Mon confinement … déconfinement ou déconfiture?
Rappel des états d’âme précédents :
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/23/mon-confinement-j8/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/25/mon-confinement-j10-avec-lassistance-de-cavanna/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/27/mon-confinement-j13/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/01/mon-confinement-au-1er-avril/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/06/mon-confinement-deja-3-semaines/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/15/mon-confinement-merci-pour-le-rab/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/04/23/mon-confinement-bientot-le-joli-mois-de-mai/
Ça y est, notre Premier ministre a tracé les grandes lignes du plan de déconfinement envisagé après le 11 mai.
Parodiant la célèbre chanson de Juliette Greco, un quotidien régional en a fait sa Une :
En tant que francilien, un peu de patience, j’ignore quel sera mon espace de liberté conditionnelle, mais je ne vais pas hurler avec les millions de loups qui, avant même que le plan leur ait été présenté, avaient choisi la critique.
C’est affligeant : deux jours avant qu’Édouard Philippe prononce son allocution à l’Assemblée Nationale, les médias glosaient, supputaient voire affirmaient sur sa probable teneur en tombant a priori dans le procès d’intention et la critique sournoise. Et que dire, de nos parlementaires d’opposition qui, fustigèrent illico le gouvernement dans l’hémicycle. À l’écart d’esprit partisan, je ne me fais humblement que le défenseur d’une certaine mesure. Bien malin celui qui trouvera la vérité dans ce foutras de masques, tests ou respirateurs.
Quel dommage que la Chaîne parlementaire (LCP) n’existât point au temps où Chateaubriand, Victor Hugo et Alphonse de Lamartine siégeaient à l’Assemblée ! Lisez ou relisez les discours de Hugo sur la peine de mort et les États Unis d’Europe, vous comprendrez ce que signifie tout simplement hauteur de vue ou critique constructive.
Je me « réjouis », à l’occasion de cette pandémie sur laquelle on apprend (ou désapprend parfois) quasi quotidiennement, que la France compte plusieurs millions d’épidémiologistes, infectiologues, virologues de tout poil, et tout autant d’économistes qui savaient même parfois avant que le virus ne frappe notre continent.
Je n’ai pas lu le livre-tract d’Emmanuel Klein mais j’en apprécie le titre : « Je ne suis pas médecin mais je … »
Rien de plus irritant et fielleux, en effet, que tous ces commentaires commençant ainsi ou aussi « il n’est pas temps d’entrer dans la polémique mais je pense que … » ! L’art ou plutôt l’artifice avec un simple mais de dire tout et son contraire.
Heureusement, en marge du jugement de (professeur) Salomon nous annonçant quotidiennement le nombre de décès, il y a aussi les déclarations moins anxiogènes de certaines figures éminentes du monde de la santé indiquant que le confinement, aussi contraignant qu’il soit, aurait déjà sauvé la vie de près de 60 000 personnes. Honte à ceux qui répondront encore : « oui c’est vrai mais … » !
À l’aune des premières annonces concernant le déconfinement, chaque corps de métier, chaque entreprise, chacun de nous, tentons d’en imaginer le scénario et les conséquences.
Pour ce qui me concerne, retraité de l’Éducation Nationale, égoïstement, je n’ai pas grand chose à redouter, sinon peut-être, qu’a minima, dans quelques mois, je serai lourdement « céessegisé » ! Par contre, nombreux sont ceux qui risquent de connaître des lendemains de coronavirus douloureux voire dramatiques.
Je ne parle évidemment pas ici de tous les acteurs du football professionnel véritablement catastrophés et affolés face à l’interdiction annoncée par le Premier ministre de reprendre toute compétition avant le mois de septembre.
Certains connaissent ma passion pour le jeu de football inoculée sans doute par mon père dès ma plus tendre enfance. Je me surprends moi-même, mais je ne ressens étonnamment aucun manque dans la totale pénurie actuelle liée à l’épidémie. Si je prends encore souvent beaucoup de plaisir devant les retransmissions télévisées, il y a bientôt une vingtaine d’années que j’ai abandonné le chemin des tribunes pour faits de racisme, chauvinisme, violences*.
Je souris devant certains scenarii échafaudés par les présidents de clubs ne voyant que leurs enjeux économiques. Furent-ils aussi impliqués et combatifs, clin d’œil à mes amis ariégeois, lorsqu’il y a quelques années, on refusa la valeureuse accession en Ligue 2, acquise à la force du jarret, du petit club de Luzenac pour de médiocres raisons de capacité de stade. « Selon que vous serez puissant ou misérable,/Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » … vous connaissez.
Je vais tout de même vous parler un peu de foot même, bien que cela soit bien dérisoire en cette période ! En effet, décidément ça devient chaud pour mes artères, cette semaine, on a appris le décès de Robert Herbin, sans lien avec le coronavirus.
Après Michel Hidalgo, c’est une autre figure sportive de mon enfance et de ma jeunesse qui disparaît. Même les moins férus de ballon rond d’entre vous se souviennent peut-être qu’il fut l’entraîneur emblématique du club de l’A.S. Saint-Étienne au temps de la grande épopée des Verts au milieu des années 1970.
Resurgissent des photographies en noir et blanc ou sépia de la fin des années 1950. C’était encore une époque où les matches se disputaient immuablement le dimanche après-midi à 15 heures, les cheminées d’usines se dressaient encore derrière les tribunes du stade Geoffroy-Guichard. Le tout jeune Herbin, fils du premier tromboniste de l’Opéra de Nice, débutait sa carrière au milieu d’une pléiade de joueurs talentueux, pour la plupart internationaux, le Camerounais Eugène N’Jo Lea à l’origine du syndicat des footballeurs professionnels (UNFP), l’Algérien Rachid Mekhloufi qui rejoignit en 1958 l’équipe du FLN, Claude Abbes gardien de but de l’équipe de France lors de la Coupe du monde 1958 en Suède, Yvon Goujon, René Ferrier, Bernard Bosquier, sans oublier Aimé Jacquet le futur sélectionneur de l’équipe tricolore victorieuse de la Coupe du Monde 1998, ce sont ceux qui me reviennent immédiatement en mémoire.
Robert Herbin sous le maillot bleu lors d’un match France-Suisse dans l’ancien Parc des Princes
J’ai vu, en chair et en os, ce joueur élégant, reconnaissable immédiatement avec sa chevelure rousse, Herbin évolua notamment sous les ordres de deux entraîneurs de grande valeur, humanistes et pédagogues : Albert Batteux (on ne disait pas coach mais Monsieur Batteux !), précédemment entraîneur du Stade de Reims à sa grande époque européenne, et Jean Snella, les deux dirigèrent d’ailleurs en duo l’équipe de France en Suède.
À l’issue de sa carrière de joueur, Herbin devint tout naturellement entraîneur du club légendaire du Forez. Formé à belle école, il ajouta une touche athlétique au beau jeu inculqué par ses maîtres, avec le succès qu’on connaît qui mena à la fameuse finale de Coupe d’Europe de Glasgow perdue, peut-être, à cause de maudits poteaux de but carrés. D’un caractère flegmatique voire énigmatique, guère loquace, il se vit attribuer le surnom de « Sphinx ».
Robert Herbin possède un des plus beaux palmarès du football français : 5 titres de champion de France, 3 Coupes de France et 23 sélections en équipe de France comme joueur, 4 fois champion, 3 Coupes de France et une finale de Coupe d’Europe des clubs champions en tant qu’entraîneur.
Transition audacieuse : un sphinx peut en cacher un autre. En mettant quelque ordre dans une pile de magazines, j’ai remis la main sur le catalogue de l’exceptionnelle exposition que le musée du Louvre consacra, en 2017, à l’illustre peintre hollandais Johannes Vermeer, surnommé parfois le « Sphinx de Delft », eu égard à sa biographie obscure et son œuvre énigmatique.
En feuilletant l’ouvrage, et attardant mon regard particulièrement sur ses scènes de genre, j’imaginais que Vermeer, présenté souvent (et possiblement injustement) en artiste solitaire vivant en ermite, se serait facilement adapté au confinement qui nous est prescrit.
J’ai retrouvé l’émotion qui m’avait étreint lorsqu’au musée, je fus physiquement face à ses tableaux, petits par le format mais immenses par leur beauté.
Comme il y a plusieurs cadres dans le cadre des peintures de Vermeer, il existe aussi une forme de confinement dans l’isolement de ses personnages que ce soient la Laitière, la Femme en bleu lisant une lettre, le Géographe, l’Astronome, la Joueuse de luth.
Il s’agit de voyages à l’intérieur d’une demeure néerlandaise du XVIIème siècle. Même si les éléments du décor changent suivant la position sociale du personnage, le coin de pièce nous devient presque familier avec la récurrente fenêtre à gauche dans un but d’éclairage naturel de la scène. Avec Vermeer, le temps est suspendu.
Pour refermer cette parenthèse batave, je vous conseille Bleu de Delf, l’agréable roman de Simone van der Vlugt. Vermeer y apparaît en arrière-plan, Rembrandt aussi : l’héroïne Catrijn, embauchée dans la faïencerie de Fabritius ancien maître et ami de Vermeer, va mettre au point la technique du célèbre bleu de Delf. On lit, au hasard de ses déplacements, quelques pages saisissantes sur la terrible épidémie de peste qui ravagea la ville en 1654.
La lecture (et l’écriture, par exemple d’un blog !) est peut-être l’activité la mieux adaptée pour tuer le temps du confinement.
Je sais que certaines de mes lectrices (pourquoi ce féminin ?) guettent les idées de recettes de cuisine que ma compagne effectuent en cette période de confinement.
« Quand on aime les poulets, on aime tout d’eux. La gentillesse qu’on leur donne, ils nous la rendent en sortant du four. »
Quitte à les décevoir, qu’elles ne comptent pas sur moi pour émoustiller leurs papilles avec un poulet basquaise ou à l’estragon, voire en franchissant les frontières de l’espace Schengen, avec un colombo de poulet ou un tajine.
Cette semaine, je leur propose à tout le moins une variation de poulet à la catalane sortie de l’imagination de Lucie Rico avec son curieux roman Le Chant du poulet sous vide qui risque de vous donner … la chair de poule.
Paule l’héroïne revient à la ferme familiale à l’occasion de la crémation de sa mère Evelyne Rojas éleveuse de poulets « à l’eau de source » dans la campagne catalane (même si le lieu n’est pas clairement décrit), à deux pas de la frontière.
Paule, unique héritière, est chargée d’accomplir la dernière volonté de sa maman : tuer Théodore son poulet préféré, une mission pas si facile que cela à assumer quand on est devenue citadine et végétarienne depuis une vingtaine d’années.
Je pourrais lui donner quelques conseils, j’ai tellement vu, dans mon enfance, faire ma chère mémé Léontine : la tête à l’envers (mais non, pas la grand-mère !), elle tranchait la jugulaire en enfonçant d’un coup sec son couteau entre le bec et le jabot. Par contre, elle ne récupérait pas le sang comme le faisait une aïeule d’Ariège pour frire à la poêle la délicieuse galette de sanquette.
Âmes sensibles s’abstenir, le pauvre Théodore -sent-il sa fin imminente- picore avec tendresse, dans le salon, le bout des chaussures de Paule. Allez, devant l’urne remplie des cendres de sa mère, elle tord le cou à ses tourments et Théodore. Les os craquent, l’animal est passé à trépas.
Une dernière volonté doit être respectée de façon solennelle. Paule attrape le registre de condoléances déposé à l’entrée et griffonne tout ce qui lui vient à l’esprit sur Théo. Puis, elle part vendre le poulet au marché sur l’étal occupé autrefois par sa mère.
« Théodore a eu un traitement de faveur : il a une étiquette, et sur l’étiquette, son nom en grand, Théodore, au-dessus de sa biographie manuscrite. Paule a bien écrit le mot entier pour que l’on ne confonde pas avec une simple appellation « BIO ». Il y a même les dates réglementaires : 14 février 2018-20 septembre 2018.
Une belle pierre tombale en plastique »
Incapable de prononcer quelques mots à l’enterrement de la vieille, Paule s’est rattrapée en écrivant une petite biographie du poulet après lui avoir brisé le cou :
« Théodore naquit au milieu de vases champs. De caractère libre et indépendant, malicieux, Théodore souffrait pourtant d’un handicap, un œil borgne, qu’il surmontait par son allure désinvolte et néanmoins racée. Théodore aimait marcher en rond tout en piquant l’herbe, jamais dans le même sens que ses congénères, courrant toujours à sa façon, comme s’il dansait. Il entretenait une relation particulière avec sa fermière, un lien intense d’amitié qui ne fut brisé que par la mort. »
Un gamin fait son malin devant son frère en pointant du doigt la faute d’orthographe dans le texte, celui-là n’a peut-être pas besoin de retourner en classe le 11 mai !
Sur un étal voisin, « Nicolas (ancien bon camarade de classe, autrefois « ils tailladaient l’écorce des arbres à l’unisson ») dispose ses vaches déclinées en plusieurs morceaux à poêler, griller ou rôtir : gîte, bavette, collier, tendron … »
C’est vrai ça, le poulet est l’un des rares animaux de la ferme qui conserve la même identité quand on mange sa viande.
Théodore vendu, Paule décide de ne pas repartir à la ville où l’attend pourtant Louis, son compagnon architecte qui a la particularité de n’avoir que quatre doigts à chaque main (« des pattes de poulet ») ! Elle choisit de poursuivre l’élevage des poulets, de les prénommer, de vivre avec eux, de les tuer puis de leur rendre hommage en écrivant leur biographie avant de les vendre. « Elle ne peut pas écrire sans tuer », la serpette d’abord, le stylo ensuite.
C’est ainsi qu’elle renouvelle sans cesse le deuil de sa mère, constamment présente dans son urne et dans le roman.
C’est comme cela aussi que l’on trouve au fil des pages des biographies de poulets, Lacet « (« C’était un poulet unique et supérieur, qui brillait par son intelligence et sa malice. Si son cœur s’est éteint, dans le nôtre il vit », Gervaise (« Grande fluette, avec une jolie petite face ronde ; son infirmité était presque une grâce », Lolita (« Tout au long de ses cent un jours, de ses cent deux nuits, Lolita vécut libre et heureuse, courant plus vite que les hommes, plus vite que la tramontane, comme pour échapper au sort ».. Vous découvrez, essaimées comme du bon grain, une quantité d’informations sur le poulet, savez-vous par exemple comment l’on reconnaît un mâle d’une femelle ? Pas si évident à repérer, ainsi un poulet mâle a été victime d’une erreur de « sexage » de la part de Paule qui l’a prénommé Gertrude. !Vous apprendrez que le poulet a perdu son pénis et que le sperme aviaire se transmet pas un baiser cloacal. Voilà un détail qui pourrait frustrer certains coqs de village !
Jalousies de voisinage, attaques de renard ou belette ? La basse-cour de Paule sera dévastée. En renouvelant son cheptel, elle en profitera pour remplacer la race Faveroles chère à sa mère par des Crèvecœur. Je me redresse du jabot, bon sang de normand : la Crèvecœur est une des plus anciennes races françaises qui doit son nom au village de Crèvecœur-en-Auge. Le seigneur local l’aurait ramenée des Pays-Bas au XIIème siècle.
Mes connaissances en matière d’aviculture viennent de ce que j’ai réalisé, il y a une vingtaine d’années, un documentaire sur la poule de Houdan, une poule princière favorite des palais. J’avais évoqué cette aventure dans un ancien billet**. J’y parlais aussi un peu de cyclisme … mais n’y a-t-il pas de cocottes aux freins des vélos de course !
Paule s’attache tellement à ses poulets prénommés et biographiés qu’elle en vient à faire la fête avec eux, à inventer des jeux, à mettre à leur disposition des toboggans et autres installations ludiques. Certains, notamment Aval, vont devenir des animaux de compagnie.
Jusqu’au jour où Fernand, une de ses connaissances, lui suggère de retourner en ville en lui soumettant un projet d’exploitation révolutionnaire et de grande ampleur qui « humanisera » l’existence des poulets. Très tentant puisque cela lui permet même de se retrouver auprès de Louis son compagnon qui dessine les plans de la ferme citadine.
Dérives du marketing et de la productivité à outrance, progressivement, Paule ne reconnaît bientôt plus ses poulets dans l’anonymat du nombre. La rédaction de leur biographie n’a plus aucun sens. Je m’interdis de vous dévoiler la fin de cette jubilante farce allégorique que l’écrivaine nous développe avec humour, fraîcheur, simplicité aussi (son style n’est pas ampoulé !). À travers ses poulets, elle fait crisser sa plume sur les travers des humains.
Pour poursuivre ma rubrique « nos amis les bêtes », je vous livre une des lettres que les animaux adressent aux humains confinés, chaque semaine, dans Charlie-hebdo. Dans celle-ci, c’est le pangolin qui nous interpelle, oui le trop tristement célèbre Manidae (hâtivement ?) accusé du mal qui nous frappe.
Sur le site du journal satirique, nous pouvons même découvrir la « voix » du pangolin à travers la chronique lue par Coraly Zahonero sociétaire de la Comédie Française. Mes fidèles lecteurs se souviennent peut-être du billet que j’avais consacré à sa lecture de Nel est mort, le livre émouvant de Sylvie Caster***. En toile de fond, on devinait la figure de Reiser. Nul doute que s’il était encore de ce monde, l’iconoclaste dessinateur de la grande période de Hara-Kiri et Charlie-Hebdo nous gratifierait de crobars féroces et hilarants sur l’époque « formidable » que l’on vit.
Voici donc la tentative de réhabilitation du pangolin :
« Ça y est, me voilà en haut du podium ! Le panda n’a qu’à bien se tenir, c’est moi désormais qui incarne la faune sauvage en péril. J’ai même une journée mondiale qui m’est consacrée, en février, sur demande de l’ONU.
J’avoue que si j’apprécie cette notoriété, j’en regrette les raisons. En fait, c’est parce que je risque de disparaître que j’apparais désormais en première ligne. Franchement, aux lumières de la notoriété, je préfère l’obscurité de mes terriers. Du reste, je m’active plus volontiers la nuit. Solitaire, j’arpente mon territoire pour localiser et capturer des fourmis, des termites ou tout autre insecte imprudent. Mon arme ? Une langue visqueuse pouvant atteindre les 30 cm de long. Mais plus que cet appendice hors norme, ce sont mes écailles qui me rendent énigmatique. Une véritable armure de chevalier errant. L’inoubliable Pierre Desproges me définissait ainsi : « le pangolin ressemble à un artichaut à l’envers avec des pattes ». La formule qui fit sourire hier m’épouvante aujourd’hui, car ce sont précisément mes écailles qui conduisent à ma perte.
Les bilans officiels révèlent un trafic effrayant. En une seule année, 41 tonnes d’écailles ont été saisies, ce qui représente plus de 34 000 animaux abattus. Et Interpol précise que les autorités ne parviennent à mettre la main que sur 10 à 20 % seulement de l’odieux commerce. Pourquoi un tel carnage ? Parce que ma carapace aurait des vertus thérapeutiques pour venir en aide aux « mal-bandants ». Comme par ailleurs, ma viande est considérée comme l’une des plus fines de la faune sauvage, vous conviendrez que mon avenir s’avère désespérant.
Fréquentant l’Afrique et l’Asie, notre peuple s’est retrouvé otage de vos désirs. Nous sommes devenus les créatures sauvages les plus recherchées sur les marchés de Chine, de Taïwan, du Cameroun, du Bénin et d’ailleurs. Que de souffrance et de misère pour finir ainsi entassés avec des lézards desséchés, des tortues décapitées, des civettes et autres roussettes agonisantes.
À Wuhan, on a compté 110 espèces différentes arrachées à la faune sauvage pour rejoindre le marché fantôme dont vous souffrez aujourd’hui. Je serais avec des chauves-souris un « hôte intermédiaire » (la formule ne manque pas de poésie!) dans l’émergence du nouveau coronavirus. Il ne s’agit que d’une hypothèse suggérée par l’analyse de 18 cadavres congelés de mes congénères, mais je sens bien que ma culpabilité ne tardera pas à être clamée.
Face à ce constat, la Chine a décrété une interdiction complète du commerce et de la consommation d’animaux sauvages. Il faut qu’une mesure comparable soit appliquée en Afrique et partout dans le monde.
Terminé le braconnage, la maltraitance, l’agonie. La lucidité doit vous amener à en finir définitivement avec notre exploitation. Pendant trop longtemps, vous avez fait couler notre sang entre vos doigts en vous en lavant les mains. Votre future barrière de protection consistera à nous laisser vivre dans une aimable cohabitation sur notre fragile planète. » (Allain Bougrain-Dubourg, Charlie-Hebdo 14 avril 2020)
Siné mensuel (mai 2020)
Je me détache de plus en plus des fastidieux « plateaux » des chaînes d’info puisque la vérité du jour est trop souvent contredite par celle de la veille.
Par contre, après les applaudissements de 20 heures destinés au personnel soignant, je me régale de la séquence journalière d’une ville filmée avec un drone en cette période de confinement. Surréalistes, utopiques et pourtant bien réelles, émouvantes, angoissantes aussi, les images par exemple de la sérénissime Venise déserte.
« Que c’est triste Venise
Au temps des amours mortes
Que c’est triste Venise
Quand on ne s’aime plus
Les musées, les églises
Ouvrent en vain leurs portes
Inutile beauté
Devant nos yeux déçus … »
Seul, les pigeons s’aiment d’amour tendre, ces temps-ci, sur la place Saint-Marc. Il paraît que l’eau des canaux est redevenue claire. Toutes ces images ouvrent une réflexion sur le tourisme de masse.
Clairvoyants auraient été ceux qui auraient prédit qu’un jour je conclurai un billet avec une chanson de Gilbert Montagné !
Dans quelques années, cela deviendra peut-être un tube de solidarité comme le refrain des Restos du Cœur. Des paroles simples, des messages d’optimisme et par dessus tout la joie de vivre des personnels soignants, merveilleux et héroïques qui côtoient la mort au quotidien.
Pour avoir le témoignage direct d’une discrète voisine aide-soignante, je perçois (un peu) ce qu’ils endurent.
Comme ça fait du bien ! « Ça finira. On reverra les océans, les champs de blé … » J’espère bien, mais je crains de devoir patienter encore un peu. J’appartiens à la France rouge sur la carte du futur déconfinement.
Cent kilomètres à la ronde, je ne pourrai même pas me rendre à Crèvecœur-en-Auge voir quelques poules de luxe !
Ne relâchez rien ! Prenez toujours soin de vous !
* http://encreviolette.unblog.fr/2008/04/11/etre-supporter-du-psg-ou-dailleurs/
**http://encreviolette.unblog.fr/2011/03/08/au-depart-de-paris-nice-2011-les-mains-aux-cocottes-ou-ah-si-vous-connaissiez-ma-poule-de-houdan/
*** http://encreviolette.unblog.fr/2019/03/27/coraly-zahonero-sylvie-caster-et-reiser-a-la-comedie-francaise/

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