Archive pour juin, 2024

Entrez dans le « Ronde van Vlaanderen » (Tour des Flandres)

Mes lecteurs les plus fidèles savent mon intérêt pour le sport cycliste, une passion née dans mon enfance, sans doute plus modérée aujourd’hui, quoique … Cet amour du vélo m’avait conduit à raconter mes pèlerinages* dans la tranchée d’Arenberg, lieu mythique de la classique Paris-Roubaix, au Mur de Sormano sur le parcours du Tour de Lombardie, ou encore au Poggio, ultime capo de la Primavera Milan-San Remo.
Mettant à profit une de mes flâneries bruxelloises, j’avais envie, cette fois, de découvrir les fameux bergen pavés qui font la légende du Tour des Flandres. Il me suffira un jour de me rendre dans la Côte de la Redoute, difficulté majeure de Liège-Bastogne-Liège, la « doyenne » des classiques (créée en 1892), pour achever ma visite des cinq « monuments du » cyclisme.
Restait bien sûr à convaincre ma compagne d’ajourner une promenade sur les canaux de Bruges, la Venise du Nord. La météo détestable vint à mon secours. Comme chantait le grand Brel, « Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu/Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu… », averses et bourrasques de vent constituaient un argument et un décor presque rêvé à mon escapade vers les raidards pavés truffant les Ardennes Flamandes.
En cette veille d’Ascension (des bergen ?!), ma chère et tendre ne sait pas qu’elle a échappé au pire. Une quarantaine de jours plus tôt, elle serait tombée en pleine « semaine sainte » du cyclisme belge ! Faire allusion au mysticisme n’est en rien blasphématoire tant le vélo est une religion dans ce coin de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale, pas plus grand que mon département des Yvelines.
Ça commence doucement vers le littoral de la Mer du Nord par les (anciennement) Trois jours de La Panne réduits aujourd’hui à une course d’un jour entre Bruges et La Panne. Ça enchaîne avec autour d’Harelbeke, le Grand Prix E3, nommé ainsi parce qu’il naquit en 1958 au moment de la construction de la route européenne 3 dont la trajectoire allait initialement de Lisbonne à Stockholm. L’épreuve est actuellement appelée, pour des raisons de parrainage avec une banque, E3 Saxo Bank Classic. C’est une nouvelle mode assez ridicule (pour le baby boomer que je suis !) d’affubler un certain nombre de courses de l’anglicisme « classic ». Ainsi, on relève dans le calendrier de la saison, la Drôme Classic, l’Ardèche Classic, la Classic Loire-Atlantique, la Bretagne Classic Ouest-France (à l’origine Grand Prix de Plouay) et…« Jan Raas et Demeyer » pour reprendre ce savoureux calembour cyclo-flamand d’Antoine Blondin, sans doute énigmatique pour les non initiés à la chose cycliste. Ainsi encore, la prestigieuse Course des Deux Capitales, Paris-Bruxelles, créée en 1893, est baptisée aujourd’hui « Brussels Cycling Classic », et son parcours se limite aux environs de Bruxelles. Quant au Tour de Belgique, une course par étapes créée en 1908, il a pris le nom de « Bâloise Belgium Tour » depuis l’arrivée comme sponsor de la compagnie Bâloise Assurances. Le jour n’est peut-être pas loin où le coulant Paris-Camembert deviendra un plâtreux « Normandie Lactalis Classic » !!!
Pour revenir à la semaine dite sainte, elle se poursuit avec Gand-Wevelgem dont le départ est donné maintenant à … Ypres, non loin de la frontière française. Les coureurs escaladent à plusieurs reprises le Mont Kemmel, point culminant de la Flandre Occidentale et enjeu stratégique lors des Première et Seconde Guerres mondiales. Créée en 1934, la course a acquis, au fil des années, une notoriété internationale. Rik Van Looy et Eddy Merckx l’emportèrent à trois reprises dans les années 1960 et … cerise sur la gaufre, mon champion Jacques Anquetil fut le premier français à inscrire son nom au palmarès.

Gent-Wevelgem Lanoye

Le populaire écrivain flamand, Tom Lanoye, publia un livre de poèmes (en langue néerlandaise) intitulé Gent-Wevelgem : « Qui donc a le pouvoir de l’arrêter, de lui apprendre / ce qui convient, ce qui est mal / de l’empêcher d’arracher d’un solide coup de pédale / l’éclatante victoire, la consécration et la gloire? Béni sois-Tu, Dieu du vélo »
Le mercredi suivant cette classique, les coureurs pédalent, entre Roselaere (Roulers en français) et Waregem, « À travers la Flandre », ultime répétition avant la grand’messe du dimanche, le Tour des Flandres, De Ronde van Vlaanderen en version originale. C’est comme Noël ou Pâques, Audenarde, la ville où se juge désormais l’arrivée, c’est, pour les fanatiques du vélo, l’équivalent de Lourdes pour les Chrétiens. La Flandre se recentre sur ses chemins agricoles d’un autre âge, son houblon et ses champions, affirmant son identité et sa fierté au reste du pays.
Pour me plonger dans ce chapitre de la légende des cycles, j’ai choisi de planifier mon GPS pour Koppenberg que, évidemment, je ne trouve pas dans la base de données.
N’en parlez pas à notre ancien champion Bernard Hinault qui, au temps de sa splendeur, après son premier passage en ce lieu, déclara : « Ce n’est plus du cyclisme, mais du cirque, une barbarie ! Aussi longtemps que le Koppenberg figurera au parcours du Ronde, vous ne me verrez pas prendre le départ de cette épreuve ! » Il tint parole.
« Quand on a le vélo dans son cœur, le point au milieu du cœur, c’est le Koppenberg. Il faut venir à Audenarde et voir le Koppenberg une fois dans sa vie. » Ce sont les mots du découvreur de cet infâme chemin pavé qui apparut sur le parcours du Tour des Flandres, pour la première fois, en 1976. Cette année-là, on compta sur les doigts d’une main, les coureurs qui parvinrent au sommet sans mettre pied à terre. Même l’immense Eddy Merckx dut se résigner à marcher en poussant son vélo. La légende aussi était en marche.

Merckx à pied

J’affine mon itinéraire sur le GPS, le Koppenberg se trouve dans la petite commune de Melden, à quelques kilomètres d’Audenarde, dans la province de la Flandre-Orientale. Sorti de l’enchevêtrement d’autoroutes et quatre-voies gratuites que constitue le réseau belge, je me retrouve dans la campagne flamande, plutôt paisible avec ses molles collines couronnées de bois. Ici, le pays n’est pas aussi plat que le chantait Brel. Comment imaginer que, dans ce décor presque bucolique, se cachent quelques chemins traîtres honnis par les champions cyclistes, nourrissant le plaisir sadique des photographes et des spectateurs.

Version 2

Koppenberg coureurs à pied 2Koppenberg coureurs à pied 1

J’ai l’impression que le GPS bafouille à vouloir absolument me proposer le trajet le plus court. Pas âme qui vive, même à vélo, et puis… soudain, un modeste panneau bancal mentionnant Koppenberg me conforte que je ne dois plus en être loin.

koppenberg-pancarte

Encore quelques centaines de mètres … sur le plateau, la voie devient pavée puis descend subitement. Je suis au sommet du Koppenberg.
Je ne vous dis pas la perplexité de ma compagne ! Elle commence à craindre pour les amortisseurs de la voiture, s’interroge de ce qu’il adviendra si l’on se retrouve nez à nez avec un véhicule montant. Je lui bafouille en substance la recommandation d’Alfred de Vigny : « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ! »
Je plonge dans la descente. Long de 600 mètres, le Koppenberg culmine à 77 mètres au-dessus de la mer et présente une pente moyenne de 11,6% avec un passage à 22% que je repère très vite car la route semble se plier soudain, effet accentué par la végétation, en pleine éclosion en ce printemps, qui ne laisse plus filtrer la lumière du jour.

Version 2Version 2Version 2Version 2Koppenberg au pied face

Voilà, nous atteignons les premières maisons du village de Melden. Je renonce à rebrousser chemin pour m’imprégner définitivement de cette grimpée mythique pavée de si mauvaises intentions à l’égard des coursiers.
Qui ne s’intéresse pas au cyclisme ne peut comprendre l’émotion qui m’étreint. Durant quelques minutes, je peuple ce chemin creux, ce matin totalement désert, d’une foule en liesse agrippée aux talus, de coureurs en équilibre, zigzaguant, finissant par mettre pied à terre et même s’effondrer comme un château de cartes.
Je vous envoie sur YouTube en 1976, lors de la première édition du Ronde empruntant l’affreux boyau. C’est compliqué même pour les spectateurs. À 1 minute et 23 secondes, vous y verrez l’immense Eddy Merckx, avec son maillot Molteni, obligé de mettre pied à terre.
Pire encore, comme un bonus, avancez jusqu’à 3 minutes et 50 secondes, vous assisterez, lors de l’édition de 1987, à la chute du coureur danois Jesper Skibby heurté par la voiture d’un commissaire. Effrayant !

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À la suite de cet incident dramatique, évité de justesse, qui crédibilisait quelque part la vindicte du grincheux Hinault, le Koppenberg fut retiré du parcours pendant quinze ans. Il fit son retour sur le Ronde en 2002 après avoir été aménagé autant qu’il fût possible et repavé. La légende dit que de nombreux pavés avaient disparu, déterrés par quelques adorateurs en quête d’un objet collector.
Placé désormais plus près de l’arrivée à Audenarde, le Koppenberg joue un rôle souvent décisif dans le déroulement de la course. Ce fut le cas encore en ce printemps avec la démonstration de force du champion du monde Mathieu Van der Poel, le petit-fils de Raymond Poulidor. Regardez avec des commentaires de Jacky Durand, l’un des trois Français à l’avoir emporté de toute l’histoire du Ronde, cela remonte à 1992.

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Mon pèlerinage vélocipédique ne s’achève pas là, bien au contraire. J’ai prévu la visite à Audenarde du Centrum Ronde van Vlaanderen. Preuve que le cyclisme est sacré ici en Flandre : un musée ou plutôt un centre d’interprétation est entièrement consacré à l’histoire de la prestigieuse classique, en plein cœur de la ville, à deux pas du célèbre hôtel de ville d’Oudenaarde (dans la langue locale). Vous ne pouvez pas le rater, une voiture de la direction technique de l’équipe Molteni, du temps d’Eddy Merckx, stationne devant l’entrée.

Version 2Centrum voiture Molteni

Mais auparavant, pour éviter la fringale qui guette le coureur cycliste négligeant de s’alimenter, nous faisons une halte au Peloton Café, la brasserie attenante au musée totalement imprégnée de la chose cycliste : anciens vélos de course accrochés aux murs, des éclairages conçus à partir de roues de vélo, et une multitude de maillots me renvoyant à des équipes et des champions du passé.

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Mon regard s’attarde sur le maillot de l’équipe Terrot, émouvant de simplicité. Qu’ils étaient beaux les maillots dans mon enfance, uniquement brodés sur la poitrine de la marque de cycles ! Rien à voir avec les horribles tenues d’aujourd’hui bariolées et surchargées de sponsors, transformant ceux qui les portent en véritables hommes-sandwiches.
Terrot était une florissante entreprise de construction d’engins mécaniques fondée en 1887, à Dijon, par Charles Terrot. À la fin de la Première Guerre mondiale, l’État prit le contrôle des usines, soupçonnant le patron (que les employés surnommaient le « terroriste ») d’être en intelligence avec l’ennemi, ses capitaux étant en partie allemands.

Terrot affiche

Parmi les coureurs ayant porté les couleurs de la marque dijonnaise, je me souviens de Charly Gaul et (comme on disait) son « fidèle lieutenant Marcel Ernzer, de Jean Robic, Antonin Rolland, Adolphe Deledda, Jean Dotto, des spécialistes de cyclo-cross Roger Rondeaux et André Dufraisse (ils furent champions du monde).

Peloton Terrot Gaul

Peloton Terrot Ernzer

Terrot Robic

Dehors, la drache redouble de violence. Cinq jeunes filles, en tenue de cyclistes, viennent se réfugier à la table voisine. C’est l’occasion de vous dire que le Tour des Flandres n’est pas qu’une affaire d’hommes et, depuis 2004, une épreuve féminine, empruntant le même final, est organisée en ouverture, le même jour.
Tandis que sur un grand écran, en direct sur la chaîne Eurosport, Tadej Pogaçar voit la vie en rose sur les routes du Giro, nous nous régalons d’une goûteuse carbonade … à la flamande, comme de bien entendu, accompagnée de frites et d’une bière pression … Flandrien, comme de bien entendu aussi.

Peloton Flandrien

« Flandrien » est un belgicisme dérivé de Flandre désignant notamment : un cycliste qui, outre une grande force physique, sa caractérise par sa capacité à conserver son esprit combatif dans des conditions (météo) défavorables et est donc parfaitement adapté pour rouler les classiques flamandes du printemps.
À l’origine, c’était une manière péjorative de qualifier les travailleurs saisonniers flamands dans le Nord de la France et en Wallonie.
Philippe Bordas, dans son érudit livre Forcenés, une ode à un cyclisme définitivement disparu, consacrait un chapitre aux Flamands : « Dans ses Commentaires, Jules César juge les Belges le peuple des Gaules le plus courageux. Le ciel plus dense maintient sur le cœur une pression. Cette pression traverse le corps de haut en bas ; elle laisse des joues creuses, elle fait les mollets ronds. Les ciels vénéneux s’écoulent sur la peau par le jeu des averses et d’un vent trop intime avec le cerveau.
Les hommes du plat pays s’incorporent les nuées lentes comme des vaccins. Le manque de chlorophylle les rend las et rugueux. Ils avancent sous un poids de ciel, tassés sous les nuages, dans l’indécision des terres et des eaux. À laisser traîner les yeux dans les fentes du goudron, ils montrent un teint de mauvais linge. Ils aiment les saules noirs manchots. Ceux de la mer ont des grosses mains…
Les cyclistes sortent de maisons adoucies d’un poêle et d’une véranda. Ils se retrouvent au matin malgré la pluie et pédalent jusqu’au soir. Ce sont des hordes à carapaces rigides que le froid traverse d’outre en outre. Rendus gris par la peine, ils passent les bourgs sans un bruit.
Ainsi s’éveille la Flandre, depuis que le cyclisme existe, parmi des vestiges d’hommes et des tronçons médiévaux. Le froid enserre les villages d’une tournure de brume. Des meutes errantes s’émeuvent de l’angélus et du carillon. À travers les vitraux des tavernes ondulent les gargouilles des duchés disparus.
Ce sont les Flamands.
La patience charge ces silhouettes du sentiment de l’illimité. Les Flamands cheminent dans une usure sans fin, entre les fermes et les canaux, infusés de mélancolie. Un mors invisible les tient, qui freine les paroles. Ils avancent, épaule contre épaule, sans jamais choir ni s’élever. Ils cheminent dans un couloir de vent, en équilibre sous l’asymptote des frôlements. Les Flamands ont acquis à survivre contre les éléments une adresse animale. Ils se nourrissent de rafales de vent et du civet ascétique appris des mystiques du Moyen-Âge finissant : une carbonade de ciel noir et de pavés, des rails de tramway mélangés à la boue. »
Une espèce en voie d’extinction si l’on se réfère à l’un des héros du musée, Briek Schotte, double vainqueur du Ronde en 1942 et 1948, surnommé « l’Homme de fer » mais baptisé aussi et surtout « le dernier des Flandriens ».
On le voit sur une photographie à l’occasion de l’inauguration de sa statue en bronze grandeur nature dans le village de Flandre où il repose. En arrière-plan, je reconnais Rik Van Steenbergen, Eddy Merckx et Rik Van Looy, trois légendes du cyclisme belge. À eux quatre, ils totalisent 10 titres de champion du monde sur route et 8 Tour des Flandres.

Version 2Schotte statueVersion 2

Briek Schotte se présenta pas moins de vingt fois au départ du Tour des Flandres. On peut admirer un vase en bleu de Delft décoré d’un Lion des Flandres, qui lui fut offert pour honorer sa longévité. Ironie du destin, il décéda en avril 2004, le jour même du Ronde.
Il avait confié lors d’une interview : « Nous étions des dieux pour les hommes, les seuls dieux qu’ils pouvaient voir de près et avec qui ils pouvaient échanger quelques mots. »

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Le lyrisme de Philippe Bordas à l’égard des coureurs primitifs flamands n’est certes plus d’actualité. Les « Van machin chose » sont amenés sur la ligne de départ dans des cars pullman ultramodernes. Ils roulent pour des multinationales sur des vélos sophistiqués à plusieurs milliers d’euros. Certains choisissent de s’exiler pour d’évidentes raisons fiscales en Suisse ou dans des principautés frontalières de la France.
Mais pour les indéfectibles amoureux de la petite reine, les Van sont toujours dans le vent. Deux silhouettes grandeur nature, en carton, de Wout Van Aert et de Mathieu Van der Poel, bras levés, nous accueillent à l’entrée du musée.

Centrum Van AertVersion 2

Une collection d’anciennes affiches, annonçant le Ronde van Vlaanderen, tapisse un des murs du hall. Mon œil inquisiteur a vite fait de repérer sur l’une d’elles, en date de mars 1961, la présence de Jacques Anquetil en danseuse probablement dans l’ascension pavée du Mur de Grammont. Il n’obtint jamais mieux qu’une quatorzième place, dans le même temps que le vainqueur, un certain Arthur De Cabooter, lors de l’édition 1960, mais mon cœur d’enfant bat un peu plus vite soudainement.

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Les textes d’accompagnement et les commentaires d’époque des vidéos sont en langue flamande (ou anglaise). Aucune traduction en français mais l’inconvénient est mineur tant je connais l’histoire de la course, ses héros, leurs exploits et parfois les drames. On peut sur réservation avoir le concours (payant) d’un ancien champion comme guide. Ainsi, il en coûtera (par groupe de 25 personnes) 500 euros si vous souhaitez avoir les commentaires éclairés de Johan Museeuw, triple vainqueur du Ronde et de Paris-Roubaix, ou 250 euros pour ceux du moins prestigieux Nico Mattan !
Est-ce pour flatter inconsciemment mon esprit cocardier, je me dirige le long du mur de présentation du palmarès complet du Ronde depuis sa création, vers les années 1955 et 1956, les deux seuls millésimes (hormis le succès de Jacky Durand en 1992) qui consacrèrent des victoires françaises.
En 1955, Louison Bobet, surnommé ici « De bakker van Saint-Méen » (le boulanger de Saint-Méen), alors champion du monde, régla au sprint Hugo Koblet.

Ronde 1955 Bobet et Koblet

Ronde Bobet 1955

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Résumé du Tour des Flandres victorieux de Louison Bobet en langue flamande avec à la fin, les commentaires de Rik Van Steenbergen

En 1956, à la surprise générale (et pourtant, il avait gagné Paris-Roubaix, l’année précédente), c’est le Lyonnais Jean Forestier qui l’emportait, légèrement détaché, avec son maillot vert Follis, une marque de cycles fondée à Lyon en 1903 par Joseph Follis, un ancien ouvrier serrurier italien émigré.
Jean Forestier, aujourd’hui doyen des vainqueurs des deux grandes classiques pavées, fêtera ses 94 ans en octobre prochain.

Ronde Forestier

Allez, je m’assure la bienveillance des militantes féministes, une exposition temporaire est consacrée aux championnes. Remarque totalement sexiste (!), j’avoue que leurs combinaisons moulantes sont particulièrement seyantes !

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Une vitrine est dédiée à la néerlandaise Anna Van der Breggen, l’une des cyclistes professionnelles les plus titrées sur route et contre la montre, avec un titre olympique, trois championnats du monde, un championnat d’Europe, quatre victoires sur le Giro, de nombreuses classiques dont un Tour des Flandres. Plusieurs de ses maillots exposés témoignent de son palmarès exceptionnel.

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Au fil des salles, le musée du Ronde respire l’héroïsme de la course, sa popularité, les émotions qu’elle suscite, ses duels épiques, ses exploits, ses drames, ses anecdotes voire ses combines devenues parfois légendes.
Ainsi, lors du Tour des Flandres 1961 : la victoire va se jouer entre le populaire Anglais Tom Simpson et l’Italien Nino Defilippis. Le Transalpin, réputé plus rapide au sprint, a les faveurs du pronostic. Mais ce jour-là, le vent violent, qui souffle en rafales, fait s’envoler la banderole d’arrivée. Defilippis se relève aussitôt avoir franchi ce qu’il suppose être la ligne d’arrivée, et le British malin, dans un dernier sursaut, vient lui souffler la victoire.

Ronde 1961 SimpsonVersion 2

L’Italien penaud posa réclamation accusant Éole de l’avoir trompé en arrachant la banderole. Les commissaires la rejetèrent arguant du fait que les deux coureurs avaient déjà auparavant effectué deux tours du circuit final et donc repéré la ligne.
Defilippis demanda alors à Simpson d’accepter une victoire ex æquo, prétextant qu’aucun coureur Italien n’avait remporté une classique depuis 1953. Ce à quoi Simpson aurait répondu avec un humour typiquement britannique qu’aucun Anglais n’en avait gagné une depuis 1896 ! Delicious !

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Encadrée comme un tableau de maître flamand, voici une photographie du Batave Jan Raas, double vainqueur du Ronde, assénant un coup de poing à un photographe, dans l’ascension du Koppenberg. Peut-être celui-ci s’était-il trop avancé sur la chaussée pour obtenir un cliché plus spectaculaire, provoquant la perte d’équilibre du coureur.
C’est peut-être un détail pour vous, mais, à l’époque, ça voulait dire beaucoup : Jan Raas était un des rares coureurs binoclards du peloton, avec ses compatriotes hollandais Jan Janssen et Gerrie Knetemann, ainsi que notre regretté champion Laurent Fignon. Aujourd’hui, tous les cyclistes cachent en permanence leur regard derrière des verres photochromiques.
Je suis intrigué : l’édition 1977 du Ronde est présentée comme gagnée par Roger De Vlaeminck, mais une inscription sibylline précise au-dessous : « vainqueur moral : Freddy Maertens ».

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Le traducteur photographique de mon IPhone m’aide à comprendre.
Sur la photo, ne figure plus Eddy Merckx : le Cannibale moins glouton au crépuscule de sa carrière, après avoir franchi en tête le fameux Koppenberg, a dû laisser partir le champion du monde en titre Freddy Maertens et Roger De Vlaeminck, surnommé « le Gitan » parce que ses parents étaient forains.
Maertens apprend bientôt que les commissaires l’ont disqualifié en raison d’un changement de vélo au pied du Koppenberg, une manœuvre interdite par le règlement. Il continue cependant à rouler dans l’espoir que le jury des commissaires reviendra sur son exclusion. Après une brève concertation avec son directeur sportif Guillaume Driessens, Maertens considère qu’il n’y a que des avantages à poursuivre la course : cela génèrera beaucoup de publicité pour sa marque Flandria à le voir rouler en tête à la télévision, ensuite sait-on jamais, les commissaires reviendront sur leur décision, enfin peut-être pourra-t-il monnayer quelques francs belges pour jouer la locomotive de Roger De Vlaeminck sur les 70 derniers kilomètres.
La légende de la photographie prétend que le Gitan aurait négocié un accord de 300 000 francs belges pour acheter la victoire. Maertens aurait eu un rendez-vous dans une auberge pour empocher cette prime à partager avec ses équipiers de Flandria.
Les images  sur YouTube montrent Freddy menant à fond pour De Vlaeminck et ne lui disputant absolument pas le sprint. J’aurais aimé entendre la petite conversation à la portière de la voiture de la Flandria.

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Les versions varient, on ne sait plus si les commissaires firent preuve de mansuétude en fermant les yeux sur l’infraction de Maertens qui fut disqualifié finalement une seconde fois pour un contrôle d’urine positif !
Plus tard, Maertens confiera qu’il ne reçut que 150 000 francs belges, De Vlaeminck niera qu’il fut question d’argent.
Chacun donnera le sens qu’il veut à l’adjectif « moral ». La glorieuse incertitude du sport !!!
Philippe Bordas brossa des portraits très attachants des deux champions flamands, ainsi Roger De Vlaeminck plus vrai que nature : « C’est ainsi que vous le verrez représenté. L’avant-bras sur le bras replié comme un mètre de charpentier, l’humérus et le cubitus armant une suspension. Buste plat, poignet cassé à la façon précieuse des échassiers. Noir de poil et la peau sombre, vêtu selon le ciel de poussière ou de boue. Un profil en relief, sur le mode assyrien. Dos plat et tête plus basse que dos, sous le fléau du vent.
À l’icône s’ajoute la dérision de maillots acidulés aux couleurs de marchands de glace et de chewing-gum. De Vlaeminck traverse une farce épique, manigancé par des confiseurs. Ce n’est qu’un séducteur de roches, un charmeur de granites. Il produit un son contre les pavés qui n’appartient qu’à lui. Un riff lancinant… »
Le Gitan aimait les pavés. Outre ce Tour des Flandres un peu marchandé, il gagna quatre Paris-Roubaix.

De Vlaeminck BrooklynVersion 2

Un peu plus loin, est exposée la mythique voiture rouge de la formation Flandria. Son pilote, le directeur technique Guillaume Driessens, pourrait, s’il était encore en vie, nous conter de croustillantes anecdotes, ainsi par exemple, celle de son coureur Michel Pollentier s’emparant du maillot jaune au sommet de L’Alpe d’Huez, lors du Tour de France 1978, avant d’être pris en flagrant délit de fraude pour avoir caché sous son aisselle, une « poire d’urine propre » lors du contrôle antidopage.
On retrouve Guillaume Driessens, surnommé Lomme, au volant du véhicule technique de l’équipe Faema, lors du Tour des Flandres 1969.

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La météo est exécrable, une pluie battante mêlée de neige, « le vent du Nord qui fait craquer les digues » et le peloton. Eddy Merckx met le « brol » et dépose tous ses adversaires alors qu’il reste tous les monts à gravir. Une tactique, semble-t-il suicidaire, aux yeux de Driessens qui vilipende son champion : « Tu es fou. Il reste encore septante kilomètres ! ». Le jeune Eddy n’en a cure et, en guise de réponse, lui fait un bras d’honneur.
Derrière, la chasse, menée par un groupe d’Italiens appartenant pourtant à des équipes différentes, est furieuse mais vaine. Merckx l’emporte avec plus de cinq minutes d’avance sur Felice Gimondi et huit sur Basso, Bitossi et Dancelli. Le Brabançon, prophète en Flandre, vient d’écrire l’une des premières pages qui feront sa légende. Quelques mois plus tard, il survolera le premier Tour de France auquel il participera, avec notamment une échappée inoubliable dans l’étape reine des Pyrénées.
Retour, vingt ans en arrière : après le succès du Suisse Henry Suter en 1923, il avait fallu attendre 1949 pour qu’un non-Belge parvienne à gagner le Ronde Van Vlaanderen.
En l’occurrence, l’Italien Fiorenzo Magni : « Dès les premiers mètres de mon premier Tour des Flandres, j’ai découvert que j’aurais pu être un Flamand. Les pavés, c’était pour moi. C’était comme si je roulais sur l’asphalte. Dès que je voyais des pavés, j’attaquais ».

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De fait, Magni en remporta trois consécutivement, performance toujours inégalée à ce jour.
Baptisé déjà le « troisième homme » par les tifosi, dans l’ombre de Fausto Coppi et Gino Bartali, possiblement à cause de soupçons d’appartenance à la milice fasciste sous la dictature mussolinienne, il passa finalement à la postérité sous le surnom de « Lion des Flandres », référence à la hargne et la force du fauve figurant sur le drapeau flamand.
Fiorenzo ne fut pas le champion d’une seule course. Il remporta trois Tours d’Italie. Qui sait s’il n’aurait pas gagné le Tour de France 1950 : endossant le maillot jaune à l’issue de l’étape pyrénéenne Pau-Saint-Gaudens, il ne put le défendre obtempérant aux ordres de Bartali qui exigea l’abandon de toute la Squadra Azzurra**.
Magni fut le premier à amener des sponsors extérieurs au cyclisme en créant en 1954 l’équipe Nivea-Fuchs.
Sur une table, sont exposés quelques-uns des trophées (objets d’art ?) ayant récompensé des vainqueurs du Ronde.

Version 2Version 3Centrum Trophées 3

Dans un petit coin, est reconstituée l’atmosphère chaleureuse d’un estaminet à la gloire de la bière Kwaremont au tempérament aussi corsé que l’autre célèbre ascension du Ronde, l’Oude Kwaremont.

Version 2Version 2Version 2Version 2Version 2Pub Kwaremont bière

La boisson maltée, consommée sans modération, entraîne malheureusement parfois certains comportements stupides de la part de pseudo supporters passablement éméchés. Ainsi, un spectateur a fait l’objet d’une procédure judiciaire pour coups et blessures pour avoir aspergé Van der Poel de gobelets de bière lors de son échappée victorieuse dans le récent Tour des Flandres, justement dans le Vieux Quaremont.
Du coin de l’œil, j’observe ma compagne et je constate qu’elle visionne avec une certaine attention les vidéos projetées sur de grands écrans, de part en part dans le musée. Elle prend peut-être conscience qu’en effet, le Tour des Flandres n’est pas une course comme les autres, en particulier quand il s’agit de franchir les bergs, et que mon entêtement à vouloir visiter le Koppenberg n’était pas ridicule.
Si besoin encore, pour accentuer la dramaturgie, une grande découverte nous livre un florilège de chutes.

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Chute Skibby 3

Une autre décompose la fameuse chute du Danois Skibby en 1987 qui entraîna le retrait du Koppenberg durant une quinzaine d’années. Plus de peur que de mal heureusement, mais quelle inconséquence de la part du pilote de la voiture !

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Tiens, dans une vitrine, le superbe maillot bleu nattier que les coureurs d’outre-Quiévrain enfilent à l’occasion des courses disputées par équipes nationales. Cette nuance de bleu, qui m’intriguait dans mon enfance à la lecture de la liste des engagés, porte le nom de son créateur Jean-Marc Nattier, un peintre français du XVIIIème siècle.
Comme en vrai, on peut enfourcher un vélo de course professionnel et à l’aide de simulations informatiques braver les côtes et tronçons pavés. J’y renonce, le tressautement sur les pavés n’est sans doute pas la meilleure kinésithérapie pour mes hanches !

Centrum simulateurs

On ne peut tout de même pas repartir d’Audenarde sans jeter un œil, à quelques pas du musée, sur le Markt (place du marché), au majestueux hôtel de ville, un des joyaux de l’architecture flamande, bâti entre 1526 et 1536 dans le style gothique brabançon « finissant (sic).

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Il possède un faux air de la Maison du Roi sur la Grand-Place de Bruxelles, ce qui n’a rien d’étonnant car les deux monuments furent conçus par le même architecte Hendrik van Pede.
À l’occasion d’un de ses séjours en Belgique, Victor Hugo affirma : « Chaque détail de ce bâtiment fantastique mérite d’être admiré ». La drache qui s’est réinvitée nuit à une observation attentive de la façade travaillée comme une dentelle flamande.
Au sommet de la tour, on distingue la couronne impériale et une statue en cuivre doré du héros folklorique local Hanske de Krijger gardant la ville. La légende raconte qu’ayant bu sans modération de la bière d’Audenarde, il s’endormit à son poste de vigie et ne vit pas arriver l’empereur Charles Quint en visite. Le monarque, de bonne composition, aurait juste exigé qu’une paire de lunettes soit ajoutée aux armoiries de la ville.
L’empereur, à l’origine Charles de Habsbourg, était né à Gand dans le comté de Flandre. Pour justifier sa clémence, peut-être se souvint-il que quelques années auparavant, en 1521, séjournant à Tournai pendant que son armée assiégeait la ville, les représentants de la ville d’Audenarde avaient organisé un somptueux festin en son honneur. C’est en ces circonstances que le jeune Charles connut une brève aventure avec Jeanne Van der Gheynst, une voluptueuse Tournaisienne, d’où naquit illégitimement une petite Marguerite qui épousa un membre de la famille Médicis, Octave Farnèse duc de Parme. Désormais Marguerite de Parme, elle fut nommée en 1559 par Philippe II d’Espagne gouvernante et régente des Pays-Bas.
En ce lundi après-midi, le musée, à l’intérieur de l’hôtel de ville, malheureusement, va fermer. Je regrette de ne pouvoir admirer la halle aux draps et sa riche collection de tapisseries audenardaises communément appelées « verdures » parce que leur décor est principalement végétal.
Le Markt est absolument désert. Il est difficile d’en imaginer la liesse un jour de Tour des Flandres.

Audenarde RondeVersion 2

Pour cause également de fermeture, nous renonçons à aller nous réchauffer au De Carillon, un pittoresque café constitué de deux petites maisons à pignons adossées contre un mur de l’église.
Avant de regagner Bruxelles, me vient l’envie d’une ultime dose de Ronde van Vlaanderen ! Et si je m’enfilais une rasade d’Oude Kwaremont, autre berg pavé mythique ? Ce n’est pas loin, à une lieue d’Audenarde, d’ailleurs la plupart de ces buttes sont concentrées dans un périmètre très restreint. Les organisateurs programmant leur ascension à plusieurs reprises, le Tour des Flandres, dans sa version moderne, ressemble à une kermesse géante à laquelle viennent assister (et boire !) plusieurs dizaines de milliers de Flamands (mais pas seulement !).
Encore une fois, mon GPS est hésitant dans sa recherche et il me fait passer par le Nieuw Kwaremont, la route N36 bien asphaltée qui conduit à Renaix. Culminant à 111 mètres d’altitude, Quaremont est un joli petit village à l’écart de la commune de Kluisbergen à laquelle il est aujourd’hui rattaché. De belles voitures allemandes sont garées devant les maisons spacieuses à l’architecture parfois futuriste. Ça transpire l’opulence.
La Flandre est passée de la betterave aux microprocesseurs. L’entreprise Quick Step « recycle » le lin en panneaux d’isolation et est le principal sponsor d’une équipe professionnelle comptant dans ses rangs Remco Evenepoel et Julian Alaphilippe.

Kwaremont Kluisbergen

église QuaremontVersion 2

Entrée dans Quaremont

Jour de fête Kwaremont 2

Le béotien en cyclisme doit faire un énorme effort pour imaginer comment, une fois l’an, ce hameau si tranquille est envahi par 40 000 fanatiques, le long des 2 200 mètres d’ascension. Une semaine auparavant, les camping-cars commencent à arriver pour s’installer aux meilleurs postes d’observation.
Le Tour des Flandres est devenu un « event » bling-bling : la société organisatrice Flanders Classics met en vente 10 000 tickets que s’arrachent, dès le mois d’octobre, des VIP, essentiellement des hommes d’affaires. Sous des chapiteaux géants, ils parlent business, et probablement peu de vélo, autour d’un buffet au champagne.
Cet après-midi, l’estaminet du village est malheureusement fermé. Il fait partie de ces Kwaremont Koerse Kaffee, nombreux dans le coin, qui ont la saveur du Ronde et du cyclisme. Leurs murs sont souvent décorés de maillots et photographies d’anciens champions.
Je finis par dénicher, à l’entrée du village, la fameuse sente pavée qui monte depuis Kluisbergen. Un panneau en flamand semble interdire ce chemin de labour aux voitures, c’est du moins ce que prétend ma compagne. Cette fois, je me range à sa sagesse. Nous nous contentons d’emprunter, après la traversée de Quaremont, la seconde partie du berg beaucoup moins pentue. Mieux qu’un long discours, suivons Mathieu Van der Poel dans sa chevauchée solitaire Ronde-ment menée dans le Oude Kwaremont, lors de la récente édition 2024. Impressionnant de puissance, il semble glisser sur les pavés disjoints.

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Seule ombre à cette embellie vélocipédique, la politique s’invite sur le Tour des Flandres, pas toujours de la meilleure des manières : de nombreux drapeaux nationalistes et séparatistes flamingants, distribués gratuitement sur le parcours (à des spectateurs qui ne connaissent pas nécessairement la nuance) par des partis d’extrême-droite, claquent au vent au passage des coureurs. Lion noir sur fond jaune avec griffes et langue noires, ils se distinguent de l’étendard officiel de la Région flamande sur lequel les griffes et la langue du fauve sont rouges en référence aux trois couleurs du drapeau national belge.
Ça ne peut pas faire de mal d’écouter Brel éructant :

« Messieurs les Flamingants, j’ai deux mots à vous rire
Il y a trop longtemps, que vous me faites frire
À vous souffler dans le cul, pour devenir autobus
Vous voilà acrobates mais vraiment rien de plus
Nazis durant les guerres et catholiques entre elles
Vous oscillez sans cesse du fusil au missel
Vos regards sont lointains, votre humour est exsangue
Bien qu’il y ait des rues à Gand qui pissent dans les deux langues
Tu vois quand j’pense à vous, j’aime que rien ne se perde
Messieurs les Flamingants, je vous emmerde
Vous salissez la Flandre mais la Flandre vous juge
Voyez la mer du Nord, elle s’est enfuie de Bruges… »

Monument Kwaremont

À quelques hectomètres au-delà du sommet du Vieux Kwaremont, est érigée une stèle à la mémoire de Karel Van Wijnendaele, de son vrai nom Karel Steyaert, co-créateur en 1913 du Tour des Flandres sur une idée de Léon Van den Haute. Les deux journalistes du nouveau quotidien sportif Sportwereld (les courses cyclistes professionnelles ont souvent vu le jour à l’initiative de journaux pour accroître leur nombre de lecteurs) souhaitaient ainsi faire germer une identité flamande et affirmer un sentiment de fierté au reste du pays. L’industrieuse Wallonie possédait déjà la doyenne des courses cyclistes professionnelles Liège-Bastogne-Liège, la laborieuse Flandre agricole s’enorgueillirait désormais de son Ronde. « De bête de somme, le « Flandrien » devenait bête de scène ».
La première édition partit de Gand et se termina à Mariakerke (aujourd’hui banlieue de Gand) sur un vélodrome en bois entourant un étang.

Vélodrome Mariekerke

Sportwereld

Le_Tour_des_Flandres_1929_emprunte_le_bord_du_canal_reliant_Bruges_à_Ostende

Les lieux de départ et d’arrivée du Ronde ont souvent changé au cours de son histoire, parfois pour des raisons stratégiques de course, mais aussi pour des motifs commerciaux. Ainsi, actuellement, Anvers accueille le départ alternativement avec Bruges.
Si le Ronde van Vlaanderen connut quelques interruptions durant la Première Guerre mondiale, par contre, ce fut la seule classique qui se courut durant la Seconde, sur un territoire pourtant occupé par l’armée allemande.
S’en suivirent des accusations de collaboration, d’autant que de nombreux nationalistes flamands avaient des liens étroits avec l’Allemagne nazie.
Après la guerre, le journal de gauche Het Volk, considérant le Tour des Flandres comme trop proche de l’extrême-droite, créa sa propre course, le Circuit Het Volk, aujourd’hui appelé Circuit Het Nieuwsblad.
Le Tour des Flandres acquit un prestige international avec la création en 1947 du Challenge Desgrange-Colombo (du nom des premiers organisateurs du Tour de France et du Giro), un officieux championnat du monde établi selon les points cumulés dans les deux grands Tours nationaux et les classiques principales.
Ce challenge disparut en 1958 pour cause de conflit entre les organisateurs français et italiens. Il fut alors remplacé par le Super-Prestige Pernod ! Hips !
Devant le monument dédié à Karel Van Wijnendaele, sur le sol pavé, sont fixés des carreaux de faïence avec les noms de tous les vainqueurs (hommes et femmes) du Ronde.

Carreau Adrie Van Der Poel

Au hasard, je relève le nom d’Adrie Van der Poel, le père de Mathieu. C’est par son mariage avec la fille de Raymond Poulidor que se créa la filiation avec le regretté champion français si populaire.

Pavé Cancellara

C’est un pavé … dans la mare qu’on lança en 2010 en soupçonnant le coureur suisse Fabian Cancellara d’une tricherie, lors de la première de ses trois victoires. Une vive polémique surgit à cause d’une éventuelle assistance électronique dissimulée dans le cadre de son vélo. Il est vrai qu’à la télévision, son impressionnante accélération (propulsion ?) dans l’ascension d’un des monts avait quelque chose de surnaturel. La crainte d’un dopage mécanique reste toujours d’actualité et désormais, des radiographies des cadres et guidons à l’infrarouge sont effectuées aux arrivées.

Carreau Van LooyVan Looy miroir cyclisme

Un regard appuyé vers Rik Van Looy : on le surnommait « l’empereur d’Herentals », un sacré baroudeur, un champion de mon enfance. Avec ses compatriotes Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck, il est l’un des trois seuls coureurs à avoir remporté les cinq Monuments du cyclisme.

Carreau BoonenCuisses Boonen

maillot et vélo Tom Boonen

Beaucoup de lieux célèbrent les glorieux champions cyclistes que la Flandre a produits. Ainsi, nous ne nous y rendrons pas, mais non loin de là, au sommet du Taaienberg, un autre mont franchi par les concurrents du Tour des Flandres, a été inaugurée, en 2023, une sculpture représentant les jambes et les cuisses de Tom Boonen, triple vainqueur du Ronde, sous le maillot de la Quick Step.
Il ne faut pas exagérer, je n’insiste pas pour pousser jusqu’au Paterberg, autre mont emblématique, situé également sur la commune de Kluisbergen. La légende colporte qu’au début des années 1980, le propriétaire de ce court chemin de terre (380 mètres) souvent transformé en cloaque, amateur de vélo, suggéra à l’échevin de le faire paver puis le proposer aux organisateurs du Ronde.

Paterberg pavés

Je ne regrette pas d’avoir cédé à cette « liturgie païenne dont la grand-messe est célébrée le quatorzième dimanche de l’année. Ponctuée d’un chapelet de « murs », cette procession centenaire relève d’un autre temps ».

Tour de France 2019Ronde miniatures

Version 3

Petit Flandrien

* http://encreviolette.unblog.fr/2011/04/15/voyage-au-bout-de-lenfer-du-nord/
http://encreviolette.unblog.fr/2014/09/18/la-primavera-en-ete-sur-la-route-de-milan-san-remo/
http://encreviolette.unblog.fr/2018/06/09/une-semaine-a-florence-1/
** http://encreviolette.unblog.fr/2020/06/26/ici-la-route-du-tour-de-france-1950-2/

Publié dans:Cyclisme |on 9 juin, 2024 |2 Commentaires »

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