Mon confinement au 1er avril
Récit des épisodes précédents :
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/23/mon-confinement-j8/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/25/mon-confinement-j10-avec-lassistance-de-cavanna/
http://encreviolette.unblog.fr/2020/03/27/mon-confinement-j13/
Le confinement, c’est un peu comme les impôts, on vous fait quelque menu cadeau qu’on vous reprend plus que largement en vous sollicitant sournoisement par ailleurs pour quelques « contributions sociales ».
Ainsi, le week-end dernier, après avoir bénéficié, à la faveur du passage à l’heure d’été, d’une heure de confinement en moins, on nous impose deux semaines supplémentaires de réclusion, en attendant plus très probablement. C’était juste un petit clin d’œil à la tradition taquine du 1er avril. Ironie ou pas, on n’ose pas l’affirmer trop fort, les « experts » semblent s’s’accorder que l’épidémie approcherait en France son pic maximum … Mouais !
En ouverture de ce billet, je voudrais rendre hommage à Monsieur Michel Hidalgo, une grande figure du football qui nous a quitté ces jours-ci, presque discrètement, en marge du coronavirus.
J’ai beaucoup moins évoqué dans cet espace ma passion pour la balle ronde que celle pour le vélo, bien qu’elle ait, également, traversé presque toute mon existence. Pourtant, les plus fidèles d’entre vous se souviennent peut-être d’un billet sur le commentaire sportif où je citais les reportages enthousiastes et enflammés d’un petit garçon haut comme trois pommes de Normandie, tirés d’un chapitre d’un livre écrit par une ancienne élève du collège de ma maman. Vous avez deviné ce gamin, c’était moi*.
Bien qu’il ne soit pas mentionné dans le court extrait du livre, inévitablement le nom d’Hidalgo dut être cité dans « mon reportage radiophonique » sur, possiblement, la première finale de Coupe d’Europe des clubs champions (l’ancêtre de la Ligue des Champions) entre le Stade de Reims et le Real Madrid qui s’était déroulée, quelques jours auparavant au Parc des Princes.
Voici ce qu’écrivait, à l’époque, Antoine Blondin dans sa chronique du quotidien L’Équipe : « Il y avait, l’autre soir, de la crèche et du berceau dans ce Parc des Princes ouvert à la belle étoile, sous laquelle la première Coupe d’Europe de football affrontait les regards de quarante mille rois mages venus lui apporter la myrrhe et l’encens d’un enthousiasme neuf. »
C’était en 1956 et, du fond de notre Galilée normande, mon papa avait emmené son (divin ?) enfant ébloui par toutes ces étoiles du football parmi lesquelles … Michel Hidalgo.
Il n’avait certes pas la notoriété de Kopa et Di Stefano mais, bon sang de Normand ne saurait mentir, nous étions fiers de ce fils d’immigré espagnol qui avait commencé sa carrière professionnelle sous les couleurs ciel et marine du Havre Athletic Club.
Par la suite, il joua une dizaine d’années à Monaco, club avec lequel il remporta deux championnats de France et deux Coupes de France.
Michel Hidalgo est le premier à gauche accroupi
Au centre, Michel Hidalgo sous le maillot de l’A.S. Monaco
Le grand public le connaît surtout pour son passage comme sélectionneur à la tête de l’équipe de France. Avec lui, nous eûmes les larmes aux yeux lors de la cruelle défaite de Séville, en demi-finale de la Coupe du Monde 1982, puis une grande joie après le premier titre de champion d’Europe remporté en 1984 au Parc des Princes, j’étais présent encore !
Michel Hidalgo succéda aussi à Just Fontaine à la tête de l’UNFP, le syndicat des joueurs professionnels français. En 1984, Laurent Fabius, nouveau premier ministre, lui proposa le portefeuille de secrétaire d’État aux Sports qu’il déclina (une décision qu’il aurait regrettée par la suite). Un grand monsieur du sport, modeste, honnête et talentueux, aux valeurs d’une autre époque, s’en est allé …
On continue à mourir d’autre chose que le coronavirus, ainsi Albert Uderzo, le dessinateur et second père d’Astérix et Obélix nous a également quitté la semaine dernière.
Hors bien sûr leur lecture, je garde un souvenir très personnel des aventures de ces irréductibles Gaulois. Dans les années 1960, le comité des fêtes de mon bourg natal (environ 3 000 habitants) organisait avant l’été un corso fleuri qui drainait des dizaines de milliers de personnes affluant de différents coins de la Seine-Maritime. La manifestation s’achevait par un grand spectacle de music-hall dans le parc de l’hôtel de ville, c’est ainsi que je pus admirer les plus grandes vedettes de l’époque, Marcel Amont, les Compagnons de la Chanson, Petula Clark, Dalida, Fernand Raynaud.
Les sociétés ou associations de la commune, les écoles aussi, fabriquaient et décoraient chacune un char. Une année, l’union sportive locale choisit pour thème les aventures d’Astérix et sans aucune contestation dans le casting, le rôle d’Obélix me fut dévolu. Des « petites mains » se mirent à la tâche pour confectionner le fameux pantalon rayé bleu et blanc, elles le doublèrent à l’intérieur d’un épais édredon afin de lui donner l’ampleur que ma corpulence (sans potion magique) ne pouvait tout de même pas offrir. Un bricoleur tailla un menhir avec un bâti grillagé et du carton pâte. Bref, Depardieu ne fit que me plagier plus tard, c’est un Obélix, presque aussi vrai que nature, qui défila dans les rues du bourg. Pour mes amis de jeunesse, j’allais rester Obélix longtemps. Des images Super 8 immortalisèrent ce moment mais malheureusement, leur auteur n’est plus de ce monde.
Le quotidien Libération, fidèle à l’originalité de ses Unes, a traité dans le même dessin la mort d’Uderzo et la dramatique épidémie en représentant Obélix écrasé de chagrin sous le poids du virus.
Sur la même page du journal, un autre titre attire le regard : « Les petits salaires de la peur », clin d’œil sans doute au film de Henri-Georges Clouzot, Palme d’Or du festival de Cannes 1953.
Ici, on ne veut pas parler de Charles Vanel et Yves Montand acteurs principaux d’une histoire censée se dérouler en Amérique latine (mais tournée dans le Sud de la France), mais de tous ces héros du quotidien, caissières, éboueurs, livreurs, ces « premiers de cordée » exposés à la contamination qui travaillent pour que nous autres puissions rester confinés sans que notre vie ne soit trop dérangée. Je devrais y ajouter les facteurs, il est encore bien agréable de recevoir mes abonnements, j’ai lu qu’on allait leur demander de faire plus de social, tiens donc ! J’oublie sans doute d’autres professions Une autre hiérarchie des normes s’instaure, celle de l’utilité sociale.
Dans son Discours de la servitude volontaire, La Boétie clamait : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Certains de leurs sujets sont, heureusement pour eux, en ce moment, des hommes et des femmes debout.
Lisez le roman Le hussard sur le toit. Jean Giono y décrit des scènes de villages de Provence ravagés par le choléra en 1830. Il nous raconte le comportement des hommes face à l’épidémie, la souffrance, la mort, leur impuissance devant ce fléau :
« Cela est dans l’air. Cet air gras n’est pas naturel. Il y a autre chose là-dedans que le soleil, peut-être une infinité de mouches minuscules qu’on avale en respirant et qui vous donnent des coliques … J’essaye de me dépêtrer de ce pays infernal, plein de peureux et de courageux, plus terribles les uns que les autres … Actuellement, il est préférable de se tenir loin les uns des autres. Je crains la mort qui est dans la veste du passant que je rencontre. Et il craint la mort qui est dans la mienne … »
Un dessin suffit parfois plutôt que quelques lignes.
Je n’oublie évidemment pas le personnel soignant dans sa globalité, extraordinaire de dévouement. Comment, même s’il s’agit de comportements sans doute à la marge, imaginer qu’au retour à leur domicile, certains d’entre eux puissent être confrontés à la méfiance ou l’ostracisme de voisins (des cons finis plutôt que des confinés !) leur demandant de déguerpir.
En faisant un peu de ménage dans mon blog, en réalité en relisant quelques-uns de mes anciens billets, je suis tombé sur une « vieillerie ».** Ce sera l’occasion pour certains de découvrir l’univers loufoque et poétique de Roger Riffard. Né un 1er avril, il eut la modestie de quitter ce monde deux heures avant son ami Georges Brassens, en lever de rideau en somme.
Écoutez À la cambrousse, un petit bijou à mettre en résonance avec l’exode récent de quelques centaines de milliers de Parisiens vers la province. Petite explication de texte pour ceux qui connaissent mal la capitale, la morgue de l’institut médico-légal de Paris se trouve quai de la Rapée !
« Le soleil semble
Pas bien costaud
V’là qu’ se rassemblent
Dans les hostos
Tous les microbes
Du mois d’octob’
Compte, bonhomme,
Sur tes dix doigts
Les jours qui rigolent
Et les jours qui merdoient
L’humble cortège
Des macchabées
Longe la berge
De la Rapée
Où, mains aux poches,
Rôde la cloche
Cloche qui souffle
Sur ses dix doigts
Point ne se destine
A tombe qui verdoie
Sus à mes bottes
Jésus Marie !
Car de la crotte
Du gai Paris
Vaille que vaille
Faut que j’ me taille
Paris, à tous
J’ lève mon doigt
Ma muse rustique
A la glèbe se doit
A la cambrousse
J’ m’en veux aller
Z’ouïr la douce
Chanson des blés
Changer mon luth
Pour une flûte … »
Il est, subsidiairement, des effets collatéraux réjouissants du confinement. On réapprend le temps de la vraie pause déjeuner en famille autour de la table, le goût de cuisiner de bons petits plats même en semaine. La maîtresse de maison a enchanté mes desserts avec sa savoureuse mousse au chocolat et au café d’après la recette du Petit Perret gourmand.
Remontent à la surface des souvenirs d’un temps heureux où une chère petite fille réclamait le droit de curer le saladier.
Les agriculteurs manquent de bras (bravo aux désœuvrés ou en chômage technique qui proposent les leurs), des marchés sont fermés, certain syndicat de routiers menace d’entrer en grève, faudra-t-il craindre une pénurie de certains produits ? On assiste à des comportements irresponsables ou véritablement irrationnels : une ruée sur certains articles dits de première nécessité ou, à l’inverse, une réticence à acheter des produits chinois ou italiens. Le ridicule tue moins que le virus, aux Etats-Unis notamment, la vente de la bière mexicaine Corona (la préférée de Jacques Chirac) serait en chute libre.
Nos amis transalpins, tragiquement al dente avec l’épidémie, gardent la classe même pour la pasta. Incredible ma vero, dans leur razzia, grands amoureux des pâtes à rainures (rigates), ils délaisseraient les penne lisce ! Pendant ce temps, le cours mondial du blé s’envole …
Comme le dessinait Reiser, on vit une époque formidable !
Des gens souffrent, trop meurent, beaucoup guérissent aussi. Je pense à eux bien évidemment. Mais en ce 1er avril, j’avais envie aussi de quelques sourires qui, peut-être, nous aideront aussi à sur-vivre.
Vous n’allez pas me croire, et pourtant, je vous jure que c’est vrai, j’ai veillé cette nuit devant la télévision. Au programme : Des pissenlits par la racine, un film de Georges Lautner sorti en 1964 avec dans la distribution, Michel Serrault, Maurice Biraud, Mireille Darc, Louis de Funès, Francis Blanche, Darry Cowl, tous aujourd’hui disparus. Un de ces sublimes « nanars » que, dans ma jeunesse, je ne manquais pas d’aller voir au cinéma jouxtant ma maison école dans mon bourg natal.
Allez, un dernier trait d’humour qui nous vient de l’île de Beauté durement affectée par l’épidémie. Il me semble que l’humoriste Pido soit l’auteur de ce clin d’œil à l’hospitalité corse même en temps de confinement.
* http://encreviolette.unblog.fr/2014/03/01/bonjour-chers-auditeurs-ou-le-commentaire-sportif/
** http://encreviolette.unblog.fr/2014/04/01/l-riffard-ca-devrait-etre-obligatoire/
