Archive pour novembre, 2017

Par ici (l’Hôtel de) la Monnaie !

Faut-il y voir un acte inconscient lié aux mesures prochaines des « Marcheurs » visant à ponctionner ma retraite, j’ai souhaité visiter l’hôtel de la Monnaie qui, après quelques années de travaux, vient de rouvrir ses portes au public ?
Probablement pas ! Après l’Élysée, les jardins de Matignon, l’Assemblée Nationale, le Sénat, l’Académie française, j’étais simplement curieux de connaître la plus ancienne institution de France et la plus vieille usine de la capitale.

Monnaie tableau blogHôtel de la Monnaie blog

En effet, la Monnaie de Paris fut officiellement créée, le 25 juin 864, sous le règne de Charles II dit le Chauve, par l’édit de Pîtres (actuelle petite commune de l’Eure). Une refonte des monnaies fut alors programmée et des peines sévères requises contre les faux-monnayeurs. Charles le Chauve limitait à dix le nombre d’ateliers chargés de la frappe pour tout le royaume de Francie occidentale. Celui de Paris est le seul à avoir produit sans interruption depuis sa création.
Quelques emplettes m’ayant retardé, je décide de déjeuner avant d’envisager la visite. Et en cohérence avec le concept de la journée, comment ne pas choisir la bien nommée brasserie L’Assignat juste en face l’entrée du musée.

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Quoique bien plus récent que le nom qu’il porte, L’Assignat est aussi une institution du quartier de Saint-Germain-des-Prés, un des derniers petits bistrots qui subsistent de l’époque mouvementée de mai 68, celle à laquelle, étrangement, notre président de la République veut rendre hommage au printemps prochain. Un de ces lieux de perdition ou d’inspiration qui ne pouvait pas déplaire à l’ami Antoine Blondin qui habitait juste à côté rue Mazarine :
« Si je cherche du solide, autour de moi, je n’aperçois ni murs ni meubles, rien que des êtres. L’amitié ou l’amour des autres aura été mon manteau et ma maison. J’espère leur avoir donné en échange les satisfactions que je leur devais, mais je crains de les avoir déçus sur bien des points. Je ne déteste rien autant que de décevoir les gens. Je ne supporte pas d’entendre le bruit d’une porte ou d’un cœur qui se ferme. Et si vous me demandez quel doit être le sens d’une vie, je vous dirais que, faute d’accepter de lui donner un sens unique (quel qu’il soit), on risque beaucoup d’en faire un sens interdit. »
Sans doute, aurait-il aimé entrer sous la coupole de l’Institut, bien qu’il préférât le maillot jaune du leader du Tour de France à l’habit vert, mais comme il le faisait remarquer avec humour, entre chez lui et l’Académie française, il y avait cinq bistrots de trop … dont L’Assignat ? En tout cas, son portrait s’y trouve.

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L’Assignat fait tout naturellement dans la mixité sociale. Entre un babyfoot et un jukebox d’époque, sur les grandes tables se côtoient galeristes nombreux dans le quartier, étudiants de l’école des Beaux-Arts toute proche, ouvriers de chantiers voisins et … employés de la Monnaie de Paris. En soirée, ça sert même de lieu de répétition de fanfares pour des troisièmes mi-temps festives. À peine si le placide chien du patron rechigne à me céder sa place sur la banquette.
Ici, on sert des plats de copains, harengs pommes de terre à l’huile (tièdes évidemment !), museau vinaigrette, jambon persillé, à l’instant, la serveuse modifie l’ardoise et le petit salé lentilles remplace l’andouillette.
Devant un verre de Côtes du Rhône en guise d’apéritif, il me faut vous parler de l’assignat dont quelques fac-similés tapissent le mur.
L’assignat fut un papier monnaie qui circula durant la Révolution, pas celle de mai 68 mais la vraie de 1789. C’était un billet imprimé sur une seule face.
En 1789, les finances royales étaient dans un état catastrophique avec une dette évaluée entre 4 à 5 milliards de livres (1 livre valait 20 sous ou 240 deniers).
En mai 1789, à l’ouverture des États généraux, Jacques Necker proposa l’émission d’un « papier national », via la Caisse d’Escompte, qui se verrait affecté au règlement de la dette publique. Mirabeau déclara dans un de ses discours à l’Assemblée « qu’une nation peut être forcée de recourir à des billets d’état et qu’il faut bannir de la langue cet infâme mot de papier-monnaie ». Le risque de banqueroute étant grand, il fallut trouver de la « fraîche » de toute urgence et le 2 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante, suivant la suggestion de Talleyrand, décida que tous les biens du clergé seraient mis à disposition de la Nation. Dorénavant, ces biens seraient donc nationaux et destinés à être mis aux enchères confiées à une caisse de l’Extraordinaire.
La vente de tant de biens prenant plus d’une année, c’était un délai beaucoup trop long pour remplir les caisses vides de l’État et la faillite surviendrait bien avant. C’est ainsi qu’il fut décidé d’émettre, le jour même de l’ouverture de la caisse de l’Extraordinaire, des billets dont la valeur était assignée (gagée) sur les biens du clergé.
Le 6 décembre 1790, l’assignat est né ! Le principe est simple : toute personne désirant acquérir des parts dans les biens nationaux doit le faire via des assignats qu’ils achètent auprès de l’État. Une fois, la vente effectuée, les assignats sont détruits.
Le problème majeur du procédé est qu’il ne faut pas qu’il y ait plus d’assignats en circulation que la valeur des biens nationaux. À cette époque, les billets sont facilement falsifiables et le risque de trouver une quantité importante de faux assignats est grand.
Les premiers assignats affichant de gros montants, l’or et l’argent étant thésaurisés, les espèces viennent à manquer dans la population pour les échanges courants et l’État autorise l’émission de « monnaies et billets de confiance ».
La machine s’emballe, de 1790 à 1793 l’assignat perd 60 % de sa valeur. Le 8 avril 1793, la Convention décide que les prix de tous les achats et marchés conclus avec l’État doivent être stipulés en assignats. Dès les premiers jours de la Terreur, la non acceptation de l’assignat est déclarée passible de la peine de mort, les biens sont confisqués et le délateur récompensé. Le 8 novembre 1793, le directeur de la fabrication des assignats, Simon-François Lamarche, est guillotiné. Le 13 novembre, le commerce au moyen des métaux précieux est interdit.
Malgré toutes ces mesures, l’État ne peut enrayer la crise économique bien que continuant à émettre de plus en plus d’assignats pour financer la guerre. Le 30 pluviôse an IV de la République (19 février 1796), sur décision du Directoire, l’assignat est abandonné avec faste et les planches à billets, les poinçons, les matrices et les plaques, sont brûlés en public place Vendôme. Le 18 mars, l’assignat est définitivement remplacé par un nouveau billet, le mandat territorial, qui connaîtra sensiblement la même histoire. Le 4 février 1797, la monnaie sonnante et trébuchante reprit cours.
Je ne sais pas pour vous, mais ces histoires de pognon ne me passionnent guère, j’ai l’impression que nous les sans grades sommes toujours grugés par les banques … et l’État. Je préfère ponctuellement me consoler avec mon petit salé (et saucisse) lentilles !
« Extraire le minerai puis le métal, en maîtriser la forge, la fonte, en comprendre la physique, créer le motif, jouer des pleins et des creux, associer matières, effets et couleurs, d’un, faire des milliers, des millions, des milliards, échanger, symboliser, unir, conserver, classer, thésauriser, exposer … s’émerveiller ! En somme, contraindre le métal à épouser nos besoins, nos désirs, nos rêves ».
La Monnaie de Paris, sise au bout du Pont-Neuf au 11 quai Conti depuis 1775, œuvre à tout cela depuis plus d’un millénaire mais c’est au XIXème siècle que l’institution a uni deux activités longtemps demeurées distinctes : la frappe de la monnaie, activité régalienne menée pour l’État, et celle des médailles souhaitée par Louis XIV et auparavant logée au Louvre.
Pour ouvrir la visite, nous découvrons derrière une vitre une des dernières fonderies au cœur de Paris s’activant à la fabrication des fontes d’art selon deux techniques : celle de la cire perdue, connue depuis l’Antiquité, qui débute par la réalisation de l’empreinte en creux d’un objet originel, et celle récente du V-Process utilisant un procédé de moulage au sable.
Il est interdit de photographier les ouvriers au travail mais, à cette heure-ci, l’atelier est désert et les employés … à L’Assignat !

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Du jour où il a maîtrisé la métallurgie, l’homme a vu dans le métal la matière idéale pour fixer et étalonner la valeur de ses biens et la valeur de ses échanges. Après avoir usé longtemps des métaux natifs tels l’or, l’argent et le cuivre, face à des besoins toujours croissants, il dut creuser de plus en plus profondément, découvrir de nouveaux métaux et le principe de l’alliage. À l’or et l’argent, s’ajoutent l’airain, l’orichalque, puis le zinc se mêle au cuivre et le nickel à l’aluminium. L’éclat et la couleur de l’un se mariant à la ténacité ou la malléabilité de l’autre, la métallurgie, après avoir été empirique, devient scientifique.
Plusieurs vitrines présentent ces différents métaux en déclinant leur histoire, leurs propriétés et en les illustrant de diverses pièces de collection. Qu’ils me semblent lointains, mes cours de physique et de chimie du lycée !
Le cuivre, le premier métal avec l’or exploité par l’homme dès le IXème millénaire avant notre ère, est aujourd’hui épuisé à l’état natif. Extrait sous forme de minerais, oxydes, sulfures et carbonates, des plus grandes mines à ciel ouvert du monde, il est encore présent dans chacun de nos euros.

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Associé au cuivre, l’étain donne naissance au bronze, alliage des arts et des conquêtes. Je découvre les îles Cassitérides évoquées par Hérodote, Posidonios et Strabon. Durant l’Antiquité, on aurait exploité la cassitérite, un oxyde du minerai d’étain, en presqu’île de Cornouaille associée (abusivement ?) à ces îles mythiques.

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Le nickel par son éclat constitue un métal monétaire idéal. La France en fut un producteur important avec la découverte par Jules Garnier, en 1864, de grands gisements en Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pourtant qu’en 1903, par crainte d’une confusion avec les pièces d’argent, que naît la première pièce de 25 centimes, dans la numismatique française, du sculpteur et médailleur Henri-Auguste-Jules Patey.

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Dans une vitrine voisine, le zinc ramène sa fraise à juste raison, que seraient, en effet, nos médailles sans l’éclat qu’il apporte.

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Par sa résistance et sa malléabilité, le bronze est l’alliage roi. Il demeure le matériau privilégié des médailles frappées à la Monnaie de Paris ainsi que des fontes qui y sont coulées. Qu’il soit qualifié de monétaire ou de florentin, nuancé de rouge ou d’or, nickelé, patiné ou émaillé, il se prête à toutes les créations.

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Troisième élément de l’écorce terrestre, synthétisé tardivement, l’aluminium apporte sa blancheur et sa légèreté aux monnayages.

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Le platine, le plus précieux des métaux, fut longtemps ignoré et n’acquit ses lettres de noblesse qu’à la fin du XIXème siècle. Frappé sous forme de monnaie de collection et de piéforts, il fit jeu égal avec l’or dans les années 1970-80 à la Monnaie de Paris, mais son renchérissement a mené l’arrêt de sa frappe régulière en 1987.
Petit instant d’émotion devant une vitrine où sont exposés un prototype d’un kilogramme et un mètre étalon certifiés par le Bureau International des Poids et Mesures.

Monnaie mètre étalon blogMonnaie ciseleur blog

Le métal fondu est sublimé par le travail du ciseleur et du patineur. Après la coulée d’une fonte, l’art du ciseleur est de limer, brosser, ébavurer et supprimer toute imperfection laissée par le moule. Il en résulte une pièce dont la « peau » encore vierge demande l’intervention du patineur qui, en la chauffant au chalumeau, dépose sur la fonte au pinceau une solution de sels métalliques pour la colorer. Grâce à ces réactifs, le patineur dispose d’une palette d’une quinzaine de couleurs allant du marron le plus clair au chocolat le plus profond, du vert le plus doux au bleu le plus intense.

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La salle suivante explique l’évolution de la fabrication des monnaies, médailles, fontes d’art et bijoux au cours des siècles : la gravure sous tous ses aspects anciens et modernes, la frappe depuis l’époque du marteau jusqu’à l’ère de la presse en passant par la période du balancier.

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Á travers l’exposition de médailles et de poinçons, on retrouve quelques grandes figures de l’Histoire de France. C’est parce que le portrait de Louis XVI était fidèlement reproduit sur les écus que le souverain aurait été reconnu et arrêté dans sa fuite à Varennes. C’est ce qu’on appelle gravé dans la mémoire !

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Á l’étage inférieur, se dresse une allégorie de la Fortune sculptée par Louis-Philippe Mouchy. Gardienne de la bonne frappe des monnaies et de la prospérité, elle voit sa symbolique renforcée par sa présence dans l’abside de l’ancien hall du Grand Monnayage.
Derrière des vitres, on découvre le vaste atelier où sont frappés les monnaies en or et en argent et désormais les euros.
La Monnaie de Paris réalise les devises d’une quarantaine de pays, du Sultanat d’Oman, au Costa Rica, en passant par la Namibie et la Thaïlande.
Entièrement repensée lors du passage à l’euro, la force de frappe de l’institution s’est déplacée désormais à Pessac, en Gironde, dont les ateliers peuvent produire jusqu’à 1 milliard et demi de pièces par an.
Sur des plateaux, les rondelles de métal attendent de devenir ce qu’on appelle ici respectueusement monnaie. Il serait inconvenant en effet de parler de fric, pognon, pèze, flouze, blé, oseille, thune, artiche, grisbi, ces synonymes argotiques enrichissant les dialogues de films voire même leurs titres. Souvenons-nous de Touchez pas au grisbi de Jacques Becker avec Jean Gabin, de Prends l’oseille et tire-toi de Woody Allen, de Bourvil dans Le magot de Josepha. Alberto Sordi s’en prenait à L’argent de la vieille, François Truffaut réalisa avec L’argent de poche, un émouvant film sur l’enfance. Lino Ventura et Belmondo planquaient 100 000 dollars au soleil, Clint Eastwood sortait prestement son colt Pour une poignée de dollars et même Pour quelques dollars de plus ! Depuis le passage à l’euro, les bâtons et les patates ont succédé aux balles et aux briques.

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Qui dit monnayage dit aussi faux monnayage, c’est-à-dire l’imitation frauduleuse de pièces de monnaie métallique ou papier. De tout temps, les autorités ont été confrontées à ce phénomène. Il n’y a pas de rédemption pour les faussaires : quelle que soit l’infraction, contrefaçon, rognage, commerce ou usage de fausse monnaie, les peines encourues ont toujours été extrêmement sévères. Longtemps, ces faits furent qualifiés de crimes de lèse-majesté. Pendant des siècles, les faux-monnayeurs subirent le terrible châtiment de l’ébouillantage avant d’être pendus. La peine de mort continua à être appliquée en France jusqu’en 1832, date à laquelle elle fut commuée en relégation au bagne à perpétuité. En 1994, l’article 442 du code pénal a classé le faux-monnayage au chapitre des crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique avec une peine d’emprisonnement maximale de 30 ans.
Le faux-monnayage a parfois été utilisé par certains pays comme une arme économique pour affaiblir des nations ennemies. L’idée était de submerger l’économie ennemie avec de la fausse monnaie afin de faire baisser la valeur de sa monnaie. Ainsi, pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis montèrent l’opération Bernhard visant à contrefaire la livre sterling et le dollar américain.
Pour expliquer la crise mondiale aujourd’hui, le prix Nobel d’économie Maurice Allais n’hésite pas à comparer les banques à de faux-monnayeurs : « Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire pour bien faire comprendre ce qui est réellement en cause, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement condamnée par la loi. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. »

Monnaie Warin blogMonnaie tableau Warin blog

Á travers son buste en bronze et un tableau avec Louis XIV enfant, il est rendu hommage à Jean Warin illustre Graveur général des Monnaies de France au XVIIème siècle.
Dans Le Siècle de Louis XIV, Voltaire disait de lui : « Nous avons égalé les anciens dans les médailles. Warin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité, vers la fin du règne de Louis XIII ».
Si les faux-monnayeurs inspirent certains auteurs de roman policier, les trésors dont certains font partie de la collection de la Monnaie de Paris sont prétextes à de fabuleuses histoires. Cependant, derrière ce mot qui laisse rêveur, se cachent des notions historiques, archéologiques ainsi que juridiques et légales. Si sa découverte peut être fortuite, la gestion de la trouvaille et de son devenir doit être rigoureuse. En France, le découvreur se doit de la déclarer aux autorités. De 1941 à 2016, les objets archéologiques découverts fortuitement appartenaient à 50% au propriétaire du terrain les dissimulant et à 50% à leur découvreur. Depuis 2016, tout bien archéologique découvert présentant un intérêt scientifique devient propriété de l’État, un peu voleur !
En 1724, le Slot Ter Hooge, un navire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, coula à proximité de Madère, avec à son bord une cargaison de lingots d’argent et de monnaies espagnoles et hollandaises destinée aux possessions coloniales de Batavia, l’actuel Djakarta. Un plongeur anglais John Lethbridge parvint à remonter la quasi-totalité du trésor en imaginant un ingénieux caisson étanche en forme de tonneau.
Le trésor de Huê est une prise de guerre effectuée par les troupes coloniales françaises aux dépens de l’empire d’Annam en Asie en juillet 1886. Il est constitué de 62 lingots d’or, de 86 médailles d’or et de 4 barres d’argent.

lingots du trésor de HuéDetective tresor rue Mouffetard

Plus récemment, en mai 1938, des ouvriers démolissant un vieil immeuble parisien de la rue Mouffetard découvrirent des rouleaux de rondelles de laiton. Après examen, il s’avéra que ces 3 556 pièces d’or dataient du règne de Louis XIV et auraient appartenu à Louis Nivelle, écuyer et audiencier en la chancellerie de Paris, mort mystérieusement vers 1757. Si sa fille mentionnée dans le testament ne profita pas de son héritage, 84 heureux descendants identifiés à la découverte du trésor purent bénéficier de cette pluie d’or.

Ultime Franc de Starck

Ce n’est pas un trésor mais on peut admirer l’Ultime Franc, la toute dernière pièce de 1 franc signée du designer Philippe Starck. Tiré à 50 000 exemplaires en argent et 5 000 en or, tout partit en moins de 3 semaines. Pourtant, ce n’était pas donné, la pièce en argent était vendue 34 euros soit 223 francs, et il en coûtait 535 euros pour celle en or soit 3 509,50 francs. Quand on dit qu’un sou est un sou, ce n’est pas toujours vrai !
Les collectionneurs peuvent se procurer actuellement à la boutique une série de pièces en argent dessinées par le couturier Jean-Paul Gaultier, avec la France pour thème.

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Pour entonner La Marseillaise, les coqs gaulois ont revêtu sa célèbre marinière. Jeanne d’Arc altière se dresse avec son armure à bonnets coniques, clin d’œil au fameux bustier du styliste popularisé par Madonna.
Dans la série consacrée aux provinces de France, je m’intéresse plus particulièrement à la Normandie, le pays qui m’a donné le jour : une sylphide à calot, la cuisse tatouée d’une rose majestueuse, pose devant les cabines de bains de Deauville. Chabadabada … !

Gaultier Normandi

Récemment, nos irréductibles Gaulois, Astérix et Obélix, avaient été réduits à l’état de monnaie, des sesterces ?
Au rayon librairie, à côté d’ouvrages érudits sur l’histoire de la monnaie, je suis à peine étonné de retrouver Le Trésor de Rackham le Rouge, une des célèbres aventures de Tintin.

Monnaie Obelix blogMonnaie Tintin blogMonnaie Picsou blog

Juste à côté, se dandine un autre héros de la presse de jeunesse, l’Oncle Picsou, le plus riche et le plus avare de tous les canards, symbole mythique d’une Amérique capitaliste. Toujours alerte, il fête ces jours-ci ses soixante-dix ans. Il est vrai qu’il doit se sentir à l’aise dans l’Amérique de Donald (comme le prénom de son neveu) Trump.
Je profite maintenant du doux soleil automnal pour me promener dans les cours intérieures de l’hôtel. Ce n’est pas encore le five o’clock mais, une théière géante en fer forgé, œuvre de l’artiste plasticienne portugaise Joana Vasconcelos, a investi l’une d’elles.

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Elle fait en partie de l’ombre à une méridienne verticale, une sorte de cadran solaire inventé au XVIIIème siècle pour aider à régler les horloges mécaniques peu précises alors. Elle fut calculée par deux membres de l’académie des Sciences ; le père Pingré ancien maître de théologie reconverti à l’astronomie et Edmée Sébastien Jeaurat professeur de mathématiques et géomètre. Elle ne comporte qu’une ligne horaire, celle de midi.

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Dans la cour d’honneur, on peut encore imaginer ce qu’était l’organisation de cet immeuble à vocation industrielle avec les différents ateliers de fabrication, fonderie, monnayage, dépôt et aussi blanchiment. Une seconde, je suis surpris qu’on pût blanchir de l’argent dans cette vénérable institution. Il s’agissait bien sûr de prendre l’expression au sens de nettoyer le métal et de donner de l’éclat à la monnaie.
Au fronton du corps central, sont sculptées deux allégories, la Bonne Foi tenant une balance et l’Abondance versant le contenu d’une corne remplie de pièces. Elles surmontent une inscription en latin : « Quas effundit opes largo bona COPIA cornu explorat certa relligione FIDES », la Bonne Foi examine avec une attention scrupuleuse les richesses que l’Abondance laisse tomber de se large corne.
Côté Seine, l’Expérience et la Vigilance sont assises de part et d’autre d’une horloge.
Á bien y réfléchir, toutes ces notions abstraites ne sont plus trop monnaie courante dans notre société !
Représentation de notre époque, la nana maison imaginée par Niki de Saint-Phalle, avec ses rotondités féminines, détone au milieu de la cour d’honneur.

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Elle constitue l’une des œuvres imposantes, avec la théière, de l’exposition temporaire Women House que l’hôtel de la Monnaie consacre aux femmes dans le cadre de sa nouvelle activité artistique.
Les femmes seraient-elles vénales à ce point qu’elles trouvent refuge en ce lieu ? Mon esprit taquin s’envole vers cette scène cultissime des Tontons flingueurs où Maître Folace alias Francis Blanche lance un tonitruant « Touche pas au grisbi, salope ! ».
Bien sûr que non ! Les hommes sont d’ailleurs vivement conviés à admirer les travaux de ces artistes du sexe dit faible, cris de révolte et surtout petits bijoux ironiques face à la place qu’on leur a longtemps cantonnée dans l’espace domestique. Bonjour les stéréotypes mais, tout de même, messieurs, nous n’en sortons pas très fiers !

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Les années 1970 en Europe et aux États-Unis ont été déterminantes dans l’émancipation de la femme. Pour la première fois, la maternité, l’avortement, la sexualité, l’éducation des enfants, le rôle actif de la femme sur la scène publique, ont occupé le débat politique.
Les artistes de cette génération ont dénoncé avec virulence le système patriarcal : la maison devient pour elles le symbole de l’enfermement de la femme et de sa soumission au pouvoir masculin. Avec humour, elles mettent en scène ces desperate housewives en montrant l’écart parfois abyssal entre les promesses du bonheur de la vie conjugale et la misère de la vie quotidienne.
L’autrichienne Karin Mack « rêve de repassage » en se photographiant, toute vêtue de noir, dans son rituel ménager jusqu’à s’allonger sur la planche. La mort de la femme au foyer ?
Birgit Jürgenssen habillent ses ménagères de cuisinières en guise de tablier.
Martha Rosler associe dans ses collages parties intimes de la femme et appareils électroménagers. Ainsi, fesses et poitrine s’intègrent au lave-vaisselle et au réfrigérateur.

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Helena Almeida rend compte d’un sentiment d’emprisonnement en photographiant des mains sur des portes et grilles de maisons.
Rachel Whiteread a conçu un jeu d’échecs dont les pièces sont des reproductions d’objets d’une maison de poupée lui appartenant.

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Á même un mur, est écrit un couplet d’une belle chanson de Camille :

La demeure n’est pas un port
La demeure la demeure la demeure
Est là où ça fait mal

Ma maison n’a pas de cœur
Ma maison n’a pas de veines
Si on essaie d’en forcer l’entrée
Elle saigne sans tache
Mon cerveau n’a pas de couloir
Mes murs n’ont pas de peau
On peut perdre sa vie ici
Car il n’y a personne

Quelques mots de Virginia Woolf tirés d’Une chambre à soi (1929) laissent une lueur d’espoir : « Car les femmes sont restées assises à l’intérieur de leurs maisons pendant des millions d’années, si bien qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice… » La maison symbole d’enfermement et d’aliénation devient une source d’inspiration créatrice pour certaines artistes.

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Avec ses femmes-maisons, Louise Bourgeois imagine une association formelle entre le corps de la femme et l’architecture de la maison. La femme semble dévorée par le foyer domestique dont elle est la nourricière et le soutien.

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J’avais évoqué cette artiste lors de ma visite au musée Guggenheim de Bilbao. Son impressionnante araignée qu’elle nommait Maman symbole de la mère protectrice, amusait les enfants sur le parvis du musée. Ici, quai Conti, dans la famille Araignée, c’est une de ses filles qui tisse sa toile dans la salle d’apparat Guillaume Dupré du nom d’un des plus grands sculpteurs et médailleurs français de la Renaissance.
Clou de l’exposition, elle joue la star pour une équipe de tournage d’une télévision étrangère. Elle doit être moins effrayante que sa mère car ma compagne s’est assise sans appréhension à proximité, notamment pour admirer le magnifique plafond orné d’une peinture sur toile marouflée. La fresque a pour cadre le pont d’Iéna et le Palais des Beaux-Arts lors de l’Exposition Universelle de 1889. Dans le ciel, la Paix et le Commerce survolent les Arts guidés par le Génie de la France, et les Nations participant à l’exposition.

Monnaie plafond Dupré blog

Á l’origine la salle Dupré était un salon de réception où la Cour des monnaies tenait ses séances. Á partir de 1778, Balthasar Sage, de l’Académie des Sciences, y tint une chaire de chimie docimastique ayant pour objet de connaître la quantité et la qualité des métaux contenus dans les minerais. Puis en 1833, cette élégante salle accueillit le musée monétaire. Elle jouxte actuellement le restaurant de luxe dont le grand chef étoilé Guy Savoy a pris récemment le commandement : les hommes aux fourneaux en somme, quoique ce soit une tradition de la gastronomie française ! Ici, on ne déjeune pas dans la même catégorie qu’à L’Assignat !
Á la sortie, quai Conti, le soleil jette ses derniers feux sur la Seine. Je revois Juliette Binoche et Denis Lavant dans Les amants du Pont-Neuf. Pour les besoins du tournage, le réalisateur Leos Carax avait eu la pharaonique idée de reconstruire, vers les étangs de Lansargues près de Montpellier, un Pont-Neuf avec à ses extrémités l’ancienne Samaritaine et … la majestueuse façade de l’Hôtel de la Monnaie longue de plus d’une centaine de mètres.
Plutôt que franchir le pont, il me botte de me faufiler dans la pittoresque rue de Nevers. Cette ruelle très étroite fut percée au XIIIe siècle pour évacuer les déchets de la maison religieuse des frères Sachets et du proche collège de Saint-Denis. Fermée à chaque bout par une porte, elle s’appela rue des Deux Portes jusqu’en 1636, date à laquelle elle prit son nom actuel en raison de la présence de l’hôtel de Nevers.

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Me revient en tête qu’il me faut réserver pour le spectacle de Fabrice Lucchini « Des écrivains parlent d’argent ». La Poule aux œufs d’or, la fable de La Fontaine qu’il a inscrit dans son récital, trouve parfaitement sa place dans ma visite :

« L’Avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux pour le témoigner
Que celui dont la Poule, à ce que dit la fable,
Pondait tous les jours un œuf d’or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable
Á celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches :
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ? »

Publié dans:Coups de coeur |on 20 novembre, 2017 |Pas de commentaires »

Ciao Italia ! Une matinée avec les Italiens de France

À vouloir vous faire partager mes souvenirs des Tours de France d’antan, ma semaine au Pays Basque et ma plongée dans le cinéma britannique à Dinard, je ne savais plus où donner de la plume pour évoquer l’exposition Ciao Italia ! que proposait, au cours de l’été, le Musée national de l’histoire de l’immigration installé dans le Palais de la Porte Dorée

IMG_1084Ciao Italia affiche

Construit à l’occasion de l’Exposition internationale de 1931, la première vocation de cet édifice style Art déco fut d’être un musée des colonies présentant les territoires, l’histoire de la conquête coloniale et l’incidence de celle-ci sur les arts. Par la suite, le Palais changea plusieurs fois de vocation pour finalement abriter depuis 2007 le Musée de l’histoire de l’immigration, tout en conservant l’aquarium tropical.
J’aime l’Italie et les Italiens. C’est comme ça, j’ai toujours, plus que pour la Marseillaise, un coup de cœur à chaque fois que j’entends Fratelli di Italia, l’hymne italien entonné avec une émouvante ferveur par les footballeurs et rugbymen transalpins et leurs supporters.
Je n’ai pourtant aucune origine familiale du côté de la péninsule sinon peut-être de très lointains ancêtres qui conquirent, au XIème siècle l’Italie méridionale, notamment le royaume de Sicile puis le duché de Naples. À ce propos, il faut battre en brèche la confusion qui assimile les Normands de l’époque ducale aux barbares Vikings scandinaves des siècles précédents. Ces Normands ne bredouillaient plus un norrois incompréhensible mais étaient devenus des chevaliers chrétiens parlant une langue d’oïl (le franco-normand-picard). D’ailleurs, ce n’était pas le moindre paradoxe, ces arrières petits-fils de pirates étaient devenus des terriens auxquels on associait l’expression « être (mauvais) marin comme un normand ». Vous souvenez-vous de Tancrède de Hauteville et de Guillaume Bras de Fer ?
Vous comprenez déjà que c’est avec avidité que je me suis imprégné de l’histoire de l’immigration italienne qui reste à ce jour la plus importante de l’Histoire de France. Dès la seconde moitié du XIXème siècle jusque dans les années 1960, les Italiens furent les étrangers les plus nombreux dans l’hexagone à venir occuper les emplois créés par la croissance économique, ou fuir leur régime politique.
Sans oublier que d’illustres Italiens, dès le Moyen-Âge, contribuèrent à l’histoire politique et culturelle de notre pays : Marie et Catherine de Médicis, le maréchal de France Concini, le cardinal Mazarin, Léonard de Vinci et le baroque Jean-Baptiste Lully, ça vous dit quelque chose je suppose.

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Ciao est devenu une exclamation employée bien au-delà de la botte et largement diffusée par des millions de migrants. Ciao Italia est un au revoir des Italiens à leur pays mais aussi une formule de bienvenue de la France à sa voisine.
Encore que l’accueil n’a pas toujours été chaleureux avec les Macaronis à en juger par l’affichage de quelques coupures de journaux dans une vitrine. Toute immigration pose problème et régulièrement les manifestations xénophobes et exacerbées surviennent en périodes de crises. C’est encore le cas aujourd’hui avec la population maghrébine.
Marseille connut durant trois jours, en juin 1881, une sanglante chasse aux Italiens à laquelle on donna le nom de « vêpres marseillaises ».
Douze ans plus tard, les 16 et 17 août 1893, à Aigues-Mortes, au pied des remparts, ce fut le massacre des travailleurs piémontais engagés dans la Compagnie des Salins du Midi par des villageois et des ouvriers français. Venus pour récolter le sel, huit d’entre eux, officiellement, trouvèrent le sang et la mort. Déjà, le racisme ordinaire tuait.

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L’opinion française ne s’en émut guère mais, de l’autre côté des Alpes, de violentes manifestations antifrançaises éclatèrent d’autant que les journaux italiens exagèrent le nombre de victimes, faisant état de 150 morts et de processions de Français sanguinaires portant des corps d’enfants empalés. L’opinion italienne fut d’autant plus révoltée que les vingt-six inculpés pour assassinat furent tous acquittés à l’issue d’un procès truqué.
L’immigration italienne était perçue comme une « invasion » néfaste pour les travailleurs français, souvent même associée à la criminalité (mafia et vendetta ?) et au terrorisme anarchiste.
Un an plus tard, le 24 juin 1894, le président de la République française Sadi Carnot, en visite officielle à Lyon, fut poignardé mortellement par un anarchiste italien du nom de Sante Geronimo Caserio.

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On entre dans l’exposition par un espace limité par des arcades rappelant l’architecture du quartier de l’EUR à Rome souhaitée par Benito Mussolini.
Le Duce est présent à travers un bronze du sculpteur Adolfo Wildt réalisé vers 1923 à des fins de propagande. À cette époque, de nombreux modèles de ce portrait, en bronze, en pierre ou en marbre, essaimèrent dans la péninsule. Celui exposé porte les stigmates de coups de pioche et de balles, atteintes physiques et aussi symboliques de la fin du régime fasciste.

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Symétriquement opposé, se dresse un buste de Guiseppe Garibaldi à la barbe fleurie. Il rappelle bien sûr les « Chemises rouges » qui combattirent pour l’unification de l’Italie appelée Risorgimento. Je manifeste plus d’intérêt, ce matin, qu’au temps du collège où les unités allemande et italienne tombaient régulièrement comme sujets de composition et de brevet.
Savez-vous que Garibaldi naquit à Nice, d’ailleurs une place et une statue lui rendent hommage dans la cité azuréenne. Il faut préciser que Nice était une ville du royaume de Piémont-Sardaigne qui devint provisoirement française de 1793 à 1814 sous le nom de Comté de Nice, puis de nouveau piémontaise et sarde sous Victor-Emmanuel Ier, avant de nous appartenir définitivement en 1860 après les accords de Plombières (la glace éponyme sans s fut créée, à la fin du XVIIIe siècle par le glacier Tortoni boulevard des Italiens à Paris, le dessert prit un s lorsqu’un cuisinier vosgien le parfuma avec du kirsch !) entre Napoléon III et Cavour… malgré les réticences de Garibaldi.

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Au milieu du vaste vestibule, une légion (romaine ?) de scooters Vespa fait la ronde devant la majestueuse toile Gli emigranti d’Angiolo Tommasi (1896), comme un trait d’union d’un siècle d’immigration depuis le Risorgimento jusqu’à la Dolce Vita, ou plutôt, en la circonstance, Vacances romaines, la comédie de William Wyler (3 Oscars à Hollywood) avec Gregory Peck promenant Audrey Hepburn devant le Colisée.

Vacances romaines

La fresque Gli emigranti (Les émigrants) est un instantané de l’exode. L’unification italienne coïncide paradoxalement avec le plus grand mouvement migratoire de l’époque contemporaine. Entre 1861 jusqu’à la veille de la Première Guerre Mondiale, ce sont quatorze millions d’Italiens qui vont quitter leur pays pour rejoindre les Etats-Unis, l’Argentine et la France. Sur le tableau, c’est une majorité d’hommes qui attendent l’embarquement dans le port de Livourne, mais on y voit également des femmes et leurs enfants, preuve que ce sont des familles entières qui émigrèrent. Une guide nous indique un détail qui permet de savoir de quelles régions les femmes sont originaires : celles qui ont leur foulard noué derrière la tête viennent des régions méridionales, au contraire, un foulard noué devant atteste qu’elles sont du nord de la péninsule.

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Alors que je regarde un extrait de Toni, le film de Jean Renoir, une hôtesse coupe le sifflet à Charles Blavette alias Antonio Canova, parce qu’on va bientôt entendre des chants…
Toni, tourné en 1935 en décors naturels, pratiquement sur les lieux du fait divers, raconte le destin tragique d’un immigré italien, ouvrier carrier piémontais, qui a trouvé du travail à Martigues.
Ce n’est pas pour me déplaire, le premier mur vers lequel je m’approche inconsciemment (?) évoque le souvenir de grands sportifs italiens émigrés.

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Dans une vitrine, est exposée une paire de croquenots du géant Primo Carnera. Immigré en France depuis son Frioul natal, il commença au cours des années 1920 comme monstre de foire dans un petit cirque minable défiant de village en village les forts-à-bras locaux. Repéré à Arcachon par un ancien boxeur véreux, de combat arrangé en rencontre douteuse, il devint champion du monde des poids lourds.
Mussolini en fit une « chemise noire » et un héraut du régime. La malchance et l’ironie de l’Histoire voulurent qu’il perdît sa couronne devant un jeune noir inconnu Joe Louis destiné à devenir une légende de la boxe. À l’issue de sa carrière, Carnera tenta de rentabiliser sa gloire en entrant dans le circuit du catch, en jouant dans quelques films le rôle de colosse dont un Frankenstein, en ouvrant un restaurant puis un négoce de vin et d’huile d’olive. En 1967, il rentra dans son village natal du Frioul pour y mourir à l’âge de soixante ans. Je me souviens, mon père évoquait parfois cette figure sportive qui croisa même les gants en Australie … avec un kangourou.

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Juste à côté, c’est une page de la légende des cycles qui se tourne. Maurice Garin entra dans l’histoire du cyclisme en remportant le premier Tour de France en 1903.
Il quitta son Val d’Aoste natal, à quatorze ans, avec sa famille, pour s’installer en Savoie. Il exerça alors le métier de ramoneur. Plus tard, sa petite taille (1m 62) lui valut le surnom de « petit ramoneur » lorsqu’il commença sa carrière cycliste en 1892.
Adopté par le public français et considéré comme tel puisque francophone, il ne fut pourtant naturalisé qu’en 1901. Il fut à nouveau premier de la seconde édition du Tour mais fut déclassé pour des actes de tricherie qu’il ne cessa jamais de réfuter (ah la combinazione !).
Garin inscrivit d’autres grandes courses de légende à son palmarès, notamment Paris-Roubaix à deux reprises, Bordeaux-Paris et Paris-Brest-Paris.
Il s’installa à Lens et ouvrit un magasin de cycles et réparations à la fin de sa carrière. La municipalité reconnaissante baptisa à son nom le vélodrome qui a été détruit, il y a quelques années, lors de la construction du Louvre-Lens.
Je découvre qu’un autre très grand champion, le lombard Alfredo Binda, fut plâtrier à Nice et courut au début de sa carrière sous les couleurs de Nice Sports et La Française. Triple champion du monde sur route et cinq fois victorieux du Giro d’Italia, il était considéré comme le plus grand coureur d’avant la Seconde Guerre mondiale et appartenait à la caste restreinte des campionissimi. En tant que directeur sportif de l’équipe nationale italienne, il mena au triomphe sur le Tour de France les légendaires Gino Bartali (1948) et Fausto Coppi (1949 et 1952).
Au titre des grands noms du sport français issus de l’immigration italienne, je suis surpris que ne soit pas évoqué Michel Platini, un des trois plus grands champions du football français avec Raymond Kopa et Zinedine Zidane, deux autres produits de l’immigration. D’ailleurs, l’équipe de France de football reflète, avec un décalage générationnel normal, les vagues d’immigration que notre pays a connu jusqu’à aujourd’hui. Imaginez qu’en 1953, un journal irlandais, à la veille d’un match Eire-France auquel participaient notamment Roger Piantoni et Lazare Gianessi, osa écrire ceci : « L’équipe de France que vous allez voir n’est pas la véritable équipe de la France, mais une formation de naturalisés et d’étrangers. Ce ne sont pas les vrais footballeurs de la France que nos joueurs vont charger. Sifflez-les ! »
Les parents de Platini étaient des enfants d’immigrés piémontais qui vinrent s’installer à Jœuf en Lorraine après la Première Guerre mondiale. Bon sang ne saurait mentir, Michel Platini connut la consécration sportive sous les couleurs de la Juventus de Turin.
Je retrouve par contre avec plaisir, il était sorti de ma mémoire, le rugbyman Franco Zani, un troisième ligne, trois fois champion de France à la grande époque du Sporting Union Agenais et des poules de huit, un gentleman colosse au profil d’empereur romain.
L’exposition est sensée s’articuler autour de trois grandes questions : Par où passent-ils ? Que font-ils en France ? Que nous ont-ils légué ? Cependant, j’avoue que cela ne saute pas aux yeux et les réponses sont un peu perdues dans un fourmillement de documents et d’objets. Bref, une pagaille joyeuse et sympathique tout à fait ritale !
Dans un premier temps, l’immigration provint du nord de la péninsule, les régions frontalières, le Piémont, la Lombardie, la Toscane et l’Émilie-Romagne. Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, ce sont les régions méridionales qui déversèrent leurs vagues de migrants.

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Au gré des filières familiales et des offres d’emploi, les Italiens se regroupèrent sur le sol français dans les mêmes régions, les mêmes villages, les mêmes quartiers, les mêmes rues, autant de foyers aux allures de « Petite Italie ». Ils s’installèrent d’abord massivement dans le Sud-Est, à Marseille, puis en Lorraine et dans le Nord jusqu’en Belgique. (ainsi, le père du chanteur Salvatore Adamo) À Paris, ils débarquèrent dans le Faubourg-Saint-Antoine puis vers la Petite Ceinture, notamment à sur les bords de Marne.
Le regretté écrivain Cavanna évoquait cette migration à Nogent-sur-Marne tout au long de son truculent et émouvant récit Les Ritals : « La rue Sainte-Anne, une vraie rue, avec des vrais trottoirs et des caniveaux, sauf qu’elle a un mètre vingt de large de mur à mur et que les trottoirs, c’est juste un pavé. Les caniveaux, il y a tout le temps des nouilles dedans. Des nouilles blanches, molles, tristes. Des nouilles françaises. Les nouilles italiennes, c’est rose, c’est joli à cause de la tomate. D’abord, t’as déjà vu des Ritals jeter la pasta au caniveau, toi ?
… À droite en montant, il y a la porte du bistrot à Mme Pellicia, une petite porte avec une petite fenêtre que tu devinerais jamais que c’est un bistrot s’il n’y avait pas écrit sur la vitre : « Au Petit Cavanna ». Parce qu’avant, c’était le bistrot à Grand-mère, la grand-mère Cavanna, la mère du grand Dominique, le Patron. Ça s’appelait « Au Petit Cavanna » pour pas que les gens confondent avec l’autre Cavanna, le grand beau restaurant juste en face du commissariat qu’il y en a qui viennent de loin et même de Paris, des fois, par l’autobus, pour y faire la noce tellement que la cuisine est bonne. Le dimanche après-midi, les Ritals mettent la chemise blanche avec les manches proprement roulées au-dessus du coude et ils viennent au « Petit Cavanna » respirer la bonne odeur du Pernod et de la pisse de chat en buvant du onze degrés. Les Ritals ont des voix très graves et très sonores. Ils s’engueulent pour des histoires de haies mitoyennes, là-bas au pays, ou bien ils jouent à des jeux de cartes inconnus, avec des cartes aux dessins fascinants, rouges, verts, jaunes, des couleurs de cuisine italienne, tomates, poivrons, safran, je suis sûr qu’elles sentent le parmesan les cartes. Qu’elles me paraissent fades et froides les cartes de la belote française ! Les cartes italiennes, ça s’abat sur la table à grands coups de poing, en hurlant à voix sauvage des choses que je comprends pas, des choses de meurtre et de malédiction. Et quand ils jouent à la morra ! À la mourre, comme on dit en dialetto … »
Je n’ai pas résisté à vous livrer ce long extrait tant il écrivait merveilleusement bien ce salaud de Cavanna qui s’est barré à jamais avec Miss Parkinson. Et d’ailleurs, j’ai relu Les Ritals à la suite de l’exposition (voir billet http://encreviolette.unblog.fr/2009/05/26/week-end-rital-avec-cavanna/ )
Au XIXe siècle, on croise les Italiens beaucoup dans les rues. Ils exercent des petits métiers ambulants, saltimbanques, ramoneurs, vitriers, cireurs de souliers, vendeurs de statuettes.
Il y a notamment les figurinai. Ces artisans ambulants qui fabriquent des statuettes en plâtre appelées figurine, sont, pour la plupart, originaires de la région de Lucques en Toscane. Certaines Italiennes girondes posent même comme modèle.

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La culture italienne se diffusa aussi par les gens du cirque. Une section est consacrée à la célèbre famille Fratellini qui a produit plusieurs générations de clowns, parmi lesquelles, dans un passé assez récent, Annie Fratellini qui créa la première école de cirque en France. On y voit un costume de scène et des godasses presque aussi impressionnantes que celles de Primo Carnera.

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Le très populaire trio fit ses débuts au cirque Medrano. Très novateurs, un clown blanc pour deux Augustes, ils se rendirent célèbres par leurs entrées comiques qui empruntaient à la commedia dell’ arte. Certaines œuvres de Fernand Léger et Jean Cocteau notamment leur rendirent hommage.
Comment ne pas penser, à cet instant, au Maestro Federico Fellini qui ne cessa jamais de filmer sa connivence avec les gens du voyage (La Strada, Huit et demi, Juliette des Esprits, Le Satyricon) et dont l’œuvre elle-même apparaît comme un cirque absurde et merveilleux. Son film Les Clowns (dans lequel jouait Annie Fratellini) était une ode aux grands artistes qui l’avaient fait rire et rêver dans son enfance. La scène finale avec la mort du clown est l’une des plus belles de l’histoire du cinéma.
Ailleurs, dans une autre vitrine, est exposé un accordéon, un instrument qui faisait souvent partie des bagages des immigrés, ne serait-ce que pour accompagner leurs chants lors des veillées. Il faudrait que je visite un jour la ville de Castelfidardo dans les Marches, presque entièrement vouée à l’histoire et aux ateliers de fabrication du piano à bretelles.
La légende prétend que le genre musette est né dans le quartier de la Bastille de la rencontre des bougnats auvergnats et de leur cabrette avec les maçons italiens et leur accordéon. En tout cas, elle illustre l’apport italien dans les musiques populaires françaises.

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Beaucoup de musiciens locaux d’origine italienne ont animé les « baloches » et les soirées dansantes de nos campagnes. Mais certains accordéonistes, immigrés ou enfants d’immigrés, ont accédé à une célébrité nationale, pour n’en citer que quelques uns, Tony Murena, Jean Corti qui accompagna Brel et Barbara, Emile « Milo » Carrara compositeur de l’inoubliable Mon amant de Saint-Jean, il en changea même le titre car, dans un premier temps, la chanson ne connut aucun succès quand elle s’intitulait Les barbeaux de Saint-Jean. Sans oublier Marcel Azzola, vous vous souvenez de Jacques Brel l’encourageant dans sa chanson Vesoul : « Chauffe Marcel ! ».
« Les Italiens sont des Français de bonne humeur » affirmait Cocteau, avec son corollaire, « les Français sont des Italiens de mauvaise humeur » !
Autre cliché, l’Italien est gai quand il sait qu’il aura de l’amour et du vin. De l’amour, il y en a sur des moniteurs. Ici, c’est un extrait de Mademoiselle interprétée par Jeanne Moreau. Il y est question de l’acharnement d’un paisible village corrézien contre un pauvre bûcheron italien innocent. Là, dans les bras de Simone Signoret, (ils nous piquent donc aussi nos femmes !) c’est le ténébreux camionneur Raf Vallone dans l’adaptation de Thérèse Raquin, le roman d’Émile Zola, un fils d’immigré vénitien lui aussi.
Quelle femme, dans les années 1950, n’est pas allée une fois au cinéma rien que pour les beaux yeux de Raf Vallone, symbole de l’italian lover ? Avouez !
On allait, par exemple, au cinéma Étoile de La Courneuve qu’une famille, originaire du Val d’Aoste, ouvrit en 1934.

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Une vitrine est consacrée au roi de la presse du cœur. Surveillé par la police fasciste pour son activisme communiste, Cino Del Duca émigra en France en 1932. Le mythique Nous Deux, Intimité, Festival, Paris-Journal, plus récemment Télé-Poche, c’est lui. Tarzan dans ma jeunesse, Hurrah avec les aventures de Brick Bradford, Flash Gordon et Mandrake, c’est encore lui.
Également producteur de films, mécène, propriétaire de chevaux avec son épouse Simone, il acquit une fortune considérable qui contraste avec son enfance pauvre dans un village de la région des Marches.

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Après l’amour, il y a du vin, ou plutôt des apéritifs, avec les affiches de Leonetto Cappiello. Il modernisa l’art de l’affiche publicitaire : vous avez vu, c’est certain, ses affiches sur le Cachou Lajaunie, le Bouillon Kub, les Chaussures Bally et les apéritifs Cinzano et Campari.

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« J’étais venu passer un mois en touriste, en amateur. J’y suis resté trente-cinq ans… J’aime la France comme un amoureux aime sa bien-aimée. Je l’aime pour sa beauté, pour son esprit, pour son harmonie et sa générosité. Je l’aime pour son grand amour de l’Art. »
D’autres artistes peintres, Gino Severini, Renato Paresce, Filippo de Pisis, Massimo Campigli, les « Italiens de Paris » ou « Groupe des sept » mènent leur combat artistique sous le signe de l’italianité.

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Destins heureux certes, mais d’autres documents nous rappellent les heures sombres du fascisme. Avec l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini en octobre 1922, de nombreux opposants antifascistes quittèrent l’Italie pour se réfugier en France. On les appelait les Fuoriusciti. Cela produisit de nombreux effets sur la vie sociale des immigrés et sur leur perception par les Français du fait notamment des tensions entre fascistes et antifascistes dans l’hexagone.

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Portraits d’antifascistes

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Avec ses yeux d’enfant, Cavanna évoque cette époque dans Les Ritals :
« … On n’a jamais vu autant de Ritals débarquer à la gare de Lyon, avec leur valise de carton bouclée par une ficelle, leurs joues de montagnards creusées à la serpe, leurs yeux de loups dévorants sous la visière de la grosse casquette enfoncée jusqu’à la racine des oreilles bien rouges rabattues à l’horizontale comme les poignées d’une marmite …
C’est que Mussolini fait la guerre en Abyssinie, parle de conquérir l’Albanie, la Grèce, la Turquie, les Yougoslaves, gueule pour que la France lui rende Nice, la Corse, la Savoie et la Tunisie et que si on lui donne pas de bon cœur il viendra les chercher, double et triple le temps du service militaire… »
Je pense inévitablement à Bella Ciao, le magnifique chant de révolte italien qui célébrait l’engagement dans le combat mené par les Partisans contre les troupes de la République Sociale Italienne (République de Salo) mise en place par le Duce. La musique vient d’une chanson populaire que fredonnaient, au début du XXe siècle, les femmes saisonnières qui travaillaient dans les rizières de la Plaine du Pô.
Je vous en offre une version « rock d’Oc » que j’ai enregistrée cet été lors d’un concert de Lou Tapage, un talentueux groupe du Val d’Aoste, dans le cadre du festival Celtie d’Oc à Cazavet, un minuscule village d’Ariège.

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Je découvre une photographie insolite de Lino Ventura jouant au foot en soutane durant le tournage du film Les Durs. À côté, dans une vidéo, le populaire acteur raconte sa jeunesse : né en 1919, il émigra en France avec sa mère à 7 ans et s’installa en région parisienne, à Montreuil, où résidaient des parents. Dès l’âge de 8 ans, il travailla comme livreur, garçon d’ascenseur et groom dans un hôtel, puis comme coursier pour la Compagnie Italienne de Tourisme à Paris. Rattrapé par la guerre, il se retrouva enrôlé dans un bataillon alpin de l’armée de Mussolini mais il déserta et revint en France où il joua, comme il dit, au chat et à la souris avec la Gestapo.
À la fin de la guerre, il devint catcheur professionnel sous le nom d’Angelo Borrini puis Lino Borrini. Le réalisateur Jacques Becker cherchait une sale gueule pour son film Touchez pas au grisbi. Ainsi commença son immense carrière d’acteur au cours de laquelle, il interpréta notamment Jean Valjean dans Les Misérables et un héros de la Résistance dans L’armée des ombres.
Très attaché à son pays d’origine, Lino ne souhaita jamais être naturalisé. Pour autant, ne le considériez-vous pas comme un grand acteur français?

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« J’attendrai le jour et la nuit/J’attendrai toujours ton retour ». Cette chanson est presque incontournable à un moment ou à un autre des films et documentaires relatant l’Occupation allemande. Dalida en refit un grand succès en interprétant une version disco.
Savez-vous que cette chanson fut créée en 1938 par Rina Ketty, de son vrai nom Cesarina Picchetto. Elle avait quitté son Italie natale en 1933 pour rejoindre des tantes à Paris. Elle fut séduite par l’atmosphère de Montmartre et se produisit au cabaret Au Lapin Agile, et découvrit l’amour en épousant l’accordéoniste Jean Vaissade. Les plus anciens d’entre vous connaissent son autre grand succès Sombreros et mantilles.

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Moi j’aime le music-hall, et j’aime Yves Montand né Ivo Livi à Monsummano Terme en Toscane. Âgé de trois ans, il émigra avec sa famille, en raison de persécutions fascistes qui aboutirent à l’incendie de l’atelier de fabrication de balais de son père militant communiste. Ils s’installèrent dans un quartier de Marseille où les habitants sont presque tous des immigrés. Ivo jeune travailla dans une fabrique de pâtes mais, fasciné par le spectacle et la scène, il monte sur les planches à 17 ans en s’inventant un nom d’artiste inspiré par sa mère qui, dans un mélange d’italien et de français, l’appelait « Ivo, monta ». Il commença au fameux Alcazar de Marseille avant de rejoindre Paris au milieu de la guerre pour la brillante carrière internationale de chanteur et d’acteur que l’on sait. Qui mieux que Yves a chanté à travers le monde, À Paris, l’indémodable valse musette de Francis Lemarque ! Un détail encore, Bob Castella et Henri Crolla, deux musiciens d’origine italienne comme lui, appartinrent à son orchestre tout au long de sa carrière. Il est émouvant de lire la demande d’acte de naturalisation effectuée par ses parents.

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Moi j’aime le music-hall et Serge Reggiani, lui aussi immigré italien ! Vous vous rappelez de ses couplets non autobiographiques :

« C’est moi, c’est l’Italien
Est-ce qu’il y a quelqu’un
Est-ce qu’il y a quelqu’une
D’ici j’entends le chien
Et si tu n’es pas morte
Ouvre-moi sans rancune
Je rentre un peu tard je sais
18 ans de retard c’est vrai
Mais j’ai trouvé mes allumettes
Dans une rue du Massachussetts
Il est fatigant le voyage
Pour un enfant de mon âge

Ouvre-moi, ouvre-moi la porte
Io non ne posso proprio più
Se ci sei, aprimi la porta
Non sai come è stato laggiù

Je reviens au logis
J’ai fait tous les métiers
Voleur, équilibriste
Maréchal des logis
Comédien, braconnier
Empereur et pianiste
J’ai connu des femmes, oui mais
Je joue bien mal aux dames, tu sais
Du temps que j’étais chercheur d’or
Elles m’ont tout pris, j’en pleure encore
Là-dessus le temps est passé
Quand j’avais le dos tourné … »

Né à Reggio d’Émilie, Serge quitta l’Italie en 1930, à huit ans, en raison des pressions que subit son père par le régime fasciste. Après un court séjour à Yvetot, en Normandie, les Reggiani s’installèrent à Paris où les parents ouvrirent un salon de coiffure rue du Faubourg-Saint-Denis. La famille Reggiani poursuivit son engagement antifasciste en adhérant à la Fratellanza Reggiana de Paris. Serge qui pratiqua la boxe n’hésitait pas à faire le coup de poing contre les fascistes de la capitale.
Attiré par le théâtre, Serge entra au Conservatoire de Paris puis embrassa une grande carrière d’acteur de cinéma. Tout le monde se souvient de lui dans le rôle de Manda guillotiné par amour pour Casque d’or Simone Signoret.

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À 45 ans, il débuta dans la chanson où il montra d’exceptionnelles qualités d’interprète au service de très beaux textes (La femme qui est dans mon lit/N’a plus 20 ans depuis longtemps). Il s’exerça aussi avec réussite à la peinture.
Moi j’aime le music-hall, encore et toujours, même s’ils ne sont pas évoqués dans l’exposition. Francesca Solleville, magistrale interprète des poètes et de Jean Ferrat, est la petite-fille du fondateur de la Ligue italienne des droits de l’homme. Claude Barzotti revendique dans un de ses grands succès :

« Je suis rital et je le reste
Et dans le verbe et dans le geste
Vos saisons sont devenues miennes
Ma musique est italienne … »

« J’viens d’là où parler avec les mains, c’est vital ». Vous ignorez possiblement que derrière l’auteur de cette phrase, le rappeur Akhenaton du groupe IAM, se cache Philippe Fragione issu d’une famille originaire de Toscane, Latium et Campanie.
L’humoriste Coluche brocardait son origine : « Il y en a qui sont beurs, moi je suis fromage … d’origine parmesan » ! Son père Honorio Colucci, originaire du Latium, était peintre en bâtiment. N’est-ce pas un beau symbole d’intégration que Coluche fût l’instigateur des Restos du Cœur ?
Derrière ces quelques exemples qui connurent les feux de la rampe, il y a aussi des millions d’immigrés italiens aux destins plus modestes, encore que …
Ah le petit vin blanc qu’on boit sous les tonnelles du côté de Nogent ! Je m’y rends justement à Nogent, j’ai plaisir à trouver, dans une vitrine, la truelle du maçon Luigi Cavanna, le père de François, l’auteur des Ritals qui évoque dans son livre ces modestes, ces sans-grades.
« Un jour, le gouvernement s’avisa que c’était peut-être pas très malin de garder tous ces travailleurs ritals dans un pays qui n’avait pas assez de travail pour ses propres enfants. Jusque-là, il avait supporté parce que les chômeurs étaient des Français, des gens d’usine et de bureau. Mais voilà qu’à leur tour les chantiers débauchaient et que les Ritals touchaient l’allocation. Ça, c’était plus possible, ça. Absolument délirant. Je comprenais très bien tout parce que je le lisais dans les journaux que maman rapportait de chez ses patronnes : Candide, Gringoire, L’Ami du Peuple, L’Action française …
Les journaux des patronnes expliquaient comme quoi si la France en était là c’était rapport aux métèques, qu’ils avaient tout envahi et qu’ils pourrissaient tout. Il y avait dedans des dessins, plein, qui disaient la même chose que les articles écrits, mais en raccourci, très bien dessinés, tu comprenais tout de suite, même si t’étais trop pressé pour lire l’écrit ou que t’avais pas envie, d’un coup d’œil tu te faisais ta petite idée de la chose, en plus tu te marrais parce que c’était des dessins humoristiques, ça veut dire qu’ils sont faits pour faire rigoler les gens, mais pas bêtement comme au cirque, non ; en leur faisant comprendre des choses difficiles… »

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Durant cinquante ans, de l’entre-deux-guerres aux années 1970, le bâtiment fut le royaume des Italiens. Ils y trouvèrent des emplois nombreux et diversifiés, et même pour certains jusqu’à l’autonomie professionnelle. Ils n’étaient pas que manœuvres, terrassiers et maçons : au milieu du XIXe siècle, la renommée des Piémontais comme plâtriers était comparable à celle de nos Creusois. Parmi les charpentiers, on remarquait nombre de Savoyards. Certains excellaient aussi comme mosaïstes (les Frioulans), stucateurs, tailleurs de pierre.
Beaucoup de ces Italiens ont construit routes, voies ferrées, ponts, barrages, villes et maisons de France.
Je me souviens dans mon enfance normande d’un camarade de classe nommé Bianchini. Son père dirigeait une entreprise de maçonnerie, sa mère était institutrice dans l’établissement scolaire dirigé par ma maman.
Je me souviens une soirée privée où le metteur en scène, auteur et « bâtisseur culturel » Jean-Louis Gonfalone (un autre Rital d’origine !) me projeta, au sens propre et figuré, ses Traces, à même la pierre, des spectacles historiques, fantastiques et oniriques qu’il imaginait à propos des carrières de Crazannes en Saintonge romane.
Parmi elles, il racontait l’émigration, un siècle auparavant, des jeunes hommes qui devaient quitter pour toujours leurs villages de Quero, Cilladon, Schievenin, au nord de la Vénétie. Le geste et la geste du carrier venu da sa lointaine Italie, étaient créateurs du spectacle, la réalité d’il y a cent ans devenait la fiction d’aujourd’hui : « Tu vas partir mon fils. Là-bas en France, il y a du travail. Pour une fois que les gouvernants de France et d’Italie s’entendent pour faciliter l’émigration, tu ne dois pas laisser passer cette chance. Tu gagneras bien ta vie. Tu nous reviendras vite … » Des valises en carton amoureusement remplies de vêtements basiques par la maman … Poignant et magnifique !
Je m’égare, je reviens à Nogent, pour découvrir le destin de Lazare Ponticelli. Vous le connaissez peut-être comme étant le dernier Poilu, l’ultime ancien combattant de la guerre 14-18 parmi les 8,5 millions d’hommes mobilisés sous la tenue bleu horizon.
« J’ai voulu défendre la France parce qu’elle m’avait donné à manger ». Ses parents, Giovanni et Philomène avaient de la peine à élever leurs cinq fils et deux filles, dans le Val de Nure, près de Plaisance. Le père exerçait des petits métiers dans les foires de la région, la maman allait travailler dans les rizières de la plaine du Pô, Bella Ciao, vous vous souvenez !
Chez les Ponticelli, ce fut la maman qui, en 1899, se rendit en France avec deux de ses enfants, laissant au père trois fils en bas âge dont Lazzaro. Elle travailla comme plumassière à Nogent. Finalement, Lazare, confié à une famille, resta seul en Émilie-Romagne. À dix ans, il voulut rejoindre le « paradis, Paris. À pied jusqu’à Plaisance, en train jusqu’à Modane puis Paris … à la gare de Lyon, aucun comité d’accueil … il trouva refuge dans un hôtel proche avec le sentiment d’avoir été abandonné par sa famille. Plusieurs mois plus tard, il s’installa à Nogent, toujours à l’écart de sa famille, exerçant des petits métiers, livreur de charbon, ramoneur, crieur de journaux lorsque la guerre éclate en août 1914. Comme beaucoup de ses camarades, il fut renvoyé en Italie sans grand ménagement quand celle-ci entra en guerre. Puis de retour, il entra dans le 4e régiment de marche du 1er étranger connu sous le nom de « Légion garibaldienne ».
Voici ce qu’écrivait Edmond Rostand dans La chemise rouge, un de ses poèmes de guerre réunis dans Le Vol de La Marseillaise :

« Ils ont donné pour nous dans la forêt d’Argonne.
Dès l’aube, un lieutenant d’Avellino pleurait
En croyant que peut-être on lui refuserait
D’aller dans la tranchée affronter la Gorgone …

… Regardez comment meurt un garibaldien !
Crie un homme en tombant dans la mêlée hagarde.
La France s’agenouille auprès de lui, regarde.
Et grave, se relève en disant : « il meurt bien » ».

L’histoire de Lazare Ponticelli ne s’achève pas là, au contraire, elle commence presque. De retour à Nogent, il retrouve deux de ses frères Céleste et Bonfiglio et, en 1923, ils déposent les statuts de leur société de fumisterie Ponticelli frères. Leur savoir-faire dans le domaine des cheminées s’étendra par la suite dans le secteur du raffinage pétrolier puis du nucléaire.
Lazare est mort en 2008 à l’âge de 110 ans. Aujourd’hui, la famille Ponticelli détient 80% d’une entreprise prospère qui emploie 5 000 salariés à travers le monde.
Un sacré destin de Plaisance à Neuilly-Plaisance (ou presque !) !
Je me retourne, encore un autre destin, une vie certes beaucoup plus aisée, celle d’Ettore Bugatti, un des fondateurs de l’industrie automobile de luxe et de compétition.

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Il naquit à Milan dans une famille d’artistes italiens. Ingénieur d’instinct plus que de formation, il créa sa propre marque automobile et s’installa en 1909 à Molsheim, petite ville d’Alsace allemande à l’époque. C’est là dans ses ateliers qu’il conçut, plus tard aidé par son fils Jean, ses mythiques bolides bleus au radiateur en forme de fer à cheval.
Son modèle Type 35, victorieux dans de nombreux grands prix entre 1925 et 1934, compte parmi les voitures de sport ayant le plus marqué l’histoire de l’automobile. Son modèle Type 57G Tank remporta les dernières 24 heures du Mans avant la Seconde Guerre mondiale.
Il est fort possible que, tout gamin, je vis un de ces bolides bleus, piloté par Maurice Trintignant, l’oncle de Jean-Louis, sur le circuit de Rouen-les-Essarts.
Tous ces bijoux de l’histoire de l’automobile sont toujours visibles au musée de Molsheim ou à la Cité de l’automobile à Mulhouse. La marque et l’atelier existent toujours. Devant la ligne bleue des Vosges, les modèles quasi futuristes, la Bugatti Veyron et désormais la Bugatti Chiron, tiennent autant de l’œuvre d’art que du génie industriel. Leur prix dépasse le million d’euros !
Je reste dans le domaine de l’automobile. Les plus anciens se souviennent sans doute des Trianon, des Versailles, des Chambord, des Régence et des breaks Marly. Avec ces carrosses du vingtième siècle, c’était la vie de château chez SIMCA (Société Industrielle de Mécanique et Carrosserie Automobile) dont j’apprends qu’elle était à l’origine une firme italienne créée en 1934 par Fiat pour contourner les barrières douanières mussoliniennes et produire en France ses voitures sous licence, avec à sa tête Enrico Teodoro Pigozzi (il francisera son prénom en Henri Théodore).

usine simca

D’autres encore ont « fait » la France, ainsi la styliste Rose Repetto qui créa le chausson de danse et la marque à son nom. Brigitte Bardot immortalisa la ballerine dans le film Et Dieu … créa la femme. Serge Gainsbourg popularisa les mocassins blancs à lacets.
Ce n’est pas parce qu’on approche de midi, mais je ne peux pas ne pas évoquer encore les influences culinaires de l’Italie en France qu’il ne faut pas résumer à la pasta et à la pizza.

scapiniLheure-du-café-©-Alain-Fleischer

café italien

Les apports italiens à la table française existaient bien avant les grandes vagues d’immigration. Ainsi, savez-vous que l’Italie nous exporta la forchetta, notre si utile et commune fourchette, sur les tables aristocratiques de la Renaissance.
Sous l’Ancien Régime, les classes aisées furent séduites par la création de cafés-glaciers modernes par des Italiens. Ainsi, c’est le Sicilien Francesco Procopio qui, après avoir vendu du café à la tasse sur la foire Saint-Germain de Paris, ouvrit vers 1685 le célèbre café Procope qui attira l’élite intellectuelle des Lumières et qui constitue toujours une institution de Saint-Germain-des-Prés.
De nombreux débits de boissons, épiceries et cantinas jouèrent un rôle important dans la vie sociale des immigrés dans nos provinces, et la diffusion de plats et produits en provenance de la Péninsule.
J’ai envie de vous allécher avec la tielle de poulpe, spécialité sétoise à laquelle je goûtais immanquablement au temps heureux où je séjournais chez mon oncle et ma tante dans « l’île singulière ». Cette succulente tourte arriva d’Italie dans les bagages des émigrants italiens de la petite bourgade de pêcheurs de Borgo de Gaete, au nord de Naples, à la fin du XIXe siècle.
Sous la domination espagnole au siècle de Charles Quint, la tielle de Gaeta était une pâte étalée avec un peu d’huile, quelques anchois et olives, l’ancêtre de la pizza en somme. On apprend toujours de quelqu’un, les autochtones remarquèrent que les soldats ibériques la confectionnaient en la recouvrant d’un couvercle de pâte. Ils copièrent donc leurs envahisseurs en recouvrant leur tourte. Bientôt, on ne mit plus à cuire la tourte directement sur la sole du four mais dans un plat de terre cuite appelée « teglia », la tielle était née.
Mon oncle me racontait qu’au début de l’installation de la communauté italienne dans le Quartier-Haut de Sète (là ou naquit Brassens !), les enfants allaient à l’école avec une tielle de pouffre (poulpe) dans le cartable.
Dans les années 1930, une certaine Adrienne Pages ouvrit avec son mari Bruno Virducci un petit étal de coquillages devant le pont de la Civette. Ses tielles étaient renommées et elle les faisait cuire chez le boulanger voisin Lubrano (encore un rital).
Adrienne eut de nombreux enfants, parmi lesquels Achille qui ouvrit une petite fabrique artisanale, un peu plus loin, à la Marine. C’est chez lui que nous nous procurions nos tielles.
Aujourd’hui, le commerce de tielles prolifère à Sète, ce qui malheureusement n’est pas un gage de qualité. Il y a encore trois ou quatre ans, on m’avait dit qu’elles étaient bonnes, là-haut, sur le Mont Saint-Clair … !

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L’influence culturelle de l’Italie se refléta dans la langue française à la Renaissance. Ce fut une véritable invasion de quelque 8 000 mots dont environ 10 pour cent sont encore utilisés de nos jours.

Au fait, savez-vous que c’est à Clément Marot, poète et valet de chambre de François Ier, que l’on doit la règle du participe passé avec l’auxiliaire avoir en imitation de l’italien qui lui paraissait la langue modèle ? Il l’avait exposée dans une strophe de ses Épigrammes.
Voltaire écrivit même : « Clément Marot a ramené deux choses d’Italie : la vérole et l’accord du participe passé… Je pense que c’est le deuxième qui a fait le plus de ravages ! » Pas faux !
Voilà une découverte qui ne put que ravir le vénéré Cavanna, génial rital de Nogent qui déclara son amour à la langue française dans son délicieux livre Mignonne, allons voir si la rose… Justement à propos de mes points de suspension :
« C’est parce qu’ils ont l’air de s’esbigner sur la pointe des pieds, à la queue leu-leu, furtifs et sifflotant d’un air détaché, hypocrites comme tout. J’aime bien les points de suspension. Ce sont mes amis. »
Cavanna vouait une grande reconnaissance à ses instituteurs : « Vous m’avez décollé les yeux et décrassé le dedans de la tête ».
Cependant, des enfants de l’immigration mettaient en avant dans leurs témoignages leur sensation d’exclusion et d’humiliation ressentie sur les bancs de l’école. D’autres confiaient s’être bien intégrés au sein de l’École républicaine, les instituteurs partageant parfois les opinions de leurs parents fuyant le fascisme.
Il faut savoir qu’au temps de l’unification italienne, justement, la langue de la péninsule était constituée essentiellement d’une multitude de dialectes régionaux. Les Italiens de France trouvèrent dans la langue française un ciment commun ainsi qu’un moyen de s’intégrer mieux et vite.
Ce n’est pas un hasard si la première session du concours de l’agrégation d’italien se tint en 1900. L’objectif était de renforcer la formation des professeurs d’italien des lycées en la fondant sur l’étude de la littérature de la langue italienne.
Je parviens au bout de l’exposition. Comme elle s’ouvrait avec le grand tableau des émigrants attendant dans le port de Livourne, elle s’achève sur un écran avec la séquence culte de La Dolce Vita, le film de Fellini, où Anita Ekberg se baigne dans la fontaine de Trevi à Rome pour les beaux yeux de Marcello Mastroianni.

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Du Risorgimento des années 1860 à la Dolce Vita célébrée par il Maestro en 1960, quelle Histoire !
On finit avec l’inénarrable séquence de L’aventure, c’est l’aventure, le film de Claude Lelouch : devant un parterre de jolies filles en bikini, Aldo Maccione et Lino Ventura apprennent à Jacques Brel, Charles Denner et Charles Gérard à rouler des mécaniques, à jouer les Ritals quoi ! Cultissime ! C’est cadeau pour vous.

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À cet instant, à l’autre bout de l’exposition, s’élèvent des chants. C’est cadeau pour moi !
En ce dimanche matin, le Chœur de l’Émigration et les comédiens de la Maggese nous offrent une visite chantée en donnant la parole au « peuple qui a manqué », les ouvriers, les paysans, les montagnards, les travailleuses de rizières, les artisans, les mineurs, les menuisiers, les femmes de chambre, les cantinières, les épiciers, les vitriers, les maçons, les pères et mères de ces Italiens de France, carrément des Français aujourd’hui.
En plusieurs tableaux, au milieu des documents et objets exposés, les artistes restituent quelques moments de l’extraordinaire collecte de témoignages opérée depuis 2010 par Anna Andreotti. C’est la transmission fidèle de leurs mémoires, les chants de leur enfance, de l’exil, du travail. C’est la restitution des récits de vie, dits et chantés, des joies et des douleurs partagées.
Pour vous, j’ai capté quelques saynètes avec mon smartphone :

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Voilà, cette fois, la visite est terminée. En guise de conclusion, j’emprunte à Luciano Zeppegno dans son Guide vivant de l’Italie (1968) :
« De tous les autres peuples, le Français est sans doute le plus apte à comprendre le caractère italien, car, lui aussi, multiple et un, ayant puisé aux mêmes sources gréco-latines une culture toute de clarté, de finesse et de sel, a le sens de la nuance et reconnaît chez son voisin ultramontain, des qualités et des défauts qu’il trouve chez bien de ses compatriotes … On s’aime bien parce qu’on se comprend et justement parce qu’on se comprend trop bien, on se crispe, s’exaspère mutuellement par instant ».
Ça me fait drôle de terminer avec une phrase du Général De Gaulle (!) :
« L’Italie et la France sont cousines. Elles sont voisines. Elles sont latines ». Mais bon, je les adore mes cousins !
Tandis que nous déjeunons (ni pâtes, ni pizza !) en face du musée, nous assistons à un nouvel exode : c’est un flux continu de familles d’origine asiatique endimanchées de tenues colorées qui se dirigent vers le lac Daumesnil.
Nul besoin d’être Tintin au Tibet pour deviner qu’elles ne vont pas assister à la Roue d’Or, une course cycliste populaire et spectaculaire qui se déroulait autour du lac dans les années 1950-60. Elle se disputait derrière derny par équipes de deux coureurs se relayant. (on appelle cela à l’américaine !) À son palmarès, figurent d’illustres champions comme Louison Bobet, Van Steenbergen, Van Looy, Stan Ockers et… « mon » Jacques Anquetil vainqueur deux fois avec André Darrigade.
Le garçon du restaurant m’éclaire : on célèbre aujourd’hui le 82e anniversaire de Sa Sainteté le Grand 14e Dalaï-lama.
Vous me connaissez, curieux comme je suis, bientôt j’emboite le pas des bouddhistes qui se rassemblent pour un vaste barbecue zen sur les pelouses en bordure du lac.

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J’en profite pour découvrir le monument des Pèlerins des nuages et de l’eau, une sculpture en bronze d’un artiste japonais. Une plaque calligraphiée scellée sur le socle explique que « le groupe représente les pèlerins Zen, sans cesse cherchant la vérité à travers le spectacle de la nature qu’ils parcourent tels les nuages du ciel, telle l’eau des rivières » (et du lac Daumesnil ? ndlr).
C’est la première fois que je verse une obole aux bouddhistes pour accéder à l’enceinte de la Grande Pagode cachée sous les frondaisons. Elle a la forme d’une gigantesque case … africaine, ce qui n’est pas si incongru que cela quand on sait que le bâtiment avait été initialement construit (en bois scandinave !) pour abriter les pavillons du Cameroun et du Togo lors de l’exposition coloniale de 1931.

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L’anniversaire du Dalaï-lama, en retraite au Ladakh en Inde, est fêté par la communauté tibétaine partout sur la planète sauf au Tibet, du moins officiellement, la Chine continuant de le considérer comme un séparatiste.
Petite déception, ce jour, l’entrée n’est pas autorisée à l’intérieur de la Pagode et je ne peux donc pas admirer le plus grand Bouddha d’Europe recouvert à la feuille d’or (plus de 9 mètres). À défaut, il y a Wikipédia !

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Par contre, j’ai retrouvé « ma » Roue d’Or de Daumesnil. Sur la façade de la pagode, elle symbolise la voie qui mène à la cessation de la souffrance. À huit branches (ce n’est pas une roue lenticulaire !), elle est appelée « Noble Chemin Octuple ».
Ainsi fut un dimanche de juillet. À un jour près, il y trente-cinq ans, à la sortie du stade de Séville, après une demi-finale de Coupe du monde perdue par l’équipe de France emmenée par Michel Platini, son voisin de Saint-Cloud, Lino Ventura était en pleurs. Touché par cette « tragédie nationale » mais bientôt heureux, trois jours plus tard avec la victoire de l’Italie dans la compétition : c’était ça aussi l’identité immigrée dans toute sa complexité, sa quotidienneté … sa beauté aussi ?

Chambre ouverte sur la mer Leonardo Cremonini 1925-2010

Publié dans:Coups de coeur |on 3 novembre, 2017 |1 Commentaire »

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