que le massacre des protestants à la Saint-Barthélemy.

« … Le premier Mai, c’est pas gai,
Je trime a dit le muguet,
Dix fois plus que d’habitude,
Regrettable servitude,
Muguet, sois pas chicaneur,
Car tu donnes du bonheur,
Pas cher à tout un chacun,
Brin d’ muguet, tu es quelqu’un … »

Dans son « Discours aux Fleurs », Georges Brassens, avec talent et humour, associe le muguet au 1er mai, jour de la fête du travail.
Le 20 juin 1889, le congrès de la IIème Internationale socialiste, réuni à Paris pour le centenaire de la Révolution française, décide de faire du 1er mai, un jour de lutte à travers le monde, avec pour revendication, la journée de huit heures. Dès 1890, les manifestants arborent à la boutonnière, un triangle rouge symbolisant leur objectif de 8 heures de travail, 8 heures de sommeil et 8 heures de loisirs. Bientôt, le triangle est remplacé par une fleur d’églantine puis en 1907, par un brin de muguet.
Le 24 avril 1941, la fête des travailleurs est officiellement déclarée fête du Travail et le 1er mai devient jour chômé. En avril 1947, c’est désormais, un jour férié et payé.
Ce jour-là, par une réglementation depuis 1936, les vendeurs de muguet, particuliers et associations, fleurissent au coin des rues. Pour répondre à la demande d’une nombreuse clientèle, la culture du muguet se pratique de manière intensive, dans la région nantaise.
Lorsque je me trouvais le 1er mai, chez mes parents, la sonnette ne cessait pas de tinter. Ma maman était choyée, par ses ex collègues et de nombreuses anciennes élèves, de pots de muguet qu’elle replantait souvent. J’ai encore la mémoire olfactive de ce coin de jardin ombragé qui embaumait chaque année un peu plus.
Je me souviens aussi dans mon enfance, d’une chanson dite réaliste :

« … Voilà mon cher petit homme
Tout ce qui t’attend
Parc’que j’ai croqué la pomme
Un jour de printemps
C’est peut-être une folie
Mais si tu voyais
Comm’ ta maman est jolie
Tu me pardonn’rais
D’avoir été à Chaville
Cueillir du muguet. »

Treize ans plus tard, ils fêtèrent peut-être leurs « noces de muguet » !… « Tout çà parc’ qu’au bois d’Chaville, y avait du muguet. » !
Cinquante après, avec l’urbanisation galopante et la pollution, je crains qu’à Chaville comme à Saint-Cloud, Meudon, Clamart, Vincennes, dans les « bois de mon cœur » de Brassens, il n’y ait plus guère de petites fleurs aux clochettes blanches.
Cependant, je suis persuadé que ce 1er mai encore, vous saurez offrir le brin porte-bonheur aux personnes qui vous sont chères. Si vous le glanez dans les bois, cueillez-le avec précaution sans arracher ses rhizomes qui portent les racines sous peine de ne pas le voir refleurir l’an prochain… ce serait dommage !

 

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Publié dans:Almanach, Leçons de choses |on 30 avril, 2008 |4 Commentaires »

Le 6 avril 2008, la Centenaire

Le 6 avril 1199, meurt Richard Cœur de Lion suite à ses blessures au siège de Chalus dans le Limousin. Son cœur repose dans la cathédrale de Rouen.
Le 6 avril 1250, Saint Louis, roi de France, est fait prisonnier en Egypte sur la route de la VIIe croisade.
Le 6 avril 1520, meurt le grand peintre Raphaël.
Le 6 avril 1768, le navigateur Bougainville débarque à Tahiti et prend possession de l’île au nom du roi de France Louis XV.
Le 6 avril 1814, l’Empereur Napoléon Ier signe son abdication au château de Fontainebleau avant d’être transféré bientôt à l’île d’Elbe.
Le 6 avril 1820, naît Nadar, le grand photographe et aérostier français.
Le 6 avril 1896, le triple sauteur James Connolly devient le premier médaillé d’or des Jeux olympiques de l’ère moderne.
Le 6 avril 1909, l’explorateur américain Robert Peary est le premier homme à atteindre le pôle Nord.
Le 6 avril 1917, le Congrès américain vote l’entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés de la France contre l’Allemagne.
Le 6 avril 1924, le parti fasciste de Benito Mussolini remporte pour la première fois, les élections législatives italiennes.
Le 6 avril 1944, la Gestapo, sous le commandement de Klaus Barbie, arrête 44 enfants juifs à l’orphelinat d’Izieu dans l’Ain, qui seront envoyés à Drancy puis au camp d’Auschwitz.
Le 6 avril 2000, décède Habib Bourguiba, ancien président de la République tunisienne.
Le 6 avril 2005, meurt le Prince Rainier III de Monaco.
Le 6 avril 2008, ma chère tante Reine, la « soeurette » de ma maman (comme elle t’appelait) tu es la reine de cette journée. Tu souffles, aujourd’hui, tes 100 bougies. Dans quelques jours, je te rejoindrai. Nous irons déjeuner au bord de l’étang de Thau puis, comme à chacune de mes visites, nous ferons une promenade, bras dessus bras dessous, au petit port de la Pointe Courte. Très affectueusement.

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En ce jour de fête, je vous offre cette merveilleuse chanson de la canadienne Linda Lemay :

La Centenaire

Ça fait cent longs hivers
Que j’use le même corps
J’ai eu cent ans hier
Mais qu’est-ce qu’elle fait la Mort?

J’ai encore toute ma tête
Elle est remplie de souvenirs
De gens que j’ai vu naître
Puis que j’ai vu mourir

J’ai tellement porté de deuils
Que j’en ai les idées noires
J’suis là que j’me prépare
Je choisis mon cercueil

Mais l’docteur me répète
Visite après visite
Qu’j'ai une santé parfaite
Il est là qui m’félicite

J’ai vu la première guerre
Le premier téléphone
Me voilà centenaire
Mais bon qu’est-ce que ça m’donne?

Les grands avions rugissent
Y’a une rayure au ciel
C’est comme si l’Eternel
M’avait rayé d’sa liste

Ca fait cent longs hivers
Que j’use le même corps
J’ai eu cent ans hier
Mais qu’est-ce qu’elle fait la mort

Qu’est-ce que j’ai pas fini
Qu’y faudrait que j’finisse
Perdre un dernier ami
Enterrer mes p’tits fils

J’ai eu cent ans hier
Ma place n’est plus ici
Elle est au cimetière
Elle est au Paradis

Si j’méritais l’Enfer
Alors, c’est réussi
Car je suis centenaire
Et j’suis encore en vie

Moi j’suis née aux chandelles
J’ai grandi au charbon
Bien sûr que j’me rappelle
Du tout premier néon

J’ai connu la grande crise
J’allais avoir trente ans
J’ai connu des églises
Avec du monde dedans

Moi j’ai connu les chevaux
Et les planches à laver
Un fleuve tellement beau
Qu’on pouvait s’y baigner

Moi j’ai connu le soleil
Avant qu’il soit dangereux
Faut-il que je sois vieille
Venez m’cherchez Bon Dieu

J’ai eu cent ans hier
C’est pas qu’j'ai pas prié, mais
Ca aurait tout l’air
Que Dieu m’a oubliée

Alors j’ai des gardiennes
Et des nouveaux visages
Des amis de passage
Payés à la semaine

Elles parlent un langage
Qui n’sera jamais le mien
Et ça m’fait du chagrin
D’avoir cinq fois leur âge

Et mille fois leur fatigue
Immobile à ma fenêtre
Pendant qu’elles naviguent
Tranquilles sur Internet

C’est vrai j’attends la mort
Mais c’est pas qu’je sois morbide
C’est qu’j'ai cent ans dans le corps
Et j’suis encore lucide

C’est que je suis avide
Mais qu’y'a plus rien à bord
Que mon passé déborde
Et qu’mon avenir est vide

On montre à la télé
Des fusées qui décollent
Est-ce qu’on va m’expliquer
Ce qui m’retient au sol

Je suis d’une autre école
J’appartiens à l’histoire
J’ai eu mes années folles
J’ai eu mes heures de gloire

J’ai eu un bon mari
Et tant de beaux enfants
Mais tout le monde est parti
Dormir au firmament

Y’a que moi qui veille
Qui vit, qui vit encore
Je tombe de sommeil
Mais qu’est-ce qu’elle fait la Mort?

 

 

Publié dans:Almanach, Portraits de famille |on 6 avril, 2008 |2 Commentaires »
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