Balades piémontaises : 3 jours à Turin (2)
Pour lire le compte-rendu des journées précédentes :
http://encreviolette.unblog.fr/2022/11/04/ballades-piemontaises-3-jours-a-turin-1/
Martedi 4 ottobre :
Comme la veille, nous choisissons la solution du taxi pour nous rendre le plus rapidement possible dans le quadrilatero romano, quartier historique ainsi appelé parce qu’il correspond au premier périmètre de l’occupation romaine de la ville nommée alors Julia Augusta Taurinorum en l’honneur de l’empereur Auguste.
Le chauffeur nous dépose devant la Porta Palatina, principal témoin archéologique de ce passé.
Ne subsiste qu’une éclatante façade en brique (et quelques modestes vestiges) percée de deux arches pour le passage des chars et deux portes latérales destinées aux piétons. Si vous la franchissez, vous vous retrouvez face à un jardin, on dirait un décor de Cinecitta pour un tournage de péplum. Casting impérial, deux statues de bronze de Jules César et César Auguste vous accueillent devant.
La quiétude du lieu tranche avec l’effervescence qui règne à quelques mètres de là au Mercato di Porta Palazzo (du nom d’une antique porte de la cité) qui se tient quotidiennement sur la vaste Piazza della Repubblica.
Une vue aérienne montre la forme octogonale de la place telle que l’avait souhaitée l’architecte royal Juvarra, et achevée, quelques décennies plus tard, par son confrère Gaetano Lombardi. Entre temps, suite à son édit de 1800, Napoléon avait fait démolir les fortifications de la ville parmi lesquelles la Porta Palazzo. Je m’aperçois que les campagnes italiennes de l’empereur causèrent pas mal de dégâts artistiques. Appelée Piazza Vittoria à l’époque, la place devint Piazza Repubblica en 1946 pour honorer le retour de la démocratie après vingt ans de régime fasciste.
Le marché s’est établi ici en 1835, je devrais dire plus exactement les marchés, car un angle de la place est désormais occupé par il Mercato Centrale, un immeuble en verre de trois étages où des artisans du goût proposent une street food de qualité.
Mais ce matin, je m’intéresse exclusivement au grouillant marché en plein air. Comme le chauffeur de taxi nous a prévenu, on trouve de tout ici, depuis les produits italiens jusqu’à ceux provenant d’Asie ou d’Afrique : vêtements, chaussures, sacs, bijoux, articles ménagers, cosmétiques, lunettes, à des prix « attractifs », mais attention à la contrefaçon !
Gourmand, toujours attiré par le « ventre des villes », je déambule plutôt à travers les étals des marchands de bouche. Les toiles colorées qui les abritent me rappellent les célèbres parasols de Trouville du photographe John Batho*. Plaisir des yeux devant de vivantes « natures mortes », je ne peux malheureusement pas vous restituer les odeurs ni les accents des vendeurs et des clients.
Histoire de la narguer affectueusement, je m’empresse d’envoyer par mms à la famille ariégeoise une photographie d’une presque miraculeuse cueillette de cèpes.
Quitte à être exceptionnellement infidèle aux fromages de ma Normandie natale, je craquerais volontiers (comme sans doute un de mes amis lecteurs !) devant les fabuleux pecorino (littéralement « petit de brebis » en italien) et ricotta au caractère différent selon les régions.
La population du marché est multiethnique, aubaine pour rendre hommage à Gianmaria Testa, musicien et chanteur poète piémontais, chef de gare aussi dans la région de Cuneo, qui nous a quitté prématurément, en 2016. Je me souviens d’un chaleureux concert à côté de mon domicile. Profondément humaniste, il s’intéressait aux gens. Le quotidien La Repubblica titra lors de sa disparition : « Le cantatore des paysans et des migrants est mort ». Il publia notamment, en 2006, Da questa parte del mare, un album (label Chant du Monde) traitant de la question des migrations. Y figurait justement une chanson intitulée Al mercato di Porta Palazzo.
Ça commence étrangement comme une chanson de Brassens, il en possédait d’ailleurs un faux air avec sa guitare et sa moustache épaisse. Tonton Georges nous parlait de « quelques douzaines de gaillardes qui se crêpaient le chignon à propos de bottes d’oignons » sur le marché de Brive-la-Gaillarde.
De manière aussi enlevée, sur un rythme de saltarello, Gianmaria nous relate un fait divers, un fait d’hiver même puisqu’il se déroule par un matin glacial sur le marché turinois. Les femmes se sont attroupées en cercle autour d’une mère qui accouche à même le sol enneigé. Une gardienne de l’ordre approche : « Je vais avoir besoin d’une pièce d’identité ». Ce cas de « livraison » tombe dans une zone juridiquement publique. Mais personne pour dire quoi que ce soit, personne ne peut trouver de papiers, et pour cause il n’en existe pas. Le nouveau-né, déposé alors sur l’étal d’un fleuriste est métaphoriquement assimilé aux œillets et gardénias que chacun va emporter avec soi. Avant que « la mère et l’enfant d’autres latitudes reprennent la mer de leur vie » ! Émouvante chanson de Noël qui posait la question toujours actuelle des sans-papiers !
Dans un café, sous les arcades, nous buvons un espresso ristretto, savoureux comme souvent en Italie. Le dessus des tables fait revivre en sépia des scènes des marchés d’antan.
Nous sommes prêts pour une déambulation dans le « quadrilatère romain », le plus ancien quartier de Turin. Ici pas d’arcades, les rues sont plus étroites tout en respectant leur tracé orthogonal, ce qui facilite un peu leur repérage sur notre modeste plan. Les travaux sont nombreux confirmant un phénomène de gentrification de ce quartier plus populaire, surtout à proximité du marché.
C’est là que se cachent les plus anciennes églises de Turin, les plus belles peut-être aussi.
Originale, avec sa sobre façade en brique rouge, la Chiesa di San Domenico est l’un des rares témoignages médiévaux de Turin. Elle fut construite dans la première moitié du XIIIème siècle par les frères dominicains, dans un style gothique. Elle devint peu après le siège du tribunal d’inquisition de Turin, condamnant plusieurs dizaines d’hérétiques à la peine capitale. Durant l’épidémie de peste noire de 1630, une grille avait été placée à l’entrée de l’édifice afin de permettre aux fidèles d’assister aux offices sans devoir y pénétrer. Je doute qu’on ait eu recours à pareil artifice durant la récente pandémie.
Pendant la période napoléonienne, la plupart des reliques et objets précieux disparurent (vous voyez encore !) et l’église devint une loge maçonnique.
On peut encore admirer de splendides fragments de fresques du XIVème siècle, dans la Capella delle Grazie, à gauche du maître-autel. Plongées dans une quasi pénombre, on peut les éclairer en glissant une pièce dans une sorte de tronc … si le mécanisme fonctionne ! Je repense à Bourvil, le drôle de paroissien d’un film de Jean-Pierre Mocky.
Je m’attarde devant l’aumône de Sant’ Antonino Pierozzi, un magnifique tableau du grand peintre de la haute Renaissance (fin XVème-début XVIème siècle) Giovanni Martino Spanzotti. Il représente l’évêque dominicain de Florence faisant don de menue monnaie à deux enfants, celle que l’on m’a subtilisée précédemment ? !!!
Je suis toujours étonné par la présence dans les églises italiennes, même les plus modestes, de véritables trésors artistiques, pas toujours mis en valeur et souvent nullement protégés. Attention quand même au minestrone de certains activistes !
Nous n’avons encore rien vu. À un pâté de maisons de là, nous débouchons sur le parvis de la basilique Santuario della Consolata, également appelée Santa Maria della Consolazione, et plus simplement encore nommée « Consla » par les Turinois. De l’extérieur, elle ne paye pas trop de mine.
J’ai l’âme légère ce matin, son histoire fait penser un peu au sketch du regretté humoriste et acteur Jacques Dufilho avec sa visite de la chapelle par Victorine : « Rasée par le Prince Noir, incendiée par les Huguenots, pillée par les sans-culottes aux révolutions de 89, 30 et 48, la chapelle est entièrement d’époque… »
Certains documents affirment qu’initialement les religieux de la Consolata étaient des moines bénédictins de l’abbaye de la Novalaise (Val de Susa) réfugiés à Turin en 906 à cause de l’avancée des troupes sarrasines.
Les moines cisterciens remplacèrent les bénédictins en 1589. En 1678, ils décidèrent de construire une nouvelle église et firent appel à l’architecte Guarino Guarini. Filippo Juvarra, vous connaissez, acheva les travaux avec la construction du presbytère en 1729.
Napoléon, encore lui, ayant envahi le Piémont et supprimé les ordres religieux, le monastère fut alors transformé en caserne jusqu’à la Restauration.
D’autres religieux y revinrent ensuite jusqu’à ce que les bombardements de 1943 causent de nouveaux dégâts.
Du Moyen-Âge, il ne subsiste que le campanile et peut-être la chapelle souterraine de la Vierge des Grâces.
À l’intérieur, je m’assieds sur un banc, quelques minutes, presque oppressé devant un tel foisonnement de marbres colorés et de dorures. C’est d’un baroque ébouriffant, rococo, polychrome, éclectique, un clocher roman, des coupoles presque byzantines, une icône gothique. J’apprends un terme architectural, salomonique comme les colonnes torsadées derrière lesquelles apparaissent des chapelles semi-circulaires richement décorées. Attention aux marches qui créent plusieurs niveaux, ajoutant encore à l’originalité du lieu !
L’une des œuvres majeures est le somptueux maître-autel réalisé par Juvarra. Deux anges en marbre blanc sculptés par Tantardini surplombent un tableau de la Vierge Marie.
Sur le côté, c’est une statue de la Vierge en argent qui nous accueille devant une imposante crucifixion de Saint André, auquel l’église primitive était dédiée.
Le « monument aux deux reines » (1861), œuvre de l’artiste suisse Vincenzo Vela, est dédié aux souveraines Maria Teresa de Habsbourg-Toscane, veuve de Carlo Alberto, et Maria Adelaide de Habsbourg-Lorraine, épouse de Vittorio-Emanuele II.
Une chapelle est dédiée à Joseph Cafasso (décès en 1860), prêtre piémontais, théologien, père des pauvres, consolateur des malades et aumônier des condamnés à mort. Le pape Pie XI le béatifia en 1925, Pie XII le canonisa en 1947.
Mais le clou de la visite, c’est la crypte de la Madonna delle Grazie. On a l’impression de se trouver dans une loge de théâtre … à l’italienne bien évidemment. Depuis une loggia en marbre, on possède une vision vertigineuse en plongée jusqu’à, non pas la Cène, mais un tableau de la Vierge Consolatrice.
Une légende prétend que cette icône aurait été retrouvée en 1104 sous des décombres de l’église Saint-André (nom originel de l’édifice) par un jeune aveugle venu de Briançon qui, à cette occasion, aurait recouvré la vue. L’image aurait alors été déposée dans une chapelle de l’église et est devenue l’objet d’une grande vénération. Les nombreux bienfaits obtenus grâce à cette Madone confirment sa fonction miraculeuse, du moins si j’en crois la galerie des ex-voto que j’arpente maintenant. C’est une véritable exposition de petits tableaux, peints souvent par des amateurs (« peintres du dimanche » !), et offerts au sanctuaire pour remercier la Madone après une grâce reçue. Ils mettent en scène le protagoniste de la grâce reçue et l’épisode pour lequel il souhaite la remercier : un accident de bicyclette sur la piazza del Estato, tout près des rails de tramway, un accident de scooter heurté par une automobile, la maladie grave d’un jeune enfant, et même la « terreur » du dentiste. L’image de la madone est toujours présente.
Ce sont de véritables pages d’histoires simples voire même de l’histoire de Turin. Touchantes, naïves, drôles parfois, elles racontent de nombreuses vicissitudes (incendies, guerres, malheurs, maladies, accidents) où les croyants ont reconnu l’efficacité de l’intervention de la Mère Consolatrice dans de nombreuses situations de désespoir et de danger.
À la sortie de la Consolata, il est une autre dévotion qui attire les Turinois et beaucoup de touristes de l’autre côté de la place : le Caffé Al Bicerin.
C’est ici dans cette petite boutique ouverte en 1763 que l’acquacedratario (fabricant de boissons au citron) Guiseppe Dentis inventa le bicerin (mot piémontais signifiant « petit verre »), une boisson chaude composée de trois couches, en partant du bas du verre, de café amer, chocolat et crème fleurette.
La serveuse nous recommande surtout de ne pas mélanger. À boire délicatement à la petite cuillère. Bougies sur les guéridons en marbre blanc, boiseries aux murs et miroirs nous renvoient dans une autre époque.
Alexandre Dumas fréquentait cette enseigne lors de ses séjours dans la capitale piémontaise. Puccini mentionna dans ses mémoires qu’il visitait également cette institution.
Le bicerin inspira-t-il l’Unité Italienne, on dit que le comte Cavour, notoirement anticlérical, s’installait à la table sous l’horloge pour attendre la sortie de la famille royale qui se « consolait « en face.
Sur les serviettes de table que l’on met à notre disposition, est imprimé un extrait du roman d’Umberto Ecco, Le cimetière de Prague :
« … Je me suis frayé un chemin jusqu’à l’un des lieux mythiques de Turin à cette époque. Habillé en jésuite, et appréciant malicieusement la curiosité que j’éveille. Je suis arrivé au Caffè Al Bicerin, près du Sanctuaire de la Consolata, pour goûter leur lait, parfumé au cacao, au café et à leurs saveurs, servi dans un verre avec support et anse en métal. Je ne devais pas savoir qu’un de mes héros, Alexandre Dumas, écrirait sur le bicerin quelques années plus tard, mais au cours de seulement deux ou trois visites dans ce lieu magique, j’ai tout appris sur ce nectar…
C’était un lieu magnifique, avec sa façade en fer forgé bordée de panneaux publicitaires, ses colonnes et chapiteaux en fonte et, à l’intérieur, des boiseries en bois ornées de miroirs, des tables recouvertes de marbre et, derrière le comptoir, des bocaux parfumés aux amandes avec quarante différents types de confiseries. J’aimais rester là à regarder, en particulier le dimanche, lorsque cette boisson était un nectar pour ceux qui avaient jeûné en préparation de la communion et avaient besoin de nourriture à la sortie de la Consolata – et un bicerin était également très prisé pendant le jeûne du Carême car le chocolat chaud n’était pas considéré comme nourriture. Quels hypocrites !
Mais, plaisir du café et du chocolat mis à part, ce que j’aimais le plus, c’était apparaître comme quelqu’un d’autre : la pensée que les gens n’avaient aucune idée de qui j’étais vraiment me donnait un sentiment de supériorité. J’avais un secret. »
Pour être honnête, j’ai juste l’impression d’être moi-même, un touriste qui vient de sacrifier au rite turinois du bicerin !
Nous reprenons notre déambulation à travers les ruelles du « quadrilatère ». Les terrasses de la Piazza Emanuele Filiberto qui passe pour être la « locomotive » du quartier pour les noctambules sont désertes en cette heure de midi. On a du mal à réaliser que ce square ombragé, sous lequel un parking public a été creusé, soit un lieu de ralliement important de la jeunesse turinoise. Nous préférons nous avancer dans la via piétonne Sant’ Agostino à peine plus animée mais aux terrasses plus accueillantes. Pour couper notre faim, nous optons, malgré son nom, pour l’Arsenico Bistrot. L’agréable serveuse nous suggère des agnolotti, une spécialité locale, des gros raviolis farcis non pas de viande mais juste de légumes, en la circonstance des aubergines. Goûteux !
Les deux enseignes qui se font face jouent les restaurants d’entreprise et, peu à peu, les Turinois arrivent de leurs bureaux ou de leurs commerces par petits groupes.
Parlent-ils du Calcio et des résultats mitigés des deux équipes locales ? À une fenêtre, un tifoso affiche sa préférence pour le Milan A.C, un des deux clubs voisins lombards avec l’Internazionale.
Aller retour dans la Galleria Umberto peu animée. C’est un des passages couverts de la ville dont une entrée donne sur le marché de la Piazza Republica qui commence à se vider.
On se perd littéralement dans le dédale de ruelles en oubliant de consulter le plan. Par un petit passage sous les arcades, on débouche soudain sur une charmante petite place, la Piazza Palazzo di Città, construite au cœur de l’ancien plan romain et médiéval de la ville. À l’époque, elle était bondée d’étals de légumes et s’appelait Piazza delle Erbe contiguë à la Piazza del Grano.
En son centre, se dresse le monument au Conte Verde, œuvre de l’architecte Pelagio Palagi, et cadeau de Carlo Alberto de Savoie à la ville pour son mariage en 1853. Il est constitué d’un groupe sculptural en bronze représentant Amedeo VI de Savoie, le dit « comte vert », pour la couleur de ses uniformes, brandissant une épée et soumettant deux soldats maures lors des guerres d’Orient en 1366 et la libération de l’empereur byzantin Jean V Paléologue (fils de Jeanne de Savoie).
En arrière-plan de la statue, se trouve l’élégant hôtel de ville de Turin dont l’entrée est gardée par les statues de deux rejetons de la famille de Savoie, le « prince Eugène » Eugenio di Savoia, et Ferdinand de Savoie, fils de Carlo Alberto et premier duc de Gênes. Je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas du gâteau avec les Savoie ! Non loin de là, sous les arcades, veille Victor-Emmanuel II roi d’Italie.
Le bâtiment des XVIIe et XVIIIe siècles était doté d’une tour qui fut rasée, devinez quand … : en 1801, lors de l’occupation napoléonienne sous prétexte qu’elle n’était plus alignée avec les arcades environnantes.
Nous rejoignons la Via Garibaldi pour visiter, à l’angle de la Via XX settembre, la chiesa della Santissima Trinità. Comme souvent, à Turin, sa façade se fait plutôt discrète, se fondant dans l’alignement des immeubles voisins. De plus, nous trouvons porche clos.
Je sacrifie à une autre religion qui attire de nombreux fidèles en Italie, celle du Calcio, ainsi y nomme-t-on le football. L’enseigne voisine est la boutique de la Juventus, familièrement appelée Juve et aussi Vecchia Signora (« la Vieille Dame », c’est dire le respect que l’on manifeste envers ce club fondé en 1897, une véritable institution. L’aubaine aurait été belle, deux semaines plus tard, le PSG venait affronter les Bianconeri (les Blanc et noir) dans le cadre de la Ligue des Champions.
Pour être objectif, la population locale soutient peut-être plus le Torino, l’autre club de la ville participant au championnat de Série A. Cela fait un peu cliché, surtout en notre époque de mondialisation, cette dualité turinoise, ce divismo qui divisait autrefois la botte (Coppi/Bartali, Loren/Lollobrigida), fut décrite par l’écrivain Mario Soldati dans Le Due Città, à l’occasion d’un dialogue entre deux tifosi des clubs rivaux : « Les deux hommes traversèrent Piazza Vittorio et parlaient déjà de football. Emilio, naturellement, était pour la Juve, l’équipe des gentlemen, des pionniers de l’industrie (Agnelli patron de Fiat ndlr), de ceux qui avaient fait des études, bref, des bourgeois riches. Giraudo, tout aussi naturellement, était pour le Toro, l’équipe des ouvriers, de ceux qui avaient fait le lycée technique, bref, des petits bourgeois et des pauvres. »
La tragédie de Superga entretient aussi la flamme dans le cœur des anciens : le 4 mai 1949, un avion spécial avec à son bord, l’équipe complète du Torino et ses dirigeants, de retour d’un match amical contre le Benfica de Lisbonne, s’écrasait sur la basilique de Superga juchée sur une colline surplombant la ville.
Dans un article pour le Corriere della Sera, le célèbre écrivain Dino Buzzati (Le désert des Tartares) écrivit : « Les enfants, les honnêtes gens du peuple d’Italie auraient-ils éprouvé semblable chagrin si l’avion qui s’est écrasé à Superga avait été rempli d’illustres hommes de science ? Bien sûr que non, soyons sincères. Et s’il avait été rempli d’écrivains, de peintres, de musiciens et de philosophes, les gens auraient-ils été pareillement affectés ? Certainement pas. »
Ces hommes qui ne faisaient que taper dans un ballon, « dans la vie médiocre des grandes villes, apportent chaque dimanche un souffle de fantaisie et de vie nouvelle ; sans sang, ni colère, ils réveillent quelque chose d’héroïque chez les hommes fatigués … les grands joueurs de football sont plus beaux, plus simples, plus évidents, plus jeunes et, aux heures de bonheur, au milieu des arènes, ils sont l’incarnation d’un conte de fées. »
Le Torino venait de rafler les quatre derniers scudetti (le titre de champion d’Italie). On relevait parmi les victimes l’international français Emile Bongiorni et le légendaire meneur de jeu Valentino Mazzola dont le fils Sandro fit plus tard les grandes heures de la Squadra Azzura. Les supporters du Toro
Vous comprenez maintenant pourquoi, chaque saison, les deux derbies de la Mole (explication bientôt) suscitent encore aujourd’hui autant de ferveur.
Je laisse de côté mes passions païennes pour visiter, à une rue de là, la Chiesa Cattolica non Parrochiale Confraternita di San Rocco, ouverte par contre. Son nom complet témoigne des divergences qui opposèrent la paroisse et la confrérie. La Confraternité avait pour priorité, à sa création, d’enterrer les cadavres abandonnés lors des épidémies de peste.
Cette petite église est en cours de restauration, d’ailleurs deux artisans ou plutôt deux artistes procédaient cet après-midi à refaire une beauté à une crucifixion.
Nous baignons encore en plein baroque avec le maître-autel chargé de marbres et de dorures, et la coupole et sa fresque de l’Apothéose de San Rocco.
Vous voulez du baroque, en voici encore, toujours sur la Via Garibaldi, dans la chiesa dei Santi Martiri (église des saints martyrs) dite aussi église des Jésuites qui la construisirent en 1577 sur demande de la famille de Savoie. Comme son nom l’indique, elle est consacrée aux premiers martyrs Avventore, Ottavio et Solutore, saints patrons de la ville avec Saint-Jean-Baptiste.
Le maître-autel fut réalisé par Juvarra à partir de 1730. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, la voûte de la nef présentait une fresque du Triomphe de Saint Ignace, Ignace c’est un petit nom charmant ! Les peintures actuelles sont très colorées.
Comme à l’habitude dans le baroque turinois, c’est une profusion de dorures, de bronzes et de marbres. Y repose le penseur Giovanni Botero dont vous pouvez voir la sculpture dans le billet précédent.
Près de l’entrée, ce n’est pourtant pas Noël, je m’attendris devant une scène de la Nativité au milieu de ravissants instants de la vie quotidienne d’un petit village.
Place à des emplettes plus terre à terre : ma compagne, qui craignait à juste titre les contrefaçons du marché de Porta Palazzo, fait l’acquisition d’un sac en cuir dans une maroquinerie de la via Garibaldi.
Nous choisissons de diner, en face de notre hôtel, à la pizzeria St Martin Pub qui, comme son nom l’indique, revendique un mix de cuisine traditionnelle et de modernité : pizza, pâtes, burger, bière et cocktail cohabitent donc. J’ai du mal à terminer ma pizza Napoli, copieuse et goûteuse, la bière alla spina est excellente.
Mercoledi 5 ottobre :
Je ne pouvais pas envisager de quitter Turin sans visiter le musée national du cinéma localisé dans le décor de la Mole Antonelliana, monument en forme de dôme de 167 mètres de haut, érigé par l’architecte Antonelli en 1863. À l’origine, la Mole était destinée à devenir le lieu de culte de la communauté juive de Turin, alors capitale du nouvel État italien. À défaut d’être synagogue, elle abrita, à partir de 1908, le musée du Risorgimento, jusqu’en 1938 date à laquelle celui-ci émigra au Palazzo Carignano.
La Mole est le symbole, la fierté et même le guide de la ville de Turin comme peut l’être notre tour Eiffel pour Paris. On l’aperçoit de partout. Vous savez maintenant pourquoi elle a donné son nom aux derbies entre les deux grands clubs de football locaux.
Un ascenseur panoramique mène jusqu’au sommet du dôme d’où l’on jouit d’une vue superbe sur la ville et l’arc alpin qui l’entoure.
Je pensais que les mythiques studios de Cinecittà à Rome constituaient le point de départ de l’industrie cinématographique italienne, je découvre qu’en fait, bien avant, Turin joua un rôle important dans le développement du cinéma de nos voisins transalpins. Ainsi, Cabiria, le célèbre péplum muet de Giovanni Pastrone fut tourné dans les studios Fert à Turin en 1914. Maciste, personnage de fiction secondaire dans ce film, devint par la suite le héros d’une vingtaine de films jusque dans les années 1970.
La visite commence avec l’étage dédié à l’archéologie du cinéma, des théâtres d’ombre aux effets optiques comme les anamorphoses, en passant par les différents dispositifs inventés, la stéréoscopie, les lanternes magiques, kinétoscopes, zootropes, les chronophotographies d’Étienne-Jules Marey, jusqu’aux premiers films des frères Lumière.
On comprend comment naquit l’animation en reproduisant des images en séquences sur un papier que l’on faisait tourner très vite. On découvre l’un des premiers projecteurs des frères Lumière qui permit qu’un film devînt visible par toute une assemblée. Leur première projection publique s’effectua le 28 décembre 1895 au Grand Café de Paris boulevard des Capucines.
C’est instructif, parfois interactif et toujours pédagogique. J’ai l’impression parfois de retrouver les cours d’optique du lycée avec les images inversées et le calcul des angles d’incidence et de réfraction.
Pour nous promener maintenant dans le 7éme Art, on nous met (presque) à disposition la Vespa 125 bleue que chevauchait Nanni Moretti dans son Journal intime.
Mythique, excusez si je suremploie cet adjectif ! Dans le film, le scooter est le co-protagoniste du personnage principal, Nanni Moretti lui-même, son compagnon complice dans ses déambulations dans Rome et ses réflexions dans multiples domaines, le cinéma et la banalisation de la politique, mais aussi l’urbanisme et la gentrification de certains quartiers, son amour pour la danse grâce à Flashdance et Jennifer Beals, pour finir par arriver, à l’improviste, sur la plage d’Ostie, à l’endroit où Pier Paolo Pasolini fut assassiné.
La Vespa était également présente dans Vacances romaines, rappelez-vous l’affiche avec Gregory Peck et Audrey Hepburn devant le Colisée.
Une photographie magnifique d’Alain Delon et Claudia Cardinale, Alberto Sordi crevant l’écran, une affiche de Rocco et ses frères, Yves Simon chantait :
« Nous nous sommes tant aimés dans les années 70
On allait voir les films italiens.
Les joueurs d’hélicon de la fanfare des Beaux-Arts
Jouaient » Huit et demi » sur les grands boulevards.
À Paris, la Seine était grise et pourtant je t’aimais,
Place Dauphine le soir on se retrouvait. »
Dans d’originales mises en scène, sont présentés les différents genres de cinéma : la science-fiction avec dans une vitrine plusieurs masques des héros de Star Wars et La planète des singes, on peut même prendre place dans une cabine de pilotage, le film d’horreur avec des affiches et des masques du Fantôme de l’Opéra (1925) et Frankenstein (1931) la reconstitution d’un saloon avec des chaises renversées probablement suite à une bagarre dans un western spaghetti, un extrait de Follow the fleet, film musical de Mark Sandrich (1936), où Fred Astaire et Ginger Rogers valsent, glissent presque, sur Let’s face the music and dance.
Nous revenons dans le grand hall, Tiempo della Mole, le bien nommé temple du cinéma, aussi vertigineux qu’une cathédrale, gardé par le dieu Molock de Cabiria.
Nous pouvons nous allonger, au vrai sens du terme, sur des transats rouges moelleux, pour regarder, sur un écran géant, des séquences du réalisateur (et aussi acteur) Dario Argento, le « magicien de l’horreur ». Il situa, à plusieurs reprises, l’action de ses films dans Turin.
Au-dessus de nos têtes, est reproduite l’horloge monumentale de Metropolis, le chef-d’œuvre de Fritz Lang, symbole du cinéma expressionniste allemand. Le cadran ne compte que dix heures, correspondant à dix heures de travail de jour suivies de dix heures de travail de nuit. Fritz Lang décrivait (déjà) un univers totalitaire dans lequel l’être humain n’est plus que le rouage d’une énorme machine.
Je m’assoupirais vite dans mon douillet fauteuil, redressons-nous pour rejoindre les étages supérieurs via un ascenseur.
Sur la passerelle, des niches, presque des petites cappelle (chapelles), sont dédiées aux métiers du cinéma et quelques-uns de ses grands maîtres : ainsi l’écriture du scénario avec un hommage à Woody Allen, des costumes portés par Leonardo di Caprio et Cameron Diaz, le montage. Il maestro oblige, Federico Fellini a sa « chapelle » avec ses story-boards dessinés, ses fameux chapeau et écharpe, qui me renvoient à la magnifique exposition qui lui fut consacrée au musée de l’Orangerie à Paris*. « L’émotion suprême est ce que j’ai ressenti devant le théâtre vide : un espace à remplir, un monde à créer ».
Divine apparition : Marilyn Monroe nue sur deux photos au-dessus d’un de ses bustiers ! Ces clichés de la série Red velvet (Velours rouge) ont une histoire. On affirme souvent qu’ils furent pris à l’occasion de la sortie en 1953 du premier numéro du cultissime mensuel américain Playboy. À tort. En fait, la star blonde avait posé en 1949 devant l’objectif du photographe Tom Kelley alors que sa carrière piétinait et aurait eu besoin d’argent pour payer son loyer et des traites de sa voiture. N’assumant d’ailleurs pas totalement, elle signa son contrat sous le pseudonyme de Mona Monroe. Après que Marilyn eût connu en 1953 deux grands succès avec Les hommes préfèrent les blondes et Comment épouser un millionnaire, le patron de Playboy racheta une des photos pour l’insérer en poster central du premier numéro de son magazine.
Je me hisse encore sur une passerelle supérieure, attention au vertige, je ne m’approche pas de la rambarde.
J’arpente maintenant une galerie d’affiches de chefs-d’œuvre de l’histoire mondiale du cinéma. No comment ou alors il me faut des pages pour vous confier les émotions et les merveilleux souvenirs que me livra leur projection.
Puisque le Pô coule à Turin, je me souviens de la sculpturale Silvana Mangano en short dans Riz amer dont l’intrigue néoréaliste se déroule au milieu des mondine, ces ouvrières saisonnières des rizières des plaines padanes.
Je suis heureux que l’inénarrable facteur de Jour de fête y participe dans ce musée mondial du cinéma.
Devant l’affiche voisine, je ne peux censurer le grand réalisateur. Yves Simon, encore lui, chantait de sa voix douce :
« Dans un ciné
Place de Clichy
Y avait un film
De Polanski
Pas Chinatown
Mais Cul-de-sac
Celui avec
La Dorléac … »
Pas Catherine (Deneuve), l’autre « demoiselle de Rochefort », mais Françoise fauchée en pleine jeunesse dans un horrible accident de voiture.
Hasard complet tant ma déambulation dans le musée s’est effectuée au gré de mes envies, mes souvenirs, mes émotions et mes rêves, j’achève ma longue visite avec le visionnement de l’ultime séquence du Mépris de Jean-Luc Godard qui a choisi de quitter notre terre voici trois semaines.
Extrait hautement symbolique : l’adieu et la mort accidentelle de Camille interprétée par Brigitte Bardot, la fin du tournage d’un film (Ulysse version péplum, une adaptation de l’Odyssée), dont le réalisateur est Fritz Lang en personne, dans le film, et Godard lui-même (script en main, c’est lui qui s’accroupit) qui joue l’assistant de Lang. Je l’ai regardé deux fois, savourez :
Heureux qui comme Ulysse … je suis toujours ébloui par l’extraordinaire décor de la Villa Malaparte avec son escalier en forme de pyramide inversée, sa terrasse sans balustrade, perchée au-dessus de la mer Tyrrhénienne d’un bleu intense, à l’est de Capri, uniquement accessible à pied ou en bateau.
Elle avait été conçue par son propriétaire, Curzo Malaparte, écrivain, journaliste, correspondant de guerre, né de son vrai nom Curt Erich Suckert en 1898. Il fit changer son état-civil, en 1929, le justifiant ainsi : « Napoléon s’appelait Bonaparte, et il a mal fini, je m’appelle Malaparte et je finirai bien ». Il adhéra au parti fasciste mussolinien en 1922, il en aurait d’ailleurs tirer parti pour obtenir l’autorisation de construire sa maison dans un tel lieu, puis prit progressivement ses distances avec le Duce. Il était entré au parti Communiste Italien au moment de sa mort en 1957. En 1963, année du tournage, la villa Malaparte était devenue propriété de la République populaire de Chine et utilisée alors « comme maison de repos pour ses intellectuels !
Godard, iconoclaste, avait déjà dérouté le public avec son générique non écrit mais parlé en ouverture du Mépris. La voix n’est pas la sienne mais celle de son chef opérateur Raoul Coutard.
Pour mes lecteurs cinéphiles (je gâte bien ceux qui aiment le cyclisme !), je vous l’offre en bonus. Du Godard pur jus ! On appelait cela la « Nouvelle Vague ».
« Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs ».
Silenzio !!!
Vous devinez mon « total régal » d’avoir vécu cette immersion de quelques heures dans le monde magique des images animées. La vie est belle. Cela donne envie de retrouver le chemin des salles obscures.
Retour sur terre, nous nous engageons dans via San Maurizio, sans caractère, pour gagner les rives du fleuve le plus important d’Italie. Le Pô, long d’environ 650 kilomètres, prend sa source au pied du Mont Viso dans les Alpes piémontaises et se jette dans l’Adriatique par un delta couvrant 380 km2.
Une fois n’est pas coutume, souffrez que je sois chauvin, je préfère la Seine et ses ponts chantés par Juliette Gréco !
Tout de même, à hauteur de la vaste piazza Vittorio Veneto bordée d’arcades, la vue est belle depuis le ponte Vittorio Emanuele I vers la Chiesa Parrochiale della Gran Madre di Dio. Sur un côté de l’escalier d’entrée, deux statues symbolisent la Foi, l’une d’elles tient un calice (rempli de Barolo, le « Vin des Rois & le Roi des Vins » ?). Trinque-t-elle aux Savoie puisque cette église fut édifiée pour célébrer le retour de Victor-Emmanuel Ier dans ses possessions après la défaite de Napoléon Ier ? Son architecture s’inspire du Panthéon de Rome.
Nous flânons sur la berge quasi déserte en ce milieu d’après-midi en longeant les murazzi, les anciens entrepôts où les pêcheurs remisaient leurs barques et filets. Haut-lieu de la movida turinoise et de festives nuits d’été, quelques tags et portes délabrées semblent confirmer qu’ils ont connu des soucis avec les autorités locales. Il y a bien une terrasse ouverte … où la serveuse regrette de ne pas me servir un diabolo menthe !
Encore quelques pas et nous parvenons au ponte Umberto Ier. Ce pont, inauguré en 1907 en présence de Vittorio Emanuele III, remplace l’ancien pont Maria Teresa trop vétuste. Il fut rebaptisé suite à l’assassinat du roi Umberto Ier (dit le Bon !) par l’anarchiste Gaetano Bresci, en juillet 1900, à Monza.
Les entrées sur le pont sont décorées de quatre statues allégoriques en bronze représentant une Pietà, la Valeur (sur le champ de bataille), l’Art et l’Industrie.
Juste à côté, longeant le fleuve commence le vaste parc public du Valentino d’une superficie de 50 hectares, homologue de notre Bois de Boulogne parisien.
Des années 1930 à 1950, s’y déroula un grand prix automobile qui attirait des dizaines de milliers de spectateurs, n’oublions pas que Turin est une capitale de l’industrie automobile.
Coupure de journal pour faire hurler les écolos d’aujourd’hui : « lors de la dernière édition en 1955, les pelouses furent piétinées, les fils barbelés pour protéger les arbres, arrachés pour y grimper, notamment un magnolia en fleur » ! Les tifosi survoltés (pléonasme ?) fêtaient la victoire d’Alberto Ascari humiliant sur sa Lancia D50 (construite à Turin) les prestigieux bolides d’Émilie, Ferrari et Maserati, pilotés par Guiseppe Farina (neveu du célèbre designer de carrosserie Pino Farina), Luigi Musso et nos compatriotes Maurice Trintignant et Jean Behra. Mythique aussi !
De nos jours, le parc, seul les vélos, trottinettes et joggers troublent la quiétude du parc. Nous n’avons pas le courage de prolonger notre promenade jusqu’à la façade harmonieuse du Castello del Valentino, ancienne résidence de la maison royale de Savoie. À tort !
Assis sur un banc, nous nous amusons des facéties des écureuils peu farouches.
Tout près de là, le Pô coule paisiblement. Gianmaria Testa chanta les « Piccoli Fiumi » : « les petits fleuves de basse plaine arrivent à la mer sans s’en apercevoir comme certaines tristesses qui nous submergent ».
Demain, nous quittons Turin et je ne saurais partir sans lui rendre encore hommage avec une chanson tellement nostalgique mais si merveilleuse, presque d’outre-tombe, éditée un an après sa mort. Povere tempo nostro est une sorte d’hymne à notre terre mais aussi un portrait sans concession de notre société.
« Pauvre époque que la nôtre !
Pauvres peines !
Pauvre la Terre entière, qui en souffre !
Pauvre époque que la nôtre,
Et pauvres ces jours de maigre humanité,
qui passe les jours et oppriment…
Que le vent revienne !
Et avec le vent la tempête, et que ce ne soit pour toujours,
Ce temps nous reste
Laisse le vent revenir,
et dans le vent la saison où tout se fanera pour ceux qui blasphèment
Laisse le vent revenir et avec le vent la tempête,
que ce soit pour toujours le peu de temps qu’il nous reste
Laisse le vent revenir, et dans le vent la saison
où tout se fanera pour ceux qui blasphèment. »
(traduction Francesco Pagni)
De retour vers notre hôtel, la gare de Porta Nueva déverse une nuée de supporters revêtus de maillots rayés vert et blanc. Ce soir, le club israélien du Maccabi Haïfa affronte la Juventus en match de poule de la Champions League. Le patron d’une brasserie voisine de notre hôtel écourte notre aperitivo en fermant, sans préavis, son établissement à 20 heures au lieu de minuit, pour se rendre à l’Allianz Stadium.
* http://encreviolette.unblog.fr/2010/01/26/cinema-paradiso-fellini-parigi/