Ici la route du Tour de France 1957 ! (1)

Le Tour de France ne me fait plus rêver. L’intérêt sportif est devenu affligeant de monotonie. Cachés sous leurs casques, lunettés par leurs sponsors, positionnés par les mouleurs de carbone, reliés par oreillettes à leurs directeurs sportifs, le regard vissé sur les données de leur cardio-fréquencemètre, les coureurs ont perdu leur visage et leur personnalité.
L’intérêt de la course réside souvent dans les chutes de plus en plus spectaculaires donc dramatiques. Car les maires du XXIe siècle ont été saisis d’une frénésie de construction de ronds-points, îlots directionnels, gendarmes couchés, caniveaux médians, chicanes en tous genres, qui provoquent des ravages dans le peloton.
Sans parler de dopage ou d’usage de vélos électriques, on crée, cette année, une polémique autour d’une combinaison utilisée lors du prologue contre la montre par les coureurs de l’équipe Sky. Elle provoquerait un « ajout aérodynamique » nommé Vortex, des bandes de petites billes d’air réparties sur les bras et les épaules.
Alors, chaque année, quand la grande boucle sillonne l’hexagone (et même un peu plus, le départ a été donné il y a quelques jours à Dusseldorf !), je conte pour vous les Tours de France de mon enfance, de mes sacs de billes, de mes petits coureurs en plomb, avec l’aide des brillantes plumes journalistiques de l’époque. Cela constitue d’ailleurs une forme d’hommage au talent littéraire, au-delà du compte-rendu strictement sportif, de ces derniers.
J’avais dérogé, l’an dernier, à cette tradition, sans doute avais-je ménagé mes lecteurs réfractaires au vélo après les avoir entretenu de ma visite à Castellania, le village où naquit et repose l’immense campionissimo Fausto Coppi.
Cette fois, plus qu’un demi-siècle, je vais vous plonger, soixante ans en arrière, au cœur du Tour de France 1957, ce choix n’est sans doute pas innocent, vous comprendrez bientôt pourquoi.
1957 : l’URSS lance le premier satellite Spoutnik, le traité de Rome jette les bases de la CEE, Albert Camus reçoit le prix Nobel de littérature, Sacha Guitry, Christian Dior et Humphrey Bogart nous quittent.
Et moi, j’ai dix ans !

« J’ai dix ans
Je vais à l’école et j’entends
De belles paroles doucement
Moi je rigole, cerf-volant
Je rêve, je vole
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré …

J’ai dix ans
Je vis dans des sphères où les grands
N’ont rien à faire, je vois souvent
Dans des montgolfières des géants
Et des petits hommes verts
Si tu m’crois pas hé
T’ar ta gueule à la récré … »

Des géants de la route et des petits hommes verts, j’en vois particulièrement un, dans son maillot couleur espérance Helyett-Leroux-Hutchinson, mon compatriote normand Jacques Anquetil, l’idole de ma jeunesse (je lui ai consacré plusieurs billets).
En principe, il doit effectuer ses grands débuts dans le Tour. Imbattable contre la montre, recordman de l’heure sur piste, il a gagné au printemps Paris-Nice la « course au soleil » et les spécialistes l’annoncent comme le successeur de Louison Bobet.

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C’est le sens de la couverture des magazines d’avant-Tour où l’on voit mon champion tenter d’arracher le maillot jaune à Louison Bobet triple vainqueur des Tours de France 1953, 1954 et 1955.
Lors de la parution de la revue, on ignore encore s’ils disputeront l’épreuve et dans quelle équipe. C’est encore le bon temps des équipes nationales et régionales avec les beaux maillots quasiment vierges de toute publicité (ah, le bleu nattier avec les bandes noire jaune et rouge de la tunique belge !).
« Les coureurs de valeur boudent l’équipe de France. Ce qui les intéresse, c’est de « faire leur course » quitte à gagner finalement moins d’argent que ceux qui acceptent la domestication au sein de la formation des Tricolores. C’est en somme une version moderne et sportive de la fable de La Fontaine « Le chien et le loup ».
Cet état d’esprit vient probablement de la rivalité qui oppose les coureurs de deux générations, celle des anciens dont les effectifs s’amenuisent, et celle des jeunes dont les rangs et les ambitions grossissent. On risque même d’en arriver, avec le Tour 1957, à une sorte de point de rupture entre les uns et les autres. La génération des super-cracks, des grands patrons du Tour, Bartali, Coppi, Koblet, Kubler, Ockers, Bobet, ne dispose plus que d’un représentant. Cette race des seigneurs de la route disparaît.
Bobet est le dernier maillon d’une chaîne dorée, qui a tenu bon jusqu’ici, mais qui pourrait bientôt craquer à son tour. Les coureurs de la jeune génération ont multiplié les assauts, depuis le début de la saison, pour que le suprême et non le moins valeureux représentant de cette glorieuse lignée, lâche prise, de même que tous ceux qui le soutiennent, par amitié, par intérêt ou parce qu’ils reconnaissent et acceptent sa suprématie. Mais ces offensives sont désordonnées : la nouvelle génération ne paraît pas encore avoir trouvé ses leaders, ses chefs. »
Vous constatez qu’il y a soixante ans, les cyclistes avaient déjà des velléités sinon de « marcheurs » du moins de « rouleur » pour sa propre pomme de Normandie en ce qui concerne Anquetil ! Il est hors de question pour lui qu’il se mette au service de Bobet et il envisage même un instant de courir sous les couleurs blanches à liserés rouges de l’équipe régionale de l’Ouest.
« Tout esprit de polémique mis à part, nous pensons qu’une préparation rationnelle du Normand aurait exigé qu’il fasse ses débuts dans l’équipe de France aux côtés de celui dont il pouvait le plus apprendre. Les événements ne l’ont pas voulu et l’intérêt spectaculaire du Tour 57 y gagnera sans doute. »
Les événements, c’est du côté de l’Italie qu’il faut regarder. Louison Bobet est en train de perdre le Giro pour un pipi. L’ange de la montagne Charly Gaul pose son vélo contre un arbre dans l’ascension du Monte Bondone, et soulage sa vessie. Mais Bobet et Geminiani en profitent pour lui mettre dix minutes dans la vue. Gaul, fou de rage, dresse alors un doigt vengeur vers les deux Français : « Avant d’être cycliste, j’étais garçon boucher, tueur aux abattoirs. Et je n’ai pas perdu la main ! » Le Luxembourgeois va s’acharner à faire perdre Bobet qui, pour dix-neuf secondes, ne devient pas le premier Français à remporter le Tour d’Italie, un exploit … qu’Anquetil réalisera trois ans plus tard.

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Conséquence collatérale de ce besoin naturel, Louison Bobet, très déçu, renonce à s’aligner au départ du Tour de France, ce qui résout pas mal de susceptibilités.
Antoine Blondin résume avec philosophie : « Quoiqu’il en soit, l’absence d’un favori incontestable, à la fois paratonnerre et drapeau, rassemble et confond, presse les uns contre les autres, les membres indécis du troupeau. Jamais le peloton n’aura mieux qu’aujourd’hui mérité son nom. ».
J’ai dix ans, je trépigne d’impatience, le Tour de France, c’est quelque chose à l’époque, comme Georges Duthen l’écrit dans But&Club :
« Comme chaque année, au seuil de l’été, une étrange excitation gagne tout le pays, grandes villes et hameaux, la population des plaines et des montagnes, ouvriers et paysans, hautes personnalités ou gens de modeste condition, enfants et vieillards. Nul n’échappe à cette fièvre que provoque chroniquement l’approche du Tour de France et qui ira crescendo à mesure que se développera la plus formidable épreuve sportive de tous les temps. Après un demi-siècle, ses vertus ne sont pas émoussées. Il frappe toujours autant l’imagination au point de distraire, pendant un mois, leur attention de tout ce qui n’est pas le Tour… »
Surtout, en tout cas dans ma passion égoïste, avec Anquetil le Viking de Quincampoix (village situé à vingt kilomètres de mon bourg natal) au départ de Nantes !

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Maurice Vidal inaugure sa chronique trihebdomadaire de Miroir-Sprint « Les Compagnons du Tour » par une strophe d’un poème de René Guy Cadou :

« Pourquoi n’allez-vous pas à Paris ?
Mais l’odeur des lys ! Mais l’odeur des lys !
Les rives de la Seine ont aussi leurs fleuristes
Mais pas assez tristes, oh ! pas assez tristes !
Je suis malade du vert des feuilles et des chevaux … »

Les plus anciens d’entre vous ont probablement appris dans leur jeunesse quelques œuvres de ce remarquable poète. Fils d’instituteurs laïques, il naquit en 1920 à Sainte-Reine-de-Bretagne en Loire-Atlantique et fit ses études à Nantes, ce qui justifie probablement sa présence ici. Il chanta l’enfance, le monde rural, l’amour qu’il portait pour sa femme Hélène. Durant l’Occupation allemande, ses écrits, notamment le recueil Pleine poitrine, témoignent de son soutien à la Résistance et de sa dénonciation de la barbarie nazie. Il faut lire ses poèmes Ravensbrück et Les Fusillés de Châteaubriant. Il mourut prématurément à 31 ans, un 20 mars le premier jour du printemps. Une de ses anthologies est intitulée Comme un oiseau dans la tête, moi c’est un vélo vert qui allait rouler dans mon crâne pendant trois semaines jusqu’à Paris.

1957 carte du Tour

J’ai souvent dit que la légende des Cycles avait contribué à la bonne solidité de mon « socle de connaissances » (pour employer le jargon des technocrates « pédago »). Elle m’instruisait sur le relief, le climat, l’hydrographie, la population et même l’économie de notre douce France, je m’imprégnais de la qualité littéraire de certains journalistes sportifs, quand ce n’était pas aussi une bonne révision des nombres complexes pour calculer les écarts aux arrivées d’étapes et les moyennes horaires !

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1957-06-30+-+Miroir-SprintEquipe de France au départ de Nantes

 Ça y est, le 44ème Tour de France démarre pour gagner Granville terme de la première étape. Maurice Vidal nous narre l’infortune de deux compagnons du Tour qui venaient d’effectuer la campagne d’Italie au service de Louison Bobet.
« Devant le château de la Duchesse Anne, qui n’arrive pas à être rébarbatif, malgré ses murailles à mâchicoulis, ses tours de défense cernées de douves et son énorme fossé, les coureurs cherchaient l’ombre apaisante. Les Suisses, fidèles à Calvin, s’alignaient sous l’auvent d’une Église Réformée. Les Français faisaient une cure de silence à l’intérieur d’un autocar. Les Belges parlaient flamand, les Espagnols basque, catalan ou castillan et les « Luxembourgeois » anglais, portugais, autrichien et même luxembourgeois (faute d’un nombre suffisant de coureurs du Grand-Duché, une équipe « mixte » a été constituée ndlr).
Près de la tribune d’honneur, Pierre Barbotin coulait des minutes familiales.
– Je vous présente ma femme. Des amis …
« Pierrot » était chez lui. Il y semblait bien. Partir pour le Tour, c’est mourir un peu. Mais prendre le départ sur le seuil de sa porte, c’est trop cruel.
– Bah ! Je serai vite revenu, disait-il à la ronde.
Il pensait un mois. Le soir-même, sa femme le revit. Avec des larmes plein les yeux. Car les femmes de coureur ont ceci de commun avec les femmes de journalistes qu’elles savent qu’un mari qui revient du Tour avant l’heure est un guerrier vaincu.
Claude Le Ber se trouvait dans la situation inverse. Il partait du pays voisin pour gagner le sien. L’entrée en Normandie, il entendait la claironner. Lui qui d’ordinaire représente à lui seul (ou presque) sa province, voyait cette fois son étoile pâlir du côtoiement d’un Anquetil, débutant de luxe.
Pour affirmer qu’il était encore le meilleur Normand du Tour, il partit en guerre. Hélas, il n’en revint pas.
Un deuxième homme du Giro disparaissait le premier jour… »
La victoire d’étape à Granville revint au Landais de l’équipe de France André Darrigade qui endossait donc le premier maillot jaune … comme l’année précédente.
Je connus, mon transistor à l’oreille, une légère frayeur avec la chute de « mon » champion, heureusement sans gravité.

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Maurice Vidal, encore lui, continue fort en ce début de Tour :
« Michelet a dit de Granville : « Ce lieu original de grand vent, frais, salubre et de souffle héroïque, c’est celui où se heurtèrent l’Anglais et la Vendée –depuis 93- justement nommé la Victoire. »
Eh bien, Michelet a beau être un grand historien, il s’est mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Car de grand vent, de fraîcheur, il n’y eut point. En fait de victoire, il y eut surtout une grande défaite. Quant à la bataille, elle eut lieu entre un petit Luxembourgeois qui se croyait un astre, et un astre qui n’aime pas beaucoup qu’on le regarde dans les yeux. »
La vedette de ce début de Tour de France est incontestablement l’exceptionnelle canicule qui règne sur les routes de Normandie (eh oui) entraînant des défaillances retentissantes et les dithyrambes les plus fous des journalistes. Selon les articles, le mercure monta à d’incroyables hauteurs ! Étaient-ce les prémices du réchauffement climatique qui inquiète aujourd’hui la planète ?

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Le quotidien L’Équipe ose qualifier l’épreuve dont il est l’organisateur, de … Tour crématoire !
Ce jeu de mots n’aurait sans doute pas été bien accepté trois décennies plus tard mais, pour vous rassurer, j’absous totalement son auteur Pierre Chany, l’une des plus grands plumes de la presse sportive (aujourd’hui encore, un prix littéraire portant son nom récompense, chaque année, le meilleur article de presse en langue française lié au cyclisme). En 1942, il prit le chemin des Maquis. Arrêté par des gendarmes français en décembre 1943 et emprisonné, il s’évada et rejoignit les Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Il fut décoré de la Croix de guerre et reçut quatre citations.

1957-07-01Granville

L’été est chaud sous les maillots, en particulier sous celui d’un des grands favoris, Charly Gaul, l’Ange de la montagne, qui se brûle les ailes sous le feu du soleil normand.
Je vous livre les ardents propos de Roger Bastide dans But&Club :
« Le feu du ciel s’est abattu sur le Tour de France 1957, de Normandie aux Flandres, les verdoyantes prairies du Bessin, elles-mêmes ne lui ont fait l’aumône que d’une fraîcheur purement illusoire. Le goudron brûle, crisse sous les roues, se rebiffe et postillonne sur les corps des coureurs de noires éclaboussures douloureuses. Ils en sont imprégnés de ce goudron, jusque dans leurs sourcils après la douche la plus minutieuse. On roule la bouche sèche, le regard vague, le visage ruisselant et figé. On n’arrive plus à saliver pour faire passer une banane ou une tartelette dans le gosier et l’on a soif, soif, soif … On a vu la réapparition de la feuille de chou sous la casquette ou du couvre-nuque en toile. On perce des trous dans les bouchons des bidons pour se vaporiser le visage, les bras, les cuisses et l’on se fait asperger de jets d’eau chaque fois qu’on en trouve l’occasion le long de la route calcinée. On économise l’eau de ses bidons avec une prévoyance de vieux chamelier du désert. On essaie de boire le moins possible. L’homme qui a su garder plus longtemps que les autres son thermos plein de liquide est soudain observé avec des regards assassins. On a vu des amis de vieille date sur le point de se battre pour quelques gouttes refusées. Chacun pour soi… Malheur à celui qui se laisse distancer, qui se retrouve seul : loin derrière, c’est pire que la marche des blindés de Montgomery dans le désert eut dit Pierre Brambilla qui s’y connaît pourtant en matière de souffrances vélocipédiques. Les données habituelles sont bouleversées, ce n’est plus la qualité musculaire qui intervient en premier lieu mais la volonté de durer un quart d’heure de plus que l’autre. Et l’on a assisté à des renoncements aussi prématurés qu’inattendus, à des défaillances brutales surmontées parfois avec un courage admirable. Film varié aux rebondissements imprévisibles …
Charly Gaul, l’un des grands favoris, a abandonné dans la deuxième étape Granville-Caen … »

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Voici le récit de la bataille de Briquebec par Maurice Vidal dans le magazine concurrent Miroir-Sprint :
« Avec un nom qui claque comme un coup d’arquebuse, l’air devait sentir la poudre. Nous nous étions arrêtés là, pour le site du lieu, dominé par un château moyenâgeux où les visiteurs du soir doivent secouer leurs chaînes à l’envi. Il pouvait se passer quelque chose. Ce fut le cas.
Devant, ils étaient treize échappés, et cela devait porter malheur à quelqu’un. Puis, derrière eux, juste à cet endroit, une attaque partit. Jean Bobet dit « Monsieur Frère » (de Louison ndlr) et Antonin Rolland, fidèle lieutenant de Louison, déclenchaient les hostilités.
Il serait sensationnel d’écrire qu’ils avaient vu Gaul en difficulté et que leur attaque était délibérée, vengeresse. Plus simplement, le hasard qui est un grand romancier, comme chacun sait, avait noué le drame, un drame racinien avec mort d’homme.
Donc Gaul était en difficulté. Souffrant d’une chaleur effroyable qui faisait couler (mais oui) le goudron de la route comme un camembert du pays, ne pouvant rien absorber que du liquide, il commençait à souffrir de crampes d’estomac. Il se trouvait à l’avant-dernière place.
Lorsque Jean Bobet et Rolland passèrent sur le 14 dents, il perdit d’un coup deux mètres, dans une côte ridicule. En passant sous la grande tour du château, il était perdu. Plusieurs équipiers se laissèrent alors glisser : Kemp, son ami, Ernzer, son ex-ennemi, Robinson l’Anglais. Tout de suite, Charly voulut les renvoyer.
– Allez-vous-en, je ne veux personne. Partez …
Ils restèrent jusqu’à Cherbourg. Déjà les motos-vautours ronronnaient autour du vaincu … La radio du Tour, qui a bouleversé ses habitudes, et ne laisse rien passer, répétait sans cesse :
– Allo … Allo … le 56 … Je répète … le 56… Charly … Gaul… a été décroché.
Lorsqu’il entendit cette phrase étonnante, Marcel Bidot (directeur technique de l’équipe de France ndlr) bondit dans le peloton. Gaul était vulnérable, il fallait utiliser sa défaillance pour l’éliminer. Le signor Binda fit le même raisonnement, et le señor Puig. Et bientôt, Français, Italiens et Espagnols étaient à l’attaque, sans réserve.
Et pourtant Gaul revint. À l’entrée de Cherbourg, il recolla aux dernières places du peloton. S’il avait pu monter encore, passer vers l’avant, se montrer à ses adversaires, il était sauvé. Mais la traversée de Cherbourg était difficile, malaisée, et Charly dut rester accroché à la queue du monstre.
Si bien que, lorsque vint la côte qui marque la sortie de Cherbourg, la bataille reprit. Et Gaul, l’ange de la montagne, fut lâché à nouveau …
Jean Bobet et Antonin Rolland apprirent avec surprise qu’ils avaient fait perdre le Tour à Charly Gaul. Le Giro se terminait dans la presqu’île du Cotentin !
Maintenant, Charly était derrière. Au bout de la route, il n’y avait plus rien que le bleu trop éclatant du ciel. Les roues enfonçaient dans le goudron liquide. Bientôt, Charly mit pied à terre : « Je ne peux plus … J’arrête ! »… »
Antoine Blondin y alla également de son couplet :
« L’homme au marteau n’a pas fait maigre ce vendredi. Parmi tant d’autres qui encombraient le corbillard-balai, il s’est donné une victime de choix en la personne de Charly Gaul. Escorté par Kemp et Ernzer, et reformant avec Morn, mais pour quel destin contraire, le drôle de quatuor du dernier championnat du Luxembourg, l’ancien archange des abattoirs, abattu cette fois, a connu dans un grand climat de solitude un calvaire où il n’était plus question de faire prendre une vessie pour une lanterne rouge, mais de lutter pour l’existence la plus élémentaire.
Chacun pour sa croix : celle de Charly Gaul, en or et minuscule, brimbalait autour de son cou. Elle semblait peser cent kilos et entraînait sa tête dans un dodelinement pendulaire par où il disait non et non à chaque coup de pédale.
Même ses adversaires, ou du moins désignés comme cela, s’émouvaient à ce spectacle. D’obscurs porteurs d’eau jouaient à ses côtés les soubrettes de comédie et les mouches du coach auprès de son directeur sportif. Lui les laissait se prévaloir de ces ultimes relations. Ainsi, ouvre-t-on à deux battants les portes de la maison où vont régner l’abandon et la déshérence. »
Finalement, Charly Gaul disparut du côté d’Isigny et certains firent leur beurre de son coup de pompe magistral. Le soir, Charly avait retrouvé toute sa vigueur pour s’informer auprès du personnel de l’hôtel des heures de train en direction du Luxembourg.
J’ai déjà consacré un billet sur Charly Gaul à partir du livre très personnel et même émouvant de Lionel Bourg L’échappée : http://encreviolette.unblog.fr/2015/02/11/lionel-bourg-sechappe-avec-charly-gaul/
Le champion grand-ducal accomplit ses plus grands exploits dans des conditions atmosphériques dantesques. L’écrivain Christian Laborde en brossa un portrait très lyrique dans son livre L’ange qui aimait la pluie … (et aborrhait le soleil de Normandie) !
L’abandon de Gaul mit en veilleuse la victoire à Caen et la prise du maillot jaune par René Privat, un valeureux coureur ardéchois surnommé Néné la Châtaigne, vainqueur notamment de Milan-San Remo, un des monuments du cyclisme. C’était le second succès en deux étapes d’un coureur de l’équipe de France.
André Chassaignon avoue volontiers : « Ce qui m’a le plus surpris, cependant, ce n’est pas la défaillance de Gaul, ni l’effort splendide de Privat … Ce qui m’a le plus frappé, c’est un détail extraordinaire qui en dit long sur la fascination que le Tour exerce sur le public.
Pendant la fugue de Privat, nous avons vu un champ d’avoine qui brûlait. L’écrasante chaleur, quelque imprudence de fumeur, je ne sais, avait mis le feu. De la route, on voyait une fumée grise monter vers le ciel d’un bleu insoutenable. De la voiture, on sentait l’âcre odeur des herbes brûlées. À 500 mètres de là, il y avait un village. Sur les bas-côtés de notre itinéraire, comme dans la rue, il y avait foule. Eh bien, nul ne faisait attention à l’incendie. Les gens frénétiques ne criaient pas « Au feu ! », ils criaient « C’est Privat ! Allez Privat ! … »

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René Privat nouveau maillot jaune

La razzia tricolore allait se poursuivre.
Le lendemain matin, avec sa tête, Anquetil le « chronomaître » de la spécialité, l’équipe de France remporte la course contre la montre par équipes autour de l’hippodrome de la Prairie à Caen.
La demi-étape de l’après-midi conduit les coureurs à Rouen. Ce pourrait être une formidable aubaine d’apercevoir « mon champion » en chair et en os si nous n’étions pas le samedi 29 juin et … à cette époque, nous avions classe le samedi après-midi ! Il n’était pas question de faire l’école buissonnière, surtout quand on est fils de professeur et de directrice de collège.
Rêvais-je à quoi, cet après-midi là, sur les bancs de la communale ? Je vous laisse entre les mains d’André Chassaignon :
« Le ciel est bleu ardoise. De ma fenêtre grande ouverte, car il fait une température d’étuve, bien qu’il soit près de onze heures du soir, j’ai sous les yeux le prodigieux décor formé par le Gros Horloge, la cathédrale de Rouen et l’église Saint-Ouen illuminée dont la tour couronnée hisse dans la nuit ses pinacles aigus. En me penchant, je puis apercevoir la masse sombre du Palais de Justice. Alors le Tour de France …
C’est un accordéon publicitaire qui m’y a ramené. La caravane, insensible aux beautés du gothique flamboyant, tient à faire savoir aux rouennais, même à cette heure tardive, que le Tour de France est dans la ville. Qui eut dit, moi qui déteste l’accordéon –Yvette Horner me le pardonne !- que cet instrument me rappellerait à mes devoirs. Sans lui, j’aurais profité de la douceur de l’heure et je me serais perdu dans la contemplation de ce merveilleux. Merci donc au joyeux accordéoniste.
Tout bien considéré, les Rouennais n’avaient pas besoin de ce succédané d’orchestre pour comprendre que Jacques Anquetil avait gagné l’étape. Ils étaient … ma foi, je n’en sais rien, je renonce à dénombrer le public, disons cent ou deux cent mille à le savoir. Dans les cent trente cinq kilomètres qui nous ont conduits du circuit de la Prairie (Calvados) au Pont Corneille ( Seine-Maritime), la caravane n’a entendu qu’un cri : « Il est là ! ». Cela signifiait que Jacques Anquetil caracolait dans le peloton de tête en compagnie de Privat, Walkowiak, Bahamontès, Nencini, Astrua, Christian (vous ne le connaissez pas, c’est un Autrichien annexé par la Suisse et qui est deuxième ce soir au classement général) et tutti quanti … »

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Quatre autres Jacques, frères poètes et fantaisistes de la chanson, félicitèrent Maître Jacques sur la ligne d’arrivée.
Blondin, peut-être terrassé par l’absorption de trop de boissons alcoolisées fatales sous la canicule, ne rédigea aucune chronique sur le premier succès d’Anquetil, le régional de l’étape, dans la grande boucle. Quant à moi, trouvai-je le sommeil ? Oh quelle nuit ! chantait Sacha Distel.
Cinquante ans plus tard, lors du passage du Tour 1997 à Rouen, pour marquer le dixième anniversaire du décès du champion, le quai Pierre Corneille, un Rouennais lui-aussi, fut rebaptisé en quai Jacques Anquetil. Une reconnaissance à la Pyrrhus aurait pu souffler son collègue Racine ou, pour rester en famille, son frère Thomas Corneille qui écrivit aussi une tragédie sur le roi d’Épire !

Tour 1957 Anquetil  rêve au maillot jaune1957-Entre Rouen et Roubaix

Le lendemain, c’était dimanche, jour du (nouveau) seigneur Anquetil : cette fois, avec mon père, nous pûmes aller saluer les géants de la route à Neufchâtel-en-Bray, à une quinzaine de kilomètres du domicile familial.
C’est l’occasion pour Maurice Vidal de nous concocter un article made in Normandie :
« Il paraît que c’est exactement du côté de Blangy qu’on quitte le Bocage Normand. Depuis le temps que j’eus l’âge de rêver et vous savez comme on rêve jeune, j’ai associé l’idée du repos, des vacances, de la fraîcheur à ce joli mot : Bocage. Essayez vous-même : Bocage. Vous verrez qu’en le répétant, on baigne dans la verdure. Vous êtes au milieu des prés normands qu’on ne saurait comparer à toute autre sorte de prairie. Un pré légèrement en pente, afin que le passant le voie mieux, et bordé de haies.
Les haies, voilà ce qui fait le charme et l’originalité du Bocage. Je ne sais pas si, de toutes les belles choses champêtres dont peut rêver un habitant de la banlieue ouvrière de Paris, il n’y a pas, en premier lieu, les haies qui n’appartiennent vraiment qu’aux plus belles campagnes. Derrière ces haies, il y a des pommiers, bien sûr. Presque dans chaque pré, le même nombre de pommiers.
Et sous chaque pommier, il y a, sur notre passage, une famille normande. Il ne faut pas confondre les paysans du Bocage avec ceux de n’importe quelle région. Voir un paysan sur le bord de son champ, c’est bien souvent évoquer la dureté du labeur, l’épuisant travail jamais fini, cette lutte harassante entre l’homme et les saisons, qui finit toujours de la même façon. Ici, le paysan s’appelle plutôt un fermier. Il a sans doute autant de travail, et ce n’est pas sa faute si la coquetterie de ses fermes, la douceur de ses horizons, ont si souvent inspiré les poètes et les troubadours. Lesquels, on le sait, n’ont jamais su comment poussait le blé, ou comment se fabriquait la bolée de cidre … »
Attention au cidre brut bien frais par temps de canicule ! Le sage Maurice Vidal en aurait-il abusé, il semble un peu excessif dans ses propos sur le chemin de Roubaix :
« Il faisait 50° dans le Bocage, mais enfin il y avait parfois de l’ombre. Mais, comme je vous le disais, à Blangy, on franchit un petit pont sur une rivière d’opérette qui se nomme la Bresle, et on se trouve dans le Nord. Et, par ces temps de damnation, passer dans le Nord vous a un petit air de menace qui vous fait chaud dans le dos, et ailleurs. À Abbeville, même l’église, temple de la fraîcheur, est en style flamboyant, c’est tout dire. Les chroniqueurs sportifs ont inventé l’Enfer du Nord. Mais dans le Tour 1957, l’enfer était partout. Et il faisait vraiment trop chaud. Un sirocco de panique soufflait sur la caravane …

1957-07-01+-+But+et+CLUB+-Bahamontès

… Un grand d’Espagne, nommé Miguel Poblet, était en train de rendre son âme coriace de routier. Puis c’était au tour du plus beau personnage de Romancero dont nous ait fait cadeau le sport cycliste, Federico Bahamontès le Magnifique, assommé, oh ironie ! par une boisson, ou plus exactement, par son contenant (une bouteille d’un spectateur ndlr). Où irons-nous ? Enfin, le Flamand De Bruyne, retrouvant dans le malheur le compatriote du duc d’Albe, le bourreau des Flandres, s’écroulait sur le bord de la route.
L’affaire devenait chaude ! Le combat allait-il cesser faute de combattants ? Vers l’arrière, les motos-vautours tournoyaient à l’envi. Les photographes manquaient autant de pellicules que les coureurs manquaient d’eau. Le sensationnel devenait d’une écœurante banalité.
Je sais qu’on vous a presque tout dit sur cette affaire. Mais il faut bénéficier du recul du temps pour comprendre que nous avons vécu là un grand morceau d’anthologie de ce Tour de France qui n’est pourtant pas avare de sensations. C’est Chaillot qui nous disait :
– Quand nous en serons à suivre notre 30ème Tour de France et que nous dirons aux journalistes débutants : en 1957, le thermomètre est monté jusqu’à 60°, et nous avons vu ce que nous avons vu, ils nous plaindront comme on plaint toujours les vieux confrères qui commencent à radoter.
Et c’est vrai. Un autre journaliste m’a dit :
– J’ai vu De Bruyne écroulé, les yeux blancs, près de l’abandon. Puis, après le ravitaillement, je l’ai vu exploser. Et quand je dis exploser, j’entends qu’il ne fallait pas d’allumette enflammée dans le secteur. Il y a ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Il y a les poètes et les matérialistes. Il y a l’Évangile du cyclisme selon Saint Jean, et selon Saint Thomas qui ne croyait que ce qu’il avait vu, et encore …
Je me refuse de me placer, puisqu’aussi bien mes fonctions dans la course ne sont pas de vérifier ou d’affirmer, mais de livrer des impressions ; et s’il fallait choisir, je choisirais de croire. Je ne pense pas que lorsque je serai vieux, je dirai :
– Ce jour-là, la chaleur était si forte et les hommes si déprimés que plusieurs champions ne durent leur salut qu’à l’absorption de stimulants.
Je dirai, et les années passées, qui donnent tant d’indulgence et de poésie, pour le monde avec moi :
– Le 30 juin 1957, nous avons vécu l’une des plus terribles journées du Tour. Et les exploits que nous avons vus sont à peine croyables.
Tant il est vrai qu’il faudra prendre certaines précautions oratoires pour commencer leur récit. »
Antoine Blondin, qui a retrouvé toute sa verve, pastiche la scène du balcon de Cyrano de Bergerac pour illustrer la résurrection de Fred De Bruyne qui, miraculeusement ramené dans le peloton par son fidèle coéquipier Désiré Keteleer après des heures d’alternatives et de fortunes diverses, va s’envoler de ses propres ailes enfin retrouvées et terminer l’étape à la dixième place :

(De Bruyne, hagard, se laisse aller en roue libre au moment où il allait recoller à la course)

DE BRUYNE
Ami, je n’en puis plus ; déjà, dès Quincampoix,
Le goudron sous mes roues collait comme la poix.
Est-ce encore loin Roubaix ? Je ne sais où nous sommes.
KETELEER
Accroche-toi, morbleu ! Nous sommes dans la Somme.
Et, au bout de la Somme, il y a l’addition
Nous les ferons souffrir, sitôt que la jonction
Sera chose accomplie. Le grimpeur de Tolède,
Bahamontès …
DE BRUYNE
Quoi donc ?
KETELEER
Vois : il appelle à l’aide !
DE BRUYNE
Mais la côte, jamais je ne la gravirai,
Doullens des douleurs …
KETELEER
Ça, Fred, on me l’aurait dit …
Monte à ta main, te dis-je, regarde Lauredi,
Mets ta casquette, bois, respire un bon coup, monte !
DE BRUYNE
J’ai les jambes en coton …
KETELEER
Il n’y a pas de honte.
Prends ma roue, je serai pour toi un bouclier …
(À ce moment, De Bruyne, qui est entré dans le peloton, passe en tête, accélère et s’enfuit …)

Au vélodrome de Roubaix où s’achève traditionnellement la grande classique Paris-Roubaix, c’est un autre belge Marcel Janssens qui l’emporte. René Privat conserve son maillot jaune.

Tour 1957 Keteleer et De Bruyne blogTour 1957 Janssens à Roubaix blog

Tour  1057 Hollenstein canicule blog

La canicule a fait des dégâts. Il ne reste à Roubaix que 89 coureurs sur les 120 qui ont pris le départ à Nantes, quatre jours plus tôt.
« Depuis un bon moment, le ciel devenait jaune soufre et gris fer. L’orage qui s’annonçait fut d’un romantisme à ravir Chateaubriand, grand amateur de ces phénomènes naturels. » L’étape suivante entre Roubaix et Charleroi, outre qu’elle fut excessivement animée, connut son premier orage au point que Blondin intitula sa chronique du jour La saucée des géants.
L’équipe de France engrange de nouveaux succès. L’étape revient au Lorrain Gilbert Bauvin second du Tour de France précédent derrière l’inattendu mais néanmoins valeureux Roger Walkowiak. Et, vous imaginez mon indicible joie, Anquetil endosse le premier maillot jaune de sa carrière. Quel bel été !
André Chassaignon choisit, pour rendre hommage à mon champion, un angle surprenant :
« Je sens que vous allez me demander si Anquetil –qu’il est beau garçon, dans son maillot jaune tout neuf !- va gagner le Tour de France. Je vous répondrai que je n’en sais rien. Je vous livrerai seulement un détail minuscule, duquel vous tirerez telles conclusions qu’il vous plaira. La Belgique est un pays à tramways et les rails de tramway, on le sait, sont la terreur des cyclistes. Il y en avait beaucoup sur la fin du parcours, histoire de compliquer encore un peu la tâche des coureurs. Lancé à cinquante à l’heure, sous l’orage, dans « l’enfer du Hainaut » après 160 kilomètres d’échappée et l’ascension du Mur de Grammont –que certains concurrents ont terminée à pied- Anquetil prenait la précaution de tendre la main, droite ou gauche, selon le cas, pour signaler aux motos d’escorte qu’il allait prendre un rai de biais. Je ne sais pas si vous concevez ce qu’il faut de présence d’esprit pour songer à assurer ainsi sa sécurité, alors qu’on est en plein effort. Je vous avoue que c’est par là que Jacques Anquetil m’a le plus étonné aujourd’hui. »

Tour 1957 Mur de Grammont blogTour 1957 Anquetil en jaune blog

Le lendemain, en direction de Metz, le Tour fait un sacré clin d’œil à la poésie et l’Histoire. Quand je vous affirmais que le cyclisme cultivait les gamins qui s’y intéressaient de près, voici pour preuve un extrait de l’article d’André Chassaignon … :
« Mon cœur a balancé toute la journée entre les poètes et les militaires. Nous avons traversé la forêt d’Ardenne, chère à Shakespeare, Charleville, ville natale d’Arthur Rimbaud, et sonnes arrivés à Metz en passant sur le circuit terminal devant la maison de Verlaine, statufié en buste quelques dizaines de mètres plus loin à l’ombre du mirador d’arrivée. Je le signale à regret : ni Trochut, ni Lauredi, ni Bertolo et pas davantage Christian ou le peloton ne levèrent la tête pour déchiffrer l’inscription en lettres d’or sur une plaque de marbre : « Ici naquit Paul Verlaine ». Ils ne pensaient qu’aux sprints.
Cette indifférence à la poésie m’incline à traiter plutôt l’aspect militaire de cette étape. Aussi bien, Verlaine était-il fils d’officier. Et si Rimbaud a une réputation d’antimilitariste bien établie, l’armée la lui a pardonnée en faveur du « dormeur du val ».
Rocroi, Sedan, Bazeilles, Metz … Comment n’aurions-nous évoqué les heures de triomphe et de tristesse de nos bataillons ? Imaginez-vous arrivant sur les hauteurs de Rocroi par un beau matin ensoleillé. Nous sommes le 19 mai 1643 ou le 2 juillet 1957, la date importe peu. Marcel Bidot (directeur technique de l’équipe de France, je rappelle ndlr), notre grand Condé, mérite une fulgurante victoire sur les Impériaux. Il a dormi sur son affût de canon et rêve de tapisser le Parc des Princes des drapeaux pris à l’ennemi. Feu à volonté sur l’Espagnol ! Justement, Bahamontès a pris la route verdoyante du Bois Bruly pour quelque col pyrénéen aux frais ombrages.
« Restait cette redoutable infanterie espagnole ! » se fût écrié Bossuet. Le panégyriste funèbre de Marcel Bidot devra chercher une autre image. On ne reverra plus Bahamontès de la journée…
Faute d’Espagnols, il faut trouver d’autres Impériaux. Les Italiens feront parfaitement l’affaire en l’occurrence. En attendant qu’ils se manifestent, le grand Condé –pardon, le grand Bidot- donne l’ordre au sergent Bouvet de repartir à l’assaut des places perdues la veille par un regrettable manque de liaison entre la troupe et le train des équipages. Le sergent Bouvet obtempère. Il est accompagné du 2ème classe Trochut, avec un t à la fin, ce qui le différencie du général dont le nom évoquait pour Victor Hugo le participe passé du verbe trop choir… »
Je passe le relais à mon vénéré Antoine Blondin qui intitule sa chronique Quatre de l’effronterie :
« Les régionaux sont, à la fois, les territoriaux et les légionnaires du Tour de France. On les veut folkloriques et aventureux, ce qui, à première vue, paraît peu compatible. On leur souhaite tour à tour l’esprit d’entreprise et l’esprit de clocher, ce qui, au bout du compte, fait beaucoup de vertus.
Je pense, d’ailleurs, qu’il faudra peut-être, un jour, leur chercher un autre nom, qui ne rende pas cette nuance imperceptible de restriction attachée à leur étiquette et fasse sonner plus haut leurs mérites de baroudeurs.
Depuis belle lurette, leur rôle, au répertoire, excède celui d’une tournée de province. Ils ont donné à l’épreuve son plus récent vainqueur (Roger Walkowiak n.d.l.r) et ont souvent mené la partie en d’autres occasions.
Cette année, pourtant, l’emprise en forme de couvercle que l’équipe de France fait peser sur la course ne leur avait pas permis jusqu’ici de se livrer à ces raids de commandos où ils excellent par tradition. Leur butin se soldait par quelques fourragères glanées par-ci par-là, aucune citation.
Aussi bien, la pente de nos esprits était telle que l’échappée du jour, groupant quatre « régionnaires », venus d’horizons différents, nous sembla, tout d’abord, une incongruité assez impudente, commise par des champions sortis du rang à la barbe des adjudants de semaine, ou d’une semaine…
… Sur le paysage truffé de casemates, de fortins et de cantonnements, où le nom de Sedan tintait comme un glas, où celui de Bazeilles claquait comme le fracas des dernières cartouches, l’âme de 1870 planait. La circonstance appelait un exploit de la part des francs-tireurs, que sollicitait à partir de Charleville l’ombre deux fois insaisissable d’Arthur Rimbaud, ancêtre de tous les francs-tireurs du monde, sur les lieux mêmes de ses vagabondages aux bords de Meuse.
C’est vraisemblablement pourquoi, après quelques escarmouches menées par un bataillon de chasseurs de fric, la visière tournée en protège-nuque, Lauredi, Bertolo, Groussard et Trochut s’emparèrent effrontément de la clé du champ de tir et s’élancèrent à travers la nature, avec, dans le regard, cette lueur de meurtre, et sans doute de Moselle, qui trahit la détermination des hommes aux abois.
Que Trochut, suivi d’un seul Groussard qu’il aimait entre tous, ait triomphé à Metz, cette issue possède la saveur unanimement appréciée d’une revanche sur l’histoire.
Il convient, en effet, selon toute probabilité, de considérer Trochut, hier encore inconnu, comme une réincarnation subite de Louis-Jules Trochu, général français devenu gouverneur militaire en 1870, avant la capitulation de Sedan. Ce phénomène est fréquent chez les généraux qui partagent avec les criminels le besoin irrésistible de revenir sur les lieux de leurs exploits. Toutefois, à l’inverse de ces derniers, il s’agit dans le cas des généraux en général et de Louis-Jules en particulier, de rectifier le fait accompli. À cet égard, la victoire de Metz, sans l’effacer complètement, atténue dans une large mesure l’outrage de Sedan.
D’autant plus que le général a obtenu, cette fois, la prime du plus combatif. Ce sont des rencontres qui ne s’observent pas tous les jours. »
Superbe chronique dédiée à ces coureurs des équipes régionales, ces sans-grades chers au bon peuple de France, qui animaient les étapes, et l’emporter parfois. Ainsi pour sa vaillante conduite au feu, le deuxième classe Trochut fut promu général d’un jour à Metz. Comme son presque homonyme, le participe passé … !

Tour 1957 Trochut à Metz blog

Les coureurs régionaux allaient encore être à l’honneur entre Metz et Colmar, comme en atteste L’après-midi d’un foehn vu par le même Blondin :
« Ce vent chaud qui soufflait sur la plaine d’Alsace prenait à revers les croupes moelleuses des Vosges, pillait l’haleine des sapins pour la porter dans d’intimes vallées, c’est le foehn, vent de terre, véhicule de légendes, qui par extraordinaire était précisément en train d’en dissiper une : celle du plus fantasque de nos champions, sorte de faune athlétique qu’on voit volontiers sauter d’un peloton à l’autre, avec, entre les dents, cette canette de bière qui est la flûte de Pan des coureurs déliés.
Roger Hassenforder n’est pas venu au monde par génération spontanée, on s’en doutait un peu, mais on ne voulait pas y croire : il y a, chez cette force de la nature, du cataclysme et du virus filtrant. Il bouleverse et il empoisonne du moins ses concurrents. Depuis ce soir, nous savons qu’Hassenforder procède de parents comme tout le monde et, que par surcroît, cet enfant terrible est un bon petit. Nous connaissons son papa, qui est venu le quérir au vélodrome dans un climat de fête de famille, couvant ce fils prodigue avec une sollicitude de père de l’Écriture, rendant à ce garçon d’avenir toutes les racines de son passé, un terroir. L’image d’un Roger Hassenforder, dégustant le veau gras sous la lampe, déconcerte. Elle a pourtant été patiemment espérée et conquise durant toute cette journée par un homme de parole.
La fièvre de Malt, qui s’est emparée de la caravane, aux abords de la brasserie de Champigneulles, était à peine conjurée, qu’un double souci partageait l’opinion. Les techniciens se demandaient si le petit archet, Nicolas Barone, allait détrôner l’impérial Anquetil, les sentimentaux s’attachaient davantage encore à la gageure tenue par Hassenforder d’une nouvelle victoire d’étape dans son fief … »
Maurice Vidal, plus détaché, a une vision sociale de l’étape :
« À Metz, un homme me disait : « Tout le monde plaint les coureurs parce qu’il fait chaud. Mon père, lui, a dit que tous les jours, les cantonniers, les terrassiers et tous ceux des travaux publics travaillaient huit heures par jour et plus en plein soleil, et il n’y a personne pour les plaindre ou pour trouver qu’ils font un exploit. »
Donc Hassen a gagné, en franchissant deux cols que, placés dans une autre région, il aurait passé en soixantième position.
C’était un coureur plein de panache, extrêmement populaire pour ses facéties et son extravagance. J’en parle au passé, pourtant, à l’heure où j’écris, à 87 ans, il coule sans doute une retraite à Kaysersberg, pittoresque village de la route des vins d’Alsace, où il tint longtemps un restaurant renommé. J’y ai contracté la fièvre du malt à la terrasse !

Tour 1957 Metz-Colmar blogTour 1957 Vers Colmar blogTour 1957 Vers Colmar blog 2Tour 1957 Vers Colmar blog 3

L’autre héros du jour est un gamin de Paris Nicolas Barone, de l’équipe d’Ile-de-France, qui a profité des circonstances de course et d’une échappée dite « bidon » pour s’emparer de la tunique bouton d’or.
Tout le monde était satisfait dans la caravane, y compris Jacques Anquetil, ravi d’être débarrassé temporairement de ce lourd fardeau qu’est un maillot jaune. Le gamin que j’étais, pas encore rompu aux subtilités de la stratégie de course, appréciait sans doute moins.

TOUR 1957 Barone blog1

Tour 1957 Barone rires blogTour 1957 Barone larmes blog

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas :
« Nous traversions la vallée du Doubs, ensoleillée mais fraîche au regard avec ses grands massifs de verdure, ses paysages que Courbet a peints – nous sommes passés à peine à 40 kilomètres d’Ornans- ses larges cirques boisés, ses éperons rocheux, couronnés d’arbustes sauvages. Nous allions vers Besançon. Vous m’attendez à Victor Hugo. J’y viens. Mais ce n’était pas au fameux poème des Feuilles d’Automne : « Ce siècle avait deux ans… Alors dans Besançon, vieille ville espagnole » etc …, que je pensais. C’était à une pièce tout aussi fameuse que j’appliquais à Nicolas Barone : Tristesse d’Olympio.
Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques ;
Il rêva jusqu’au soir ;
Tout le jour, il erra le long de la ravine,
Admirant, tour à tour, le ciel, face divine,
Le lac, divin miroir !
Hélas ! se rappelant ses douces aventures,
Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures
Ainsi qu’un paria,
Il erra tout le jour vers l’heure où la nuit tombe,
Il se sentit le cœur triste comme une tombe …
Le pauvre Nicolas était dépossédé de son maillot jaune ! Il l’avait conservé une nuit et deux heures. »

Tour 1957 Vers Besançon blogTour 1957 Forestier à Besançon blog2Tour 1957 Vers Colmar ou Besançon blogTour 1957 Forestier blog

À Besançon, vieille ville espagnole, c’était un Italien Pierino Baffi qui l’emportait. La toison d’or revenait dans le bastion tricolore, sur les épaules d’un discret mais très valeureux champion, le Lyonnais Jean Forestier. À 86 ans, il est le le doyen des vainqueurs de Paris-Roubaix encore en vie. Il compte aussi à son palmarès un Tour des Flandres et deux Tours de Romandie.
Pour ce qui est du Tour de France que je vous narre, les suiveurs estiment qu’il peut faire un solide maillot jaune … Euh … !
L’étape suivante mène les coureurs de Besançon à Thonon-les-Bains via Morbier et Gex, un prétexte suffisant pour en faire un fromage :
« La vierge de Pilar est un des personnages les plus sollicités d’Europe. Elle figure dans un nombre considérable de jurons et fait des heures supplémentaires les jours de corrida. La légende veut qu’un liquide jaillisse surgisse de sa poitrine lorsque survient la catastrophe ou l’imprévu. Les statues de Castille ont dû ruisseler hier après-midi, sur le coup de 2 heures, quand Federico Bahamontès a mis pied à terre en lisière d’un bois où une famille jurassienne menait tranquillement sa partie de campagne. On n’a pas toujours l’aubade d’un aigle de Tolède choisissant votre nappe en matière plastique pour venir s’y rouler entre la poire et le fromage. Cet étonnant intermède dans le pique-nique dura exactement vingt minutes, le temps d’apprêter un taureau pour la mort, et laissa derrière soi un gazon ravagé, où les ampoules des flashes photographiques craquaient sous les pas comme des coquilles d’œufs.
Le Tour de France est aussi grand par ce qu’il élimine que parce qui le nourrit. Ses déchets sont sublimes. La disparition de Bahamontès s’est déroulée avec la verve un peu déchirante d’un sketch de Chaplin …
Depuis quelque temps, Bahamontès tenait son guidon d’une seule main. Le bras gauche replié dans le dos à la hauteur des reins, il circualit à travers le peloton, se penchait sur Bauvin pour alimenter une détermination dont le sens nous échappait. Brusquement, il quitta la route, s’affala sur le bas-côté, cassant net la caravane dont les véhicule se télescopaient. Madame, une femme de fort tonnage, était déjà sur les lieux, sa timbale à la main, chavirée de solitude maternelle et de rosé d’Arbois. Monsieur, plus circonspect, venait par-derrière avec le sourire partagé d’un père tranquille qui accueille un parachutiste tombé dans la soupière. Alors les photographes s’abattirent en nuées de sauterelles, à leur tour reléguées par l’ensemble de la communauté ibérique explosant dans le vide à grand renfort d’exclamations et de claques dans le dos, dont les échos devaient se propager jusqu’à Besançon, vieille ville espagnole. Cependant, le peloton était encore en vue et Bahamontès gigotant comme un forcené, fut empoigné sans façon sous les aisselles et remis sur son vélo.
« Ah ! Federico, tu n’as perdu qu’une minute. »
Bahamontès se laissa retomber sur l’herbe avec conviction et le cercle de famille se referma sur lui.
« Vous voyez bien qu’il manque d’air. Il va étouffer. »
Noblement, un petit hidalgo dépouilla sa chemise et commença de l’agiter sous le nez du gisant en lui imprimant le mol balancement que les matadors mettent dans la muleta. Bahamontès se dressa à quatre pattes sous une rafale de « Olé ! » et de « Vamos ! », et Luis-Puig, son directeur technique, interprétant ce geste pour un gage de bonne volonté, se prit à parler tendrement à l’oreille de son coureur :
« Anda, Fede ! Tu n’as que cinq minutes de retard ! »
Federico darda vers l’autre un regard haineux et détacha sa montre de son poignet pour la ranger dans la poche de son maillot. Il entendait par là qu’il entendait se situer hors du temps d’un monsieur comme Luis-Puig, échapper à l’obsession rongeuse du chronomètre, rentrer dans la vie civile. Désormais, chacun de ses mouvements, sournois, vicieux, têtus, allait tendre à s’enfuir, à gagner ne fût-ce que quelques centimètres dans la direction où vivent les êtres normaux et quotidiens, à se blottir, pourquoi pas, dans le giron de cette dame, accueillant comme la Terre promise. Le grimpeur ailé s’en allait en rampant. Madame comprit sans doute cet appel, car elle lui lança son mouchoir, un mouchoir roue, à la fois signal et trophée.
« Me cago en la leche ! » dit simplement Luis-Puig, en faisant mine de se désintéresser de la question. Bahamontès en profita pour retirer ses chaussures. Le chauffeur de la voiture se précipita pour les lui remettre de force. Bahamontès, avec l’œil d’en dessous d’un gamin en maison de redressement qui s’apprête à étrangler sa bienfaitrice, les subtilisa derechef et les glissa sous ses fesses.… »
J’écourte … Un de ses équipiers « Moralès, au faciès de braconnier, fut plus expéditif. Il ceintura Bahamontès en lui criant :
« – Pour ta femme !
– Non !
– Pour l’Espagne !
– Non !
– Pour Franco !
– Non ! … »

1957-07-08+-+Miroir-Sprint+-+N°579A+-+05

Rien n’y fit, d’ailleurs, il n’aurait plus manqué que cela après la dernière injonction ! Son directeur sportif eut beau l’insulter avec toutes les étonnantes ressources de la langue espagnole, l’Aigle de Tolède replia ses ailes définitivement. Même si j’avais de la sympathie pour ce champion (Jean-Louis Murat lui dédia une chanson plus tard), ce n’était pas pour me déplaire. Après Charly Gaul, c’était un autre exceptionnel grimpeur, susceptible de poser des problèmes à Anquetil en montagne, qui abandonnait.
Mieux encore, Jacques s’est extrait du peloton à Morez et a rejoint une dizaine d’échappés qu’il règle au sprint à Thonon-les-Bains. Il reprend ainsi près de 11 minutes et se replace immédiatement derrière son équipier Forestier au classement général.

Tour 1957 Pellos La chasse est ouverte

Je vous sens las ! Ça tombe à pic, c’est journée de repos au bord du lac Léman. On se retrouve dans le prochain billet pour la traversée des Alpes ?

Publié dans : Coups de coeur, Cyclisme |le 7 juillet, 2017 |3 Commentaires »

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3 Commentaires Commenter.

  1. le 12 juillet, 2017 à 11:11 Peureux Alain écrit:

    Merci beaucoup Jean-Michel, pour cette magnifique synthèse avec tout ce travail de recherche et des documents rapportés
    Où se trouve la nostalgie ressentie : est-ce une partie de l’authenticité du Tour perdue depuis ou de voir notre jeunesse rejoindre doucement le peloton de queue ?
    Peut-être les deux à la fois.

    Bises
    Alain

    Répondre

  2. le 2 septembre, 2017 à 18:47 JPLP écrit:

    Après les vacances, je profite de mes premiers jours de… retraite pour venir vous rendre une petite visite. Quel régal, comme d’habitude, de vous lire, de retrouver les grandes plumes du Tour de France et les photos de Miroir Sprint et de But et club. Ah ! les belles photos … Si je partage votre sentiment sur les Tour de France d’aujourd’hui, je rajouterai un grief : l’indigence des commentaires et interviews dans les journaux sportifs (Pour la télé, je suis plus indulgent : comment ne pas raconter des banalités quand on reste à l’antenne 7 ou 8 heures ?) où il est plus souvent question de « Watts », de « Cardio » et de tout un fatras d’anglicismes (Les « rookies », les « finishers »…) Quelle horreur. Pourtant et malgré tout, je continue à m’intéresser au Tour de France, j’achète L’équipe tous les jours pendant le Tour : la part du rêve et de l’enfance sans doute. Bien amicalement.

    Répondre

  3. le 26 avril, 2019 à 12:19 Henri Roussel écrit:

    Je partage les avis dèjà exprimés sur ce document riche en photos et textes. Moi qui cherchais une documentation sur le Tour de France pour le présenter aux amis anglais de notre jumelage, je suis comblé. J’ai de quoi faire un quizz mais bien au delà, de quoi montrer que le Tour est un élément de la culture française… Et comme le Tour est dominé ces dernières années par les anglais de l’équipe Sky de quoi montrer qu’il entre aussi dans la culture britannique!…
    Bien amicalement

    Répondre

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