J’ai regardé le premier Grand Débat !
Mes lecteurs les plus fidèles savent que je n’ai jamais fait de cet espace numérique, une tribune pour y étaler mes convictions politiques. Bien évidemment, au détour d’un billet, vous avez sans doute pu percevoir un peu de ma sensibilité citoyenne, ce qu’un ami traduit par : « tu te lâches plus ! ». Il faut reconnaître qu’il est de plus en plus malaisé de rester muet devant l’affligeant spectacle qu’affiche actuellement notre société dans toutes ses composantes et à tous les niveaux.
Mon statut de retraité de l’Éducation Nationale et ma curiosité de citoyen me laissent le temps de lire quotidiennement une presse nationale (et même régionale lorsque je séjourne en province) et de regarder éventuellement les chaînes d’information.
Ma longue expérience professionnelle d’avoir formé plusieurs générations d’enseignants à l’Image (les jargonneux de la pédagogie, à la fin de ma carrière, se repaissaient de l’acronyme TICE, Technologies de l’Information et de la Communication dans l’Éducation) explique aussi mon intérêt persistant pour le traitement de l’actualité telle qu’elle nous est livrée. Cela questionnera éventuellement quelques esprits taquins sur l’efficacité de ce que fut ma mission ! J’assume et puis, on est sauvé, notre ministre de l’Éducation Nationale annonce un grand plan informatique pour les écoliers du XXIème siècle!
De même, en tant que président du conseil syndical de ma résidence, ce qui équivaut un peu à la tâche d’un maire d’une petite commune de 300 âmes, je suis confronté à la complexité de satisfaire une majorité afin d’atteindre un certain bien-vivre ensemble.
Bref, puisque finalement, je fais partie du « peuple » moi aussi, et comme mon école communale ne m’a jamais enseigné comment rendre compte de mes états d’âme à travers un tweet de 280 caractères (140 auparavant), même avec une orthographe irréprochable, encore que l’on nous formait à la concision en limitant parfois l’exercice à une page, j’ai eu envie, une fois n’est pas coutume, de choisir comme sujet de mon billet le grand débat, la nouvelle agora à la mode, que vient d’engager notre e-président.
À ce propos, je ne sais pas vous, mais je n’ai reçu ni par mail, ni par courrier, sa Lettre aux Français, j’en fais partie, qu’il nous a écrite. Je ne ferai pas de mauvais esprit car si je désire en prendre connaissance, les solutions ne manquent pas sur la toile.
Depuis des semaines, du moins à travers la multitude de reportages qui nous est proposée, on entend sur les ronds-points et dans les « manifestations », les revendications, souvent aussi les vociférations, des gilets jaunes. Les plus raisonnables souhaitent quelques mesures compréhensibles et légitimes visant à une hausse du pouvoir d’achat. De plus contestataires prônent une meilleure représentation, une assemblée constituante, des référendums d’initiative citoyenne, la diminution du nombre de parlementaires ainsi que leurs indemnités. Certains (rares heureusement) parmi les plus irascibles et inconscients, réclament la réinstauration de la peine de mort, ou dans d’odieux et méprisables simulacres, guillotinent ou immolent le président de la République, voire écartèlent son épouse en place de Grève.
Même s’ils la connaissent souvent très mal, les Français aiment l’Histoire de leur pays, pas celle qu’on leur enseigna dans leur scolarité (le passé simple est justifié car elle diminue comme peau de chagrin dans les programmes), mais celle vulgarisée par Laurent Deutsch, Stéphane Bern et quelques émissions à la radio.
Jamais aussi, il n’y a eu en librairie autant d’ouvrages de qualité sur les grandes figures de notre Histoire, sur les grands mouvements qui la secouèrent. Récemment, le vieil étudiant en Histoire que je fus s’est régalé avec la lecture du magnifique brûlot réédité de Suzanne Citron, Le Mythe national, l’Histoire de France revisitée dont une taquine professeure d’Histoire avait offert un exemplaire à François Fillon lors d’un débat télévisé durant la dernière campagne présidentielle. Décédée l’année dernière à 96 ans, cette agrégée d’Histoire n’aura pu faire entendre ces semaines-ci sa voix dérangeante.
Je me suis plongé dans la somme de Mona Ozouf De Révolution en République : les chemins de la France. Je m’attelle maintenant à l’ouvrage de Gérard Noiriel Une histoire populaire de la France, de la guerre de Cent Ans à nos jours. Ce dernier fonda, avec Suzanne Citron, en 2005, un comité de vigilance face aux usages publics de l’Histoire qui ne serait pas inutile en notre période troublée.
Les références hâtives ou caricaturales au passé révolutionnaire abondent, les clins d’œil affluent, Assemblée constituante, États généraux, peuple souverain, cahiers de doléances, sans-culottes (rhabillés en gilets jaunes), il est même un tribun insoumis, spécialiste érudit de Robespierre, qui s’égare sur les chemins de Varennes et des ronds-points en mettant en perspective un révolutionnaire, maître de poste à Sainte-Menehould démasquant Louis XVI en fuite dans une berline, et un homonyme pseudo leader des gilets jaunes.
Cela dit, mes lecteurs assidus peuvent en témoigner, dans mon École Normale de Seine-et-Oise, lors des événements de mai 68, nous cédâmes aussi, Versailles oblige, au cahier de doléances pour une meilleure formation d’enseignant :
(billet http://encreviolette.unblog.fr/2018/12/03/mon-mai-68/ )
J’avoue être sursaturé, abruti même, consterné aussi parfois, par ces sempiternels plateaux de télévision formatés avec les éléments de langage des gouvernants, les analyses péremptoires et visionnaires de chroniqueurs, éditorialistes, « communicants » et experts de tous bords, que les faits font souvent vite mentir
Plutôt que combat de boxe ou tirs de flash-ball sur cible vivante, ne serait-il pas plus pédagogique et instructif de proposer à l’écran des portraits d’hôtes de ronds-points qui souffrent effectivement depuis plusieurs décennies ? Michael Moore n’est pas français mais le cinéaste François Ruffin n’est pas qu’un député insoumis qui s’affiche en sweat-shirt à l’Assemblée. Son documentaire incisif Merci patron !, autour d’une famille picarde surendettée et menacée d’expulsion par la faute de Bernard Arnault, responsable de la délocalisation de leur usine en Pologne, nous éclaira sur tellement de choses et fit à sa sortie la quasi unanimité des critiques de cinéma.
Depuis longtemps déjà, pour m’y promener, la traverser, la sillonner, la côtoyer, l’aimer aussi, je vois notre douce France s’appauvrir et souffrir. Ne soyons pas aveugles, les villages perdent leurs derniers commerces, les volets se ferment, la jachère gagne les champs, les routes se dégradent. Dois-je faire mienne la réplique de Jean-Pierre Marielle dans la jubilante adaptation d’Uranus le roman de Marcel Aymé : « J’ai mal à ma France » !
Tout ça méritait bien un « grand débat ». Aussitôt proposé par notre président, aussi vite fut-il caricaturé en « grand bla-bla », bidonnage, enfumage ! On peut discuter éventuellement des modalités de sa mise en place, mais bon … Je me suis calé dans mon fauteuil pour assister à sept heures d’échanges entre Emmanuel le magnifique (titre d’un jubilant livre satirique de Patrick Rambaud) et six centaines de maires de ma chère Normandie qui m’a donné le jour.
Ne comptez pas sur moi pour en commenter ici les questionnements, réponses et analyses, je n’en possède aucunement la légitimité. Alors plutôt qu’au fond, je m’attacherai à la forme qui fut pour moi une réjouissante respiration intellectuelle et citoyenne au milieu de notre société soumise au rythme consternant et à l’effrayante dictature des tweets, hashtags, news, fake news, bref tous ces machins, trop souvent vulgaires voire haineux, et tellement peu adaptés que mon correcteur orthographique en rougit.
Puisque cela fut sujet à raillerie et matière à certains micro-trottoirs pour lancer (mais aussi parfois la résumer) l’initiative citoyenne sur les chaînes de télévision, j’ai souvent souri d’entendre prononcer, déformer ou pas, le nom de Bourgtheroulde où se déroulait la consultation. Parce qu’autrefois, quelque cousine éloignée vécut dans ce petit village de l’Eure, j’en connaissais l’usage local (on ne prononce pas le l) et je me moquerai d’autant moins des « horsains » que je suis victime moi-même dans mon sud-ouest adoptif d’identiques sarcasmes quand je dois, avec l’accent, nommer les communes de Rebirechioulet et Escanecrabe (voir billet : http://encreviolette.unblog.fr/2011/01/17/de-samatan-a-cantaous-tuzaguet-en-passant-par-escanecrabe-et-rebirechioulet/ ).
Loin des fastes de l’Élysée ou le confort d’un palais des congrès, j’ai aimé la modestie du gymnase municipal avec les buts de handball en arrière-plan, semblable à ceux que je fréquentais dans ma jeunesse avec mon club normand, semblable aux salles polyvalentes et foyers ruraux qui accueillent les activités festives ou culturelles dans les campagnes.
Dans l’euphorie du début de la présidence socialiste de François Mitterrand qui rêvait d’un nouveau Front populaire, il y eut un éphémère ministère du Temps Libre dont l’une des initiatives fut d’aider à la construction de maisons du Temps Libre. On eut tôt fait de railler le ministre en question, André Henry, instituteur puis secrétaire général de la puissante (à l’époque) Fédération de l’Éducation Nationale, en stigmatisant et caricaturant hâtivement et injustement son cabinet comme celui de la fainéantise et de l’inutilité. Imaginez si les réseaux sociaux avaient existé, ils se seraient déchaînés sur le maître d’école qui inventait le temps libre. Sa proposition de chèque-vacances est toujours en place aujourd’hui.
Dans le gymnase de Bourgtheroulde, la solennité venait de ces fiers élus locaux, ceints de leur écharpe tricolore, qui, comme autrefois on se vêtait des « habits du dimanche », s’étaient mis pour la circonstance sur leur trente-et-un, en costume et cravate. Si le « peuple » semble « bien connaître » l’origine d’une assemblée constituante, il sait moins l’explication, d’ailleurs incertaine de l’expression vestimentaire : l’une des hypothèses nous viendrait du Moyen-Âge et découlerait de la déformation de ‘trentain » qui désignait un drap raffiné de trente centaines de fils, destiné aux vêtements de luxe et porté les jours de fêtes ou pour afficher sa position sociale.
J’ai aimé donc ces hommes et aussi ces femmes, car elles sont de plus en plus nombreuses à occuper la plus haute fonction municipale. Souvenons-nous que nos aïeules n’obtinrent le droit de voter que lors des élections municipales d’avril 1945, ce n’est pas si lointain ! Paradoxe, c’est même la Révolution française qui freina les aspirations des femmes à participer à la vie politique. Ainsi, en 1789, l’abbé Sieyès distinguait les citoyens « actifs « et les citoyens « passifs », les femmes étant classées dans la seconde catégorie au même titre que les enfants et les étrangers. Malgré l’appel de Condorcet, cette exclusion fut maintenue par l’Assemblée nationale de décembre 1789, la Constitution de 1791, puis la Convention nationale de juillet 1793 … quelques mois avant l’exécution d’Olympe de Gouges auteure de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Bien plus tard, sous la IIIème République, l’écrivain Romain Rolland, prix Nobel de littérature en 1915, rédigea un texte argumentaire pour le refus du suffrage féminin : « Les femmes, différentes, immatures, influençables, inférieures, ne peuvent prendre une part intelligente et autonome à la vie publique … »
Beaucoup de ces maires issus de la ruralité ont démontré que bien au-delà des histoires clochemerlesques de chants intempestifs du coq à l’aurore ou de cloches battant l’Angélus à sept heures du matin, ils avaient un rôle primordial dans le lien social et la connaissance des problèmes dans ce qui constitue le corps de la France.
Même s’ils peuvent être en désaccord avec sa politique, tous ces élus montrèrent leur respect à la fonction en commençant leurs interventions par un « Monsieur le Président de la République » qui se démarque des insolents « Macron » souvent prononcés sur les plateaux de télévision, sans parler évidemment des ronds-points.
Mon intérêt pour la toponymie des lieux s’est nourri de la redécouverte de noms de bourgs et villages normands que j’entendais évoquer à la table familiale dans mon enfance, ainsi par exemple, la petite commune de Saint-Philbert sur Risle située à une dizaine de kilomètres du lieu de naissance de ma chère maman.
Son maire n’a pas manqué d’humour en rappelant que dans son village, l’usine Nestlé Purina Petcare « fabrique des croquettes proplan qui plaisent beaucoup aux labradors griffons », sous entendu que si Nemo, le chien du président qui ne sut refreiner un besoin pressant contre le marbre d’une cheminée du palais de l’Élysée, en mange, « il aura toujours le poil brillant » ! Moins drôle, il semble que là aussi des emplois soient menacés.
« Partie de campagne » à la Renoir, il rappela aussi au président qu’un de ses lointains prédécesseurs, le havrais René Coty, venait autrefois en voisin pêcher dans la Risle. Au risque de vous gausser de moi, je ne résiste pas à vous livrer cette anecdote « vieille France » qui témoigne de ce qu’était encore parfois l’atmosphère citoyenne : tout gamin, j’ai connu le président Coty et, au bras de mon papa, j’attendis même plusieurs heures sur le parvis qu’il pénétrât solennellement dans la cathédrale de Rouen réouverte au culte après dix ans de restauration suite aux bombardements de la guerre. C’était en 1956, on n’avait ni télévision à la maison ni évidemment de réseaux sociaux, juste la lecture du quotidien régional Paris-Normandie. Si vous ne me croyez pas sur l’ampleur de l’événement, visionnez ce reportage … d’un autre siècle :
http://www.archivesenligne.fr/chronologie/item/1956-reouverture-de-la-cathedrale
Évidemment, était présent l’évêque, celui-là même qui devait me donner plus tard un soufflet lors de la cérémonie religieuse de la Confirmation.
Je ne le jurerais pas sur la tête de l’Esprit Saint, mais il est fort possible que j’avais supporté ce pensum dans l’espoir d’apercevoir mon idole sportive Jacques Anquetil, invité aux festivités.
Ça y est, vous retrouvez votre sérieux ? Le premier administré des Saint-Philbertois évoqua aussi la mémoire de son père, inhumé au cimetière du village, qui fit deux mois de grève en 1936 pour obtenir les premiers 15 jours de congés payés, la semaine de 40 heures et les premières conventions collectives.
Tant pis si je cède à un petit côté franchouillard type Jean-Pierre Pernaut, le populaire présentateur de journal télévisé, j’ai aimé que le temps de quelques heures, apparaissent au cœur du débat, pour ne pas dire de l’actualité, de modestes villages comme Saint-Pierre-du Bosguérard qui tire son nom de terres de Gérard Fleitel un chevalier normand du XIème siècle, Saint-Victor-de-Chrétienville (les Christovictoriens devaient être fiers devant leur petit écran) ou encore Grainville-la-Teinturière, petite commune du Pays de Caux proche de la côte d’Albâtre, nichée dans la vallée de la Durdent (c’est un fleuve côtier) qui tient son nom d’une très ancienne activité industrielle. Le navigateur et explorateur Jean de Béthencourt, le plus célèbre des Grainvillais, inhumé dans le chœur de l’église, fut le roi des îles Canaries après les avoir conquises en 1402.
Madame la maire d’Écrainville défendit vigoureusement les écoles rurales trop souvent mises en danger par les coupes budgétaires. Le maire de Vexin-sur-Epte revint sur la question de la limitation de vitesse à 80 km/h, en piquant ironiquement le président sur ses « sorties de route ».
J’imagine que ces bourgades auraient pu servir de décor à de truculentes nouvelles de Guy de Maupassant. Mais cet après-midi, loin de farces paysannes, c’est de campagnes souvent abandonnées dont on débat.
Loin d’être à ras des pâquerettes, les discussions furent terre à terre de France. Mine de rien, plus efficace qu’un spot publicitaire, le maire de Créances, commune du département de la Manche berceau de ma famille maternelle, vanta la star locale, la fameuse carotte cultivée dans les « mielles » du Cotentin. Notre Président aime les novateurs, sans doute aurait-il loué l’initiative, selon la légende, de ce cadet de Normandie qui faute de disposer personnellement de terres, utilisa les sables de la presqu’île et les algues du littoral comme engrais.
Au pays de Créances, la tradition maraîchère remonte au XIIIème siècle et outre la carotte label rouge, ce terroir propose poireau et navet. Oh le bon pot-au-feu à la mode de chez moi et au diner le bon bouillon avec les pâtes alphabet !
Au hasard des échanges, j’ai eu plaisir d’entendre décliner, telle une poésie géographique ou une géographie poétique, des noms de pays et terroirs naturels, parfois sortis de ma mémoire, qui s’affichaient en lettres plus grasses sur les cartes de France de mon école communale : le Roumois (dérivé de Rotomagus l’ancien nom latin de Rouen), le Lieuvin (des Lexoviens peuple belge ou gaulois armoricain établi le long de la côte normande au sud de l’estuaire de la Seine), le Vexin normand qui se distingue d’un Vexin français depuis le traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911 entre Charles III le Simple et le viking Rollon, le plateau du Neubourg, le Bessin, le Bocage dit normand, l’Avranchin, le Cotentin.
J’ai gardé pour la bonne bouche, le pays d’Ouche, ça rime ! Je ne saurais vous dire pourquoi adolescent, l’un de mes premiers livres de poche fut Pays d’Ouche, un recueil de nouvelles de Jean de La Varende. Sous une forme romanesque, l’écrivain nous promenait de Bernay à Conches en passant par la « cuvette » de Rugles (clin d’œil à une chère lectrice !). En mettant en scène la famille de Galart, il évoquait les curés de campagne, les paysans, les hobereaux, les manoirs, les paysages : « Voici les grâces secrètes de cette contrée. Le petit fleuve s’accoude à gauche sur une forte colline chargée d’arbres, mais cerne, à droite, une haute et lente moquette qui s’exhausse vers le sud. L’eau l’entoure d’un trait pur et chantant »
On y relevait le verbe se décarêmer c’est-à-dire faire un bon repas avec de la viande notamment pour se dédommager de l’abstinence du carême. Pour ce qui nous concerne, c’est le contraire, allons-nous devoir faire carême selon l’appel de personnalités prêtes à instaurer un « lundi vert » sans aucune viande ni poisson ? Le lundi sans soleil ♫♫♫ …
Philippe Delerm, l’écrivain des plaisirs minuscules, s’est installé sur les bords de la Risle dans les années 1970 et y a écrit la plupart des ses ouvrages : « Eh bien Champignolles existe, je l’ai rencontré, et me demande comment j’avais pu l’ignorer aussi longtemps » !
Moi je le sais depuis mon enfance ! Enfin … J’ai souvenir d’avoir vu au cinéma jouxtant le domicile familial un nanar éminemment périssable (la preuve, il n’existe pas en DVD), « Nous autres à Champignol » avec Jean Richard, Noël Roquevert, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault. Une belle brochette de comiques, quand même, pour une médiocre pochade rurale sur fond de rivalité footballistique entre deux villages voisins.
– « Qu’est-ce que vous faites la semaine, Claudius ?
– La semaine ? Bah, la semaine … j’attends le dimanche … je m’occupe … la sieste et tout … »
Pas sûr que cela aurait emballé notre président qui n’a pas trop de considération pour les oisifs ! Pas certain, non plus, que Solange, qui n’avait que faire d’un amoureux gardien de but, eut une bonne idée de lui conseiller d’embrasser une carrière sûre, de fonctionnaire par exemple !!!
En Pays d’Ouche encore, il est un village qui a perdu son identité en 2019 depuis sa fusion avec deux localités voisines pour constituer la commune nouvelle de Treis-Sants-en-Ouche. Emmanuel Macron, qui aime tant jongler avec les mots désuets, aurait sans doute apprécié son joli nom de Saint-Aubin-le-Vertueux, un adjectif de moins en moins courant dans notre société agressive.
Vous penserez peut-être, à tort, qu’à travers mes élucubrations je brocarde ce que fut le premier Grand Débat alors qu’au contraire je l’ai vécu comme une respiration salutaire dans l’atmosphère détestable de l’époque. Au-delà des divagations de mon esprit, j’ai écouté avec intérêt le ressenti justifié des maires et les réponses que le président, au milieu d’eux, tenta de leur apporter avec un souci de clarté et pédagogie.
S’il faut saluer l’indéniable performance physique (il tomba même la veste) et intellectuelle du chef de l’État, il ne faut pas tomber dans l’excès et l’encenser plus que le cours magistral d’un professeur d’université devant des étudiants de master ou même la valeureuse enseignante de primaire qui tient en éveil ses élèves toute une matinée. Ceci dit, comme il y a le gigot d’agneau de sept heures, il y aura désormais le débat de sept heures !
Je fus déçu mais non surpris, c’est tellement dans l’air du temps du buzz et des punchlines, par le débrief à chaud qui en fut fait dans les médias en diffusant en boucle la phrase choc : « Il ne faut pas raconter de craques, c’est pas parce qu’on rétablira l’ISF que les gilets jaunes iront mieux. C’est de la pipe ! »
Raccourci terrible mais tellement symbolique de l’époque : en arrière-plan d’un journaliste qui citait cette phrase à l’extérieur du gymnase, d’une fourgonnette ralentissant, vitre ouverte, surgit l’invective : « Macron enc… » !
Le quotidien nous revenait en pleine face !