Jean-Louis Murat est mort
Quelle sale époque ! Les médias annoncent aujourd’hui la mort du chanteur Jean-Louis Murat. Encore un compagnon de ma route spirituelle qui se fait la malle ! Comme un ami m’écrivait récemment : « on se sent de plus en plus seuls, avec toutes ces disparitions qui se succèdent et fauchent dans les jardins de nos imaginaires ».
Je lui avais consacré un billet à l’automne 2009 :
http://encreviolette.unblog.fr/2009/10/22/mots-a-maux-de-jean-louis-murat-a-mano-solo-1/
À sa relecture, ce jour, que pourrais-je corriger ou ajouter ? Rien, enfin si !
À sa demande, suite à sa lecture du billet ci-dessus, Didier Le Bras avait souhaité que je lui dise pourquoi j’aimais Jean-Louis Murat. Didier, retraité de la gendarmerie, était un humaniste, un éducateur, un pédagogue. Il partagea sa passion pour le football auprès des jeunes du Stade Rennais et de clubs alentours : « le foot m’a donné la plus belle chose qui soit, le sourire de centaines d’enfants ». Il vouait une autre passion pour Jean-Louis Murat auquel il consacra un blog exclusif d’une grande richesse qui constitue peut-être le plus beau document pour appréhender et comprendre l’artiste. Il nous a quittés prématurément en 2019.
http://didierlebras.unblog.fr/jean-louis-murat-et-lhistoire-des-chansons/
Voici donc ce qu’il fit paraître en 2014 :
Le blog de Jean-Michel Coffin a toujours constitué pour moi un exemple. Le cap du million de visites uniques est passé. Ce n’est que justice. Son titre : « À l’encre violette » … on pourrait ajouter : « À l’encre de mémoire » … Je savais qu’il aimait MURAT, je l’avais donc invité à donner son avis sur le « Brenoï ». Voilà qui est chose faite pour mon plus grand bonheur et pour le vôtre …
Je reprends donc in extenso, chaque mot est pesé, pensé, la plume est légère et ferme à la fois. C’est un délice …
« Pour témoigner de mon attachement à Jean-Louis MURAT, je pourrais ne pas me compliquer la tâche en vous joignant le lien suivant tiré de mon blog : http://encreviolette.unblog.fr/2009/10/22/mots-a-maux-de-jean-louis-murat-a-mano-solo-1/
J’y ai dit beaucoup. Ce serait finalement une posture très « muratienne » de vous envoyer paître dans ses prés arvernes. L’homme est souvent ronchon avec les médias et son public, ce n’est pas pour me déplaire, bien au contraire. Je ne suis pas un exégète de MURAT comme vous, Didier. Je ne saurais dégager le fil conducteur qui me guide dans sa discographie foisonnante. Le poète aime nous surprendre, nous déranger même en mettant sa musique sur les vers de BAUDELAIRE et Pierre-Jean DE BERANGER, ou parfois en parlant avec justesse de foot ou de vélo. Si je me souviens bien, j’ai croisé MURAT, pour la première fois, il y a un quart de siècle, dans le col de la Croix Morand. Mon oreille fut alertée par quelques aboiements inhabituels dans un disque dit de variétés. Je m’approchai alors avec la prudence qui sied pour les chiens de troupeau. En guise de balade (ou ballade, le mot fonctionne aussi) sur le vieux massif hercynien, je me rendis alors à ma médiathèque francilienne voisine. Je tombai sur un CD un peu hybride, un Live in Dolorès et un tout aussi vivant Murat en plein air. Un vivifiant bol d’air dans lequel je trempais à satiété mes lèvres au « lait des narcisses », et goûtais en boucle à cet instrumental truffé de bruits de buron. « Notre troupeau devait donner du lait au goût de réglisse et d’airelles » … c’est ainsi que je fis connaissance de Perce-neige et, depuis, aime définitivement Murat. Même s’il serait réducteur de classer Jean-Louis dans cet unique talent de portraitiste, je fus conquis par sa manière de croquer les « gens de peu » de son pays (pour reprendre le titre d’un beau livre du regretté sociologue Pierre SANSOT : « Gens de peu comme il y a des gens de la mer, de la montagne, des plateaux, des gentilshommes. Ils forment une race. Ils possèdent un don, celui du peu, comme d’autres ont le don du feu, de la poterie, des arts martiaux, des algorithmes. Ils ne concevaient pas leur différence comme une prétendue infériorité. Ils se levaient tôt, ils travaillaient plus tard et plus souvent. Une pareille condition ne signifiait pas qu’ils possédaient moins de valeur. Le peu ne présuppose pas la petitesse mais plutôt un certain champ dans lequel il est possible d’exceller. ») Ainsi sont et vont le berger de Chamablanc, un voleur de rhubarbe, Jeanne la rousse ou la fille du fossoyeur, une sorte d’inventaire aux prés verts. Un sentiment étrange me parcourt quand je goûte chaque nouvelle cuvée muratienne. À la différence de Philippe DELERM avec sa bière, la première gorgée ne me transporte pas forcément, et puis, et puis … je me rends à l’évidence, au fil des écoutes, la magie opère, c’est capiteux, c’est voluptueux, c’est sensuel, je m’enivre. C’est la preuve que Murat comme pour tous les poètes, ce n’est pas facile, ça s’apprend, ça se découvre doucement, et puis, un jour, on se libère pour arpenter seul les chemins musicaux d’une transhumance imaginaire. Ainsi, « fréquente-t-on la beauté » ! ».
En réponse, Didier concluait :
Ce jour, le soleil brille sur la Bretagne. Je suis un petit garçon heureux. Vous m’avez réconforté avec l’école de la République. C’est en effet là qu’on peut qu’on doit toujours apprendre à écrire de la sorte. Voilà qui peut sembler dérisoire de nos jours mais qui ne l’est point, oh que non !
Je suis un vieux monsieur triste aujourd’hui !
J’ai choisi dans l’œuvre prolifique de cet artiste romantique et insoumis, ce tendre portrait d’un voleur de rhubarbe, qui sait peut-être un ami de la fille du coupeur de joints de Thiéfaine.