Archive pour juin, 2020

Ici la route du Tour de France 1950 (2)

Pour celles et ceux qui auraient manqué les premières étapes :
http://encreviolette.unblog.fr/2020/07/01/ici-la-route-du-tour-de-france-1950-1/

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Je vous avais laissé, à la veille de la journée de repos à Pau, au pied du château où Henri IV vit le jour le 13 décembre 1553 (il n’est pas interdit de s’instruire même en roulant).
C’est une aubaine, tant les coureurs en ont manqué depuis le départ de Paris, de les exhorter à se rallier à son panache blanc. Ainsi, le premier roi de France et de Navarre, protestant, aurait harangué ses soldats contre les extrémistes catholiques, près du village d’Ivry-sur-Eure (aujourd’hui Ivry-la-Bataille) en mars 1590. Ordre probablement apocryphe … comme pas mal de témoignages qui alimentent, encore de nos jours, la chronique de la légende des Cycles, à propos de cette grande étape pyrénéenne qui mène les coureurs, du Béarn en Comminges, de Pau à Saint-Gaudens. Les juges de paix, chers au dessinateur Pellos, les cols d’Aubisque, Tourmalet et Aspin, vont prononcer leur verdict après avoir ôté leur toque de nuages.

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J’ai pris l’habitude de suivre souvent la course en compagnie du délicieux chroniqueur Max Favalelli :
« La course commence demain. Jour de recueillement. À la veille des grandes batailles chacun se concilie les faveurs de son choix. Robic celles de son adversaire du lendemain en allant prendre contact avec l’Aubisque. Histoire de se tenir en jambes. Bartali celles du ciel, en se rendant en pèlerinage à Lourdes.

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Atmosphère de fièvre. Les directeurs sportifs apprêtent leur tactique au cours des conférences secrètes. Les suiveurs, pour tromper leur désœuvrement, établissent à la terrasse du Continental, la « Bourse des grimpeurs ».
À neuf heures du soir, Jean Bidot reçoit un coup de téléphone de André Dassary qui a installé un poste de ravitaillement sur le parcours et stocke les sandwichs et les canettes de bière.
Et les coureurs s’endorment en faisant de jolis rêves, sauf Bernard Gauthier qui reste éveillé pour deux raisons : il a peur de devoir restituer son maillot jaune. Et puis Brambilla, son camarade de chambre, ronfle comme une toupie.
Le premier à se réveiller est Cogan auquel sa logeuse prédit : « J’ai cassé ce matin votre verre à dent. Ça va vous porter bonheur, pour sûr ! » Cette brave femme ne croyait pas si bien dire.
J’interroge Redolfi qui sourit de toute sa petite bouille d’angelot frisé : « Moi ? Je ne grimpe pas. Je rampe ».
Sans doute est-ce pour cela que ce farceur s’évade dès le premier kilomètre.
Mais tout cela, ce n’est pas du sérieux. Et un spécialiste résume la situation dans cette formule hardie : « Les gros bras se regardent dans le blanc des yeux ! »

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Décidément, nous traversons aujourd’hui la terre d’élection des rugbymen. Il en sort de chaque fourré. Baudry qui salue au passage son compatriote Geminiani, Jean Prat qui exécute des feintes devant le peloton et fait une passe à Kubler avec une tranche de jambon.
Fini de rire. Voici Gourette et la route, d’un seul coup, prend la forme d’un toboggan. Rageur, dressé sur les pédales, Robic attaque. Sans doute, est-ce pour chasser l’appréhension que lui a causé une lettre stupide, émanant d’un devin et qui lui prédit que cette étape lui sera funeste.

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Près du sommet opère une chorale basque qui entretient sa vigueur vocale au petit rosé. Et elle accueille Biquet en entonnant un refrain en dialecte. Ce qui laisse le Breton insensible.
Les balcons de la montagne sont garnis. Toutes les places ont été louées depuis l’aube.
Une surprise ! Meunier, le facteur vierzonnais, franchit le col avec les « as ».
– Dépêche-toi, lui crie un plaisantin, la dernière levée va bientôt être faite.
Mais le pauvre Meunier ignore tout de la montagne. Évidemment, le Berry n’est pas spécialement une contrée cahotique. Faute d’entraînement, il s’aperçoit que monter n’est rien. Il faut encore descendre. Alors Meunier serrant les dents, mais aussi ses freins, constate avec étonnement :
– Nom d’un chien ! v’là que je n’sais pas descendre !
Il ferait une belle équipe avec Jean-Marie Goasmat …
Le Tourmalet. Deuxième station du chemin de croix des coureurs. Jean Bidot, l’œil inquiet, fait une navette incessante entre ses hommes. Il quitte Lauredi mal en point pour revenir sur Molinéris.
– Mais où est passé l’animal ?
– Coucou !
Dans un lacet au-dessous de la route, une tête émerge des fougères. Molinéris a manqué un virage et a fait une chute verticale de trente mètres.
– Attention ! menace Boudard. Il est interdit de prendre des raccourcis !
En queue de peloton, un autre homme zigzague sur sa machine et soudain s’abat d’un coup sur l’herbe où il reste, l’air hébété. Le Belge Couvreur est victime d’une insolation (la seule cause ?!ndlr).
Ce soir, quand Sylvère Maës passera ses troupes en revue, il fera la grimace : Lambrecht a mal aux reins, Blomme aux genoux, Van Ende a fait une cabriole fantastique contre la paroi rocheuse et Hendrickx réalise ce tour de force de perdre une molaire dans le Tourmalet. »

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Dans la descente sur Barèges, un regroupement s’opère, puis dès les premiers lacets du Tourmalet, Kléber Piot démarre et lâche ses adversaires. Il prend une sérieuse avance et, au sommet, il précède Robic de 2’ 33’’, Bartali de 2’ 46’’, Bobet de 2 ‘ 48’’ puis Ockers et Cogan qui a fait une remontée sensationnelle.
« André Leducq deux fois vainqueur du Tour de France » – ainsi signe-t-il ses chroniques dans le Miroir des Sports- ne tarit pas déloges sur le coureur de l’équipe régionale d’Ile-de-France :
« Ce dernier ne me faisait pas plus d’impression que n’importe lequel de ceux qui pédalaient à ses côtés et pourtant je dois vous dire que Kléber Piot, que je connais bien, possède cette chance de très bien dégringoler. Une fois passé l’Aubisque, en dixième position –ce dont bien des routiers de ma connaissance se contenteraient- il s’était lancé à corps perdu dans la descente. Piot descend vite, et comme je suis orfèvre en la matière, je pense que l’on me fera confiance si j’assure qu’il ne perd pas une seconde, les pieds restent soudés aux cale-pieds, les coudes rentrés, le ventre horizontal, à toucher le cadre.
Ça n’a pas fait un pli, Robic a été rejoint, pas par Piot tout seul, mais aussi par quelques-uns de ceux qui n’avaient pas monté si mal que ça, et entre l’Aubisque et le Tourmalet, nous avons assisté à l’habituel regroupement qui prélude presque toujours à de nouvelles batailles.

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C’est alors que m’est apparu ce roi des Pyrénées que toute la caravane attendait. Non, ce n’était pas Robic, ni Kubler, ni Bobet, mais bien ce grand garçon aux joues et à l’œil malin qui venait brusquement sous notre nez de prendre sur le plat une centaine de mètres au petit groupe un peu médusé de cette audace.
Puis l’ascension du Tourmalet a commencé. Je regardais pédaler Kléber Piot (de Saint-Denis) dans ces interminables lacets, dressé parfois sur ses pédales comme pour alléger sa monture. L’homme est long, mais pas frêle. Magnifiquement bien ployé au point qu’on pourrait croire à une copie de Coppi. Son action était très belle à contempler et il ne donnait jamais l’impression d’un coureur bénéficiant de l’apathie d’un groupe de poursuivants, mais bien d’un dominateur, d’un roi de la montagne.

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En fait, il l’était ce jour-là, car un coup d’œil jeté à l’arrière nous avait bien vite fait découvrir que sa supériorité était tangible, visible, réelle. Robic, lui-même, avait été décramponné par la poursuite que livrait à Kléber Piot le groupe Bartali, Bobet, Ockers. La preuve était là, flagrante, indiscutable. Kléber Piot montait plus vite que tout le monde.
C’est beau à regarder un grimpeur qui a du style et qui est efficace en même temps. Ce qu’il fait paraît facile alors que c’est effroyablement dur à réaliser, comme un exercice de music-hall ardu ou dangereux, mais fait avec un sourire constant sur les lèvres.
Voilà. J’ai trouvé, Kléber Piot est le grimpeur souriant. Pas un rictus comme en ont parfois les boxeurs, mais un bon, un vrai sourire de satisfaction. Celui qui émane d’un cœur content.
C’est long le Tourmalet et pourtant je n’ai surpris à aucun moment un seul geste de lassitude chez Piot. Il était d’une incroyable légèreté allant sans un déhanchement le buste bien droit et les jambes tombant comme si la pédale n’avait pas buté, comme pour les autres, sur le mur interminable du col. Il ne se retournait même pas. Il était sûr de lui, sûr de son effort. En fait, il grimpait mieux.
Et si une chute dans les premiers virages de la descente du Tourmalet ne l’avait pas attardé et ensanglanté, il n’aurait absolument rien perdu sur ses poursuivants avantagés par le nombre, avant d’atteindre, toujours solitaire et magnifique, le sommet d’Aspin…. »

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« Aspin » répète Maurice Vidal. « Un désert pendant 364 jours. Aujourd’hui : cent mille habitants. Des guirlandes de curieux sont accrochées aux flancs de la montée. Pour se frayer un chemin au sein de cette multitude hurlante et gesticulante, il est besoin de trésors de patience. Il y a de la poudre dans l’air … »
Et pour être au plus près de l’action, je vous livre le témoignage de vieux pyrénéens :
« L’année 1950 passa tranquillement au gré du temps et des événements tant politiques que sportifs qui alimentaient les gazettes. Dès le mois de juin, les hommes entamèrent de longues discussions passionnées et établirent des pronostics sur le prochain … Tour de France !
Celui de 1949 ayant déchaîné les passions, le pays tout entier attendait cette épreuve avec impatience. A Bertren, on soutenait le français Robic contre Bartali bien évidemment.
Mais la plupart des hommes, ouvriers de l’entreprise de BTP Labardens et Francou, se trouvaient au Pic du Midi de Bigorre et écoutaient le résumé de toutes les étapes à la radio le soir.
Le mercredi 26 juillet, Jean-Marie Labardens leur donna un jour de congé pour qu’ils puissent assister à la course dans le col de leur choix. La joie fut générale et il n’y eut aucune défection. Ils se rendirent tous au sommet d’Aspin pour suivre la 12ème étape du 37ème Tour de France. La rivalité de l’équipe de Jean Robic et celles des Italiens menées de main de maître par Gino Bartali occupa toutes les conversations le long de la route. Ce mercredi-là en haut du col, à chaque fois qu’un coureur italien se présentait, il était copieusement hué par la foule massée des deux côtés. Les femmes en short et les cheveux au vent n’étaient pas les dernières à manifester leurs préférences (et pourtant, les beaux Ritals … ! ndlr). La journée était chaude, le soleil un peu voilé ce qui accentuait la moiteur de l’été. Le peloton s’étirait et tout à coup, au sommet, Bartali se mit en danseuse et attaqua.
Robic qui avait réussi à remonter dans sa roue le suivit, la bagarre s’annonçait acharnée. Cela indisposa au plus au point certains spectateurs qui avaient pas mal picolé, les hurlements redoublèrent, des coups de poings furent échangés. Les coureurs italiens, pris à partie et craignant le pire, redoublèrent d’ardeur. Ils réussirent à traverser la foule en colère mais les soiffards surexcités se groupèrent pour former un barrage. En voulant l’éviter, Bartali fit tomber Robic qui s’accrochant à sa roue l’entraîna dans sa chute. Des spectateurs se précipitèrent pour les relever mais quelques excités s’imposèrent voulant donner « une bonne correction » au coureur Italien. Les chauffeurs des voitures suiveuses à coups de klaxon rageurs et en faisant hurler les moteurs, forcèrent le barrage obligeant les spectateurs à reculer. Les organisateurs et les spectateurs s’interposèrent, la confusion était totale et les coureurs en profitèrent pour s’esquiver. (http://capsbourrutdespyrenees.over-blog.com/2016/10/le-tour-de-france-1950.html)
À Saint-Gaudens, première fois ville-étape du Tour, devant les tribunes bondées du circuit automobile du Comminges, Gino Bartali, touché mais pas coulé, règle au sprint un peloton de neuf coureurs où l’on reconnaît dans l’ordre Louison Bobet, Ockers, Geminiani, Brulé, Kirchen, Piot, Cogan et Fiorenzo Magni. Ce dernier prend le maillot jaune à Bernard Gauthier qui termine à plus de 21 minutes.

1950-07-26+-+Miroir+print+-+15 arrivée BartaliBartali à Saint-GaudensMiroir du TOUR 1950 31.apres  arrivée St-Gaudensjpg

Dans son bloc-notes, Maurice Vidal, toujours mesuré, tente de calmer le jeu suite aux incidents qui ont émaillé l’étape :
« J’aimerais vous parler de choses drôles ou du moins plaisantes. Mais les événements commandent …
Malgré la très belle course à laquelle il nous a été donné d’assister aujourd’hui, le sujet central, ce soir à Saint-Gaudens, reste l’attitude du public envers les coureurs italiens.
Ceux-ci, depuis le départ du Tour, appliquent une tactique rigoureuse et un peu rigide (certes dans l’unique but de remporter la victoire finale). On peut les critiquer, mais on doit le faire sportivement.
Les coureurs italiens ont couru aujourd’hui au milieu de spectateurs hostiles, parfois insultants. Ceux-ci ne constituent évidemment pas la majorité, mais le public français se doit de faire lui-même sa police et de faire taire les quelques énergumènes qui dépassent –et de loin- les limites permises par la passion sportive.
Je le répète : on peut ne pas aimer la méthode italienne et nous ne nous sommes pas privés ici de dénoncer ce qu’elle a d’excessif, mais aujourd’hui les Italiens (nationaux et cadetti) ont lutté dans la montagne et ont généralement fait preuve les uns de brio, les autres de beaucoup de courage. Aucun éliminé parmi eux. La victoire d’étape et le maillot jaune ce sont des résultats sportifs qui méritent considération, et jusqu’ici, en fait, l’attentisme transalpin a payé.
Entendons-nous : il ne s’agit pas de dramatiser. De nombreux coureurs italiens ont reçu des canettes de bière, des encouragements et même de substantielles poussettes. Mais il vaut mieux prévenir que guérir. Le public français peut être aussi frondeur que cœur d’or et l’ovation faite à Fausto Coppi l’an dernier sur la route de Paris avait arrangé bien des choses.

Miroir du TOUR 1950 33 Adieu le Tour Bartali

On pensait les esprits apaisés, seulement voilà … ce qu’en dit Max Favalelli, le lendemain, à l’aube :
« Il est sept heures du matin. Dans le parc de l’Hôtel de France, un homme s’avance vers Jacques Goddet, écarte les bras d’un geste impuissant.
– Rien à faire !
En prononçant ces mots, Alfredo Binda vient de mettre un terme à l’événement majeur du Tour de France 1950.
La veille, après avoir franchi en vainqueur la ligne d’arrivée – Saint-Gaudens, Bartali, le visage ruisselant de pluie, avait courbé le dos sous les sifflets de quelques exaltés noyés ans le public et avait murmuré/ :
– Je ne repartirai pas demain.
Un reporter de la radio italienne s’empressa de recueillir cette déclaration avant que Binda n’ait réussi à masquer le micro de sa main.
Sous les huées d’une partie de la foule, le haut-parleur annonçait :
– Bartali a gagné l’étape Pau-Saint-Gaudens. Et Magni endosse le maillot jaune.
Les Italiens triomphaient sur toute la ligne. Or, douze heures plus tard, Bartali, au lieu de prendre le départ pour Perpignan, montait dans le train à destination de Toulouse et Magni reléguait sa tunique d’or dans ses bagages, sans même l’avoir portée un seul instant.
Il aura donc suffi d’une poignée d’énergumènes pour contraindre à la retraite la vedette n°1 du Tour.
Que s’était-il donc passé de si grave pour susciter une telle décision ?
Plus tard les historiens du Tour parviendront sans doute à établir la vérité. Car il existe sur les incidents des Pyrénées plusieurs versions qui se contredisent en de nombreux points.
Le certain est que la tactique, parfaitement conforme au règlement, appliquée par les Italiens irrita quelque peu l’opinion. Et en cela certains journalistes eurent sans doute le tort de ne point éclairer le public. Il n’importe. Les profanes ne s’embarrassent point de stratégie et ils n’aiment pas voir des coureurs participer à des échappées sans prendre part à la lutte et, se présentant à l’arrivée beaucoup plus frais que leurs compagnons, leur ravir la victoire dans les tout derniers mètres. (Heureusement que les réseaux sociaux n’existaient pas à l’époque, imaginez-un peu … ndlr).
La méthode italienne était incontestablement subtile. Sentimentalement elle offusquait ceux qui croient que n’ont le droit d’être à l’honneur que ceux qui ont d’abord été à la peine. Lors des arrivées à Bordeaux et à Pau, il y eut donc quelques cris hostiles à l’adresse des transalpins, considérés comme des « suceurs de roues ». Mais les choses n’allèrent pas plus loin. Et au fond, tout ceci était assez anodin.
Au départ de Pau, Bartali affichait un front soucieux. Il avait fixé sur la potence de son guidon une médaille sainte qu’il avait été faire bénir la veille à Lourdes (on le surnommait « Gino le Pieux », ndlr). Mais cette protection céleste ne le rassurait qu’à moitié.
– Gino redoute le tempérament « excessif » des gens de cette région, me dit un confrère de Rome qui s’évertuait à dissiper les inquiétudes du champion.
Tout se passa bien dans l’Aubisque, mais dans les lacets du Tourmalet, quelques rares excités conspuèrent Bartali dont la nervosité redoubla ;
Aussi, au moment d’attaquer la montée d’Aspin, Bartali demanda-t-il à Louison Bobet de ne point le quitter. Une foule énorme obstruait la route sinuant au milieu des sapinières.
À l’approche du sommet, Robic, Bartali et Bobet étaient roue dans roue. Devant eux, un photographe, à cheval sur le tansad d’une motocyclette, gêna involontairement Robic qui s’apprêtait à démarrer. Les trois coureurs s’accrochèrent et tombèrent.
C’est alors que Bartali vit se précipiter vers lui des individus, l’injure à la bouche. Il reçut quelques horions et eut l’impression qu’il allait être lynché.
L’incident fut extrêmement bref, mais Gino, en remontant sur sa machine, était blême de peur. Quelques instants auparavant une voiture le coinça contre la paroi de la montagne. Ce geste fut-il intentionnel ? En tout cas, Bartali me disait le lendemain :
– À ce moment-là, j’ai pensé à mon frère qui est mort en course par la faute d’un maladroit. Et cette pensée ne cesserait plus de m’obséder si je poursuivais le Tour.
Le soir-même, le bruit de l’abandon probable de l’équipe italienne se répandit comme une traînée de poudre dans Saint-Gaudens.
Durant toute la nuit, les officiels se concertèrent. Binda parlementa avec ses coureurs et de nombreux coups de téléphone furent échangés avec M. Rodoni, président de l’U.V.I. (Union Vélocipédique Internationale, ndlr) lequel finit, de Milan, par déclarer :
– Bartali est maître de sa décision. Je l’entérinerai quelle qu’elle soit !
À Luchon, où je logeais et où je me tenais au courant de l’évolution de la « crise », je rencontrai Armand Salacrou (auteur normand connu notamment pour ses pièces L’inconnue d’Arras et Boulevard Durand ndlr). Un Salacrou écarlate, bronzé, hâlé par le grand air, et qui descendait du sommet du Nethou où il passe ses vacances à se livrer aux joies de l’alpinisme.
En bon auteur dramatique, Salacrou me dit :
– Ce qui manque à ce Tour c’est un rebondissement. Pour que l’intérêt soit maintenu, il nous faudrait un bel incident. Cet incident nous l’avions.
Le Tour continue !
Dès le lever du soleil, accompagnant Gaston Bénac, nous pénétrions dans le jardin de l’Hôtel de France à Loures-Barousse, petite localité près de ce Barbazan dont Pierre Benoît illustra récemment le casino.
Quelques écharpes de brume flottaient dans la vallée et encapuchonnaient les Pyrénées.
– Voilà qui est mauvais signe ! me dit Gaston Bénac.
Et il me montra la voiture de Binda complètement déséquipée. Des valises avaient pris la place des vélos de rechange.
Sous les arbres, agités par un vent frisquet, Jacques Goddet et Félix Lévitan parlementaient avec Magni. Désœuvrés, ayant revêtu leur costume civil, Biagioni, Lambertini, Salimbeni tournaient en rond.
– Vous devez défendre votre maillot jaune !
Magni aurait bien voulu céder aux arguments de Jacques Goddet. Mais il en était incapable :
– J’ai donné ma parole à Bartali. Je ne puis la renier. Et puis, même si je passais outre, ma carrière serait brisée au cas où je continuerais seul de courir le Tour !
Entouré de ses coéquipiers, Léoni subissait le même cas de conscience. Sur la prière de Jacques Goddet, Binda fit une ultime tentative et disparut dans le pavillon où logeait Gino. Il en ressortit dix minutes plus tard, suivi du champion.
– Je regrette, dit Bartali. Je ne puis assumer la responsabilité de faire courir le moindre risque à mes camarades qui m’ont accordé leur confiance.
– C’est votre dernier mot ? demanda (Jean-Pierre Foucault, pardon ndlr) Jacques Goddet.
Bartali hocha la tête.
– Désolé, fit simplement Jacques Goddet.
Et après lui avoir serré la main :
– Le Tour continue !
C’était donc l’abandon pur et simple.
Aussitôt les journalistes italiens, qui avaient passé la nuit sur des lits de fortune dressés dans la salle à manger de l’hôtel, se ruèrent vers la cuisine et s’emparèrent du téléphone, dictant des articles-fleuves et se disputant des sandwichs que confectionnait une femme de chambre affolée par la volubilité de ses hôtes.
– Le village de Loures-Barousse vient d’entrer dans l’Histoire du Tour de France ! dit pompeusement un confrère.
Il n’avait pas tort, car les événements qui s’y déroulèrent ne cessèrent de peser sur l’épreuve. »

Loures-Barousse

Soixante-dix après, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la Garonne. Les gradins, vestiges de l’ancien circuit automobile du Comminges, témoignent toujours, à l’entrée ouest de la ville, des grandes heures sportives d’antan, le pilote Albert Ascari au volant de sa Ferrari, les campionissimi Bartali et Magni.
Effectivement, il y eut quelques échauffourées en haut du col d’Aspin : quelques énergumènes français, un peu trop imbibés de Madiran ou « Perniflard », prirent à partie Gino Bartali qui se plaignit que l’un d’eux le menaça avec un couteau … Si l’on en croit Pierre Chany, journaliste pour L’Équipe, qui a été témoin de l’action : « J’ai vu le spectateur dont parle Bartali. Il avait un couteau dans la main droite, c’est vrai, mais c’était pour couper le saucisson qu’il tenait dans la main gauche » ! Pour bien connaître les habitudes festives et conviviales des gens du cru, je validerais volontiers cette version.
D’un point de vue cyclo-géopolitique, le contexte d’après-guerre était encore tendu. Mes lecteurs assidus se souviennent de l’accueil réservé aux coureurs français, lors du Tour précédent de 1949, en particulier à Robic, dans le Val d’Aoste. On leur avait barré la route et insultes et jets de pierre avaient visé la caravane.
Chez certains esprits médiocres, Bartali incarnait malgré lui le régime de Mussolini qui avait instrumentalisé le succès du campionissimo dans le Tour de France 1938. Pauvre et admirable Gino dont on apprendra bien plus tard, quelques années avant sa mort, que pendant l’occupation allemande de la péninsule, fervent catholique, il faisait partie d’un réseau de sauvetage conduit par le rabbin de Florent Nathan Cassuto conjointement avec l’archevêque de Florence le cardinal Elia Angelo Dalla Costa. Il servait de messager en dissimulant des documents falsifiés dans les tubes de selle et de guidon et en les transportant sous le couvert de son entraînement (jusqu’à 350 km par jour !). Il contribua ainsi à sauver la vie à plus de 800 Juifs et, à titre posthume, fut décoré « Juste parmi les nations », la plus haute distinction décernée par l’état d’Israël.
Il fut dit aussi que le vieillissant Gino n’aurait pas supporté de voir la toison d’or sur les épaules de son coéquipier Fiorenzo Magni, d’autant plus qu’il n’avait guère de sympathie pour son ex appartenance à la milice fasciste sous la dictature du Duce.

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Conséquences de l’embuscade d’Aspin et de l’intransigeance de Bartali : du fait du retrait de Magni, c’est Ferdi Kubler qui, comme tout bon Suisse qui se respecte, neutre dans le conflit, s’empare du maillot jaune mais il préfère cependant ne pas l’enfiler au départ de Saint-Gaudens ; d’autre part, les organisateurs envisagent déjà d’annuler l’incursion en Italie lors des 15eme et 16eme étapes par crainte de représailles.
Il me manque déjà, Guy Bedos déclamait, à la fin de chacun de ses récitals, que la vie est une comédie italienne ! Comediante, tragediante !
Décimé par les renoncements en chaîne (de vélo bien évidemment), c’est un peloton de 73 coureurs et sans maillot jaune qui s’élance pour la 12ème étape Saint-Gaudens-Perpignan (233 kilomètres) via le Couserans et les étroites gorges de l’Aude.
Est-ce pour remercier les commissaires pour leur mansuétude, le Belge Maurice Blomme, repêché bien qu’étant arrivé hors des délais (à 1h 15 de Bartali) la veille, se fait la belle dans la traversée du Comminges et possède 2 minutes d’avance à Salies-du-Salat.
Allez, au passage, pour nous faire pardonner des mauvais agissements de certains de nos compatriotes, filons au casino local écouter Paolo Conte narguer malicieusement les francese avec un de ses grands succès, Bartali :

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« … Moi je reste là j’attends Bartali
Perché sur mes sandales
De ce virage il pointera
Son nez triste d’italien heureux
Entre les français qui s’énervent
Et les journaux qui s’envolent
Il y a un peu de vent
La campagne baille
Il y a une lune au fond du bleu
Entre les français qui s’énervent
Et les journaux qui s’envolent
Et toi tu me dis qu’on doit aller au cinéma
Au cinéma vas-y toi ».

Pour lui montrer que l’on n’en veut pas, je vous offre une autre version, très entraînante, de Bartali, interprétée par Enzo Jannacci, artiste aujourd’hui disparu, qui possédait un doctorat en médecine et fut amené à travailler au sein de l’équipe du célèbre chirurgien en cardiologie Christiaan Barnard.

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Un peu plus loin, à Castagnède, malgré l’heure encore matinale, il doit y avoir foule au comptoir de « Chez Nono » et du Café américain et les premiers « Pernifleurs » trinquent déjà à la belle histoire belge du jour : Blomme a doublé son avance à Caumont, possède 9 minutes à Rimont et 16 minutes à Foix sur un peloton qui se préoccupe surtout de chasser la canette.
Comme l’écrit Max Favalelli, dans le Tour, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas : « Hier la pluie, les bourrasques, l’ascension des cols, la foudre, les incidents. Aujourd’hui la chaleur, les routes à peine bosselées, le calme, presque la monotonie …
Hier un coureur est éliminé pour être arrivé après la fermeture du contrôle ; il s’appelle Blomme. Aujourd’hui, un coureur se détache dès le départ, fonce dans la fournaise et, après une course solitaire qui le fait défaillir, remporte la victoire : il s’appelle Blomme.

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Voilà un monsieur qui ne tarde pas à solder ses dettes de reconnaissance ! À peine repêché, il cueille une branche de laurier … et quelques dizaines de billets de mille par surcroît.
De Saint-Gaudens à Perpignan, notre troupe est soudain allégée. Les absents n’ont pas toujours tort. La personnalité du seigneur Bartali est trop puissante pour ne pas hanter tous les esprits.

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Courte sensation, et qui tourne à la promenade touristique. On découvre, au passage, le défilé du Lys. La France doit être un pays bien riche pour tenir secret des sites aussi beaux et qui lui attireraient de nombreux visiteurs (voilà une idée en ces grandes vacances d’après confinement !).
Perpignan a le sang en tête et organise une arrivée qui lui donne 40° de fièvre ; c’est exactement la température que l’on enregistre sous les platanes du boulevard Wilson. L’on s’est contenté d’enlever en hâte les drapeaux italiens qui décoraient la place. Grande cause, petits effets … »
Maurice Blomme, recordman de l’heure de son pays (44,190 km sur la piste du Vigorelli de Milan, l’année précédente), l’emporte après une échappée fleuve de 213 kilomètres, pas loin du record d’Albert Bourlon en 1947 et mieux qu’Albert Dussault entre Bordeaux et Pau, cette année. Cependant, on a failli encore assisté à un incident cocasse : victime d’une insolation, Blomme s’est effondré à quarante mètres de la ligne d’arrivée, ce sont des âmes charitables qui l’ont remis en selle pour effectuer les derniers mètres sur sa machine.

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Décidément, ce Tour, à défaut de grandes manœuvres, vaut par ses petites histoires dont certaines, notamment en cette année 1950, sont entrées définitivement dans la légende des Cycles. Ainsi lors de l’étape Perpignan-Nîmes courue sous une chaleur caniculaire …
C’était la belle époque des équipes nationales et régionales. Pour contenter tous les candidats français au Tour, on avait créé des équipes aux appellations biscornues. En 1950, on relevait les formations de l’Ouest, de l’Ile-de-France-Nord-Est, du Centre-Sud-Ouest, du Sud-Est, ainsi qu’en « ce temps béni des colonies » (dixit Michel Sardou !) une équipe d’Afrique du Nord. Deux Marocains et quatre Algériens, tous citoyens français, la composaient : Max Charroin et Custodio Dos Reis, tous deux de Casablanca, les Algérois Ahmed Kebaili, Marcel Molinès et Marcel Zelasco, et Abd el Kader Zaaf surnommé le « lion de Chebli », sous la direction technique de l’Oranais Vincent Salazard.
Donc, au départ de Perpignan : « Après avoir consulté le thermomètre, les Nord-Africains qui sont gens déductifs ont estimé que le climat, qui est favorable à l’éclosion des vers à soie, devait également leur convenir. Le jeune Molinès avait rencontré, à Pau, son mentor et ami Maurice Diot et lui avait promis de faire honneur à son protecteur. Il tint parole et, flanqué de Zaaf, prend le large sur des routes qui grésillent ainsi qu’un four.
Et voilà deux maillots gris à bande bleue de France qui s’échappent de la palette colorée du peloton, sans que celui-ci consente à sortir de sa torpeur.

Zaaf suivi de MolinèsZaaf-Molines

Pour les suiveurs (dont ici Max Favalelli), le pèlerinage Perpignan-Nîmes est marqué par deux stations, où chacun reçoit le viatique du Pérégrin : À Béziers, dégustation de vin clairet ; à Pézenas, de ravissantes personnes distribuent des pâtés dont le secret est dû, paraît-il, à un lord anglais(plus précisément au cuisinier indien de Lord Robert Clive, ndlr). Et à Montpellier, nous recevons des fruits.

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Quelqu’un qui a eu grand tort d’apprécier trop vivement ces spécialités locales, c’est le malheureux Zaaf ! Subitement, il se met à tanguer, à zigzaguer sur la route, pareil à un taon, et s’écroule dans le fossé. Le rosé de Narbonne lui a été fatal … « Tu n’aurais pas dû absorber cette bouteille qu’un spectateur t’a tendue » lui reproche son directeur sportif … »

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À ce point du récit, je préfère poursuivre cette anecdote telle que, bien des années plus tard, le truculent journaliste de Miroir-Sprint Abel Michea la conta à sa chère petite-fille Nounouchette :
« C’était en 1950. L’étape Perpignan-Nîmes. Encore une où Râ, comme disent les cruciverbistes, faisait des heures supplémentaires. Tu avais beau avoir une feuille de chou sur la cafetière, tu sentais quand même passer le truc. Alors, de temps en temps, un petit coup de Roussillon, histoire de s’humecter les papilles. Et finalement, c’est Abd el Kader qui a trinqué. Zaaf, il avait pris la tangente avec un pote à lui, Molinès. Et il pensait bien la gagner son étape. Il n’avait rien négligé pour cela. Surtout les « conseils » d’un copain belge qui lui avait vanté les mérites de petites pilules « comme ça ».
Et le coureur belge, grand ami de Zaaf, lui avait remis la boîte, sans comme dit le prospectus, préciser la posologie. Voilà donc mon Abd el Kader qui prend un peu plus de pilules qu’il eut été … enfin, disons normal… Si tu avais vu Zaaf tanguer sur la route, la balayer, éviter … un platane, avant de s’écrouler dans un fossé, en bordure d’un vignoble. Et il allait peut-être bien tomber dans les pommes quand un vigneron lui passa sa gourde. Zaaf ne buvait pas de vin. Mais il s’aspergea le visage, la nuque. À tel point que, quand on s’empressa autour de lui, il puait le pinard. Et tout aussitôt naquit la légende de la biture sensationnelle. Tu vois, ma Nounouchette, comme il faut toujours se méfier des apparences et des mauvaises langues.
Tu peux aller demander aux toubibs de Nîmes qui lui firent un lavage d’estomac, si je raconte des blagues.
Zaaf, lui, il était malin. Il n’a rien dit. Même que le lendemain, il est venu au départ faire son numéro. Il voulait repartir ! Bien sûr, on lui rappela son abandon dont il disait ne pas se souvenir. Alors, il proposa de … « vite faire le bout d’étape qu’il n’avait pas fait … »
Tout ça, ça lui a valu pas mal de contrats. Beaucoup de contrats, même. À tel point que tous les journaux écrivirent qu’il était obligé de s’installer en Bretagne puis en Belgique. Ça, mon ange, c’était vrai. Mais les contrats n’y étaient pour rien. Simplement, la légende avait traversé la Méditerranée. On y avait cru. Et les compatriotes musulmans de Zaaf avaient décidé d’excommunier le buveur de vin … Abd el Kader était prisonnier de sa légende. »
Celui qu’on surnommait le Lion de Chebli montra par la suite d’indéniables qualités de communicant avant l’heure. En effet, l’année suivante, il s’appliqua à terminer à la place populaire de « lanterne rouge » du Tour (66ème et dernier à 4h 58 du vainqueur Koblet), promesse de bien meilleurs contrats dans les critériums. Et comme en atteste la photo ci-dessous, il sut aussi tirer quelque profit publicitaire de sa mésaventure. Comme quoi le pinard languedocien ne lui tourna pas la tête tant que ça !

Zaaf réclame

Il paraît qu’il laissa sa trace dans l’argot, et du côté de Saint-Pol-de-Léon, lorsque les autochtones voulaient s’offrir un petit verre de vin au bar, ils commandaient « un petit Zaaf » !

Image de prévisualisation YouTube

Dans cette « étape de la soif », après Montpellier, l’orage éclate … et la course également. Profitant des malheurs de Louison Bobet (crevaison) et Raphaël Geminiani (axe de roue avant cassé), Ferdi Kubler, qui a consenti enfin à revêtir le maillot jaune, sonne la charge en compagnie de Ockers, Ils terminent aux 3ème et 4ème places derrière Marcel Molinès qui offre à l’Afrique du Nord sa première victoire dans un Tour de France, et le facteur de Vierzon Georges Meunier.

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Devant les arènes romaines de Nîmes, Max Favalelli, oui je suis toujours attentif à ses propos, s’interroge :
« Que nous réserve cette journée ? « C’est bien simple, me dit Redolfi : les Nord-Africains ont dû tirer au sort celui qui gagnera aujourd’hui… »
Les footballeurs hollando-nîmois qui assistent aux préparatifs, Timmermans et Brandes, éclatent de rire. Ils ont tort. La vérité se cache derrière cette boutade. Et c’est au tour de Zelasco et de Dos Reis de partir vers Toulon, sans que ces « messieurs les gros bras » songent un seul instant à poursuivre les fuyards.

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À Avignon, l’ex-champion de France Jean Rey se munit d’un jet et asperge au passage ses anciens camarades.
Aix-en-Provence : tentation des fontaines jaillissant claires et fraîches. Ollioule, pays natal de Coste et de Matteoli a posé un jet d’eau qui se déclenche automatiquement à l’approche du peloton.
Au sommet du Pailladou, où les cigales agitent sans cesse leurs castagnettes de métal, Coupry est venu, lui aussi, ravitailler les membres de la Pédale joyeuse : Piot, Baldassari, Gauthier, etc…
On discute … Brulé demande à Robic d’être le parrain de sa petite fille. Le baptême aura lieu après le Tour. « Et si tu gagnes, Biquet, on lui mettra ton maillot jaune … »
Arrivée à Toulon entre une double haie de cols bleus. « Vite quelques averses et un peu de neige ! » Schotte soupire et maudit cette chaleur de four qui le cuit comme une écrevisse.
Chez les poulains de Vincent Salazard, on débouche une bouteille de champagne. En deux jours, les gars d’Afrique du Nord ont mis dans leur tirelire un demi-million. La vie est belle ! »
Pierre Chany (le futur « journaliste aux 50 Tours de France » !) écrit ceci :
« Nîmes-Toulon, c’était l’étape provençale avec les personnages de « Mireille » et de « la Femme du Boulanger » comme témoins.
Ce fut encore une seconde journée nord-africaine puisque Dos Reis et Zelasco, échappés bien avant Avignon, atteignirent les bords de la Méditerranée avec 14 minutes d’avance sur Rémy et Castelin et plus de 18 minutes sur le peloton.

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La chaleur qui embrasait l’atmosphère au cours de cette pénible journée ne suffit pas, comme on pourrait le croire, à expliquer cette nouvelle victoire des Africains et les plus sceptiques au départ de Paris doivent reconnaître aujourd’hui la valeur des routiers algériens ou marocains qui ont mérité le droit de courir le Tour chaque année. (Ces propos seraient sans doute fustigés aujourd’hui sur les réseaux sociaux !)
Plus dynamiques que la plupart des régionaux métropolitains, les coureurs de Salazard mirent à profit les temps morts de deux étapes transitoires pour meubler leur palmarès.
Leurs escapades, certes, ne provoquèrent pas de grandes réactions et les « grands », pour leur part, affichèrent une royale indifférence à l’égard de ces « petits » trop attardés au classement général pour être inscrits sur la liste rouge des « dangereux »… »
Je relève dans le bloc-notes de Maurice Vidal : « Il est un coureur qui continue à gravir un véritable chemin de croix : gravement blessé dans les Pyrénées, Van Ende a la malchance de voir son boyau éclater à 500 mètres de la ligne alors qu’il passait des rails de tramway. Il tomba lourdement et resta sur la route, un côté du corps ensanglanté. Lambrecht, qui venait de franchir la ligne d’arrivée, se précipita en bon camarade pour relever son équipier. Le geste est joli, mais le Belge a reçu en récompense une pénalisation de 30 secondes pour le motif d’avoir déjà passé la ligne d’arrivée !
Petite question aux commissaires : le règlement ne prévoyait-il pas une pénalisation pour l’officiel qui fit à Perpignan franchir la ligne d’arrivée à un autre Belge Blomme défaillant ? Le geste avait pourtant une bien plus grande importance. »
Samedi 29 juillet, la 15ème étape conduit les coureurs de Toulon à Menton. Prévue à l’origine jusqu’à San Remo, l’étape raccourcie, suite aux incidents du col d’Aspin et la retraite des coureurs italiens, se déroule intégralement sur le territoire français.
René Mellix, dans But&Club, la qualifie d’étape de la fantaisie et d’étape « omnisports ». Explication :
« Les 62 rescapés ont quitté Toulon et ses cols bleus à 8h 45. La chaleur étant très forte, les coureurs ont entrepris une promenade touristique à 25 kilomètres à l’heure. Les magnifiques panoramas de la côte des Maures puis de toute la Côte d’Azur jusqu’à Nice ont réjoui les yeux des concurrents et des suiveurs.
Cette balade a été entrecoupée d’une tentative peu sérieuse d’ailleurs de Baldassari au 44ème kilomètre. Pris en chasse par Hendrickx, Apo Lazaridès et Dupond, le Parisien n’a pas insisté.
Tout en étant occupés à rechercher les canettes, tous les coureurs, à l’exception d’une poignée, se sont offert une fantaisie près de Sainte-Maxime. Nous les avons vu déposer leurs vélos sur la route et aller piquer une tête dans la Grande Bleue, à la grande joie des photographes.
Puis nous avons vu un round de boxe, près de Fréjus, entre Robic le coléreux et Apo Lazaridès, une bataille de poids mouche … »

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Revenons à l’épisode de la baignade, près de Sainte-Maxime, à Saint-Pons les Mûres exactement, qui appartient à la légende des Cycles. Dans cette étape dite de transition, les coureurs, si peu combatifs, décidèrent de s’accorder un moment de farniente (mot d’origine italienne !) encore jamais vu. Ainsi, Apo Lazaridès et Jean Robic descendent de leur vélo pour aller se baigner, bientôt suivis par une soixantaine de coureurs parmi lesquels le bien nommé Brulé qui rentre carrément dans l’eau avec sa monture.
Jacques Goddet et Félix Lévitan, les codirecteurs de l’épreuve, enragent mais aucun règlement ne prévoit de sanction pour baignade.

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Après quelques minutes de rafraîchissement, tout le monde remonte en selle. Avec toutefois une triple mauvaise surprise : tous les ravitaillements restés dans les poches des maillots sont immangeables, le sel marin dans les vêtements et sur la peau démange les baigneurs jusqu’à l’arrivée, et Jacques Goddet, qualifiant le coup de « carnaval », prend la décision de bouder la Côte d’Azur pour éviter tout risque de nouvelle excursion marine. Pendant sept ans !
« Petit intermède badin … et l ‘on reprit le train, un train omnibus qui n’emballe guère le public de Sainte-Maxime ou de Cannes, parmi lequel on reconnaissait au passage le prince de Liechtenstein, Mario Zatelli (de l’Olympique de Marseille), Jacques Charron de la Comédie-Française et José Lucciani de l’Opéra.
On avait même tendance à s’assoupir lorsque soudain, retentit un bruit de gifle. En queue du peloton, Robic et Lazaridès se livraient à un combat singulier. Échange de mots aigres-doux. Et vlan ! Biquet administre un soufflet à Apo qui a subi un sévère entraînement dans ce genre de sport, grâce à son patron René Vietto.
– C’est une manie ! gémit Apo.
Et il s’en faut de peu que l’enfant grec (surnom de Apo) ne réclame de la poudre et des balles. »

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La course a débuté réellement aux abords de Villefranche avec l’attaque du Marseillais Raoul Rémy qui emmène avec lui quelques courageux parmi lesquels Diederich, Lauredi, Molineris, Castelin et Impanis.
Dans l’ascension du Mont des Mules, surplombant la Principauté de Monaco, à dix kilomètres du but, le Luxembourgeois Jean Diederich, surnommé Bim ou encore le duc de Grammont, s’envole et l’emporte en solitaire à Menton.
Dans son bloc-notes, Maurice Vidal remercie Menton pour son accueil : « La façon dont cette ville –ou plutôt les sportifs mentonnais- a organisé en trois jours une arrivée du Tour de France impeccable, alors qu’il faut plusieurs mois partout ailleurs, est un record sportif qui vaut bien d’être signalé. Les logements étaient aussi soignés que le reste. Il est vrai que les mobilisations aux Etats-Unis et en Angleterre ont vidé la côte de tous les estivants de langue étrangère. »
Dimanche 30 juillet : autre conséquence de l’affaire du col d’Aspîn, la 16ème étape qui, primitivement, devait démarrer de San Remo, est rognée de sa partie italienne et se dispute dans l’arrière-pays niçois sur un parcours certes restreint (96 kilomètres) mais difficultueux avec l’ascension des cols de Castillon et du Turini (emprunté immuablement par les pilotes du célèbre rallye automobile de Monte Carlo).
S’agit-il d’une petite revanche des organisateurs français, l’arrivée à Nice est jugée devant le monument du Centenaire, inauguré par le président de la République Félix Faure, en mars 1896, pour célébrer les cent ans du rattachement du comté de Nice (auparavant partie intégrante du royaume Piémont-Sardaigne) à la France.

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« Sous un ciel torride, un homme maussade est assis sur un rocher près du sommet du Turini. René Vietto est venu attendre ses poulains mais c’est Robic et Bobet qui débouchent ensemble du col.
Robic têtu, volontaire, tirant rageusement sur son guidon. Bobet élégant, souple et bien en ligne.
– Ma parole ! constate Jimmy Gaillard, ils deviennent des inséparables.
Miracle ! Lorsque l’un des deux reçoit une canette d’un spectateur, il la tend à son compagnon, après s’être abreuvé lui-même.
Réconciliation ? On n’ose l’affirmer. Mais pour le moment leur intérêt est commun.
La montée abrupte, dans un paysage ravissant peuplé de jolies filles en tenue légère, fait du dégât. Les écarts se creusent. Et José Beyaert ne tarde pas à être lâché. Il reste seul et interroge les spectateurs :
– Vous êtes bien sûr que je suis dans le Turini ?
Descente vertigineuse sur un toboggan dangereusement astiqué à près de soixante-dix à l’heure tous freins lâchés.

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Kubler et Ockers foncent sur les deux Français ainsi que des aigles, en décrivant des orbes fantastiques et ils s’abattent bientôt sur leurs proies au détour d’un lacet.
– Moi pas encore perdu jaune maillot ! crie le Suisse (surnommé l’aigle d’Adliswil ndlr) dans ce style petit-nègre qui donne tant de pittoresque à ses propos.
Mélancoliques, Lucien Teisseire et Rol qui a abandonné la course avant Saint-Brieuc, regardent les quatre champions exécuter leur numéro d’acrobates.
Qui gagnera ? Louison doit croire à sa chance aujourd’hui car il profite d’une courte ligne droite pour faire toilette. Il se débarbouille avec une éponge et se donne un soigneux coup de peigne. Louison est un garçon qui a des usages. Il ne veut pas maculer le visage de la jolie Niçoise qui embrassera le vainqueur.
Calcul trop précipité, Ferdi, d’un formidable coup de reins, coiffe Bobet sur la ligne –lequel n’avait pas besoin de ce traitement superflu !- et éclate de rire en constatant la confusion des techniciens qui s’obstinent à prédire son effondrement.
Nice. Repos. Farniente. Atmosphère de vacances. On élit une Miss Tour de France qu’André Leducq manage avec beaucoup d’attention. Bains de soleil sur la plage. Visites amicales de Victor Francen (acteur belge), Jim Gérald (un des premiers acteurs du cinéma parlant français), Andrex et Tino Rossi.
Ceux qui craignent de perdre la cadence vont reconnaître le début du parcours du lendemain. Schotte, Impanis et Dupont font des circuits sur la Promenade des Anglais. La Môme Moineau puise dans les soutes de son yacht amarré à Cannes et fait porter deux caisses de champagne à l’équipe de France.
– Fini de rire ! blague Kléber Piot. Demain, c’est du sérieux. Et le « grimpeur souriant, vainqueur des Pyrénées, songe à ses futurs adversaires, le Vars et surtout le terrible Izoard … »
Cette fois, le Tour semble avoir pris une tournure définitive. C’est du quatuor composé de Kubler, Bobet, Ockers et Robic que sortira le vainqueur au Parc des Princes : quatre champions de force sensiblement égale et dont il est bien difficile de dire lequel triomphera.
Mais pour aujourd’hui, prenez un peu de bon temps, sur la Promenade des Anglais. C’est à votre tour de faire trempette dans la Grande Bleue.
À suivre …

Pour vous faire revivre ces étapes du Tour De France 1950, j’ai puisé dansles précieuses collections des revues Miroir-Sprint et But&Club Miroir des Sports.
Mes vifs remerciements à Jean-Pierre Le Port pour m’avoir aidé à rassembler tous ces documents.

Publié dans:Cyclisme |on 26 juin, 2020 |Pas de commentaires »

Fête des Mères 2020

C’est aujourd’hui la fête de toutes les mamans.
Débarrassons-nous d’abord de cette assertion selon laquelle le maréchal Pétain en serait à l’origine. La mythologie grecque célébrait déjà Rhéa, la mère de Zeus, au printemps.
En France, le village d’Artas, en Isère, revendique être le berceau de la fête des Mères. En effet, le 10 juin 1906, à l’initiative de Prosper Roche, fondateur de l’Union fraternelle des pères de famille méritants d’Artas, une cérémonie fut organisée en l’honneur de mères de familles nombreuses. En cette occasion, il décerna un diplôme de « Haut mérite maternel » à deux mères de neuf enfants. Ce jour-là, on pouvait fredonner de manière certes irrévérencieuse (compte tenu des « activités » du héros de la chanson) : Prosper Yop la boum, c’est le chéri de ces dames !!!
En 1918, la ville de Lyon célébra une « Journée des mères » en hommage aux mamans et aux épouses qui ont perdu leurs fils ou leur mari pendant la Première Guerre mondiale.
On assista, en 1920, à une timide tentative d’organisation par les municipalités d’une fête des mères de familles nombreuses. Finalement, c’est le 20 avril 1926 que la fête des Mères obtient une véritable reconnaissance officielle. Le gouvernement d’Aristide Briand la qualifie de « Journée des Mères de Familles nombreuses. » Des médailles de la Famille Française leur sont remises solennellement pour témoigner la reconnaissance de la Nation.
En 1942, le maréchal Pétain (le voilà !) reprend cette célébration en lui donnant une signification quasi liturgique à travers un message à la TSF (la radio d’avant le transistor !) : « Vous seules, savez donner à tous ce goût du travail, ce sens de la discipline, de la modestie, du respect qui font les hommes sains et les peuples forts. Vous êtes les inspiratrices de notre civilisation chrétienne ».
Après guerre, la loi du 24 mai 1950 indiquera que « la République française rend officiellement hommage chaque année aux mères françaises au cours d’une journée consacrée à la célébration de la « fête des Mères » », organisée par le ministre chargé de la Santé avec le concours de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Elle en fixe la date au dernier dimanche de mai (sauf si cette date coïncide avec celle de la Pentecôte auquel cas elle est repoussée au premier dimanche de juin), et prévoit l’inscription des crédits nécessaires sur le budget du ministère.
Je sacrifie, chaque année, à cette tradition, en la célébrant dans cet espace, d’une manière ou d’une autre, avec tendresse toujours et parfois humour, ainsi lorsque j’avais évoqué les colliers de nouilles* amoureusement tressés par les chers enfants lors d’ « activités d’éveil ».
Cette année, ne voyez-là aucune conséquence du confinement, j’ai choisi d’effectuer quelques révisions, notamment à l’intention des nouveaux ou récents lecteurs, en republiant les deux billets que j’avais consacrés, en 2014, à une maman que j’ai bien connue : la mienne !
Elle est partie il y a vingt ans au tournant du nouveau siècle. J’ai beaucoup pensé à elle ces temps-ci et vous en ai même parlé de-ci de-là en écho à certains moments de la crise sanitaire que nous traversons.
Bonne fête là-haut ma tendre maman ! Voici qui elle était :
http://encreviolette.unblog.fr/2014/05/14/gilberte-coffin-ma-chere-et-tendre-maman-epoque-1/
http://encreviolette.unblog.fr/2014/05/19/gilberte-coffin-ma-chere-et-tendre-maman-2/

Maman JP et JM blog

* http://encreviolette.unblog.fr/2008/05/25/fete-des-meres-et-collier-de-nouilles/

Publié dans:Coups de coeur |on 7 juin, 2020 |Pas de commentaires »

Je déconfine, nous déconfinons, vous déconfinez …

Rappel des états d’âme précédents :
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/23/mon-confinement-j8/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/25/mon-confinement-j10-avec-lassistance-de-cavanna/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/27/mon-confinement-j13/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/01/mon-confinement-au-1er-avril/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/06/mon-confinement-deja-3-semaines/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/15/mon-confinement-merci-pour-le-rab/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/23/mon-confinement-bientot-le-joli-mois-de-mai/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/05/03/mon-confinement-deconfinement-ou-deconfiture/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/05/13/mon-deconfinement/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/05/18/mon-deconfinement-et-surtout-un-hommage-a-idir/

Ce matin de lundi de Pentecôte, en ouvrant le rideau de la chambre sur une troisième semaine de déconfinement, je tombe nez à bec avec une tourterelle qui roucoule tranquillement dans l’arbre, à moins de deux mètres. Elle n’est pas farouche et qui sait si ses vocalises ne me sont pas destinées : « Alors, vous n’avez rien compris ? Vous recommencez votre boucan avec vos bagnoles, vos avions, il y a même un abruti qui fait du rodéo sur la roue arrière en motocyclette dans le parc ! »
Je pense à Nougaro qui, de manière métaphorique, chantait le mois de mai 68 que beaucoup d’analystes et chroniqueurs évoquent, souvent de manière erronée, en perspective de la période que l’on traverse :

« Le casque des pavés ne bouge plus d’un cil
La Seine de nouveau ruisselle d’eau bénite
Le vent a dispersé les cendres de Bendit
Et chacun est rentré chez son automobile.
J’ai retrouvé mon pas sur le glabre bitume
Mon pas d’oiseau forçat enchainé à sa plume
Et piochant l’évasion d’un rossignol titan
Capable d’assurer le Sacre du Printemps.
Ces temps ci, je l’avoue, j’ai la gorge un peu âcre
Le Sacre du Printemps sonne comme un massacre
Mais chaque jour qui vient embellira mon cri
Il se peut que je couve un Igor Stravinski
Mai mai mai Paris mai… »

De manière plus prosaïque, mais aussi surréaliste, la nature a profité du confinement pour reprendre dare-dare ses droits et la réduction de la présence humaine a amené des animaux à s’aventurer dans les villes : un puma à Santiago du Chili, des sangliers à Barcelone, une foule de singes affamés en Thaïlande, des daims dans les rues de Boissy-Saint-Léger.

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Paris a constitué un extraordinaire territoire d’observation pour les naturalistes. De l’orge des rats au pied des arbres, une laitue scariole de plus d’un mètre, des fraises sur le bitume et même « des fleurs qui dis‘nt quèqu’ chose » comme les coquelicots font un retour remarqué dans les rues de la capitale, c’est Mouloudji qui doit être heureux.
Des renardeaux hantent les allées du cimetière du Père-Lachaise fermé au public. Les lézards des murailles frétillent de la queue et des crapauds accoucheurs donnent naissance à des crapelets sur la butte Montmartre. Profitant de l’absence des ronronnements de moteurs, la grive musicienne et le rouge-gorge lancent leurs trilles. Dans la ferme familiale d’Ariège, des lièvres viennent gambader dans le verger.
Que les amis des bêtes ne se réjouissent pas trop, les spécialistes estiment que nous retournerons très rapidement à la situation antérieure.
Et pourtant, que les abeilles vivent, que je puisse continuer à déguster le miel du Poitou de l’ami photographe Jean-Denis ! Même si je ne suis plus d’âge à taquiner les jeunettes à la chevelure abondante, j’aimerais que reviennent les hannetons* de mon enfance qui colonisaient les tilleuls de la cour, aux soirs d’été.
J’ai vécu les campagnes de hannetonnage, à défaut de n’avoir pas connu la Seconde Guerre mondiale comme semble le regretter le journaliste François de Closets qui vilipende les baby boomers dans son dernier ouvrage. Il s’en était pris, il y a quelques années, à la dictature de l’orthographe, une passion française. Cette fois, il s’indigne devant le comportement égoïste des personnes âgées durant la crise sanitaire … ce monsieur a 85 ans tout de même !
Vous l’aurez ressenti, j’ai envie de m’aérer l’esprit pollué par toutes ces embrouilles de masques et chlroquine, ces joutes phocéennes (aussi antiques que les byzantines) entre élites du monde de la santé et une sommité super star sectaire, populiste et égocentrique (il se surnomme lui-même le « M’Bappé de la médecine »), arbitrées ou orchestrées par les journalistes, les chroniqueurs et surtout des millions d’utilisateurs des réseaux spéciaux absolument incompétents.
J’ai un sale pressentiment qu’à l’automne, certains clameront que nos gouvernants se sont affolés et que, compte tenu que la moitié des victimes du coronavirus provient des EHPAD, il n’y avait pas lieu de mettre le pays à l’arrêt et de le plonger dans le marasme économique pour tenter de sauver la vie de quelques croulants.
Pour l’instant, soyons heureux, nous avons retrouvé « l’art de vivre à la française ». Non pas celui fait de raffinement initié à la fin du Moyen-Âge par Agnès Sorel à la Cour de Charles VII, mais, pour beaucoup, la réouverture des terrasses de bistrots et restaurants.

réouverture des bars

Ceci dit, je bats ma coulpe (de champagne), ma compagne et moi avons marqué cet événement en allant manger dans une pizzeria Bella Vita, tout un symbole !
C’est vrai que l’ambiance était étonnante : pour la majorité, des clients habitués du lieu, en chemisette, short ou robe légère, heureux de se retrouver en société après presque trois mois de confinement, et une squadra de serveurs masqués 100% ritals d’une extrême gentillesse.

Bella Vita

Parmi les joyeusetés sémantiques, j’ai relevé aussi les « effets d’aubaine » à propos des entreprises et ménages qui seraient tentés de gonfler abusivement leurs demandes d’aides pour profiter d’une part du gâteau de milliards promis par l’État. Comprenez donc plus prosaïquement, resquille ou fraude, c’est un autre art à la française avec la sophistication langagière, l’utilisation d’euphémismes pour ne pas heurter. Platon disait : « La perversion de la Cité commence par la fraude des mots ».
Il est quelqu’un qui nous manque cruellement et qui, au temps de sa splendeur artistique, nous aurait ramené à plus d’humilité et de lucidité. L’irrévérencieux Guy Bedos a tiré sa révérence !

Bedos Telerama

Plutôt que retracer son immense carrière, exercice pour lequel je n’ai ni légitimité ni prétention, je vous livre quelques souvenirs personnels. Pour parler trivialement, il fut souvent dans « les bons coups » culturels et citoyens de mon existence.
Et pour commencer, les Dragées au poivre qu’il nous offrit avec Jacques Baratier en 1963 : un film à sketchs, inclassable, désinvolte, qui épinglait tous les snobismes de l’époque, du yéyé aux sciences humaines en passant par la Nouvelle Vague et le cinéma-vérité.
Voici ce que Jean de Baroncelli, éminent critique de cinéma du quotidien Le Monde, en disait lors de sa présentation à la Mostra de Venise (en compagnie de Muriel d’Alain Resnais et Feu follet de Louis Malle) : « Impossible de raconter Dragées au poivre. C’est une sorte d’impromptu cinématographique, qui tient à la fois du bal des Quat’z'arts et des comédies burlesques américaines. On y trouve absolument de tout : des numéros de chant, de danse et de strip-tease, des sketches « branquignolesques » ou « hellzapoppiniens », des monologues, des parodies, mais aussi une satire (sans méchanceté) du cinéma-vérité et des pastiches de Marienbad, de West Side Story et des films d’Antonioni. Le lien qui unit ces multiples épisodes est des plus vagues. Cela n’a d’ailleurs aucune importance. Dans le tourbillon qui nous entraîne la logique perd tous ses droits. »
À l’occasion du festival, une Caravelle déposa sur la lagune, près du Lido, l’extraordinaire troupe d’acteurs qui, autour de Guy Bedos et Sophie Daumier, participaient à ce film « libre », jugez plutôt: Jean-Paul Belmondo, Anna Karina, Simone Signoret, François Périer, Georges Wilson, Monica Vitti, Jean-Pierre Marielle, Francis Blanche, Sophie Desmarets, Alexandra Stewart, Valérie Lagrange, Jacques Dufilho, Claude Brasseur, Marina Vlady, Roger Vadim, Françoise Brion, Elisabeth Wiener, Jean-Marc Bory, Jean Richard, j’en oublie … Pareil casting n’est plus imaginable aujourd’hui.
Puis vint la grande époque du music-hall. Certains de ses sketches, écrits souvent par le futur académicien Jean-Louis Abadie décédé ces jours-ci aussi, ont traversé le demi-siècle : Bonne fête Paulette, le tombeur lourdingue de La Drague, le Boxeur à l’accent pied noir inspiré en partie par Alphonse Halimi champion du monde dans la catégorie des poids coq en battant le boxeur sourd-muet italien Mario d’Agata, dans feu le Vel’ d’Hiv’ de Paris, archi-comble, le 1er avril 1957. Ironie, le combat faillit être interrompu, le plafonnier au-dessus du ring ayant déclenché un incendie. Derrière M’sieur Ramirez, le manager du sketch, on reconnaissait Philippe Filippi l’entraîneur du sympathique Alphonse souvent maladroit devant les micros des journalistes. C’est lui qui avait déclaré « avoir vengé Jeanne d’Arc » à l’issue d’un championnat d’Europe victorieux contre un Britannique. C’était un temps d’avant l’ère de la Communication où l’on brocardait les sportifs, gros muscles et petite tête, notamment dans le « noble art ».
Et puis, il y avait aussi les fameuses vacances : « Marrakech ? Ça nous a déçu. C’est plein d’Arabes. À Marrakech, il n’y a que ça » ! À la fin des années 1960, on sentait encore des relents d’un passé colonial et de la guerre d’Algérie, c’était un temps odieux de « ratonnades », ces menées punitives contre la population maghrébine immigrée. À l’époque, pas forcément plus éclairée que celle de maintenant, l’humour de Bedos dénonçant le racisme ordinaire fut incompris. Au lieu de diviser logiquement racistes et antiracistes, il les rassemblait malheureusement parfois, les rires fusant en deux dimensions des deux côtés, pour des raisons pourtant diamétralement opposées. À tel point que lors d’une émission sur une chaîne de télévision de grande audience, la chanteuse Dani lut un codicille avertissant le public du caractère antiraciste du sketch qui allait suivre. Le combat contre le racisme n’est pas toujours pas achevé, l’actualité en témoigne.
Quand je vis Bedos en scène à l’Olympia, son humour était devenu de plus en plus politique avec ses revues de presse tant attendues. Ses petites fiches en bristol à la main, il fustigeait férocement la classe politique qui faisait l’actualité du moment en dénonçant son hypocrisie, ses bassesses. Il lisait assidûment le Canard enchaîné et les quotidiens d’opinion comme un citoyen ordinaire avant de tourner la comédie des hommes en dérision. Il affirmait clairement ses convictions de gauche mais lâchait à l’occasion ses piques sur ceux qui le décevaient : « Ça devient dur d’être de gauche, surtout quand on n’est pas de droite ! » Censuré sous Giscard, il fut consacré sous Mitterrand « son préféré, même s’il refusa en 1994 la Légion d’honneur : « Je lui en veux de nous avoir caché trop de choses ».
Le final du récital était magnifique, il le conserva jusqu’à ses adieux :

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« La vie est une comédie italienne
Buena sera , signore , signori
La vie est une comédie italienne
Tu ris , tu pleures , tu pleures , tu ris
Tu vis , tu meurs , tu meurs , tu vis
Comediante
Tragediante
C’est ça, c’est ça , la VIE.

Il bidone
Federico Fellini
Il pigeonne
Mario Monicelli
Il fanfaronne
Dino Risi
Ettore Scola
Te voilà
Nous nous sommes tant aimés
Nous nous sommes tant aimés.

Mes chers amis , mes camarades
Rejoignez-moi dans ma parade
Je suis un vieil arlequin mité
Fatigué d’avoir trop crié
Mes mensonges et mes vérités
Sur les tréteaux de charité
De ma commedia dell’arte.

En piste
En piste
Les artistes
C’est notre rôle
D’être drôles.

Dans le rire et dans les larmes
Couvrons un peu le bruit des armes
Les gens sont de plus en plus dingues
Se flinguent avec des mots, se flinguent
Avec des flingues
Ils passent leur temps à se flinguer
Et ils voudraient qu’on soit plus gais… »

C’est tellement vrai ! Merci l’artiste pour ce demi-siècle de joies et de rires que tu m’as offert. J’irai, j’espère un jour, te rendre visite au lumineux village de Lumio où tu reposeras tout près d’une chère jeune fille fauchée dans sa belle jeunesse par un chauffard.
Ironie de l’actualité parfois vacharde, de qui hérite-t-on ? De Bigard ! Tragique !
J’ai envie de vous parler plutôt de Michel Piccoli, bon dieu, les bons partent à la pelle en ce moment ! C’était le plus secret des monstres sacrés du cinéma. Qu’en dire de plus qu’énumérer sa carrière étincelante : homme de télévision avec son exceptionnel Dom Juan de Marcel Bluwal, comédien au théâtre sous les plus grands Peter Brooks et Patrice Chéreau, acteur avec les cinéastes de la Nouvelle Vague Chabrol et Godard, mais aussi Alain Resnais, Jean-Pierre Melville, Claude Sautet, Jacques Rivette, Louis Malle, Agnès Varda, Leos Carax, Ettore Scola, Marco Ferreri, Nanni Moretti, Luis Bunuel, et même Alfred Hitchcock. Vertigineux !
Il pouvait être extravagant, ainsi dans Themroc de Claude Faraldo, une fable soixante-huitarde anticapitaliste où peintre en bâtiment, il pétait un plomb et se révoltant contre l’absurdité du métro-boulot-dodo, il régressait en homme des cavernes « bouffant du flic » au pied de la lettre. Ou encore, dans Touche pas à la femme blanche de Marco Ferreri, il composait un Buffalo Bill ridicule dans une farce western, reconstitution de la bataille de Little Big Horn au milieu des pelleteuses et bulldozers des anciennes Halles Baltard en pleine destruction.
Dans mes leçons de cinéma à destination des professeurs et des élèves, j’utilisais souvent la séquence de son accident au volant d’une Alfa-Roméo Giuletta dans Les Choses de la vie pour travailler sur la notion de point de vue dans un récit.

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« Et mes seins, tu les aimes mes seins ? Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ? » Qui ne rêva pas d’être à la place de Piccoli au lit avec Bardot nue dans la scène mythique du Mépris de Godard imposée par les producteurs américains !
Au-delà de leur carrière d’artiste, Bedos et Piccoli étaient des citoyens entiers, libres et engagés. Quelles bouffées d’air pur, nous respirions en leur compagnie !
L’enseignant, fils et petit-fils d’enseignants, suit, avec un œil attentif et condescendant, la gestion du coronavirus au sein de l’Éducation Nationale, et notamment l’organisation du baccalauréat. Ainsi, j’ai lu que la commission de la formation et de la vie universitaire de l’université Paris-Panthéon-Sorbonne avait adopté la proposition de l’UNEF (syndicat d’étudiants) de ne pas prendre en compte les notes inférieures à la moyenne, en somme, un autre effet d’aubaine, l’invention du nouveau concept de « moyenne améliorable pour tous » ! Le diplôme sera intégralement décerné via un contrôle continu  pour la première fois, contrairement aux assertions de certains chroniqueurs mal informés et réseaux sociaux déclarant que le bac organisé, dans les mêmes conditions, à la suite des manifestations de mai 68, n’avait pas plus de valeur. J’en parle, avec d’autant moins esprit de susceptibilité, que j’avais obtenu le précieux sésame doublé même alors d’une première partie, quelques années avant les événements de mai tant honnis aujourd’hui.
Rétablissons les faits ! De la guerre du Vietnam au Printemps de Prague, de la famine au Biafra aux Jeux Olympiques de Mexico, de l’assassinat de Martin Luther King au film de Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace, l’année 68 fut celle de bouleversements dans le monde entier, bien au-delà de notre Mai français, et face à la grève générale, les épreuves écrites du bac étant trop difficiles à mettre en place, le gouvernement décida de ne faire passer aux candidats que des oraux, et ce sur une seule journée. Les lycéens disposaient de vingt minutes de préparation et de quinze minutes d’entretien dans chaque matière.
Pour être objectif, les examinateurs se montrèrent dans l’ensemble indulgents, ce qui se traduisit par un taux de réussite de 81,3%, loin des scores de 1967 (59,6%) et 1969 (66%). Là-dessus, certains historiens et sociologues ont vite conclu qu’un certain nombre de ces baby-boomers n’auraient pas obtenu leur diplôme sans ce réaménagement d’urgence et purent ainsi poursuivre des études et connaître un surcroît de salaires et de réussite professionnelle.
Les infortunés bacheliers de la promotion « corona » seront peut-être, de la même façon, voués aux gémonies dans quelques décennies.
Les lycéens de classes terminales ne connurent pas pareille mansuétude en 1944 et passèrent le bac les 3 et 4 juin malgré l’imminent débarquement en Normandie des troupes alliées. L’année scolaire avait été perturbée par la guerre, certains professeurs ayant été déportés en Allemagne (dont parfois ils ne revinrent pas), des établissements étant également occupés (c’était aussi le cas du collège que dirigeait ma maman). Pas facile de potasser le mythe grec d’Iphigénie entre deux alertes ! Il avait même été demandé au ministre « s’il serait possible d’accorder aux jeunes étudiants, volontairement enrôlés dans la Défense Passive pour porter secours aux sinistrés (notamment, déblaiement de gravats) , des majorations de points au baccalauréat ».
Les épreuves écrites se déroulèrent quasiment sans encombres. Les oraux, par contre, furent annulés par manque d’examinateurs, ainsi que les mathématiques et l’histoire à cause de difficultés de transport et d’une pénurie de papier !
La situation était plus compliquée en Normandie, notamment dans l’académie de Caen,. Les corrections souffrirent du débarquement et de la bataille de Normandie : une grande partie des copies furent égarées voire détruites. En conséquence, une nouvelle session se tint à Caen en octobre 1944.
Évidemment, éternel conflit intergénérationnel, cela n’empêcha pas les barbons d’alors, jaloux de leurs lardons, de se lamenter de la baisse d’exigence, en murmurant que « c’était autre chose à leur belle époque ».
Le virus du pangolin semblant s’assagir, la fièvre gagne maintenant la rue avec des manifestations pour dénoncer des violences policières. Bientôt, vont refleurir les pancartes avec le fameux slogan « CRS SS »

CRS SS

On pense trop souvent à tort que c’est un héritage de Mai 68 et des célèbres affiches, placardées sur les murs parisiens, issues de l’Atelier populaire de l’École des Beaux-Arts.
En fait, ce slogan naquit en novembre 1948 dans un titre d’un article du quotidien L’Humanité à l’occasion des grandes grèves des mineurs (340 000) contre les décrets Lacoste. Le ministre de l’Intérieur, le socialiste Jules Moch, tenta de les réprimer en envoyant les blindés et en donnant l’ordre aux forces de l’ordre, les nouvelles Compagnies Républicaines de Sécurité, de tirer à balles réelles (après sommation) et de traîner de force les mineurs d’Afrique du Nord dans les galeries. Le 8 octobre, à Merlebach, un premier mineur fut tué à coup de crosse par un CRS.
Rappelez-vous, je l’avais évoqué avec scepticisme, lors de « ma marche républicaine** » du 11 janvier 2015, après la barbarie de Charlie-Hebdo, la France dans la rue applaudissait ses flics. Renaud en embrassa même un dans une chanson.

« Nous étions des millions
Entre République et Nation
Protestants et catholiques
Musulmans, juifs et laïcs
Sous le regard bienveillant
De quelques milliers de flics
Solidaires avec ceux de Charlie
Et puis j’ai vu défiler
Quelques bandits notoires
Présidents, sous ministres
Et petits rois sans gloire
Et j’ai vu, et j’ai vu
Le long du trottoir un flic
Qui avait l’air sympathique
Alors je l’ai approché
Et j’ai embrassé un flic … »

Ainsi va la vie, comédie italienne, comédie française … Prenez encore soin de vous !

* http://encreviolette.unblog.fr/2012/11/02/il-ny-a-presque-plus-de-hannetons/
** http://encreviolette.unblog.fr/2015/01/17/ma-marche-republicaine-du-11-janvier-2015/

Publié dans:Ma Douce France |on 6 juin, 2020 |Pas de commentaires »

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