Par ici (l’Hôtel de) la Monnaie !
Faut-il y voir un acte inconscient lié aux mesures prochaines des « Marcheurs » visant à ponctionner ma retraite, j’ai souhaité visiter l’hôtel de la Monnaie qui, après quelques années de travaux, vient de rouvrir ses portes au public ?
Probablement pas ! Après l’Élysée, les jardins de Matignon, l’Assemblée Nationale, le Sénat, l’Académie française, j’étais simplement curieux de connaître la plus ancienne institution de France et la plus vieille usine de la capitale.
En effet, la Monnaie de Paris fut officiellement créée, le 25 juin 864, sous le règne de Charles II dit le Chauve, par l’édit de Pîtres (actuelle petite commune de l’Eure). Une refonte des monnaies fut alors programmée et des peines sévères requises contre les faux-monnayeurs. Charles le Chauve limitait à dix le nombre d’ateliers chargés de la frappe pour tout le royaume de Francie occidentale. Celui de Paris est le seul à avoir produit sans interruption depuis sa création.
Quelques emplettes m’ayant retardé, je décide de déjeuner avant d’envisager la visite. Et en cohérence avec le concept de la journée, comment ne pas choisir la bien nommée brasserie L’Assignat juste en face l’entrée du musée.
Quoique bien plus récent que le nom qu’il porte, L’Assignat est aussi une institution du quartier de Saint-Germain-des-Prés, un des derniers petits bistrots qui subsistent de l’époque mouvementée de mai 68, celle à laquelle, étrangement, notre président de la République veut rendre hommage au printemps prochain. Un de ces lieux de perdition ou d’inspiration qui ne pouvait pas déplaire à l’ami Antoine Blondin qui habitait juste à côté rue Mazarine :
« Si je cherche du solide, autour de moi, je n’aperçois ni murs ni meubles, rien que des êtres. L’amitié ou l’amour des autres aura été mon manteau et ma maison. J’espère leur avoir donné en échange les satisfactions que je leur devais, mais je crains de les avoir déçus sur bien des points. Je ne déteste rien autant que de décevoir les gens. Je ne supporte pas d’entendre le bruit d’une porte ou d’un cœur qui se ferme. Et si vous me demandez quel doit être le sens d’une vie, je vous dirais que, faute d’accepter de lui donner un sens unique (quel qu’il soit), on risque beaucoup d’en faire un sens interdit. »
Sans doute, aurait-il aimé entrer sous la coupole de l’Institut, bien qu’il préférât le maillot jaune du leader du Tour de France à l’habit vert, mais comme il le faisait remarquer avec humour, entre chez lui et l’Académie française, il y avait cinq bistrots de trop … dont L’Assignat ? En tout cas, son portrait s’y trouve.
L’Assignat fait tout naturellement dans la mixité sociale. Entre un babyfoot et un jukebox d’époque, sur les grandes tables se côtoient galeristes nombreux dans le quartier, étudiants de l’école des Beaux-Arts toute proche, ouvriers de chantiers voisins et … employés de la Monnaie de Paris. En soirée, ça sert même de lieu de répétition de fanfares pour des troisièmes mi-temps festives. À peine si le placide chien du patron rechigne à me céder sa place sur la banquette.
Ici, on sert des plats de copains, harengs pommes de terre à l’huile (tièdes évidemment !), museau vinaigrette, jambon persillé, à l’instant, la serveuse modifie l’ardoise et le petit salé lentilles remplace l’andouillette.
Devant un verre de Côtes du Rhône en guise d’apéritif, il me faut vous parler de l’assignat dont quelques fac-similés tapissent le mur.
L’assignat fut un papier monnaie qui circula durant la Révolution, pas celle de mai 68 mais la vraie de 1789. C’était un billet imprimé sur une seule face.
En 1789, les finances royales étaient dans un état catastrophique avec une dette évaluée entre 4 à 5 milliards de livres (1 livre valait 20 sous ou 240 deniers).
En mai 1789, à l’ouverture des États généraux, Jacques Necker proposa l’émission d’un « papier national », via la Caisse d’Escompte, qui se verrait affecté au règlement de la dette publique. Mirabeau déclara dans un de ses discours à l’Assemblée « qu’une nation peut être forcée de recourir à des billets d’état et qu’il faut bannir de la langue cet infâme mot de papier-monnaie ». Le risque de banqueroute étant grand, il fallut trouver de la « fraîche » de toute urgence et le 2 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante, suivant la suggestion de Talleyrand, décida que tous les biens du clergé seraient mis à disposition de la Nation. Dorénavant, ces biens seraient donc nationaux et destinés à être mis aux enchères confiées à une caisse de l’Extraordinaire.
La vente de tant de biens prenant plus d’une année, c’était un délai beaucoup trop long pour remplir les caisses vides de l’État et la faillite surviendrait bien avant. C’est ainsi qu’il fut décidé d’émettre, le jour même de l’ouverture de la caisse de l’Extraordinaire, des billets dont la valeur était assignée (gagée) sur les biens du clergé.
Le 6 décembre 1790, l’assignat est né ! Le principe est simple : toute personne désirant acquérir des parts dans les biens nationaux doit le faire via des assignats qu’ils achètent auprès de l’État. Une fois, la vente effectuée, les assignats sont détruits.
Le problème majeur du procédé est qu’il ne faut pas qu’il y ait plus d’assignats en circulation que la valeur des biens nationaux. À cette époque, les billets sont facilement falsifiables et le risque de trouver une quantité importante de faux assignats est grand.
Les premiers assignats affichant de gros montants, l’or et l’argent étant thésaurisés, les espèces viennent à manquer dans la population pour les échanges courants et l’État autorise l’émission de « monnaies et billets de confiance ».
La machine s’emballe, de 1790 à 1793 l’assignat perd 60 % de sa valeur. Le 8 avril 1793, la Convention décide que les prix de tous les achats et marchés conclus avec l’État doivent être stipulés en assignats. Dès les premiers jours de la Terreur, la non acceptation de l’assignat est déclarée passible de la peine de mort, les biens sont confisqués et le délateur récompensé. Le 8 novembre 1793, le directeur de la fabrication des assignats, Simon-François Lamarche, est guillotiné. Le 13 novembre, le commerce au moyen des métaux précieux est interdit.
Malgré toutes ces mesures, l’État ne peut enrayer la crise économique bien que continuant à émettre de plus en plus d’assignats pour financer la guerre. Le 30 pluviôse an IV de la République (19 février 1796), sur décision du Directoire, l’assignat est abandonné avec faste et les planches à billets, les poinçons, les matrices et les plaques, sont brûlés en public place Vendôme. Le 18 mars, l’assignat est définitivement remplacé par un nouveau billet, le mandat territorial, qui connaîtra sensiblement la même histoire. Le 4 février 1797, la monnaie sonnante et trébuchante reprit cours.
Je ne sais pas pour vous, mais ces histoires de pognon ne me passionnent guère, j’ai l’impression que nous les sans grades sommes toujours grugés par les banques … et l’État. Je préfère ponctuellement me consoler avec mon petit salé (et saucisse) lentilles !
« Extraire le minerai puis le métal, en maîtriser la forge, la fonte, en comprendre la physique, créer le motif, jouer des pleins et des creux, associer matières, effets et couleurs, d’un, faire des milliers, des millions, des milliards, échanger, symboliser, unir, conserver, classer, thésauriser, exposer … s’émerveiller ! En somme, contraindre le métal à épouser nos besoins, nos désirs, nos rêves ».
La Monnaie de Paris, sise au bout du Pont-Neuf au 11 quai Conti depuis 1775, œuvre à tout cela depuis plus d’un millénaire mais c’est au XIXème siècle que l’institution a uni deux activités longtemps demeurées distinctes : la frappe de la monnaie, activité régalienne menée pour l’État, et celle des médailles souhaitée par Louis XIV et auparavant logée au Louvre.
Pour ouvrir la visite, nous découvrons derrière une vitre une des dernières fonderies au cœur de Paris s’activant à la fabrication des fontes d’art selon deux techniques : celle de la cire perdue, connue depuis l’Antiquité, qui débute par la réalisation de l’empreinte en creux d’un objet originel, et celle récente du V-Process utilisant un procédé de moulage au sable.
Il est interdit de photographier les ouvriers au travail mais, à cette heure-ci, l’atelier est désert et les employés … à L’Assignat !
Du jour où il a maîtrisé la métallurgie, l’homme a vu dans le métal la matière idéale pour fixer et étalonner la valeur de ses biens et la valeur de ses échanges. Après avoir usé longtemps des métaux natifs tels l’or, l’argent et le cuivre, face à des besoins toujours croissants, il dut creuser de plus en plus profondément, découvrir de nouveaux métaux et le principe de l’alliage. À l’or et l’argent, s’ajoutent l’airain, l’orichalque, puis le zinc se mêle au cuivre et le nickel à l’aluminium. L’éclat et la couleur de l’un se mariant à la ténacité ou la malléabilité de l’autre, la métallurgie, après avoir été empirique, devient scientifique.
Plusieurs vitrines présentent ces différents métaux en déclinant leur histoire, leurs propriétés et en les illustrant de diverses pièces de collection. Qu’ils me semblent lointains, mes cours de physique et de chimie du lycée !
Le cuivre, le premier métal avec l’or exploité par l’homme dès le IXème millénaire avant notre ère, est aujourd’hui épuisé à l’état natif. Extrait sous forme de minerais, oxydes, sulfures et carbonates, des plus grandes mines à ciel ouvert du monde, il est encore présent dans chacun de nos euros.
Associé au cuivre, l’étain donne naissance au bronze, alliage des arts et des conquêtes. Je découvre les îles Cassitérides évoquées par Hérodote, Posidonios et Strabon. Durant l’Antiquité, on aurait exploité la cassitérite, un oxyde du minerai d’étain, en presqu’île de Cornouaille associée (abusivement ?) à ces îles mythiques.
Le nickel par son éclat constitue un métal monétaire idéal. La France en fut un producteur important avec la découverte par Jules Garnier, en 1864, de grands gisements en Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pourtant qu’en 1903, par crainte d’une confusion avec les pièces d’argent, que naît la première pièce de 25 centimes, dans la numismatique française, du sculpteur et médailleur Henri-Auguste-Jules Patey.
Dans une vitrine voisine, le zinc ramène sa fraise à juste raison, que seraient, en effet, nos médailles sans l’éclat qu’il apporte.
Par sa résistance et sa malléabilité, le bronze est l’alliage roi. Il demeure le matériau privilégié des médailles frappées à la Monnaie de Paris ainsi que des fontes qui y sont coulées. Qu’il soit qualifié de monétaire ou de florentin, nuancé de rouge ou d’or, nickelé, patiné ou émaillé, il se prête à toutes les créations.
Troisième élément de l’écorce terrestre, synthétisé tardivement, l’aluminium apporte sa blancheur et sa légèreté aux monnayages.
Le platine, le plus précieux des métaux, fut longtemps ignoré et n’acquit ses lettres de noblesse qu’à la fin du XIXème siècle. Frappé sous forme de monnaie de collection et de piéforts, il fit jeu égal avec l’or dans les années 1970-80 à la Monnaie de Paris, mais son renchérissement a mené l’arrêt de sa frappe régulière en 1987.
Petit instant d’émotion devant une vitrine où sont exposés un prototype d’un kilogramme et un mètre étalon certifiés par le Bureau International des Poids et Mesures.
Le métal fondu est sublimé par le travail du ciseleur et du patineur. Après la coulée d’une fonte, l’art du ciseleur est de limer, brosser, ébavurer et supprimer toute imperfection laissée par le moule. Il en résulte une pièce dont la « peau » encore vierge demande l’intervention du patineur qui, en la chauffant au chalumeau, dépose sur la fonte au pinceau une solution de sels métalliques pour la colorer. Grâce à ces réactifs, le patineur dispose d’une palette d’une quinzaine de couleurs allant du marron le plus clair au chocolat le plus profond, du vert le plus doux au bleu le plus intense.
La salle suivante explique l’évolution de la fabrication des monnaies, médailles, fontes d’art et bijoux au cours des siècles : la gravure sous tous ses aspects anciens et modernes, la frappe depuis l’époque du marteau jusqu’à l’ère de la presse en passant par la période du balancier.
Á travers l’exposition de médailles et de poinçons, on retrouve quelques grandes figures de l’Histoire de France. C’est parce que le portrait de Louis XVI était fidèlement reproduit sur les écus que le souverain aurait été reconnu et arrêté dans sa fuite à Varennes. C’est ce qu’on appelle gravé dans la mémoire !
Á l’étage inférieur, se dresse une allégorie de la Fortune sculptée par Louis-Philippe Mouchy. Gardienne de la bonne frappe des monnaies et de la prospérité, elle voit sa symbolique renforcée par sa présence dans l’abside de l’ancien hall du Grand Monnayage.
Derrière des vitres, on découvre le vaste atelier où sont frappés les monnaies en or et en argent et désormais les euros.
La Monnaie de Paris réalise les devises d’une quarantaine de pays, du Sultanat d’Oman, au Costa Rica, en passant par la Namibie et la Thaïlande.
Entièrement repensée lors du passage à l’euro, la force de frappe de l’institution s’est déplacée désormais à Pessac, en Gironde, dont les ateliers peuvent produire jusqu’à 1 milliard et demi de pièces par an.
Sur des plateaux, les rondelles de métal attendent de devenir ce qu’on appelle ici respectueusement monnaie. Il serait inconvenant en effet de parler de fric, pognon, pèze, flouze, blé, oseille, thune, artiche, grisbi, ces synonymes argotiques enrichissant les dialogues de films voire même leurs titres. Souvenons-nous de Touchez pas au grisbi de Jacques Becker avec Jean Gabin, de Prends l’oseille et tire-toi de Woody Allen, de Bourvil dans Le magot de Josepha. Alberto Sordi s’en prenait à L’argent de la vieille, François Truffaut réalisa avec L’argent de poche, un émouvant film sur l’enfance. Lino Ventura et Belmondo planquaient 100 000 dollars au soleil, Clint Eastwood sortait prestement son colt Pour une poignée de dollars et même Pour quelques dollars de plus ! Depuis le passage à l’euro, les bâtons et les patates ont succédé aux balles et aux briques.
Qui dit monnayage dit aussi faux monnayage, c’est-à-dire l’imitation frauduleuse de pièces de monnaie métallique ou papier. De tout temps, les autorités ont été confrontées à ce phénomène. Il n’y a pas de rédemption pour les faussaires : quelle que soit l’infraction, contrefaçon, rognage, commerce ou usage de fausse monnaie, les peines encourues ont toujours été extrêmement sévères. Longtemps, ces faits furent qualifiés de crimes de lèse-majesté. Pendant des siècles, les faux-monnayeurs subirent le terrible châtiment de l’ébouillantage avant d’être pendus. La peine de mort continua à être appliquée en France jusqu’en 1832, date à laquelle elle fut commuée en relégation au bagne à perpétuité. En 1994, l’article 442 du code pénal a classé le faux-monnayage au chapitre des crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique avec une peine d’emprisonnement maximale de 30 ans.
Le faux-monnayage a parfois été utilisé par certains pays comme une arme économique pour affaiblir des nations ennemies. L’idée était de submerger l’économie ennemie avec de la fausse monnaie afin de faire baisser la valeur de sa monnaie. Ainsi, pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis montèrent l’opération Bernhard visant à contrefaire la livre sterling et le dollar américain.
Pour expliquer la crise mondiale aujourd’hui, le prix Nobel d’économie Maurice Allais n’hésite pas à comparer les banques à de faux-monnayeurs : « Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique, je n’hésite pas à le dire pour bien faire comprendre ce qui est réellement en cause, à la création de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement condamnée par la loi. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. »
Á travers son buste en bronze et un tableau avec Louis XIV enfant, il est rendu hommage à Jean Warin illustre Graveur général des Monnaies de France au XVIIème siècle.
Dans Le Siècle de Louis XIV, Voltaire disait de lui : « Nous avons égalé les anciens dans les médailles. Warin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité, vers la fin du règne de Louis XIII ».
Si les faux-monnayeurs inspirent certains auteurs de roman policier, les trésors dont certains font partie de la collection de la Monnaie de Paris sont prétextes à de fabuleuses histoires. Cependant, derrière ce mot qui laisse rêveur, se cachent des notions historiques, archéologiques ainsi que juridiques et légales. Si sa découverte peut être fortuite, la gestion de la trouvaille et de son devenir doit être rigoureuse. En France, le découvreur se doit de la déclarer aux autorités. De 1941 à 2016, les objets archéologiques découverts fortuitement appartenaient à 50% au propriétaire du terrain les dissimulant et à 50% à leur découvreur. Depuis 2016, tout bien archéologique découvert présentant un intérêt scientifique devient propriété de l’État, un peu voleur !
En 1724, le Slot Ter Hooge, un navire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, coula à proximité de Madère, avec à son bord une cargaison de lingots d’argent et de monnaies espagnoles et hollandaises destinée aux possessions coloniales de Batavia, l’actuel Djakarta. Un plongeur anglais John Lethbridge parvint à remonter la quasi-totalité du trésor en imaginant un ingénieux caisson étanche en forme de tonneau.
Le trésor de Huê est une prise de guerre effectuée par les troupes coloniales françaises aux dépens de l’empire d’Annam en Asie en juillet 1886. Il est constitué de 62 lingots d’or, de 86 médailles d’or et de 4 barres d’argent.
Plus récemment, en mai 1938, des ouvriers démolissant un vieil immeuble parisien de la rue Mouffetard découvrirent des rouleaux de rondelles de laiton. Après examen, il s’avéra que ces 3 556 pièces d’or dataient du règne de Louis XIV et auraient appartenu à Louis Nivelle, écuyer et audiencier en la chancellerie de Paris, mort mystérieusement vers 1757. Si sa fille mentionnée dans le testament ne profita pas de son héritage, 84 heureux descendants identifiés à la découverte du trésor purent bénéficier de cette pluie d’or.
Ce n’est pas un trésor mais on peut admirer l’Ultime Franc, la toute dernière pièce de 1 franc signée du designer Philippe Starck. Tiré à 50 000 exemplaires en argent et 5 000 en or, tout partit en moins de 3 semaines. Pourtant, ce n’était pas donné, la pièce en argent était vendue 34 euros soit 223 francs, et il en coûtait 535 euros pour celle en or soit 3 509,50 francs. Quand on dit qu’un sou est un sou, ce n’est pas toujours vrai !
Les collectionneurs peuvent se procurer actuellement à la boutique une série de pièces en argent dessinées par le couturier Jean-Paul Gaultier, avec la France pour thème.
Pour entonner La Marseillaise, les coqs gaulois ont revêtu sa célèbre marinière. Jeanne d’Arc altière se dresse avec son armure à bonnets coniques, clin d’œil au fameux bustier du styliste popularisé par Madonna.
Dans la série consacrée aux provinces de France, je m’intéresse plus particulièrement à la Normandie, le pays qui m’a donné le jour : une sylphide à calot, la cuisse tatouée d’une rose majestueuse, pose devant les cabines de bains de Deauville. Chabadabada … !
Récemment, nos irréductibles Gaulois, Astérix et Obélix, avaient été réduits à l’état de monnaie, des sesterces ?
Au rayon librairie, à côté d’ouvrages érudits sur l’histoire de la monnaie, je suis à peine étonné de retrouver Le Trésor de Rackham le Rouge, une des célèbres aventures de Tintin.
Juste à côté, se dandine un autre héros de la presse de jeunesse, l’Oncle Picsou, le plus riche et le plus avare de tous les canards, symbole mythique d’une Amérique capitaliste. Toujours alerte, il fête ces jours-ci ses soixante-dix ans. Il est vrai qu’il doit se sentir à l’aise dans l’Amérique de Donald (comme le prénom de son neveu) Trump.
Je profite maintenant du doux soleil automnal pour me promener dans les cours intérieures de l’hôtel. Ce n’est pas encore le five o’clock mais, une théière géante en fer forgé, œuvre de l’artiste plasticienne portugaise Joana Vasconcelos, a investi l’une d’elles.
Elle fait en partie de l’ombre à une méridienne verticale, une sorte de cadran solaire inventé au XVIIIème siècle pour aider à régler les horloges mécaniques peu précises alors. Elle fut calculée par deux membres de l’académie des Sciences ; le père Pingré ancien maître de théologie reconverti à l’astronomie et Edmée Sébastien Jeaurat professeur de mathématiques et géomètre. Elle ne comporte qu’une ligne horaire, celle de midi.
Dans la cour d’honneur, on peut encore imaginer ce qu’était l’organisation de cet immeuble à vocation industrielle avec les différents ateliers de fabrication, fonderie, monnayage, dépôt et aussi blanchiment. Une seconde, je suis surpris qu’on pût blanchir de l’argent dans cette vénérable institution. Il s’agissait bien sûr de prendre l’expression au sens de nettoyer le métal et de donner de l’éclat à la monnaie.
Au fronton du corps central, sont sculptées deux allégories, la Bonne Foi tenant une balance et l’Abondance versant le contenu d’une corne remplie de pièces. Elles surmontent une inscription en latin : « Quas effundit opes largo bona COPIA cornu explorat certa relligione FIDES », la Bonne Foi examine avec une attention scrupuleuse les richesses que l’Abondance laisse tomber de se large corne.
Côté Seine, l’Expérience et la Vigilance sont assises de part et d’autre d’une horloge.
Á bien y réfléchir, toutes ces notions abstraites ne sont plus trop monnaie courante dans notre société !
Représentation de notre époque, la nana maison imaginée par Niki de Saint-Phalle, avec ses rotondités féminines, détone au milieu de la cour d’honneur.
Elle constitue l’une des œuvres imposantes, avec la théière, de l’exposition temporaire Women House que l’hôtel de la Monnaie consacre aux femmes dans le cadre de sa nouvelle activité artistique.
Les femmes seraient-elles vénales à ce point qu’elles trouvent refuge en ce lieu ? Mon esprit taquin s’envole vers cette scène cultissime des Tontons flingueurs où Maître Folace alias Francis Blanche lance un tonitruant « Touche pas au grisbi, salope ! ».
Bien sûr que non ! Les hommes sont d’ailleurs vivement conviés à admirer les travaux de ces artistes du sexe dit faible, cris de révolte et surtout petits bijoux ironiques face à la place qu’on leur a longtemps cantonnée dans l’espace domestique. Bonjour les stéréotypes mais, tout de même, messieurs, nous n’en sortons pas très fiers !
Les années 1970 en Europe et aux États-Unis ont été déterminantes dans l’émancipation de la femme. Pour la première fois, la maternité, l’avortement, la sexualité, l’éducation des enfants, le rôle actif de la femme sur la scène publique, ont occupé le débat politique.
Les artistes de cette génération ont dénoncé avec virulence le système patriarcal : la maison devient pour elles le symbole de l’enfermement de la femme et de sa soumission au pouvoir masculin. Avec humour, elles mettent en scène ces desperate housewives en montrant l’écart parfois abyssal entre les promesses du bonheur de la vie conjugale et la misère de la vie quotidienne.
L’autrichienne Karin Mack « rêve de repassage » en se photographiant, toute vêtue de noir, dans son rituel ménager jusqu’à s’allonger sur la planche. La mort de la femme au foyer ?
Birgit Jürgenssen habillent ses ménagères de cuisinières en guise de tablier.
Martha Rosler associe dans ses collages parties intimes de la femme et appareils électroménagers. Ainsi, fesses et poitrine s’intègrent au lave-vaisselle et au réfrigérateur.
Helena Almeida rend compte d’un sentiment d’emprisonnement en photographiant des mains sur des portes et grilles de maisons.
Rachel Whiteread a conçu un jeu d’échecs dont les pièces sont des reproductions d’objets d’une maison de poupée lui appartenant.
Á même un mur, est écrit un couplet d’une belle chanson de Camille :
La demeure n’est pas un port
La demeure la demeure la demeure
Est là où ça fait mal
Ma maison n’a pas de cœur
Ma maison n’a pas de veines
Si on essaie d’en forcer l’entrée
Elle saigne sans tache
Mon cerveau n’a pas de couloir
Mes murs n’ont pas de peau
On peut perdre sa vie ici
Car il n’y a personne
Quelques mots de Virginia Woolf tirés d’Une chambre à soi (1929) laissent une lueur d’espoir : « Car les femmes sont restées assises à l’intérieur de leurs maisons pendant des millions d’années, si bien qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice… » La maison symbole d’enfermement et d’aliénation devient une source d’inspiration créatrice pour certaines artistes.
Avec ses femmes-maisons, Louise Bourgeois imagine une association formelle entre le corps de la femme et l’architecture de la maison. La femme semble dévorée par le foyer domestique dont elle est la nourricière et le soutien.
J’avais évoqué cette artiste lors de ma visite au musée Guggenheim de Bilbao. Son impressionnante araignée qu’elle nommait Maman symbole de la mère protectrice, amusait les enfants sur le parvis du musée. Ici, quai Conti, dans la famille Araignée, c’est une de ses filles qui tisse sa toile dans la salle d’apparat Guillaume Dupré du nom d’un des plus grands sculpteurs et médailleurs français de la Renaissance.
Clou de l’exposition, elle joue la star pour une équipe de tournage d’une télévision étrangère. Elle doit être moins effrayante que sa mère car ma compagne s’est assise sans appréhension à proximité, notamment pour admirer le magnifique plafond orné d’une peinture sur toile marouflée. La fresque a pour cadre le pont d’Iéna et le Palais des Beaux-Arts lors de l’Exposition Universelle de 1889. Dans le ciel, la Paix et le Commerce survolent les Arts guidés par le Génie de la France, et les Nations participant à l’exposition.
Á l’origine la salle Dupré était un salon de réception où la Cour des monnaies tenait ses séances. Á partir de 1778, Balthasar Sage, de l’Académie des Sciences, y tint une chaire de chimie docimastique ayant pour objet de connaître la quantité et la qualité des métaux contenus dans les minerais. Puis en 1833, cette élégante salle accueillit le musée monétaire. Elle jouxte actuellement le restaurant de luxe dont le grand chef étoilé Guy Savoy a pris récemment le commandement : les hommes aux fourneaux en somme, quoique ce soit une tradition de la gastronomie française ! Ici, on ne déjeune pas dans la même catégorie qu’à L’Assignat !
Á la sortie, quai Conti, le soleil jette ses derniers feux sur la Seine. Je revois Juliette Binoche et Denis Lavant dans Les amants du Pont-Neuf. Pour les besoins du tournage, le réalisateur Leos Carax avait eu la pharaonique idée de reconstruire, vers les étangs de Lansargues près de Montpellier, un Pont-Neuf avec à ses extrémités l’ancienne Samaritaine et … la majestueuse façade de l’Hôtel de la Monnaie longue de plus d’une centaine de mètres.
Plutôt que franchir le pont, il me botte de me faufiler dans la pittoresque rue de Nevers. Cette ruelle très étroite fut percée au XIIIe siècle pour évacuer les déchets de la maison religieuse des frères Sachets et du proche collège de Saint-Denis. Fermée à chaque bout par une porte, elle s’appela rue des Deux Portes jusqu’en 1636, date à laquelle elle prit son nom actuel en raison de la présence de l’hôtel de Nevers.
Me revient en tête qu’il me faut réserver pour le spectacle de Fabrice Lucchini « Des écrivains parlent d’argent ». La Poule aux œufs d’or, la fable de La Fontaine qu’il a inscrit dans son récital, trouve parfaitement sa place dans ma visite :
« L’Avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux pour le témoigner
Que celui dont la Poule, à ce que dit la fable,
Pondait tous les jours un œuf d’or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable
Á celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches :
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ? »