Ici la route du Tour de France 1958 (2)
Pour revivre les huit premières étapes : http://encreviolette.unblog.fr/2018/08/01/ici-la-route-du-tour-de-france-1958-1/
Après les grandes manœuvres opérées lors des huit premières étapes, on imagine que la descente avant la bataille des Pyrénées risque d’être plus tranquille.
Lors de l’étape Quimper-Saint-Nazaire, comme l’indique la légende de la photographie, les coureurs se sont mis en demi-congé pour admirer le paysage, notamment le vieux pont de Quimperlé à la confluence de l’Elle et de l’Isole, ainsi que le curieux pont de bois de La Roche-Bernard reconstruit sommairement après la Seconde Guerre mondiale.
Les suiveurs prennent également du bon temps, ainsi le populaire chansonnier Jacques Grello qui met son grain de sel (référence probable à La Boîte à sel, l’émission satirique qu’il anime sur le petit écran) dans sa chronique du Miroir des Sports, choisit, avec l’humour qui le caractérise, de nous présenter l’équipe Internations, une sélection très hétéroclite :
« J’ai toujours envie de demander aux Danois pourquoi ils ont l’air triste. Mais j’ignore le danois. Vous connaissez beaucoup de gens qui connaissent le danois, à part les Danois eux-mêmes ? Très peu, n’est-ce pas ?
Max Bulla, qui dirige l’équipe internationale du Tour, ignore le danois (c’est naturel, il est autrichien), de même qu’il ignore le portugais. Qui parle le portugais à part les Portugais eux-mêmes ? Alors, comment fait Max Bulla pour conduire à la bataille ses jeunes étrangers ? Comment procède Andresen lorsqu’il veut demander à Barbosa des nouvelles de sa santé ?
Ces questions m’étant venues, je suis allé les poser à Max Bulla lui-même.
C’est un homme charmant, aux oreilles énormes, malgré quoi il n’entend que deux langues (l’allemand et le français). Ce n’est déjà pas si mal, mais, dans sa situation, c’est insuffisant. Un compatriote à lui et à moi (un Autrichien naturalisé français) l’aidant dans les passages difficiles, il nous a donné de longues et courtoises explications.
Comme nous le supposions, les échanges linguistiques de l’équipe internationale sont d’une extrême complexité. Pour parler à ses Danois, Max Bulla utilise les services d’un masseur luxembourgeois qui connaît l’allemand et l’anglais que connaissent un peu les Danois. Pour les Portugais, c’est assez simple, Barbosa connaissant le français, ainsi que l’italien (superflu en l’occurrence) et naturellement le portugais, sa langue maternelle qu’il utilise très peu, étant donné que Batista, le seul qui entende ce langage, est un homme qui ne dit jamais rien. Et si un Danois veut parler à un Portugais, il essaie de trouver un Italien qui puisse joindre Barbosa.
Quant à Christian, il n’entend que l’allemand, ce qui l’arrange très peu étant donné qu’il est le seul de l’équipe à parler teuton. Á part Max Bulla, bien entendu. Mais Max Bulla a rarement le loisir de parler allemand, occupé qu’il est à se faire comprendre des Portugais, des Danois et du chauffeur de sa voiture qui naturellement est Français.
Je ne sais pas si vous me suivez bien, moi-même à me relire je me sens un peu perdu.
De toute façon, même si les Internationaux se comprenaient entre eux, ils seraient encore très isolés, puisqu’ils ignorent naturellement le hollandais, le flamand, l’italien, l’espagnol et le breton. Il serait inhumain de les obliger à parler toutes ces langues sous prétexte que personne ne connaît le danois !
Bref, comme dit l’Anglais Robinson, une seule solution : parler français !
Les coureurs anglais, contrairement aux touristes britanniques dont le mépris pour les langues continentales est bien connu, parlent français même entre eux. Robinson, s’il ignore encore quelques nuances du beau langage français, maîtrise brillamment les difficultés de l’argot des routiers. Ce qui, l’accent aidant, ajoute un grand charme comique à ses propos.
En définitive, la langue française est la langue diplomatique de la CCE (Communauté Cycliste Européenne). Étant bien entendu que ce français-là est beaucoup plus loin de Pascal que du Petite Simonin illustré.
Elliott donnerait volontiers des leçons d’anglais, mais ils ne se voient jamais. Les Danois sont toujours en queue et Elliott toujours en tête à essayer de gagner.
Voilà pourquoi les Danois sont tristes. Pauvres Danois ! »
Seamus Elliott, justement, est encore en tête et participe activement à l’échappée décisive du jour en compagnie de son coéquipier Barbosa, du Belge Luyten, de l’inévitable coureur du Centre-Midi de service Jean Graczyk, ainsi que l’Italien Vito Favero, discret mais toujours dans les bons coups, qui pourrait bien se retrouver en jaune à Saint-Nazaire. Mais c’est sans compter avec André Darrigade, également échappé, qui, outre sa victoire au sprint, rafle la bonification et récupère ainsi la tunique bouton d’or.
Ce soir, cinq coureurs se retrouvent groupés en 47 secondes au classement général.
Le lendemain, le départ de l’étape est donné à Saint-Brévin après une traversée par bac de l’estuaire de la Loire.
Á Royan, au sprint sur la longue ligne droite du boulevard Frédéric Garnier, Pierino Baffi apporte à l’équipe d’Italie sa première victoire d’étape.
Anecdote, le populaire coureur normand, Eugène Letendre, de l’équipe de l’Ouest, bien qu’attendu par plus de trois mille personnes, une centaine de journalistes et la reine de beauté locale, est éliminé pour être arrivé hors des délais. Pauvre Gégène, si attachant !
Entre Royan et Bordeaux, on sacrifie à un autre cliché classique du Tour avec le passage sur le pont enjambant la Dordogne, construit par Jean Eiffel, à Saint-André-de-Cubzac.
Sur la piste du vélodrome du Parc Lescure de Bordeaux, on peut espérer une victoire d’un des quatre tricolores de l’échappée, Stablinski, Privat, Pipelin et Joseph Groussard. Mais, comme la veille, c’est encore un Italien qui l’emporte, Arrigo Padovan, celui-là même qui avait été déclassé à Brest.
Á Bordeaux, Maurice Vidal intitule sa chronique Les Gardes du cardinal et les Mousquetaires du roi :
« L’atmosphère d’un hôtel où sont logés plus de vingt coureurs est un curieux mélange. Cela tient de la clinique et du caravansérail. De la clinique, à cause de cette odeur d’embrocation de teinture d’iode ou d’éther qui flotte dans les couloirs. On y croise toutes sortes de gens qui courent d’un étage à l’autre, rapidement mais sans bruit : soigneurs, mécaniciens, personnel hôtelier généralement porteur de lait toujours réclamé aux arrivées par les coureurs, mais aussi chasseurs d’autographes plus hardis que les autres. Tout ce monde s’agite, faisant son possible pour respecter le repos des géants de la route. Il n’y réussit généralement pas.
La première constatation qui s’impose à l’observateur, dans un hôtel où l’équipe de France et celle du Centre-Midi se côtoient, c’est que les tricolores restent plus mystérieux que leurs rivaux du sud de la Loire. Peut-être est-ce un moral moins solide, ou bien un signe de la gravité et du sérieux qui doivent accompagner le port d’un maillot tricolore ? Je ne sais …
… Lorsque nous pénétrons dans la salle à manger de l’hôtel, l’équipe de France, presque au complet, est déjà à table, et les « Geminianistes » doivent passer devant elle pour gagner leurs places. Raides, ils passent et sans un regard. Ou plutôt si, celui d’Anglade, et il est noir. Et comme je lui en fais la remarque, il lance :
– Comment ne serait-il pas noir quand je les vois ?
C’est comme ça. D’une table à l’autre, on se jette des regards furtifs, ou bien on s’ignore. Pas tous cependant. Les capitaines, lorsqu’ils se croisent, plaisantent sans contrainte. Le « Grand » n’hésite pas à s’arrêter près des Français, à leur lancer une boutade et, parole, il les déride. Il échange quelques mots avec Darrigade, pour lequel il a une réelle estime, s’assied une minute à côté de Louison.
Mais les hommes de troupe ont épousé des querelles qu’on prête seulement à leurs chefs, et parce qu’ils sont riches. Le cardinal Bobet ou le Roi Gem savent oublier les aléas du moment et les querelles de couloirs pour étudier ensemble les affaires du royaume. Mais les Gardes du premier, les Mousquetaires du second ne fraient pas entre eux. Á chaque détour de route, ils sont prêts à en découdre. Ce n’est pas l’un des aspects les moins curieux de ce passionnant Tour de France que cette pièce qui s joue entre la formation officielle et ce corps d’élite levé par ce vieux briscard de Deledda.
Les hommes de la première bénéficient des avantages qui s’attachent à la fonction publique. Ils sont partis bien équipés, bien armés, présentés au bon peuple comme l’élite de ses enfants. Mais les seconds, morbleu, n’ont que faire des honneurs officiels. Cadets d’Auvergne, du Berry, du Rouergue ou de Provence, prétoriens de Lugdunum, ils ont du panache à céder à ceux qui en manqueraient. Beaucoup sont partis sur de vieilles rosses, des montures éprouvées par de trop longues chevauchées, l’escarcelle plate. Mais au-dessus des ventres vides battent des cœurs ardents. Et au cours de la traversée des Flandres, de la Normandie, de l’Armorique, les hommes au pourpoint d’or et de ciel se sont couverts de gloire.
Mais voici aujourd’hui les deux troupes qui se défient du regard. Rassurez-vous, cela n’ira pas plus loin que le plus prochain sommet de cette montagne où le duel va se fixer. Ils ne s’en veulent pas vraiment, mais ils ont pris leur rôle au sérieux, des deux côtés. Et des deux côtés, il y a des vaillants. Mais peut-être le capitaine des Mousquetaires sait-il mieux galvaniser ses troupes. Comment ne le seraient-ils pas lorsque Geminiani me lance, la voix claironnante et perceptible de la table d’en face :
– Tu en connais beaucoup qui accompagneront Gaul dans les cols ?
Et devant ma réponse hésitante, il se frappe la poitrine :
– Et bien, regarde-moi.
Le preux Rolland lui-même en reste coi… »
Ça promet !
Darrigade, vigilant, reste leader à Bordeaux, et va donc pouvoir traverser sa région des Landes en jaune.
Ça sent bon la résine et, une fois n’est pas coutume, le peloton flâne au milieu des pins. Personne ne critique la passivité du peloton. Les organisateurs ont le droit de supprimer les journées de repos. Les coureurs ont, eux, le droit de s’en octroyer quand même une. On les laissa souffler jusqu’au centième kilomètre.
« Il restait à Darrigade une chance de se consoler sur ses terres de son échec de Bordeaux : gagner à Dax devant ses concitoyens … Hélas (pour lui) le temps est révolu des régionaux roulant tambour battant vers la ville natale avec la complicité bienveillante du peloton. Et comme par surcroît, il s’était affublé depuis plusieurs jours du trop voyant maillot bouton d’or, le Landais au cœur généreux n’avait qu’une faible chance de voir s’ouvrir devant lui le verrou du peloton … Et aucune de songer à un éventuel transport en commun dans la forêt landaise pour lui permettre d’affûter sa pointe de vitesse et la placer à bon escient en tête de la caravane, sur la cendrée toute neuve et toute fraîche (because la pluie) du Parc municipal des Sports … »
Longtemps, le populaire Dédé contrôle le peloton mais, trop marqué, il se résigne à laisser partir un petit groupe formé du Breton Jean Gainche, du Lyonnais Anglade, du Hollandais Van Est, de l’Espagnol Galdeano et des deux Belges Van Geneugden et Hoevenaers.
Á quelques kilomètres de l’arrivée, au pied d’un calvaire dans le village d’Onard, un autre coureur d’outre-Quiévrain, Pino Cérami, est victime d’une sévère chute. Groggy, il repart tout de même.
Sur la piste en cendrée de Dax transformée en bourbier, Van Geneugden, plus intrépide, s’impose devant Gainche pourtant présumé plus rapide.
De quoi Louison Bobet discute à l’arrivée avec Jacques Foix, le footballeur international Jacques Foix du club de Nice venu en voisin de Mont-de-Marsan, sa ville d’origine ? Peut-être des Pyrénées que nous abordons demain avec l’ascension de l’Aubisque, le premier col du Tour !
« Entre Dax et Pau, il a suffi qu’apparaissent ou plutôt que se devinent, noyées dans une crasse humide, les montagnes pyrénéennes chantées de chaque côté du versant pour que Bahamontès, l’Aigle de Tolède, retrouvât ses ailes. Des ailes énormes, presque démesurées, mais qui le faisaient planer très haut au-dessus de concurrents qui, les jours précédents, avaient eu quelque peu tendance à se gausser de sa façon de mener sa course. Il allait leur rappeler qu’il reste un roi des cimes. »
Pour décrire son envol, Maurice Vidal prend prétexte d’une aïeule :
« On était dans un virage du col de Soulor, presque en bas. Elle était vieille, ridée. Elle avait des yeux malins qu’elle cachait derrière sa main parcheminée. Elle était vêtue de noir, et sa tête était couverte de l’écharpe de deuil des pleureuses espagnoles. Elle était sans doute venue pleurer sur Federico Bahamontès, l’ancien Aigle de Tolède redevenu le Fada de Castille.
Des hommes avaient neuf minutes d’avance. Il partit seul du peloton les chercher. Il alla les chercher (mais oui). Quand il passa devant la vieille, il n’avait plus que cent mètres de retard. Dès l’attaque du col, il lâcha tout le monde, passa au sommet en tête six minutes devant Charly Gaul, huit avant Bobet. Mais à Pau, il était avec ceux-là, après avoir descendu en « fumant la pipe », content d’être enfin en tête de quelque chose : le Trophée de la Montagne. »
Chaque journaliste envisage les spectatrices au bord de la route à sa façon. Ainsi, celle de Jacques Grello que vous connaissez maintenant :
« Quelle bonne idée d’avoir mis un maillot jaune au premier ! Même au sein du plus touffu des pelotons, il est d’une couleur qu’on ne peut pas ne pas remarquer.
C’est grâce à lui que le spectateur du Tour conserve l’illusion d’avoir vu quelque chose. Il est sûr, en tout cas, d’avoir reconnu au moins un coureur. Les autres, comment voulez-vous qu’il les retrouve dans ce fouillis de couleurs, ce défilé de drapeaux qui passe tellement vite (c’est pire encore aujourd’hui avec les maillots bariolés de marques publicitaires, ndlr) ?
Mais d’avoir vu le maillot jaune suffit à la jubilation du spectateur du Tour de France, lequel est le moins exigeant des spectateurs.
Cette course légendaire dont on lui parle des mois, c’est, pour lui, trois heures d’attente, quarante secondes de spectacle et une année d’entracte.
Malgré quoi, dès la voiture-balai passée, les gens s’ébrouent, tout fiers de n’avoir rien vu et refluent vers les auberges en vue d’arroser et commenter longuement un évènement qui, en somme, n’a pas eu lieu. Sans rancune, ravis, jubilants. Quel bon caractère !
Pourtant, parmi ces gens heureux, il en est quelques-uns ou plutôt quelques-unes pour qui la fête n’est pas réussie. Pour elles, cet énorme pétard fait long feu. Les plus déçues, ce sont les plus jolies spectatrices. Celles qui étaient venues non pour nous regarder, mais pour qu’on les admire.
Nous en voyons tous les jours, au bord de toutes les routes, de ces plaisantes demoiselles.
Des petites bien fraîches qui font chaud à l’œil du suiveur.
Elles se posent en général soigneusement à l’écart du commun des spectateurs. Dans un virage ou à leur fenêtre ou sur un mur. Bien en vue, gracieuses, le sourire en cœur et la poitrine en figure de proue.
Elles veulent qu’on les regarde, feignant de nous regarder passer. J’en ai admiré une dans le col de Soulor, sirène de montagne, allongée nonchalamment sur un rocher dans le creux du virage. Elle était belle !
J’ai failli m’arrêter pour lui demander si c’était bien moi qu’elle attendait. Et chacun a pensé comme moi. Même Hollenstein qui montait en basculant son vélo. Il lui a fait l’hommage d’un sourire trempé de sueur.
On a beau être Suisse, on n’en est pas moins un homme. Elle a eu l’air contente. Elles sont contentes qu’on les remarque puisqu’elles sont venues pour ça. Et, parmi nous, personne ne rechigne à souligner leurs charmes. Joyeusement gaillards, bêtes comme des trouffions en manœuvre.
Elles sont d’abord enchantées. Pensez : douze-cents admirateurs qui vous saluent ! Aussi jolie soit-on, dans un petit village, c’est plus qu’on en verra toute la longue année.
Mais le temps d’un clin d’œil, d’un bonjour, d’un sourire, la caravane s’épuise et la journée tourne au rendez-vous manqué.
Les jolies n’attendaient pas, mais elles espéraient quelque chose. Quoi ? Je n’en sais rien. Elles non plus, peut-être. Mais tous ces hommes qui passent …Si l’un d’eux s’était arrêté tout de même …
Ils sont assez prestigieux, tous ces voyageurs. Hélas ! Aucun n’a fait halte et les demoiselles rentrent chez elles pour tristement se désendimancher.
Je vous le dis, jolies filles, vous avez grand tort de rêver ! Ces vagabonds, ce ne sont pas des gens intéressants. Je ne parle pas des routiers dont la rigueur de mœurs est bien connue. Tout le monde sait que la compétition, fût-on doué comme Jacques Anquetil, tolère mal la bagatelle. Mais je parle des suiveurs. Ne les regrettez pas. Si vous saviez comme ils sont coureurs … »
Je suis à peu près certain que cet article à l’humour délicieux ne pourrait plus être publié dans le féminisme ambiant d’aujourd’hui.
Mais revenons à la course ! Au-delà de la déconcertante chevauchée du fier Castillan, l’étape fut aussi très animée entre les favoris. Charly Gaul s’envola aussi dans l’Aubisque, suivi d’assez près par … Geminiani qui accordait ses actes à ses paroles de Bordeaux. Un peu plus loin, les tricolores Bobet, Bauvin et Anquetil, unis dans la défensive, contrôlaient la situation. Ce petit monde se regroupa après Eaux-Bonnes dans la longue descente vers Pau. Les leaders de l’équipe de France menèrent bon train pour creuser l’écart avec les Italiens Nencini et Favero distancés.
Sur le circuit automobile de Pau, un des leurs Louis Bergaud régla au sprint le surprenant hollandais Damen. Encore que dans la tribune de presse, tout le monde ne partageait pas le point de vue du juge à l’arrivée…
Aux marches du château du bon roi Henri IV, au son de la cabrette, on pouvait danser la bourrée en l’honneur de Lily Bergaud, surnommé la Puce du Cantal, et de … Raphaël Geminiani qui enfilait, pour trois petites secondes, le premier maillot jaune de sa carrière, lui qui avait déjà porté le paletot amarillo de la Vuelta et la tunique rose du Giro.
« Personne n’aura sans doute le talent de vous faire revivre la « Fête Auvergnate » de Pau : la victoire de Lily Bergaud, au sprint s’il vous plaît, et le triomphe de son ami, le Grand.
Lui, le plus vieux, le plus fidèle compagnon du Tour, il avait attendu douze ans pour revêtir cet emblème des braves. Et il en était tout bête. Il essayait bien de jouer les décontractés, de lancer ses boutades. Ça ne sortait pas. Tout le monde le congratulait, et miracle, tout le monde était sincère. Et de voir tant d’amis, tant de gens heureux de bonheur, il marmonnait des plaisanteries, grimaçait des sourires pour photographes, embrassait une demoiselle en pensant à Nanou qui, à Clermont, devait pleurer de joie. Il remerciait Gay, il remerciait Rohrbach, et Anglade, et Polo, et Adolphe. Et tout le monde disait :
– C’est bien qu’il ait le maillot …
On lui souhaite bien sûr de le garder s’il est le plus fort. Mais ce n’est pas l’essentiel pour nous tous. L’essentiel, c’est d’avoir vu la grande injustice du Tour enfin réparée. Et d’avoir vu, enfin, ce grand bavard incapable de parler … »
Les deux champions auvergnats, habituellement équipiers de marque sous le maillot Saint-Raphaël-Geminiani, pouvaient trinquer, au pays du Jurançon, d’un verre de Quinquina, à défaut d’Avèze ou de Salers !
L’âne Marcel Bidot (sic) ronge son frein : « Lorsque Raph m’adresse des épigrammes par l’intermédiaire du micro et de la presse, depuis Bruxelles, je tais les motifs véritables de son éviction… mais je commence à en avoir par-dessus la tête ! Que Geminiani se renseigne à la source, qu’il pose des questions à Jacques Anquetil, et ensuite, nous en reparlerons ! »
Car il se confirme que le Normand a bel et bien opposé son véto à la sélection de Geminiani au lendemain des Boucles de la Seine (une belle classique française aujourd’hui disparue), alors que Marcel Bidot songeait à réintégrer l’Auvergnat.
Mais il y a pire : « Au soir de la première étape pyrénéenne, le directeur technique connaît de nouveaux tracas. On lui a rapporté à l’heure du dessert que Louison Bobet venait de déclarer à une radio : « Si je ne peux gagner ce Tour de France, j’aiderai Geminiani, mon copain. » Les paroles du Breton constituaient une grave menace pour l’homogénéité de l’équipe de France, mais aussi une violation des règlements du Tour : un coureur coupable de collusion avec une équipe rivale est passible de disqualification.
Pressé de répondre, le triple vainqueur du Tour mit les choses au point :
« J’ai seulement déclaré, répondit-il, que si l’équipe de France n’était plus en mesure de gagner et si nous avions un cadeau à faire, ce serait plutôt en faveur de Geminiani. On a tronqué ma déclaration, voilà tout … » »
Mouais ! Marcel Bidot est malgré tout inquiet au départ de la seconde étape pyrénéenne.
Sans dire comme un Roi tout-puissant qu’il n’y a plus de Pyrénées, l’étape Pau-Luchon avec l’escalade des cols d’Aspin et de Peyresourde n’est pas palpitante. L’Aigle de Tolède Bahamontès ne se contente pas, cette fois, de survoler les cimes, il finit en solitaire dans la station thermale chère autrefois à Flaubert et Edmond Rostand. Les « gros bras » se neutralisent mais le sprint pour la seconde place revêt plus d’importance qu’on ne pouvait imaginer :
« Raphaël Geminiani, vieux guerrier du Tour, n’aura gardé que vingt-quatre heures ce maillot jaune qu’il avait vraiment convoité dans neuf Tours de France précédents et qu’il avait enfin conquis au terme de la première étape pyrénéenne. Il lui eût suffi, pour le conserver un peu plus longtemps, de posséder cette qualité qui lui eût permis de devenir aussi champion de France, le 22 juin dernier, sur le circuit de Belvès : une pointe de vitesse simplement moyenne. Il eût pu alors, sur le boulevard des Pyrénées, hier à Luchon, empêcher l’Italien Vito Favero, qui le suivait à 3 secondes au classement général, d’arracher les 30 secondes de bonification de la seconde place d’étape, en réglant une dizaine de coureurs dont Bauvin, Bobet, Anquetil, arrivés 1’48’’ derrière Federico Bahamontès vainqueur solitaire de cette 14ème étape Pau-Luchon avec Aspin et Peyresourde. Hélas ! Trois fois hélas ! l’ardent, le généreux, le trépidant Geminiani, increvable sur d’autres terrains, n’avance guère plus vite dans un sprint qu’un touriste-routier de l’époque héroïque … »
Il faudra sans doute attendre désormais l’ascension du Ventoux et la bataille des Alpes pour que ce Tour 1958 rende son verdict. Même si la belle plume de Maurice Vidal tente de nous prouver, sans grande conviction, le contraire :
« Il ne s’est pas passé grand-chose de Luchon à Toulouse. On le dit. Vous le croyez. Mais ce n’est qu’une apparence. Ce fut l’étape la plus limpide de ce Tour de France. Ils n’étaient pas farouches, pourtant, les deux obstacles du jour. Ils étaient même enchanteurs. Le soleil était enfin parmi nous, et ruisselait sur les pentes du col des Ares et du Portet d’Aspet, où le fantôme du René Vietto de vingt ans flottera toujours sur un muret de pierres pleurant sur son vélo mort.
Ah ce Portet d’Aspet, comme il est beau, et comme sa route a des charmes pervers ! Ondoyante dans son fourreau d’émeraudes, elle ne se découvre jamais qu’en gros plan. Pas de perspective lointaine, le plus prochain virage jamais plus éloigné de plus de trois coups de pédales, elle laisse perpétuellement espérer que la conclusion est proche. La garce ! Ses reliefs sont saisissants mais le coureur les gravit comme un calvaire, virage après virage, dans un décor de paradis terrestre, où l’eau, la lumière filtrée pour être plus pure, les parfums de l’été se conjuguent pour la joie de celui qui ne se propulse avec ses mollets. C’est ici que le Tour 58 a rendu son premier verdict. Quatorze jours de route avaient pesé dans les jambes. Beaucoup qui avaient bien passé l’Aubisque, et Peyresourde et Aspin, s’étonnèrent de sentir l’asphyxie dans le col des Ares ou le Portet d’Aspet. Comme le boxeur sonné tombe un jour à terre sous un coup sans violence, certains coureurs ayant un « col de trop » durent capituler en moyenne montagne… »
Sans avoir le talent de Jacques Grello, je me permets de mettre mon grain de sel pour attester des « charmes pervers » du Portet d’Aspet, surtout par ce versant, pour en avoir été victime lors des multiples ascensions que j’ai effectuées beaucoup plus tard en mon âge adulte.
Et aujourd’hui, plus qu’à Vietto pleurant assis sur le parapet, après avoir dû donner son vélo à son leader maillot jaune Antonin Magne c’est vers la chute mortelle de l’Italien Fabio Casartelli que vont mes pensées (voir billet http://encreviolette.unblog.fr/2008/04/03/les-cols-buissonniers-en-pyrenees-le-mente-et-le-portet-daspet/
« … Du côté de Saint-Girons, la voix du speaker de Radio-Tour, froide comme celle d’un proviseur de lycée, égrenait les noms des « admissibles », c’est-à-dire des quarante hommes qui se retrouvèrent groupés dans la plaine. Et mettant le doigt pour nous sur le fait le plus important du jour, il les classait par équipe. C’était lumineux : Gaul était là bien sûr, avec ses Hollandais et ses Luxembourgeois. En tout, ils étaient huit et les plus nombreux. Ils eussent été neuf si Van Den Borgh n’était tombé. Ainsi s’expliquait d’un seul coup pourquoi Charly n’a pu être vaincu dans la plaine, pourquoi il serait difficile à surprendre, s’il n’est lui-même défaillant. Confirmant ce qui éclate aux yeux de tous depuis Bruxelles, les Centre-Midi, entourant Geminiani, étaient aussi nombreux que les Tricolores avec Bobet et Anquetil : six hommes. Puis venaient les Belges avec cinq hommes, les Italiens avec quatre, etc…
Voilà le fait nouveau ; une autre année, Gaul se fût présenté seul ou bien accompagné d’un fidèle inutile. Cette fois, il a levé des troupes solides, des mercenaires, peut-être, mais qui espèrent être bien payés et en donnent (d’avance) pour leur argent…
Il y eut deux courses en une seule ; celle de l’avant menée sans affolement, puisque la moyenne atteignit trente-sept à l’heure au lieu des quarante prévus. Et celle de l’arrière, où l’on folâtrait, s’accordant une agréable journée de détente que la chaleur nouvelle rendait plus nécessaire. Le soir, à Toulouse, Seamus Elliott, apparemment bien reposé, nous disait avec son savoureux accent : « Nous avons bien promené. Beaucoup de canettes de bière, de jolies filles sur la route… »
C’était vrai. Ils avaient tout vu, tout saisi. Ils s‘étaient même battus pour les boissons distribuées par des spectateurs généreux et compréhensifs. Seul, François Mahé, contemplant la sentence inscrite par l’ardoisier, voyait un rêve s’écrouler. Mails il était incapable de faire mieux. Graczyk aussi se désolait. Mais « Trompe-la-mort » devint un père tranquille en comprenant que pour son maillot vert, vingt-cinq minutes de retard ou trente secondes, cela ferait toujours quarante-deux points de perdus sur Darrigade. Effectivement, il gagna le sprint du peloton et ne perdit pas plus que s’il avait fini dernier du groupe de tête. Il en prendra son parti : désormais, il comptera en points et non plus en minutes.
Voilà ce qui s’est passé de Luchon à Toulouse, et vous voyez que ce n’est pas rien. »
Sur la piste rose du Stadium, bien lancé par Anquetil, André Darrigade remportait une troisième étape devant Favero qui, empochant subrepticement 30 secondes de bonification, consolidait son maillot jaune.
Au cours de l’étape, l’histoire de ce Tour de France nous avait ramené aussi à la préhistoire avec le passage dans l’impressionnante grotte ariégeoise du Mas d’Azil.
De Toulouse à Béziers, je fais un petit bout de chemin avec Robert Chapatte :
« Si ce n’étaient les différents sprints, leurs chutes et leurs conséquences qui marquèrent l’arrivée à Béziers, je n’aurais pas à vous parler de cette étape où seul le Minervois 12 degrés sût se mettre en valeur. Il faisait si chaud sur la route qui serpente à travers les vignes que le peloton songeait plus à chercher des coins d’ombre où rouler qu’à se disloquer en démarrages plus ou moins bien accueillis.
On avait bien parlé le matin de la fameuse attaque que l’équipe de France se proposait de lancer contre Charly Gaul, mais les Tricolores comme les autres ne montrèrent pas le bout de leur nez. »
Le fait marquant de cette étape disputée sous une chaleur étouffante fut la chute spectaculaire sur la cendrée du stade des Sauclières dont furent victimes notamment Darrigade et Geminiani, et surtout Gilbert Bauvin auteur d’un impressionnant vol plané.
Félix Lévitan et André Chassaignon dans leur roman « L’habit jaune » du Miroir des Sports spécial d’après Tour nous émurent, eux, en évoquant le calvaire d’un ancien héros du Tour :
« La foule s’écoulait du stade des Sauclières. Un gendarme sifflait pour faire dégager le passage à un retardataire qui était Robert Varnajo.
– Fermeture du contrôle dans cinq minutes …
L’annonce, amplifiée par les haut-parleurs, ne souleva aucun remous supplémentaire. Les gens avaient vu ce qu’ils voulaient voir. Le spectacle était fini. Ils rentraient chez eux. Qu’un quelconque Danois se trouvât encore attardé ne les intéressait pas.
Ce n’était pas un Danois qui était menacé d’élimination. C’était ,en admettant qu’il arrivât dans ce délai prescrit de cinq minute, la nouvelle lanterne rouge du Tour : Roger Walkowiak, vainqueur du Tour de France 1956 et toujours recordman de la moyenne horaire de l’épreuve.
Depuis des jours, il se traînait. Depuis des heures, il roulait seul ou presque sur la route déserte. Derrière lui, comme un convoi funèbre, il y avait la 4 CV de l’équipe de France et la voiture-balai. Près de lui, pendant un bon moment, le docteur Dumas, pitoyable à sa détresse.
Il avait été malade toute la nuit à Toulouse et n’avait rien pu absorber de la journée, mais malade ou pas, il ne « marchait » pas…
Tête basse, Walko rampait sur la route, poussif, le regard atone. Chaque côte lui était un Tourmalet et les rares spectateurs, affligés, lui criaient un encouragement vague. Á deux reprises dans la côte des Pères, des jeunes gens l’attrapèrent par la selle, lui firent gagner dix mètres d’un élan vigoureux.
– Quatre-vingt-dix-huitième : Walkowiak cinq heures cinquante-deux minutes cinquante-neuf secondes.
Il évitait l’élimination, de justesse, dernier de l’étape, dernier du classement général à Béziers, qu’il avait réussi à atteindre, personne ne savait comment, pas même lui.
Il s’écroula sur la pelouse, prostré. L’ambulance du public le ramena au Grand Hôtel. Il regagna sa chambre, d’un pas d’automate.
– Alors, Walko ?
Il regarda le journaliste qui lui posait la question, marmonna quelques mots inintelligibles, et s’en fut s’abattre sur son lit. Il n’était même pas humilié par cette chute vertigineuse des sommets aux abîmes, n’ayant jamais très bien réalisé qu’une certaine année 1956, c’était lui, Roger Walkowiak, qui avait effectué, de jaune vêtu, le tour d’honneur sur la piste du Parc des Princes. »
Il n’y a pas loin du Capitole (de Toulouse) à la Roche Tarpéïenne !
Geminiani n’en rate pas une : « C’est vrai que l’équipe de France nous prend quelque chose, la lanterne rouge à Bertolo ! »
De Béziers à Nîmes, l’étape semble (encore) longue à Maurice Vidal et, pour tuer le temps, du côté de Pézenas, théâtre de plusieurs pièces de Molière, il brosse un portrait qui, de prime lecture, peut paraître sexiste mais connaissant son auteur, prend un tout autre sens au second degré : « … Ils sont peu nombreux ceux qui restent chez eux quand passe le Tour. Ils sont tous là : enfants, messieurs sérieux, grand-mères, ouvriers, hommes d’affaires, enthousiastes et faux blasés, naïfs et gros malins. Et jolies femmes. Surtout les jolies femmes. Vêtues ou moins vêtues de leurs plus beaux atours, elles choisissent avec soin l’endroit où le champ est vaste pour l’œil. Les coureurs les intéressent bien sûr, surtout Anquetil, Gaul ou Bobet qui sont si bien de leur personne. Mais plus précisément les voitures d’où surgiront tout à l’heure sifflets admiratifs, coups d’œil aigus ou geste de la main de tous ces aventuriers d’occasion qui se payent des succès à bon compte.
Les jolies femmes aiment les suiveurs du Tour de France. D’abord parce qu’ils ne s’arrêtent pas. Elles flirtent avec tous, mais aucun n’est opportun. L’hommage répété, à cinquante à l’heure, monte vers leurs figures de proue (et quand je dis figures…), les jolies filles de Capestang, de Pézenas ou bien encore de Vic-le-Fesq, ne sont pas prêtes de l’oublier. Sur la ligne d’arrivée aussi, il y a de jolies filles. Elles sont même choisies pour cela, puisqu’elles sont « Miss » de quelque chose. Mais comme chacun le sait, il y en a des miss en France, et rien que des demoiselles. Depuis plusieurs mois, elles attendent cette minute.
Tous les ans, dans toutes les villes de notre pays, où la beauté a toujours été appréciée, on élit reine la plus jolie fille du pays, ou supposée telle. Mais si par hasard une année, le Tour de France doit passer dans la ville, alors c’est la gloire certaine. Une petite reine ordinaire se contente de sa photo dans le journal local. C’est bien, ça fait plaisir à la famille, fière d’avoir un membre imprimé, mais c’est peu pour assurer le départ d’une carrière, départ promis par les organisateurs du concours.
Mais le Tour de France, c’est la garantie que sa photo passera dans tous les journaux d’Europe, côte à côte avec celle du vainqueur dont elle ne connaîtra le nom que le lendemain, tant il a peu d’importance en ce jour triomphal. Alors, lorsque le grand jour arrive, les demoiselles mettent pour la première fois une robe choisie par la maman. Parfois, et c’est bien plus joli, elles s’habillent d’un costume régional.
Deux heures avant l’arrivée des coureurs, on les parque dans un endroit marqué « ralliement coureurs ». Allez donc savoir pourquoi. C’est là que les pauvres majestés commencent à réaliser comme il faut être patiente pour être appelée à régner. Elles couvrent la piste avec les bouquets destinés aux vainqueurs et, pour tuer le temps, elles essayent de lire sur les rubans lequel elles auront à porter. Elles piétinent, elles se désolent, car si la pluie gâche la permanente, le soleil fait luire le nez.
Un quidam de l’organisation s’occupe d’elles. Dans les grandes villes, il est plus aimable que dans les petites. C’est que les Miss sont moins jeunes et plus délurées, parfois mieux appuyées. C’est ainsi qu’à X…, un Monsieur très sérieux m’a dit désignant sa protégée :
– Vous pouvez le dire sur votre journal, c’est la future Miss France. »
– ?…
– Mais oui, vous ne savez pas ? Les élections sont arrangées. L’an prochain, Miss France, c’est pour nous.
Mais le délégué de l’organisation n’a que faire de ces histoires. Lui, il est là pour s’occuper des bouquets. Alors, il donne les consignes :
– Vous ne bougez pas d’ici ! Vous, mademoiselle, vous « ferez » le maillot jaune. Vous attendrez que je vous dise qui c’est.
Ce n’est pas une plaisanterie. Il est arrivé qu’on remette maillot et fleurs un peu prématurément à un leader supposé qui devait être dégradé quelques minutes plus tard. C’est vexant pour le coureur, mais pour la demoiselle, c’est la honte pour toute une vie.
– Et vous, vous aurez le maillot vert. Là aussi attendez bien que je vous fasse signe.
Quant à la dernière (elles sont généralement par trois) elle « fera » le Martini (challenge par équipes ndlr). C’est assez bon. D’abord parce qu’il y a plusieurs coureurs avec elle sur la photo. Et ensuite, avec la formule actuelle du Martini, elle est presque assurée de figurer aux côtés de Bobet et Anquetil ou quelques autres champions de cet ordre.
Voilà : elles n’ont plus qu’à attendre, nos demoiselles. Quand le moment sera venu, le délégué viendra les traîner par la main jusque dans un endroit reculé du stade ou de la route, leur flanquera le bouquet dans les mains, les poussera vers un monsieur maculé de boue, de poussière ou de goudron, et devant une meute de photographes, leur commandera :
– Embrassez-le !
Et le plus sale baiser de leur vie leur laissera pourtant un impérissable souvenir. »
C’est Darrigade qui, pour son quatrième succès d’étape, a droit à la charmante attention de la miss nîmoise. Devant la ligne d’arrivée, une banderole publicitaire nous informe que « les maillots des coureurs sont en « laine et rhovyl » mélange intime »
Á suivre … Je vous promets du grandiose pour le troisième et dernier volet consacré au Tour de France 1958.
Pour rédiger ce billet, j’ai fait appel aux journalistes et chroniqueurs des revues Miroir-Sprint et But&Club Miroir des Sports : Maurice Vidal, Robert Chapatte, Roger Bastide, Félix Lévitan, André Chassaignon, Jacques Grello ainsi que leurs merveilleux photographes.
Mes vifs remerciements à Jean-Pierre Le Port pour avoir mis à ma disposition sa collection de magazines Miroir-Sprint. Amoureux du cyclisme et du cyclotourisme, je vous conseille la lecture de son blog: http://montour1959lasuite.blogspot.com

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A lire ce billet, on ne peut que constater la qualité de l’écriture, la vôtre, bien sûr, mais aussi celle des journalistes et chroniqueurs de l’époque (Il n’y avait pas que Blondin, que l’on cite souvent, trop souvent ?). Quelle différence avec aujourd’hui ! Où il est plus souvent question de WATTS et de technique, où les anglicismes polluent les articles (et je ne parle même pas du français approximatif souvent employé ni de l’absence de correcteurs dans les rédactions actuelles). On dirait que les hommes, les coureurs, ont disparu derrière une espèce de « technostructure » sportive et publicitaire. Décidément, c’était mieux avant, non?