Une semaine à Florence (4)
Pour lire les précédents billets sur mon séjour à Florence :
http://encreviolette.unblog.fr/2018/06/18/une-semaine-a-florence-2/
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Mercredi 23 mai 2018 :
Ce matin, nous avons hâte de visiter la basilique Santa Maria Novella. Stendhal connut quelques problèmes psychologiques face aux splendeurs de Santa Croce. Santa Maria Novella nous procura peut-être les émotions artistiques les plus intenses lors de nos précédents séjours à Florence. Est-ce pour sa situation légèrement excentrée du centre historique ou la proximité de la gare ferroviaire, Santa Maria Novella est parfois négligée par les touristes, à tort.
Qui plus est, aujourd’hui, le soleil toscan a décidé d’être moins parcimonieux et éclaire déjà la piazza éponyme où se dressent deux obélisques en marbre mischo de Seravezza (ville de la province de Lucques) construits par l’architecte Bartolomeo Ammannati, en 1602, à l’occasion du mariage de Cosme II avec Marguerite d’Autriche. Sur leurs socles, se prélassent des tortues de bronze sculptées par notre compatriote Jean de Boulogne italianisé Giambologna. Ils servaient de bornes au Palio dei Cocchi, une course de chars à l’antique inaugurée par le grand-duc Cosme Ier en 1563, et organisée jusqu’au milieu du XIXème siècle, la veille de la Saint Jean.
L’église fut construite à partir de 1246 par des frères dominicains envoyés à Florence pour lutter contre l’hérésie cathare. La façade fut achevée autour de 1470 par Leon Battista Alberti. En marbre blanc et vert, elle est particulièrement élégante avec sa décoration d’images symboliques évoquant la cosmologie, et ses volutes chargées de cacher les versants du toit des nefs latérales. Dans la lunette du portail central, Saint Thomas d’Aquin prie devant le Crucifix.
Comme dans beaucoup d’églises de Florence, l’intérieur semble d’autant plus spacieux qu’il est privé de ses bancs sur une bonne moitié. Bâti avec trois nefs selon un plan en croix latine, il possède une longueur de 100 mètres.
Le nez en l’air, je m’avance à l’aplomb du crucifix, suspendu au plafond, de Giotto élève de Cimabué dont j’ai vu la veille, à Santa Croce, le Christ endommagé par les crues de l’Arno.
Après douze ans de restauration, il a repris la place qu’il occupait au XIIIème siècle au centre de la nef principale. Le Christ dolens est représenté fidèlement à la tradition de l’époque, au moment précis où la vie, symbolisée par le sang qui sourd des blessures, l’abandonne.
Ici, un crucifix peut (presque) en cacher un autre. Brunelleschi y serait allé du sien en réponse à celui de Donatello dans Santa Croce. Brunelleschi ayant critiqué vertement son œuvre qu’il comparait à un paysan, Donatello le défia de faire mieux. Susceptibles, ces artistes ! La chapelle Gondi étant interdite au public pour travaux, je ne peux malheureusement pas l’admirer. À défaut, je m’attarde devant un autre chef-d’œuvre, l’extraordinaire fresque de la Trinité peinte par Masaccio entre 1425 et 1428.
Haute de près de sept mètres, elle est considérée comme une des premières peintures s’appropriant les lois de la perspective.
Vasari souligna dans son recueil La Vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1568) la virtuosité du trompe-l’œil de la structure architecturale : « La voûte en caissons dessinée en perspective et divisée de part en part avec les rosettes qui diminuent est si bien réalisée qu’il semble y avoir un trou dans le mur. » Ce qui ne l’empêcha pas, curieusement, de peindre par-dessus une Vierge au Rosaire qui dissimula la fresque jusqu’à sa redécouverte en 1861.
Ici, Dieu le Père soutient en personne la croix avec son Fils. Le Saint Esprit est représenté sous la forme d’une colombe blanche (entre les deux visages). Au pied de la croix, la Vierge, moins éplorée que dans d’autres représentations, nous regarde semblant inviter le spectateur.
Cette Trinité surmonte, dans le même tableau, le sarcophage d’Adam, le fautif de toute cette histoire. Et Ève ? … On accuse toujours les hommes !
Masaccio a pris le parti de montrer son squelette en entier, on peut sinon numéroter ses abattis, du moins compter ses côtes. C’est une des toutes premières représentations anatomiques exactes de la Renaissance.
Je laisse la responsabilité à l’écrivain Philippe Sollers de commenter l’inscription latine : « [L’inscription funéraire] que je préfère, l’une des plus terrorisantes pour la représentation humaine, vous la trouverez à Florence, à Santa Maria Novella, c’est la Trinité de Masaccio, avec la fameuse formule du squelette : « J’ai été ce que vous êtes, vous serez ce que je suis. » Comme l’inscription épicurienne, il s’agit d’une véritable agression vis-à-vis du passant. Je ne suis plus, sans doute, mais je n’en ai rien à foutre. »
Je m’éloigne car je commence à claquer des mandibules ! Et puis, il y a encore tant d’autres merveilles à contempler, une profusion de fresques, marbres et vitraux qui décorent une enfilade de chapelles. Attention tout de même au syndrome de Stendhal !
À commencer par la chapelle du chœur, la Capella Maggiore, désignée aussi comme chapelle Tornabuoni du nom de Giovanni marchand, banquier et mécène de Florence. Il paya très cher Domenico Ghirlandaio pour qu’il peigne des scènes évoquant la cité toscane, son pouvoir et sa richesse. Ainsi, il souhaita que des vues de Florence, des riches bourgeois florentins, notamment de la Maison des Médicis avec laquelle il était apparenté, et de grands intellectuels de l’époque, soient intégrés à des scènes de la vie de la Vierge et de Saint-Jean-Baptiste.
Je regrette de ne pas pouvoir m’asseoir sur les superbes stalles pour regarder plus confortablement ce cycle de fresques d’autant plus curieuses qu’elles s’intègrent dans un décor de fausses architectures, notamment des piliers de chapiteaux corinthiens.
Chapelle suivante, dans la partie droite du transept, celle de Filippo Strozzi dit l’Ancien. Banquier et homme d’État, il appartenait à la riche famille florentine des Strozzi. La rivalité avec la Maison des Médicis entraîna son bannissement et son exil à Naples. À son retour à Florence, c’est lui qui fit construire le fameux palais Strozzi et donc cette chapelle pour laquelle il commanda un cycle de fresques à Filippino Lippi.
Les fresques sont consacrées à saint Philippe l’Apôtre, boutant une bête monstrueuse devant le temple de Mars à Hiérapolis, et à saint Jean l’Évangéliste ressuscitant sa disciple Drusiane, sa fan devrais-je dire car elle aurait vu le Seigneur dans son tombeau sous les traits de Jean.
Une élégante grille en fer défend la chapelle Bardi dédiée au pape Grégoire Ier, un des quatre Pères de l’Église d’Occident avec Ambroise, Augustin et Jérôme. C’est en son honneur qu’après sa mort, le chant messin devint grégorien. Une des fresques le représente, alité suite à une fièvre, dictant les Dialogues dont il est l’auteur.
Je rebrousse chemin vers la gauche du transept et la chapelle Gaddi. Consacrée à l’origine à saint Michel Archange (après saint Jean, cela me convenait (!)), elle fut dédiée à partir de 1566 à saint Jérôme patron de la famille du cardinal Niccolo Gaddi à laquelle appartenait le peintre Taddeo Gaddi. Outre les tombeaux de plusieurs membres de cette famille, on peut admirer une œuvre d’Il Bronzino, la Résurrection de la fille de Jaïre chef de synagogue, l’un des miracles de Jésus.
Je monte quelques marches pour accéder maintenant à la Capella Strozzi di Mantova qui appartint à une autre branche de la famille Strozzi bannie de Florence et exilée à Mantoue.
C’est vers 1350 que les murs furent recouverts de fresques par Nardo di Cione, frère d’Andrea Ocagna, sur commande d’un des membres de la famille Strozzi pour expiation du péché d’usure (prêt d’argent avec intérêts).
Saint Thomas d’Aquin, en l’honneur de qui fut élevée cette chapelle, se pencha sur les questions économiques et on dit que de grands économistes comme Keynes et Schumpeter s’intéressèrent à sa pensée.
Dans ses fresques, l’artiste s’est inspiré de la Divine Comédie de Dante pour la représentation des royaumes des cieux. Un petit jeu est de retrouver l’écrivain, du moins son possible visage, dans la multitude de personnages peuplant les peintures. Je ne vous promets pas pour autant en cas de succès un ouvrage dédicacé par l’auteur lui-même !
Curieux comme je suis, je jette un œil vers une porte dérobée et je tombe encore sur une fresque au pied d’un escalier de service en colimaçon. C’est cela aussi Santa Maria Novella, la beauté est partout, même dans un recoin.
Je souhaite me procurer, à la librairie installée dans une sacristie, un ouvrage commentant de manière détaillée les splendeurs de la basilique. Une fois de plus, je déplore l’absence de guides ou catalogues en langue française. Heureux sont ceux qui maitrisent parfaitement la langue de Shakespeare et … le Japonais ! L’exception culturelle français s’appliquerait-elle de manière négative à l’édition ?
La visite de la basilique est loin d’être achevée, d’ailleurs plutôt que de basilique, il faut parler de complexe religieux comprenant notamment trois cloîtres monumentaux.
Avant de quitter la nef, je jette un dernier regard, c’est la moindre des choses, au revers de la façade, au-dessus de la porte centrale, sur la champêtre Nativité peinte par Botticelli. Soi-dit en passant tant que ma compagne a le dos tourné, c’était un bel italien Sandro avec sa chevelure blond vénitien si je me fie à son autoportrait !
Le premier cloître auquel on accède est le Cloître vert, construit vers 1345, qui tient son nom du ton des fresques exécutées selon la technique dite en verdaccio ou « grisaille », terme plus exact car elles sont en mauvais état. Certaines sont d’ailleurs malheureusement absentes pour cause de restauration.
Les fresques les plus prestigieuses sont celles évoquant des Scènes de l’Ancien Testament peintes par Paolo Uccello et son atelier au milieu du XVème siècle.
Je m’attarde devant celle célèbre et audacieuse du Déluge. Inscrite dans un demi-cercle pour épouser la forme du tympan d’une voûte, l’œuvre représente, narre plutôt avec le point de vue de Dieu, de gauche vers la droite, à la fois le déluge proprement dit avec la montée des eaux, des humains s’entretuant pour tenter d’accéder à l’arche de Noé, puis le retrait de la mer découvrant des corps de noyés, en majorité des enfants. Comment ne pas penser, à cet instant, à notre actualité tragique des migrants périssant en Méditerranée.
Pour certains historiens d’art, le personnage de haute stature, à droite, serait le grand-duc Cosme Ier de Toscane lui-même … Tout est au duc rappelez-vous ! En cette époque, il était fréquent que les grands personnages de Florence se glissent dans les tableaux.
C’est parti pour une méditation artistique avec le tour du cloître.
Je n’arrête pas d’éprouver de nouvelles émotions, à commencer maintenant par la chapelle dite des Espagnols ainsi appelée lorsqu’en 1540, elle devint la chapelle attitrée de la cour espagnole d’Éléonore de Tolède, épouse de Cosme Ier, encore lui.
Grandiose, mais ne banalise-t-on pas cet adjectif à la suite des merveilles artistiques déjà contemplées ce matin ?
On doit cette salle capitulaire à Andrea di Bonaiuto qui, de 1365 à 1367, conçut cet ensemble de fresques pour glorifier l’ordre mendiant et prêcheur des Dominicains. Foisonnant, allégorique … Des murs au plafond, c’est toute l’histoire du Christ rédempteur prodiguant sa grâce et sa doctrine par l’intermédiaire de l’Église et des Dominicains qui est racontée par le peintre. C’est un beau roman, c’est une belle histoire de temps immémoriaux. Il faudrait des heures pour en comprendre tous les détails. Sur une voûte, vogue la Barque de saint Pierre. Tout près, un homme pêche à la ligne évoquant les mots du Christ aux apôtres : « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ». Un peu plus loin, Jésus exhorte saint Pierre à marcher sur l’eau.
On est frappé encore une fois par l’introduction d’un certain réalisme avec des détails du quotidien, architectures, scènes de la vie urbaine, chevaux, soldats. Di Bonaiuto portraiture même des individus très identifiables, tous acteurs du renouveau spirituel initié par les Dominicains, parmi lesquels Dante, Pétrarque, Boccace, le pape Innocent VI exilé en Avignon.
Cloître suivant, encore plus vaste, le bien nommé Grand Cloître, le plus grand de Florence, 56 arcades en plein cintre, construit entre 1340 et 1360 grâce aux dons de prospères familles florentines qui ont leur blason sur les piliers.
Les murs sont aussi couverts de fresques représentant des scènes de la Vie du Christ et de saints dominicains, ainsi que des portraits des plus grands religieux de Santa Maria Novella, et Ferdinand Ier et François Ier de Médicis en prophètes.
Une des curiosités vient de ce que les artistes ont parfois intégré dans leurs compositions les murs ou les fenêtres qui deviennent ainsi des éléments de la scène peinte.
Cette partie du couvent accueille aujourd’hui l’École des Élèves sous-officiers des Carabinieri.
Ce n’est pas fini, sur le chemin du retour vers la basilique, je me dirige vers le Cloître des Morts, un lieu sympa finalement, pas du tout lugubre, pour un repos éternel. Je ne pense pas qu’on m’y accorderait une concession même modeste au milieu des chapelles de la famille Strozzi.
Cet endroit tient son nom du fait qu’il a servi de cimetière pendant des siècles.
La plus remarquable des chapelles est celle dédiée à l’Annonciation probablement en souvenir de la chapelle de la Vierge bâtie au Xème siècle à proximité.
La visite du complexe de Santa Maria Novella ne saurait s’achever, ma compagne me l’aurait rappelé au besoin, sans une halte à l’Officina Profuma Farmaceutica.
En effet, Santa Maria Novella détient un trésor unique : elle abrite la plus vieille pharmacie d’Europe. Au début du XIIIème siècle, les frères dominicains y construisirent une officine pour distiller à partir de simples (plantes végétales aux vertus médicinales), des médicaments, des élixirs, des baumes et des onguents. En 1381, ils commencèrent la vente de l’eau de rose utilisée pour désinfecter les maisons après les épidémies de peste.
La notoriété des produits gagna toute l’Europe, en partie grâce à Catherine de Médicis pour laquelle les moines préparaient des essences et des parfums. En 1612, les frères dominicains ouvrirent une pharmacie publique avec l’accord du grand-duc de Toscane, Ferdinand II de Médicis. Elle reçut le titre de Fonderia di Sua Altezza Reale en 1659. Au XVIIIe siècle, ses produits se vendaient jusqu’en Russie, en Inde et en Chine. Après la confiscation des biens de l’Église par le gouvernement italien, en 1866, la propriété de la pharmacie passa à l’Etat. Cependant, sa gérance fut confiée à Cesare Augusto Stefani, le neveu du dernier directeur, Fra Damiano Beni. C’est grâce à la famille Stefani et à ses descendants que la pharmacie est restée active jusqu’à nos jours et est devenue une curiosité et une boutique quasi incontournable des touristes, plutôt huppés il faut admettre.
Bien que contiguë au Grand Cloître, on y accède, en principe, par la via della Scala.
La porte franchie, l’émerveillement est total. On se retrouve dans un véritable musée, les fresques, les voûtes, les vitrines sont majoritairement d’époque. Aux murs, les portraits d’ancêtres nous accueillent entre de splendides poteries en faïence.
Ici, on visite sans même avoir l’obligation d’acheter, les hôtesses sont aussi discrètes qu’élégantes. Tandis que ma compagne part à la quête d’un souvenir de son passage, je m’attarde devant les vasques remplies d’essences colorées. Aujourd’hui encore, font recette les produits qui avaient fait en leur temps la fortune des moines : un pot-pourri de sept essences et onze huiles essentielles, l’eau de la Reine Catherine de Médicis, la liqueur à la cochenille. Les vieux remèdes ont aussi du succès tels l’Eau antihystérie ou le Vinaigre des 7 Voleurs indispensable en cas d’évanouissement.
Cocasserie peu glamour, le directeur actuel, passionné de sport automobile et de voitures de sport, en souvenir des Mille Miglia (Mille mille), une course mythique aujourd’hui disparue, disputée autrefois sur route ouverte entre Brescia et Rome, a concocté une fragrance composée d’odeur de caoutchouc brûlé, de bois et de cuir, avec un soupçon d’essence.
Une pièce est transformée en musée où sont exposés des outils et objets employés autrefois à la production.
Changement de décor et d’ambiance, après la quiétude de l’officine, place maintenant à l’effervescence autour du Mercato Centrale.
Sur deux niveaux, la halle est une immense cantine où l’on célèbre les fleurons de la cuisine italienne : Eat-aly ! Les pâtes mettent de bonne humeur, les multiples variétés sont exposées comme les bijoux chez les joailliers du Ponte Vecchio.
On en prend plein les mirettes, les narines et les papilles. Nous cédons vite au péché de gourmandise et nous nous régalons d’un copieux et savoureux plat de charcuteries et fromages de Toscane, arrosé d’un gouleyant blanc Vernaccia di San Gimignano.
Ma compagne s’approvisionne de quelques produits, promesses de délicieux risottos à domicile.
En guise de promenade digestive, nous nous dirigeons vers la basilique de San Lorenzo, un des plus anciens édifices religieux de Florence. C’était l’église paroissiale de la famille des Médicis qui contribua à l’embellir durant des générations. Sa forme actuelle remonte à 1424 lorsque Jean de Médicis fit appel à Filippo Brunelleschi pour sa reconstruction. Celui-ci décédé en 1446 ne put achever son œuvre, ce qui explique en partie l’aspect très dépouillé de la façade en pierre rustique. Après la mort de Brunelleschi, Michel-Ange avait envisagé une façade marbrée mais ses plans n’aboutirent pas.
En dépit de cette austérité extérieure, l’intérieur est élégant avec les trois nefs baignées de lumière, les murs blancs et les colonnes corinthiennes grises. La succession progressive des chapelles et des arcades en plein cintre crée un bel effet de perspective donnant même l’illusion d’un édifice bien plus profond.
Dans la chapelle Ginori dédiée à Marie et Joseph, les jeunes épouses de Florence peuvent de nouveau faire bénir leur anneau nuptial, comme le faisaient leur mère et leurs aïeules, devant le Mariage de la Vierge, l’imposant retable de Rosso Fiorentino qui a retrouvé sa place après une longue absence pour restauration. Rosso, ainsi prénommé en raison de ses cheveux roux, maître du maniérisme, le peignit en 1523 avant que notre François Ier à nous ne le recrutât pour succéder à Léonard de Vinci et décorer la grande galerie de Fontainebleau. On découvre Joseph représenté pour une fois en beau jeune homme mettant la bague au doigt de Marie.
Non loin de là, est accroché un autre tableau étonnant de Pietro Annigoni, un artiste moderne (1910-1988). Avec L’atelier de Joseph, scène rare, on voit le Christ bambino travaillant auprès de Joseph son père (?). La pièce de bois que travaille Joseph est-elle une référence à la croix future ?
Encore quelques pas pour admirer un autre chef-d’œuvre, le Martyre de Saint-Laurent peint par le Bronzino en 1659. Ses presque contemporains Michel-Ange et Raphaël lui faisaient de l’ombre et son goût pour le maniérisme dont il est l’un des premiers représentants n’est guère apprécié. Aujourd’hui, on s’extasie devant ce nouveau style où dans des scènes foisonnantes, les artistes tordaient les corps aux musculatures affirmées dans des postures impossibles.
Demi-tour vers la nef centrale pour m’intéresser maintenant à deux chefs-d’œuvre de la sculpture italienne, deux tribunes, portées par des colonnes de marbre, qu’on appelle ambons en raison de leur situation symétrique. Elles sont l’œuvre du génial Donatello et étaient destinées à la lecture de l’évangile et de l’épître ainsi qu’à la prédication. Le moine Savonarole y prononça quelques-unes de ses diatribes les plus véhémentes ne craignant pas de s’attaquer aux Médicis bienfaiteurs du lieu.
Les deux chaires sont sculptées de reliefs de bronze représentant les scènes de la Passion et de la Résurrection. Donatello les réalisa tout à la fin de sa vie entre 1460 et 1466. Ils ne furent montés qu’après sa mort, alors réunis en 2 ambons, à l’occasion de la venue du pape Léon X, un pape issu de la famille Médicis, fils de Laurent le Magnifique.
Le cénotaphe du génial sculpteur est visible à l’entrée du petit musée d’art sacré de l’église dans lequel on trouve un buste de saint Pierre à la barbe impeccablement taillée avec un faux air de Jean-Pierre Marielle.
Une jeune étudiante en arts plastiques semble séduite par les lignes élégantes du cloître dont le jardin est planté de grenadiers et d’orangers.
La basilique possède d’autres trésors comme la chapelle des Princes avec les mausolées des Médicis que Michel-Ange décora de puissantes allégories. On y accède désormais par une entrée spéciale de l’autre côté de l’église. La longue file d’attente nous fait renoncer d’autant que nous la visitâmes lors d’un précédent séjour.
Au coin de la place San Lorenzo, le soleil éclaire le marbre de la statue de Jean de Médicis, l’enfant terrible de la dynastie.
Il naquit en 1498 de Catherine Sforza et de Jean de Médicis (mort juste après) dit de Popolano, une autre lignée que celle qui dirigeait la cité florentine. Il passa son enfance dans un couvent, sa mère étant prisonnière de César Borgia.
Á la mort de sa mère, en 1509, il eut pour tuteur l’époux d’une des filles de Laurent le Magnifique qui le fit venir à Florence. Le jeune adolescent se révéla vite incontrôlable, Michel-Ange même refusa de devenir le précepteur de ce petit diable.
Á l’habit civil, il préféra l’armure des mercenaires. Il épousa Maria, une fille de son tuteur, qui lui donna un fils Cosme qui devint grand-duc de Toscane sous le titre de Cosme Ier, vous connaissez.
C’est le seul membre de la famille Médicis à s’être construit sa réputation, non pas en politique, mais au fil de l’épée.
À la mort de son cousin le pape Léon X en 1521, il fit noircir ses bannières qui étaient blanches et violettes : il en tira son surnom de Jean des Bandes Noires. Grand condottiere italien, il bâtit sa légende sur tous les champs de bataille. Il faisait partie des troupes qui combattirent celles de François Ier et le chevalier Bayard.
Sans peur et sans reproche de ma part, ma compagne part à la conquête d’un sac en cuir, un de plus.
Pour achever cette journée, je rends visite dans une ruelle discrète à un de mes compatriotes, l’écrivain Alphonse de Lamartine qui fit plusieurs séjours en Italie, et notamment à Florence, autant par amour du pays que pour des raisons professionnelles comme secrétaire d’ambassade. Si aucun titre de son œuvre ne fait référence directement à l’Italie, sa passion pour ce pays s’exprime fréquemment, ainsi dans son roman Graziella qui est un éloge de la beauté italienne. La plupart des poèmes figurant dans le recueil Harmonies poétiques et religieuses, publié en 1830, furent écrits pendant son séjour à Florence entre 1825 et 1828.
Avec ma modeste plume, j’ai essayé aussi de vous faire partager la beauté de la cité toscane. Á suivre …