Bonne et heureuse année 2019
J’ai coutume, pour illustrer mon billet du nouvel an, d’emprunter et détourner une œuvre d’un artiste ami dont j’ai visité l’exposition.
Cette fois, je vous offre une photographie prise à l’occasion d’une de mes errances à travers notre douce France souvent maltraitée ces derniers temps.
Dans mon enfance (j’étais encore trop jeune pour danser sur ce slow), une chanson italienne envahissait les ondes : Nel blu dipinto di blu, dans le bleu peint en bleu.
« Je me peignais les mains
Et le visage en bleu
Puis soudain j’étais
Enlevé par le vent
Et je commençais à voler
Dans le ciel infini … »
Ce succès des fifties’ est encore très populaire aujourd’hui dans une version (et sous un titre) plus enlevée, Volare.
La France commença, sinon à voir, du moins à chanter La Vie en rose à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Dans un passé récent, un président de la République, tout fraîchement élu, crut bon, de manière peu prémonitoire, d’esquisser un pas de cette valse lente sur une place publique corrézienne pour conjurer les épines du pouvoir.
Bien que le jaune soit la couleur dans le vent (des ronds-points) ces dernières semaines, j’ai donc choisi d’envisager la vie en bleu, bleu comme les ecchymoses que laissent les difficultés de la vie, bleu comme l’habit de travail que revêtait l’ouvrier.
Certains l’ignorent peut-être, si beaucoup de jurons, aujourd’hui désuets voire précieux, se terminent par bleu, c’était à l’origine une manière d’évoquer Dieu sans le nommer, et surtout le blasphémer.
Georges Brassens en proférait avec délectation quelques-uns dans sa joyeuse ronde :
« Voici la ronde des jurons
Qui chantaient clair, qui dansaient rond,
Quand les Gaulois
De bon aloi
Du franc-parler suivaient la loi, jurant par-là,
jurant par-ci,
jurant à langue raccourci’,
Comme des grains de chapelet
Les joyeux jurons défilaient:
Tous les morbleus, tous les ventrebleus,
Les sacrebleus et les cornegidouilles,
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
Et les palsambleus … »
Au Moyen-Âge, jurer ainsi était considéré comme sacrilège. On jurait alors notamment par-dieu (parbleu), par la mort-dieu (morbleu), par le ventre-dieu (ventrebleu), par le sang de Dieu (palsambleu).
Tous ces jurons contre lesquels s’élevait le pape Innocent III furent sévèrement prohibés au XIIIème siècle par saint Louis qui (sous son chêne ?) infligea, par une de ses ordonnances, aux jureurs et blasphémateurs de fortes amendes et des châtiments corporels comme la prison au pain et à l’eau, le fouet, le supplice de l’échelle…
Louis XII prescrivit, par une ordonnance de mars 1510, que ceux qui blasphémeraient le nom de Dieu ou « qui feroient d’autres vilains serments contre Dieu, la sainte Vierge et les saints », fussent condamnés pour la première fois à une amende arbitraire, en doublant toujours jusqu’à la quatrième fois inclusivement ; qu’à la cinquième, outre l’amende, ils fussent mis au carcan ; qu’à la sixième, ils eussent la lèvre supérieure « coupée d’un fer chaud, et qu’ils fussent menés au pilori » ; qu’à la septième, la lèvre inférieure leur fût coupée, et enfin la langue à la huitième.
C’était finalement moindre mal par rapport aux crimes commis aujourd’hui par certains barbares au nom d’un prophète dont on ignore même le visage.
L’abbé Coton, confesseur du roi Henri IV, suggéra au souverain qui jurait beaucoup de ne plus blasphémer, ainsi il lui proposa de remplacer le nom de Dieu dans son juron favori Jarnidieu (Je renie Dieu !) par son propre nom, d’où l’origine du mignon Jarnicoton. Cela n’empêcha pas le roi Vert galant, grand amateur de femmes, d’être mortellement poignardé, le 14 mai 1610, par Ravaillac, un catholique fanatique … la religion encore !
En tout cas, les jurons s’assagirent au fil du temps, ainsi, pour le religieusement correct, au mot dieu, on substitua les terminaisons di, dié, dienne, bleu.
Ça avait de la gueule, vous ne trouvez pas ? Ainsi, aussi le ventre-saint-gris (déformation de Vendredi-Saint), autre juron savoureux fréquent dans la bouche de l’instigateur de la poule au pot dominicale.
Je ne serai pas hors de mon sujet si je consacre quelques lignes à cette poule au pot, conclusion d’une conversation (controversée par les historiens) entre Henri IV et le duc de Savoie lequel exhortait sa Majesté à se faire aimer de son peuple et à ne pas l’écraser d’impôts : « Oui, ce que je veux, parce qu’ayant le cœur de mon peuple j’en aurai ce que je voudrai, et si Dieu me donne encore de la vie je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon Royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot ».
Ceci dit, il y a souvent un fossé entre les promesses et les actes des gouvernants quels qu’ils soient et à l’aube de la Révolution, on chantait encore : « Enfin la poule au pot va être mise. On peut du moins le présumer. Car, depuis deux-cents ans qu’elle nous est promise, on n’a cessé de la plumer » !
Je l’ai connue dans mon enfance, ma chère mémé Léontine la cuisinait avec talent pour les jours de fête, puis ma tendre maman prit la relève. Le « simple » poulet tiré de la basse-cour, élevé au grain, constituait le repas du dimanche. J’aimais assister au cérémonial de la découpe de la volaille rôtie en bout de table.
Grâce à ces aïeules, ces valeurs culinaires sont restées ancrées dans la famille. Malheureusement, pour les jeunes générations, le gallinacé se décline trop souvent en poulet standard élevé en batterie et nuggets.
Et si j’en crois le mouvement des gilets jaunes, nos gouvernants continuent à plumer le peuple en l’écrasant d’impôts et de taxes.
Coïncidence, à travers ma lecture, actuellement, de l’ouvrage très érudit de Mona Ozouf De Révolution en République, les chemins de la France, j’ai découvert qu’au temps de la Constituante, « il n’y a pas pour l’opinion publique de détails futiles et mesquins, que les signes extérieurs -formes, couleurs, sons, emblèmes- ont une puissance incomparable sur la mentalité commune ». Ainsi, Antoine Barnave, homme politique dauphinois qui fit partie du gratin des révolutionnaires et fut chargé d’organiser le retour de Louis XVI et Marie-Antoinette de leur fuite à Varennes les 20 et 21 juin 1791, s’exclama : « Faut-il perdre un royaume pour des couleurs ? » Il entretint ensuite une correspondance assidue avec Marie-Antoinette et tenta de la convaincre que les uniformes de la garde du roi soient nécessairement composés des trois couleurs, qu’il fallait éviter le bleu de ciel, élire le bleu de roi, le « bleu des Français », et surtout proscrire le revers jaune. Le jaune vif de la livrée des postillons de la berline tirée par six chevaux avait été une des bévues de l’équipée de Varennes. C’était, en effet, la couleur de la famille des Condé que les habitants d’Argonne avaient repérée lors de la fuite du prince peu après la Révolution.
Ces considérations de couleurs sont un épiphénomène peut-être, en tout cas, Louis XVI, Marie-Antoinette et Barnave finirent par perdre la tête sur l’échafaud.
Mon « raccourci », si j’ose dire, est peut-être exagéré mais que penser de l’effigie brûlée ou étêtée d’Emmanuel Macron brandie sur certains de nos ronds-points ?
Á l’heure où j’écrivais ces lignes depuis mon Sud-Ouest adoptif, quelques énergumènes n’ont rien trouvé de mieux que de profaner à Saint-Gaudens le monument des trois maréchaux pyrénéens de la Grande Guerre en décapitant les statues de Ferdinand Foch (né à Tarbes), Joseph Gallieni (né à Saint-Béat) et Joseph Joffre (né à Rivesaltes).
Ce monument avait été inauguré en 1951 par le président de la République de l’époque Vincent Auriol (originaire de la Haute-Garonne) à l’occasion du centenaire de la naissance de Foch qui avait grandi dans le village voisin de Valentine dans une maison transformée aujourd’hui en médiathèque.
Ces gestes scandaleux témoignent d’une société en perte de repères et amnésique de son histoire et de ses symboles. Je n’ose imaginer ce qu’en penserait mon regretté professeur de père, lui qui, durant plusieurs décennies, veilla à l’entretien du cimetière militaire de sa commune et œuvra pour la mémoire des combattants et des victimes des deux guerres, en tant que président de l’association du Souvenir Français dans son Pays de Bray d’adoption.
Décidément, l’actualité hoquète à grande vitesse. En juillet, une France joyeuse était en bleu, les portraits de nos footballeurs vainqueurs de la Coupe du Monde étaient projetés sur les piliers de l’Arc de Triomphe, la foule en liesse envahissait pacifiquement les Champs-Élysées pour acclamer nos héros de retour de leur campagne de Russie triomphale avant qu’ils ne soient reçus en grandes pompes au palais présidentiel.
Quatre mois plus tard, une horde jaune en colère saccageait le même monument de la place de l’Étoile et déferlait sur la plus belle avenue du monde pour tenter d’accéder au palais de l’Élysée. Les motivations ne sont certes pas les mêmes mais le rapprochement est stupéfiant.
Au cours de cette année, j’ai consacré un billet au spectacle de Bernard Pivot qui appelait Au secours ! Les mots m’ont mangé.
De manière infiniment plus modeste, j’essaie dans mon blog de rendre hommage à la beauté de la langue française en restituant ce que m’inculquèrent mes valeureux enseignants.
Vous comprendrez donc qu’au-delà des blessures parfois légitimes ressenties par les manifestants jaune fluo, je fus ulcéré par les tags orduriers souillant les piliers de l’Arc de Triomphe. Sans vouloir trop conceptualiser, ce serait trop honorer leurs auteurs, je les range, au même titre que les insanités immondes diffusées sur les réseaux sociaux, comme pièces à conviction d’une école de la République qui ne remplit plus toujours ses missions. L’oiseau bleu, logo de Twitter, a souvent un gazouillis limité en vocabulaire.
Plutôt que l’injure amplifiée par un k à destination du président, cela eût été évidemment trop espérer de son auteur qu’il cite Georges Brassens (Le pornographe du phonographe) : « Dans ma psyché j’me montre au doigt/Et m’crie « Va t’faire, homme incorrect/ Voir par les Grecs » ». Ce même Brassens qui « entre mille et une guerres notoires », fredonnait aussi : « Celle que je préfère/C’est la guerre de quatorze dix-huit ».
Il y a tout de même parfois quelque lumière qui ne vacille pas encore. Ainsi, j’ai été touché par l’annonce d’Emmanuel Macron, lors de son « itinérance mémorielle » sur les hauts-lieux de la Grande Guerre, de faire entrer Maurice Genevoix au Panthéon. Il s’agit avant tout de rendre hommage au soldat qui fut blessé lors du combat des Éparges (sa statue est dressée devant la mairie du village meusien) et tous Ceux de 14 dont l’écrivain loua le courage et l’héroïsme dans un ouvrage fleuve, un des plus beaux témoignages du conflit.
L’ancien secrétaire perpétuel de l’Académie Française fut pour moi un des écrivains préférés, avec Louis Pergaud, de mon enfance. Ses textes qui sentaient bon la nature nous étaient souvent proposés en dictées, les écoliers de ma génération se souviennent probablement de Raboliot (prix Goncourt 1925) et de La dernière harde. Sur le chemin du lointain sud-ouest, mes pensées s’envolent souvent vers lui en traversant la forêt d’Orléans et la Sologne. Sa panthéonisation me fournira sans doute l’occasion de lui rendre hommage dans un futur billet.
J’ai omis à regret, cet été, de saluer dans mon blog la disparition, de Georges-Emmanuel Clancier, dans sa cent-quatrième année. Cela a été l’occasion de me plonger dans la lecture de son ultime ouvrage au joli titre de Le temps d’apprendre à vivre qu’il écrivit à 101 ans. Romancier et poète, il y relate l’histoire culturelle des années 1930-40 et l’histoire de la Résistance littéraire. Au fil des pages, on croise ses amis Raymond Queneau, Michel Leiris, Pierre Seghers, Claude Roy, Georges Blin et Max-Pol Fouchet. Je me souvenais surtout de ce dernier : mon père ne manquait que rarement ses chroniques lumineuses dans les émissions Lectures pour tous et Terre des arts, au temps de l’unique chaîne de télévision en noir et blanc.
Dans ma jeunesse, j’avais beaucoup aimé Le pain noir, sa saga en quatre tomes d’une famille pauvre dans une ferme du Limousin entre 1870 et la fin de la Première Guerre mondiale. Georges-Emmanuel Clancier s’inspirait des récits de sa grand-mère, une bergère illettrée, pour décrire la vie des paysans limousins qui devinrent ouvriers porcelainiers.
L’ayant achevé récemment, je n’ai malheureusement pas pu, non plus, partager avec vous l’immense émotion que m’a procuré la lecture du Lambeau, le chef-d’œuvre de Philipe Lançon journaliste à Libération et Charlie-Hebdo. Nous tremblons avec lui quand les barbares en noir (il n’en aperçut que les chaussures) font irruption dans la salle de rédaction du journal satirique lors de l’attentat du 7 janvier 2015, tragédie au cours de laquelle il perdit nombre de ses amis. Nous l’accompagnons aussi dans la longue et douloureuse reconstruction de son menton à travers ses multiples opérations et sa relation avec ses soignants et ses amis. Je n’ai pas honte d’avouer que quelques larmes perlèrent à mes paupières, j’ai ri aussi.
Moi j’aime le music-hall ! Au cours de cette année, j’ai rendu hommage à Maurane, belle voix prématurément disparue, qui savait notamment faire revivre les beaux textes de Nougaro et Brel.
À défaut de lui avoir consacré un billet, j’aurai probablement l’occasion de-ci de-là au gré de mon blog d’évoquer le magnifique saltimbanque qu’était Jacques Higelin, le second fou chantant après Trenet.
Hier encore, il chantait, désormais il repose à quelques kilomètres de chez moi. Grâce à mon regretté frère aîné, Charles Aznavour fut avec Gilbert Bécaud l’un des premiers chanteurs de variétés qui entra dans mon paysage musical. C’était au milieu des années 1950, j’étais haut comme trois pommes de Normandie, je tendais l’oreille vers la chambre où mon frère passait ceci en boucle sur son électrophone Teppaz :
Sur la face B du microsillon 45 tours (quel charabia pour les jeunes générations !), le titre était Sur ma vie.
Étonnamment, ces deux chansons demeurent encore parmi mes préférées. Sans doute qu’aujourd’hui, le dernier couplet de Sa jeunesse m’interpelle-t-il plus …
« …Car tous les instants
De nos vingt ans
Nous sont comptés
Et jamais plus
Le temps perdu
Ne nous fait face
Il passe
Souvent en vain
On tend les mains
Et l’on regrette
Il est trop tard
Sur son chemin
Rien ne l’arrête
On ne peut garder sans cesse
Sa jeunesse... »
Encore que ! Il a fallu la vivifiante exposition de photographies et d’objets maritimes de Daniel Burgi, pour que je découvre que les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont des jambes (http://encreviolette.unblog.fr/2018/07/08/les-photographies-de-daniel-burgi-et-les-peintures-dannie-barel-au-chateau-de-nogent-le-roi/). Entre jubilation artistique et pessimisme écologique !
Vous savez, à la déception de certains, ma délectation pour vous conter la légende des Cycles, en particulier les efforts parfois surhumains (au propre comme au figuré !) de ces champions du Tour de France qui, depuis un siècle exactement, aspirent à arborer, eux aussi (!), une tunique jaune dans Paris, au vélodrome du Parc des Princes jusqu’en 1967, à celui de la Cipale à Vincennes de 1968 à 1974, puis sur les Champs-Élysées … comme tout le monde !
L’année écoulée, outre deux billets sur les vélodromes, je vous ai doublement gâtés en évoquant le Tour de France 1958 et les ascensions de Charly Gaul autrement plus enthousiasmantes pour le gamin que j’étais à l’époque que celle du général de Gaulle au pouvoir, ainsi que celui des forçats de la route de 1924, chers au journaliste-reporter Albert Londres, à travers un spectacle, mais oui, à la Comédie Française.
En vous en narrant, chaque été, les péripéties, je redeviens le gamin avide qui écoutait, l’oreille collée à son transistor, les vivants reportages sur Radio-Luxembourg et Europe n°1, ou se plongeait dans la lecture des revues spécialisées aux couleurs verte ou sépia.
Vous me prenez pour un pénible passéiste ? Voyez la photographie qu’un ami, enseignant à la retraite, cyclotouriste en pleine activité et blogueur, a prise lors de son long périple estival, à vélo avec son épouse bien évidemment, sur les petites routes de notre douce France.
Photographie aimablement prêtée par Jean-Pierre Le Port ( http://montour1959lasuite.blogspot.com/ )
Vieilles revues sportives qui (des)sèchent à la fenêtre d’un bistrot du beau village de Salers ! L’ami me comble puisque je repère Jacques Anquetil, l’idole de ma jeunesse, en plein chevauchée solitaire dans son style incomparable.
C’est avec une certaine nostalgie que je feuillette ces magazines car beaucoup de ces champions ne sont plus de ce monde, ainsi le dernier en date qui nous a quittés il y a quelques semaines, Bernard Gauthier, surnommé Monsieur Bordeaux-Paris parce qu’il remporta plusieurs fois cette course légendaire aujourd’hui disparue.
Enfant, j’ai adoré le cyclisme, synonyme d’épopée, avec les beaux maillots à poches poitrine, les cuissards noirs, les socquettes blanches.
Celui souvent insipide du vingt-et-unième siècle m’interpelle beaucoup moins avec ses pelotons qui s’enroulent ou se scindent autour des ronds-points (décidément), ses tenues bariolées à la gloire d’une société consumériste, ses dopages biologiques et technologiques. Le « progrès » vient même se nicher dans la longueur des socquettes et un tout récent règlement de l’Union Cycliste Internationale stipule qu’elles ne devront pas dépasser le milieu de la hauteur entre la malléole et la tête du péroné !
Considération futile ou dérisoire, dans mon enfance, en cette période de fêtes, je jouais souvent au Monopoly avec mon frère et un de mes oncles. De ces interminables parties, j’ai conservé le souvenir d’une sociologie immobilière des artères de la capitale, le boulevard Malesherbes en rouge, l’avenue de Breteuil en vert, la rue de la Paix en bleu … J’ai découvert ces jours-ci qu’une nouvelle version de ce jeu éminemment capitaliste (inventé en 1935 par un chômeur américain ruiné à la suite de la grande crise de 1929) sur le marché faisait désormais la part belle … aux fraudeurs. Signe des temps !
Plus sérieusement, si je dois garder une image de cette année 2018, il s’agira pour moi d’une séquence forte et émouvante lors de la cérémonie d’entrée de Simone Veil au Panthéon, le 1er juillet dernier. Soit dit en passant, geste encore ignoble, des croix ont tagué, depuis, les portraits de l’ancienne ministre et déportée sur les panneaux d’exposition apposés aux grilles du monument en son hommage.
Au milieu de la rue Soufflot, là-même où, en mai 68 les étudiants en colère lançaient des pavés, où en mai 1981, plein d’espoir, je vis le tout nouveau président François Mitterrand passer une rose à la main, cette fois, les enfants choristes de la Maîtrise populaire de l’Opéra-Comique interprétèrent dans la langue des signes la chanson Nuit et brouillard de Jean Ferrat.
« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent … »
Cette chanson symbolique commémore les victimes des camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’un drame personnel de son auteur, la disparition de son père juif émigré de Russie, séquestré au camp de Drancy puis déporté le 30 septembre 1942 à Auschwitz où il mourut le mois suivant.
Créée en 1963, elle fut jugée inopportune par le directeur de l’ORTF de l’époque alors que le général de Gaulle et Konrad Adenauer tentaient de rebâtir l’amitié franco-allemande.
Qu’à cela ne tienne, la radio périphérique Europe n°1 osa s’affranchir des directives et états d’âme du pouvoir, et diffusa cette chanson qui connut un grand succès populaire en pleine période des yéyés.
S’agit-il d’un malencontreux effet de montage, mais dans un documentaire d’archives consacré à Jean Ferrat et diffusé cet automne, on voit même dans une séquence des jeunes gens danser tendrement sur cette chanson. Ne soyons pas choqués, Ferrat lui-même chantait :
« Je twisterais les mots s’il fallait les twister
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez »
Dans le même documentaire, au coin d’une cheminée d’Ardèche, le poète nous questionnait aussi : « Je me demande ce qu’il adviendra d’une civilisation qui va dans la Lune mais ne sait plus faire de la soupe ».
Cela aurait pu faire ma conclusion s’il y a quelques heures, une lectrice n’avait pas déposé un touchant commentaire au bas d’un billet consacré à ma chère et tendre maman qui avait eu son aïeule comme élève : « … J’imagine que votre maman était une femme formidable aux yeux de ma grand-mère. Sans doute une figure maternelle importante pour une enfant qui n’a pas de maman… »
Ce sont ces échanges qui m’encouragent à poursuivre mes fantaisies littéraires commencées il y a onze ans.
Heureuse année 2019 à toutes et tous, en bleu, en jaune, en rose, dans toutes les belles couleurs que le temps nous propose !

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