Archive pour juin, 2017

Hardi les gars (… et les filles) ! Cap vers le Finistère nord (2)

Pour prendre connaissance de la première partie de la promenade :
http://encreviolette.unblog.fr/2017/06/14/hardi-les-gars-et-les-filles-cap-vers-le-finistere-nord-1/

C’est bien sympathique de partager le petit déjeuner dans la salle à manger rénovée avec un goût affirmé par les propriétaires de notre chambre d’hôte. C’est tellement plus convivial qu’une salle de restaurant d’hôtel !
En cette période d’élections, il me revient que sous son règne, notre ancien président faux aristocrate Valery Giscard d’Estaing avait condescendu à se rapprocher du bon peuple en invitant, un matin de Noël, les éboueurs de l’avenue Marigny, à abandonner leur benne pour venir prendre le petit déjeuner à l’Élysée. Il ne renouvela pas cette initiative jugée populiste et un tantinet surréaliste.
Avec mon café, pain au chocolat, confitures et beurre évidemment salé, me sont servies les nouvelles toutes fraîches dans le Télégramme le principal quotidien régional après Ouest-France. S’il y a du bruit dans Landerneau ce matin, il émane des accusations visant la figure politique locale Richard Ferrand, tout récent ministre « marcheur » de la Cohésion des territoires (et désormais ex !)) en lice aux élections législatives non loin d’ici à Châteaulin sur les bords de l’Aulne.

Pont_de_Térénez

L’Aulne est un fleuve côtier qui, dans son cours médian, coïncide avec un tronçon du canal de Nantes à Brest.
Au XIXe siècle, les péniches chargées de sable à destination des cultivateurs du Centre Bretagne remontaient la rivière et descendaient au retour ardoises et produits agricoles. Des « vapeurs » transportant passagers et marchandises effectuaient des rotations régulières entre Port-Launay et Brest avec une escale à Landévennec.
Je franchis bientôt l’Aulne en empruntant le pont de Térénez, ouvrage d’art aux lignes futuristes qui lui donne, à moindre échelle, un faux air du viaduc de Millau. Il constitue un élément essentiel de désenclavement pour la presqu’île de Crozon si l’on ne veut pas faire un détour d’une cinquantaine de kilomètres.
Quelques kilomètres plus loin, un belvédère offre le spectacle de la rencontre de la rivière avec la mer. « Rejoignant la rade de Brest, l’Aulne termine ici sa course par un majestueux méandre. Comme pour mieux saluer un pays que l’on ne quitte qu’à regret … » nous précise un panneau didactique. La quiétude du lieu, abrité des vents, et la profondeur des eaux n’échappèrent pas à la Marine qui, très tôt, s’intéressa au site.

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Vers 1840, fut créée ici la Station Navale visitée par Napoléon III et l’Impératrice Eugénie lors de leur voyage d’août 1858 en Bretagne. Ce site accueillait les bateaux en réserve (jusqu’à 200 marins) qui procuraient une prospérité exceptionnelle aux commerces de Landévennec, le bourg voisin.
Dans les années 1950, la Réserve transforma cette zone de mouillage en un cimetière de navires. Pour bon nombre d’entre eux, c’est l’ultime escale précédant le chantier de démolition ou l’ « océanisation » en haute mer pour les exercices de tirs de la Marine Nationale.
Encore quelques centaines de mètres d’une descente abrupte pour rejoindre, l’abbaye de Landévennec. J’ai toujours eu une estime particulière pour les moines qui, outre de fabriquer des fromages, des bières artisanales et de concocter quelques liqueurs (!), avaient le chic pour trouver leur paix intérieure dans des sites exceptionnels. Chapeau, ou plutôt, tonsure monsieur Guénolé qui, en 485, choisit de s’installer à l’endroit où l’Aulne communie avec l’Atlantique !

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Puisqu’il se présente devant moi, je prie saint Guénolé de pardonner les exactions de mes ancêtres vikings qui pillèrent et incendièrent le monastère en 913. Les religieux d’alors durent s’enfuir des lieux avec les reliques du saint pour se réfugier à Montreuil-sur-Mer. L’abbaye fut entièrement reconstruite entre la fin du XIe et le milieu du XIIIe siècle. Elle fut abandonnée en 1793, conséquence encore de la Révolution française. La communauté compte actuellement une vingtaine de frères bénédictins.
« C’est un lieu extrêmement agréable, exposé au soleil, inaccessible à tous les vents sauf un peu le vent d’Est, comme un paradis tourné vers le soleil levant, le premier tous les ans à pousser ses fleurs et ses bourgeons, et le dernier à perdre ses feuilles » écrivait un moine du IXe siècle.
Les ruines de l’ancien monastère ne peuvent être visitées ce matin mais par contre, on a accès à la nouvelle abbaye édifiée entre 1950 et 1965 et au musée. Je n’ai pourtant pas abusé de chouchen en ce début de matinée mais ce sont cinq saint Guénolé en bois polychrome qui surgissent devant moi.
Au village, un peu plus bas, la quiétude et un certain art de vivre ont gagné les habitants et, j’ajoute même, presque les touristes. L’épicerie municipale propose des produits locaux. À l’enseigne Ancrages (ou Encrages ?) d’un café librairie, tout un symbole (la grand-mère et l’arrière-grand-mère de la patronne étaient natives de Landévennec), on peut déguster un petit noir tout en feuilletant des vieux livres et des journaux anciens.

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L’église du XVIIe siècle possède son cimetière marin. Les tombes disposées en espalier sont tournées vers l’océan. Le portail de l’enclos paroissial est surmonté d’une niche avec une Vierge à l’enfant assez moderne.
Ici, on est tellement accueillant que la lumière s’allume dès que l’on pousse la porte de l’église. Le regard est immédiatement attiré par un immense tableau de la Cène qui se trouvait, à l’origine, dans le réfectoire de l’abbaye. Une autre toile représente saint Corentin devant la cathédrale de Quimper, au premier plan un seigneur coupe en deux le poisson du saint. De manière presque enfantine, une ancre de bateau, un poisson et un crabe posent dans un vitrail.
Je comprends qu’un couple d’amoureux enlacés ait choisi ce petit havre de paix.

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Je m’enfonce maintenant plus avant dans la presqu’île de Crozon qui doit son nom à son bourg principal. Située à l’extrémité Ouest de la Bretagne, très reconnaissable sur une carte avec son tracé en forme de croix, elle est entourée par la mer sur trois côtés : au nord, par la rade de Brest, à l’ouest par la mer d’Iroise et au sud par la baie de Douarnenez.
Jusqu’à ce matin, je pensais que notre École Navale nationale était située à Brest. Ce n’est pas tout à fait exact, je découvre qu’elle est précisément basée au lieu-dit du Poulmic à l’entrée de la commune de Lanvéoc. Détail cocasse, un feu clignotant signale la possibilité de passage … d’avion. C’est sans doute pour éviter que nous soyons effrayés par le vacarme et le déplacement d’air lors des manœuvres des impressionnants hélicoptères de la BAN (base d’aéronautique navale) affectés à la sécurité maritime.
Un peu plus loin, nous apercevons en contrebas sur la côte les vestiges de l’ancien appontement pétrolier construit sous l’occupation allemande. J’apprends que ces sortes de gros blocs de béton destinés à amarrer ou appuyer des navires s’appellent duc-d’Albe, le terme provenant de Ferdinand Alvare de Tolède, troisième duc d’Albe, qui accrochait ses embarcations à des pieux.
À l’abri des regards, s’étend l’île Longue, une presqu’île en réalité, base ultra secrète, élément central de la dissuasion nucléaire française avec entrepôt de missiles et sous-marins.
Entre rade et lande, les échappées sur la côte sont si apaisantes que nous en oublions que le pays est sous état d’urgence.

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Nous parvenons bientôt par une route digue entre mer et étang au charmant port du Fret. Quelques vieilles coques échouées témoignent d’une activité de pêche révolue.
Cependant, hors la plaisance, Le Fret offre encore des liaisons à travers la rade entre Brest et la presqu’île. À la fin du XIXe siècle, c’était chic de la part des bonnes familles de Brest d’embarquer sur les vapeurs jusqu’au Fret puis aller en villégiature dans les hôtels de Morgat de l’autre côté de la presqu’île.

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Non non non, saint Éloi n’est pas mort car il b…rille encore dans la lumière d’un des vitraux de l’église très sombre qui lui est dédiée au village de Roscanvel. Ce sont des vitraux qui remplacent les œuvres du maître-verrier mondialement renommé Auguste Labouret  endommagées lors d’un incendie en 1956 et par l’eau de mer projetée pour le circonscrire.
Le Chemin de Croix en terre cuite polychrome dégage une émouvante simplicité.

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Le vieux lavoir édifié en 1666, en face de l’église, est placé aussi sous la protection du même saint Éloi, évêque de Noyon, patron des forgerons et des orfèvres (plus généralement de tous les artisans des métaux), protecteur des chevaux et … comme nous l’apprit la comptine, conseiller financier du bon roi mérovingien mal culotté Dagobert. Nul besoin de réformer le code du travail, cumulard, il est même aujourd’hui le saint patron des mécaniciens de l’armée de l’Air et du personnel du matériel de l’armée de Terre !
La petite statue mutilée, à l’arrière du monument, est celle de saint Yves patron de la Bretagne et des avocats. Épiait-il trop le bavardage des femmes lavant leur linge, les processions et les prières d’autrefois ?
Roscanvel demeure gravé dans la mémoire sinon familiale du moins la mienne maintenant que mes aïeux m’ont laissé poursuivre seul le chemin. C’était au milieu des années 1950 lors d’un voyage en Bretagne et plus particulièrement donc une étape sur la presqu’île de Crozon. Mon père, pourtant maître dans l’organisation des promenades, n’avait sans doute pas imaginé l’afflux de touristes que la presqu’île drainait déjà à l’époque. Ainsi, tous les hôtels conseillés par l’incontournable guide rouge Michelin, affichaient complet. Après avoir battu la lande et la côte, nous dûmes nous résigner à dormir à cinq dans la Peugeot 203, un peu à l’écart de Roscanvel. Ne trouvions-nous pas le sommeil, nous partîmes à pied, mon père, mon oncle et moi, pour une promenade au clair de lune jusqu’à la Pointe des Espagnols distante d’environ trois kilomètres. J’étais fier d’accompagner les adultes en pleine nuit. Vous ne me croirez peut-être pas mais je conserve encore, soixante ans plus tard, le souvenir de l’inquiétant (du moins pour le gamin que j’étais) silence dans la lande et la vision de l’autre côté de la rade des lumières de l’arsenal de Brest.
Ce matin, je colle des images en couleurs à mes souvenirs, avec, je l’avoue, un soupçon d’émotion.

Pointe des Espagnols blog

La Pointe des Espagnols constitue l’extrémité de la branche nord de la presqu’île de Crozon. C’est une falaise de plus de 60 mètres de hauteur plongeant dans la mer sur laquelle subsistent des vestiges de fortifications militaires. En effet, sa position stratégique était déjà reconnue au temps des ducs de Bretagne.
En 1594, les Espagnols (alliés aux français catholiques) y débarquèrent et n’en furent chassés (par les Anglais et les français protestants) qu’après d’âpres combats souvent appelés Siège de Crozon. C’est de cet épisode que la pointe tire son nom.
En Finistère, les pointes, caps et péninsules (ça rappelle la tirade des nez de Cyrano de Bergerac !) favorisent l’implantation de forts et de phares et constituent des lieux souvent chargés d’histoire et même d’histoires.
Un peu plus loin, au-delà de la pointe dite de Cornouaille, on distingue le fort des Capucins imaginé à l’origine par Vauban (et construit en 1848) sur un îlot rocheux du même nom, relié à la terre par un petit pont. Il a longtemps servi de lieu de manœuvres à l’armée. Mon imagination est sans doute (trop) débordante, ça a un tout petit côté muraille de Chine !

Fort des Capucins

« … J’aime les filles de la Rochelle
J’aime les filles de Camaret
J’aime les filles intellectuelles
J’aime les filles qui me font marrer
J’aime les filles qui font vieille France
J’aime les filles des cinémas
J’aime les filles de l’Assistance
J’aime les filles dans l’embarras… »

Souvenirs, souvenirs quoique je n’eus pas besoin de Jacques Dutronc (et Jacques Lanzmann son parolier) pour être intrigué par les Filles de Camaret ! Ni de Hugues Aufray d’ailleurs !

« L’épervier de ma colline
N’est pas un très bon chrétien.
L’épervier de ma colline
Chante comme un vrai païen.
Il connaît tous les couplets
Des filles de Camaret. »

Même le grand Georges Brassens nous livra son avis dans sa chanson Les Quat’z’arts :

« Le mort ne chantait pas : « Ah ! c’qu’on s’emmerde ici ! »
Il prenait son trépas à cœur, cette fois-ci
Et les bonshomm’s chargés de la levée du corps
Ne chantaient pas non plus « Saint-Eloi bande encor ! »

Les quat’z'arts avaient fait les choses comme il faut
Le macchabée semblait tout à fait mort. Bravo !

Ce n’étaient pas du tout des filles en tutu
Avec des fess’s à claque et des chapeaux pointus
Les commères choisies pour les cordons du poêle
Et nul ne leur criait: « A poil ! A poil ! A poil ! »…
… Les quat’z'arts avaient fait les choses comme il faut
Le curé venait pas de Camaret. Bravo ! »

Pour Saint Éloi, nous savons maintenant que nous pouvons être rassurés sur sa vitalité. Pour les filles, je vais juger sur pièce puisque nous décidons de déjeuner sur le port de Camaret-sur-mer.
Pour ce qui concerne la jeune serveuse du restaurant, elle ne manifeste pas un enthousiasme débordant et me prévient même qu’elle n’est pas douée pour déboucher les bouteilles, un muscadet en la circonstance. C’est un peu la France en marche … arrière ! Elle s’en sortira cependant avec les honneurs.
L’époque florissante du port de pêche a vécu. Du XVIIe au XIXe siècle, tout comme Douarnenez et Concarneau, Camaret fut un grand port sardinier. En 1850, on recensait 94 chaloupes sardinières armées chacune d’un équipage de 4 à 5 marins. Au XXe siècle, le port était réputé pour la pêche à la langouste dans les eaux mauritaniennes. Sur la jetée, quelques épaves témoignent de ce temps révolu. Les plus anciens d’entre vous se souviennent peut-être, dans les années 1960, de la « guerre de la langouste » et la crise diplomatique entre la France et le Brésil.

Phare Camaret

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Tout proche, se dresse une chapelle en pierre jaune de Logonna, construite au XVIIe siècle et dédiée curieusement à Notre-Dame de Rocamadour.
Il semblerait que les liens tissés entre Camaret et Rocamadour remontent à 1183 lorsque le curé de Camaret (pas celui de la chanson), venu en pèlerinage dans la cité du Lot, décida à son retour de créer une chapelle ainsi appelée pour servir d’étape aux pèlerins faisant halte à Camaret avant d’aller prier la vierge noire de Rocamadour.

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La statue négroïde protègerait des naufrages et de nombreux marins affirmaient l’avoir priée au plus fort de la tempête et avoir ainsi eu la vie sauve.
Des maquettes de bateaux et des bouées sont déposées dans l’église en guise d’ex-voto.
On remarque un autel restauré contemporain de la bataille de Camaret en 1694. En 1688, la France de Louis XIV déclara la guerre à une coalition anglo-hollandaise connue sous le nom de Ligue d’Augsbourg. La bataille de Camaret correspond à une tentative de cette coalition de détruire la flotte française stationnée à Brest. Le roi soleil fit appel à Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban, pour repousser les assaillants.
« Ce que fut cette action, tout le monde en Bretagne le sait : l’apparition de la flotte anglo-hollandaise (36 vaisseaux de guerre, 12 galiotes à bombes, 80 bâtiments de transport et 10.000 hommes de troupe, sans les équipages) le soir du 17 juin, la veillée des armes dans la nuit sur tout le littoral, la brume au petit matin du 18 contrariant l’ennemi, favorisant les nôtres ; puis cette brume levée, les 7 frégates attaquant Camaret, tirant à boulets rouges sur le village inoffensif, entamant un furieux duel d’artillerie avec le château (qui n’avait que 9 pièces sur 11 prévues) et les batteries de côte. Puis le drame se déroule, prodigieusement rapide : coupé d’un boulet, le clocher de la chapelle de Roc’h Amadour s’écroule ; foudroyé, un navire hollandais s’échoue, est pris à l’abordage sur la grève du Coréjou ; les six autres, criblés de boulets, leur gréement en lambeaux, reculent, fuient ; un transport saute, et sur la grève de Trez-Rouz, en un prodigieux élan, soldats et garde-côtes jettent à la mer les Anglais débarqués en chaloupes, leur faisant 500 prisonniers. Le soir même, il n’y avait plus une voile anglaise à l’entrée de l’Iroise … »

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La Tour Vauban, pimpante en rouge au bout de la jetée, date de cette époque.
Lors des combats, un boulet décapita donc la flèche de la chapelle. La légende raconte que Notre-Dame de Rocamadour en personne apparut alors et renvoya le boulet destructeur sur le vaisseau coupable qui coula. Elle ne précise pas si, pour ce faire, la Vierge arma le bras d’un artilleur de Vauban et l’un de ses canons !
Les plus coquins d’entre vous attendent peut-être avec une certaine curiosité mon appréciation sur les filles de Camaret. Pour certains, les plus anciens, resurgissent des souvenirs de potaches, de carabins, de monômes, de chambrées car les filles de Camaret tiennent leur notoriété sulfureuse d’une chanson paillarde très prisée dans ma jeunesse. En ce temps-là, ma bonne dame, il n’y avait pas les réseaux sociaux et autres chaînes et sites érotiques pour émoustiller les sens. Je vous en livre un couplet, il ne manquerait plus qu’on censure mon billet !

« Les filles de Camaret se disent toutes vierges (bis)
Mais quand ell’s sont dans mon lit,
Elles préfér’nt tenir mon vit
Qu’un cierge (ter) »

Cela dit au passage, en voyant un vieux lit clos breton, la veille, au hameau des goémoniers, j’imagine que les ébats ne devaient pas y être aisés !
Cette chanson connue aussi sous le titre de Le pou et l’araignée aurait été écrite, il y a plus de cent ans, par un certain Laurent Tailhade, écrivain journaliste anarchiste, qui avait l’habitude de passer ces vacances d’été à Camaret. Dans une série d’articles publiés dans une gazette parisienne, il ridiculisait la ville de Camaret et fustigeait l’attitude du recteur (le curé) qui « mendie à domicile et quête en personne chez tous les baigneurs, accompagné d’une cinquantaine d’ivrognes stationnant devant les hôtels abritant des parisiens ». Pire encore, à l’occasion de la fête de la Vierge le 15 août 1909, il déposa un pot de chambre à la fenêtre de sa chambre d’hôtel, au passage de la procession. Menacé de mort, a minima d’être jeté à l’eau, par les marins locaux, Tailhade dut son salut aux gendarmes. Quelques mois plus tard, l’affaire fut jugée aux tribunal de Quimper : le journaliste fut acquitté et le curé s’en tira avec des remontrances.
Tailhade se vengea, par la suite, de la population camaretoise en écrivant ses libidineux couplets qui, malgré tout, ont contribué à la notoriété de la cité portuaire, la preuve. Je vous ressers une rasade de cette chanson à boire ?

« …Si les fill’s de Camaret,
S’en vont à la prière
C’ n’est pas pour prier l’ Seigneur
C’est pour branler le prieur
Qui bande (ter)
Sur la plac’ de Camaret,
Y a un’ statue d’Hercule
Monsieur l’ maire et m’sieur l’curé
Qui sont tous les deux pédés
L’enc …(ter) … »

Les Frères Jacques, auxquels j’ai rendu hommage dans un récent billet, consacrèrent un album aux chansons paillardes, au début de leur carrière (ils s’appelaient alors les 4 Jules). Y figurait la « délicate ode » aux filles de Camaret et la pochette du microsillon représentait deux moines lubriques à la rouge trogne à table. Pierre Perret l’inscrivit aussi à son répertoire.

Paillardes Freres Jacques

Saint Éloi et saint Guénolé, absolvez-moi ! En pénitence, je vous offre Le port de Camaret par ciel d’orage, une toile d’Eugène Boudin (1873), le « roi du ciel » qui y effectua de fréquents séjours

Le-Port-de-Camaret-par-ciel-d-orage_Eugène Boudin

En remontant sur les hauteurs de Camaret, je m’arrête quelques minutes devant les alignements mégalithiques de Lagatjar. Ils seraient contemporains de ceux de Carnac, soit entre 3 000 et 2 500 ans avant J.C. Il ne reste qu’une soixantaine de menhirs sur le site qui en comptait dix fois plus.

Mégalithes Lagatjar blog 1Mégalithes Lagatjar blog 2

Cet après-midi, ils servent essentiellement d’éléments de jeu de chat perché pour la classe de collégiens en visite avec leur professeur. Manquerais-je de fairplay si je compare l’activité du jour avec le compte-rendu de la sortie scolaire, en date de 1909, au hameau des goémoniers, évoqué dans mon précédent billet ?
Je me console rapidement en admirant les panoramas grandioses qu’offre la côte déchiquetée, en particulier la pointe de Pen-Hir avec dans son prolongement ses célèbres « Tas de pois ». Par le passé, ils étaient craints par les marins souhaitant accoster à Camaret et causèrent plusieurs naufrages.
Sur le replat de la falaise, une immense croix de Lorraine en granit, inaugurée par le général De Gaulle en 1951, commémore les Bretons de la France libre. En effet, comme un symbole, la vue est imprenable et le sentiment de liberté est total.

Tas_de_Pois,_Pen_Hir,_Finistère_La_pointe_de_Pen_Hir_vue_de_la_pointe_de_Dinan_Plage Penn Hir

Eugène Boudin se serait régalé ici avec les ciels changeants qui, en quelques minutes, modifient complètement l’atmosphère dégagée par le paysage ainsi que nos sensations et émotions.
Le temps nous manque, j’envie les randonneurs qui suivent méthodiquement les sentiers douaniers.
Un peu plus tard, je serai « Morgat de toi » ancien petit village de pêcheurs devenue peu à peu, à la fin du XIXe siècle, station balnéaire grâce à de riches familles parisiennes et l’industriel Armand Peugeot qui projeta la société à son nom dans l’ère de l’automobile.
J’ai le béguin de ces maisons et commerces avec leurs façades aux couleurs vives.

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Une guérite propose des balades en bateau jusqu’aux grottes réputées pour leur teinte rouge due aux oxydes de fer. Pour les décrire, rien de mieux que vous offrir un extrait de Par les champs et les grèves, un récit à deux voix de Gustave Flaubert et Maxime Du Camp sur leur grand tour de Bretagne qui les amena jusqu’à la presqu’île de Crozon :
« Elles sont peu profondes et soutenues par des retombées de roches qui s’appuient à terre comme d’énormes piliers. Le jour les illumine étrangement, se brisant aux angles et éclairant d’une lumière verdâtre les parois humides où se marient toutes les teintes les plus douces, depuis le rouge foncé jusqu’au bleu d’argent. Une eau limpide oubliée par le flux s’écoule lentement des vasques naturelles de la pierre et creuse de petits ruisseaux dans le sable sur lequel courent en criant les alouettes de mer. Pour aller visiter la plus grande, nous montâmes en canot. Nos deux rameurs donnèrent quelques coups d’aviron, nous glissâmes sur les flots qui nous remuaient à peine et bientôt nous entrâmes avec une vague au sein de la falaise dans un merveilleux palais souterrain.
La voûte est haute et découpée en stalactites irisées de mille couleurs elle s’abaisse brusquement vers le fond et plonge dans l’obscurité. Le moindre cri résonne lugubrement, se heurte aux échos et retombe dans la poitrine qui l’a lancé. Au milieu, un petit rocher sort sa tête au-dessus de la mer qui le baigne et l’entoure de cercles. Les nuances sont multiples, variées, sans transition, selon les couches de la pierre, ce sont des traînées de sang, des langues de feu vif et blanchissant, des rayons d’azur, des taches de cendre grise, des veines d’un vert pâle comme la malachite, des épanchements lie-de-vin et des filets blonds comme la paille battue. La vague avançait lentement, poussée par une force invisible, et clapotait avec un bruit doux comme le murmure d’un cœur lointain. L’eau, d’abord transparente, s’assombrissait et devenait violette les rochers ruisselaient d’une rosée brillante et la brise nous apportait un bon parfum d’herbe salée.
Absorbés dans une ardente contemplation, immobiles, silencieux, nous étions sur notre barque comme ces chevaliers errants que la tempête conduisait dans la demeure mystérieuse des génies et des nymphes. Là, au fond, dans l’ombre noire, s’ouvre peut-être la porte de diamant qui mène au royaume nacré habité par les enchanteurs, le nain résonnant des grelots est là, derrière sans doute, prêt à souffler dans sa trompe d’ivoire, et les monstres hideux qui doivent nous disputer le passage vont arriver bientôt en vomissant du feu avec un bruit d’écailles. Car c’est là, lorsque le soleil embrase la nature, qu’elles viennent, ces charmantes déesses, chercher l’abri et la fraîcheur de l’eau, c’est là que les ondes baisent leurs beaux seins nus c’est là que Virgile chante des ballades, que Morgane conte ses légendes d’amour, que la fée des roseaux se tresse des guirlandes et que la fée Mignonne file le lin enroulé à son fuseau d’or.
Nous n’en vîmes aucune cependant et nous nous éloignâmes pleins de cette tristesse que donne le spectacle des belles choses. ». Il faut peut-être venir ici pour découvrir les filles de Camaret sous leur vrai jour!

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Après être allés jusqu’à la Pointe de la Chèvre, c’est également avec une certaine nostalgie que nous devons quitter la presqu’île de Crozon, rendez-vous à notre nouvelle chambre d’hôte oblige.
Auparavant, après la mer, un petit tour en montagne, oh pas bien méchante, car le Menez Hom culmine à 330 mètres d’altitude. Le point de vue par temps clair est remarquable, on distingue notamment la presqu’île de Crozon jusqu’à la pointe de Pen-Hir, la baie de Douarnenez avec la pointe du Raz, et même l’Aulne maritime avec les haubans du pont de Térénez.

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Tandis que quelques parapentistes se préparent à sauter, je plonge dans la légende celtique et vous offre un instant de communion avec Alan Stivell, en souvenir d’un chouette concert au Palais des Sports de Paris, au début des années 1970.

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Notre logis est répertorié à quelques kilomètres de là sur la commune de Plomodiern mais le GPS perd encore son breton. Nous finissons par débarquer à l’hôtel-crêperie de Pors-Morvan, un havre de paix complètement perdu dans la campagne profonde.
Cependant, nous décidons de calmer notre envie de plateau de fruits de mer à Douarnenez distant d’une vingtaine de kilomètres.

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Douarnenez vit encore sur sa réputation de grand port sardinier qu’il n’est pourtant plus.
Comme un aveu de son très net déclin observé depuis le début des années 1970, une des curiosités de la ville est désormais le Port-musée qui œuvre pour une culture maritime avec une riche collection de bateaux, dont certains visitables, et de documents sur la vie des pêcheurs autrefois. J’apprends ainsi que la chaloupe sardinière et le langoustier à voûte à voiles furent des embarcations emblématiques de Douarnenez. Je découvre également qu’autrefois, les habitants de Douarnenez, et notamment les femmes, étaient affublés du sobriquet de Penn Sardin (tête de sardine) en référence au travail des ouvrières des conserveries qui coupaient la tête des poissons pour les entasser dans les boîtes.

« Pour faire une chanson facile, facile,
Faut d’abord des paroles débiles, débiles,
Une petite mélodie qui te prend bien la tête,
Et une chorégraphie pour bien faire la fête,
Dans celle là, on se rassemble, à 5, ou 6, ou 7
Et on se colle tous ensemble, en chantant à tue tête.
Ha! Qu’est-ce qu’on est serré, au fond de cette boite,
Chantent les sardines, chantent les sardines … »

Excusez cet instant d’égarement franchouillard ! Je me ressaisis, en guise de souvenir, plutôt que des cartes postales, le gourmand que je suis fait provision de quelques boîtes de sardines dans une boutique d’une vieille conserverie locale installée sur le quai du Port Rhu. Pour être franc, elles sont loin d’être aussi goûteuses que celles de la Belle-Iloise à Quiberon qui a même ouvert désormais une enseigne à Saint-Germain-des-Prés.
Ça sent la faim, tout commence dans le Finistère déclame un slogan de communication. Nous jetons notre dévolu sur l’accueillante plage des Sables Blancs à l’extrémité ouest de la ville.

La_plage_des_sables_blancsPlage des Sables blancsPlage des Sables blancs 2

Accueillante, c’est à voir, un jour de janvier dernier, des milliers de méduses urticantes Pelagia noctiluca (appelées aussi piqueur-mauve) se sont échouées là.
En une belle lumière de fin d’après-midi, jeunes et moins jeunes profitent des happy hours. Nous préférons ouvrir la bouteille de muscadet bien gouleyant qui accompagnera le plateau Duo de fruits de mer. Ici, ils sont d’une grande fraîcheur, certains étant pêchés du matin, le patron possède ses propres casiers. Crabes et langoustines sont même encore vivants à l’instant de la commande.

Douarnenez coucher de soleil 2la-nuit-des-sable-blanc-25-Juin-2016-Meriadec-artNuit des sables blancs 2017 2017-06-19 à 17.17.50

La journée s’achève par un magnifique coucher de soleil qui incendie la baie. Dans quelques jours, se déroulera, comme chaque année, la très populaire Nuit des Sables Blancs. Si j’en crois les affiches, les filles de Douarnenez sont également avenantes…

Publié dans:Ma Douce France |on 25 juin, 2017 |Pas de commentaires »

Hardi les gars (… et les filles) ! Cap vers le Finistère nord (1)

Je me promène trop, ces temps-ci et, conséquence, je me fais rare. C’est pourtant pour la bonne cause car mes petites balades sont de possibles prétextes à de futurs billets.
Bref, après avoir passé en famille le week-end prolongé du 1er mai en Alsace, j’ai choisi de virer de bord (de l’hexagone) et de mettre le cap vers la Bretagne à l’occasion du pont prolongé de l’Ascension.
Je m’éloignais ainsi de Vladimir Poutine que notre nouveau président emmenait, en voiturette de golf en guise de carrosse, dans les jardins du palais de Versailles, à quelques kilomètres de chez moi, pour visiter l’exposition consacrée à l’ancien tsar Pierre le Grand (qui en son temps avait rendu visite à Louis XV dans les mêmes lieux).
Plus sérieusement, ma compagne et moi avions choisi d’épuiser les coffrets Wonderbox et Smartbox qui nous avaient été offerts, pour découvrir la côte du Finistère Nord. En ce qui me concerne, à part quelques brèves escapades que j’aurai sans doute l’occasion d’évoquer, il s’agissait là d’un véritable pèlerinage, une soixantaine d’années après un de ses voyages (c’en était un à l’époque !) en famille comme mon père aimait tant organiser.
En guise de mise en bouche, bon sang de normand (comme dit la chanson, c’est tout de même le pays qui m’a donné le jour !)) ne saurait mentir, je vous conte la paire d’heures que j’ai passée, sur le chemin de l’aller, à Domfront commune de l’Orne rebaptisée depuis l’an dernier Domfront-en-Poiraie (plutôt que Domfront Bocage) en référence aux nombreux arbres fruitiers destinés à la fabrication du fleuron local, le poiré cousin du cidre.

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Je crains que cet artifice de communication ne suffise pas tant j’ai constaté à travers plusieurs vitrines de commerces fermés que le bourg perdait de sa vitalité. Heureusement, quelques bonnes âmes tentent de « renouveler et remettre en valeur le commerce local pour la renaissance de la ville où l’image et l’imagination peuvent devenir réalité pour les projets ». Ainsi, j’adore ce trompe-l’œil de librairie.

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J’imagine m’y procurer L’incroyable Eugène Lelouvier, le récit authentique d’un aventurier normand disciple des héros de Jules Verne. Jean Verne, arrière petit-fils de l’écrivain, en a rédigé la préface.

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Eugène Lelouvier, né en 1873 d’un boulanger domfrontais, un petit bonhomme de un mètre cinquante-neuf, connut un destin exceptionnel. À quinze ans, il quitte le domicile familial et réussit le concours d’entrée à l’école nationale des Beaux-arts et métiers d’Angers. Après trois semaines d’études, il démissionne pour entrer dans la marine marchande. À seize ans, au cours d’une traversée de la Manche, son bateau fait naufrage. Porté disparu, Eugène refait surface un mois plus tard. À dix-neuf ans, il s’engage dans l’infanterie de marine et se rend au Tonkin où … il se fait piquer sa copine par un officier. Il flanque tellement le bazar qu’il est arrêté et conduit au bagne d’Oléron puis de Fort-de-France. Il s’engage ensuite dans la Légion étrangère avant de devenir employé … chez Félix Potin. À cette époque, il est également journaliste à La Patrie et donne des concerts de piano, des conférences, et chante La Traviata.
À Varsovie, il participe à l’arrestation d’un espion russe. Blessé, il est soigné par une jeune infirmière suisse, prénommée Hélène, qui deviendra son épouse.
Marié le 10 mai 1903, dès le lendemain il part sans un sou pour un tour du monde. En 1906, de retour d’un séjour de quatre ans au Congo, il est engagé comme mécanicien chez De Dion-Bouton. C’est là qu’il imagine la course Paris-Pékin à la suite de sa traversée du désert de Gobi à dos de chameau pour repérer les points d’eau. Il va développer son idée pour convaincre et mettre en place l’organisation de l’épreuve. Lors de la Première Guerre mondiale, il est mobilisé en mai 1918. Alors qu’il procède à l’essai d’un moteur d’avion, celui explose et il reçoit un morceau d’hélice. Il est défiguré et bénéficie du statut de gueule cassée. Il meurt en 1937 et repose au cimetière de Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, non loin de la tombe de Barbara. J’ai, évidemment, dû oublier quelques épisodes mais il méritait bien que la municipalité de Domfront baptise une rue à son nom, il y a quelques semaines.
L’Histoire est mon péché mignon et pour moi, Domfront, c’est aussi Henri 1er Beauclerc, troisième fils de Guillaume le Conquérant. Seigneur de Domfront en 1092, il devint roi d’Angleterre en 1100 puis duc de Normandie en 1106. Il fit bâtir le donjon dont on peut encore admirer les vestiges.

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Résidence des rois anglo-normands au XIIème siècle, le château reçut Henri II Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine, Richard Cœur de Lion et Jean Sans-Terre. En août 1161, Aliénor y accoucha d’une fille future mère de Blanche de Castille et grand-mère de Saint Louis.
Henri II possédant les comtés d’Anjou et du Maine, Aliénor le duché d’Aquitaine, Domfront constituait une étape idéale sur les routes traversant leurs vastes domaines de l’Écosse aux Pyrénées
Devenue capétienne après la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste, la place forte fut donnée en 1204 en apanage à divers membres de la famille royale.
Pendant la guerre de Cent ans, le château fut occupé par les Anglais de 1356 à 1366 puis de 1418 à 1450. Il est encore quelques descendants qui traînent ce midi dans les brasseries locales !

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Une autre curiosité de Domfront est l’église catholique Saint Julien. Lors de sa reconstruction en 1924, l’architecte choisit le plan carré des basiliques byzantines et opta pour l’utilisation du béton armé. Dès qu’on y pénètre, on est frappé par l’immense fresque dans le chœur du Christ Pantocrator, c’est-à-dire Jésus dans son corps glorieux, en opposition aux représentations traditionnelles du Christ souffrant la Passion sur la Croix.
Je m’attarde, je ne suis pas prêt d’atteindre la pointe du Finistère. Rassurez-vous, je laisse de côté mon séjour chez des amis à Dinard, j’ai déjà souvent évoqué la perle de la côte d’émeraude à l’occasion du festival annuel du film britannique. Ça y est, j’ai déjà obtenu le précieux sésame pour la prochaine édition fin septembre !
Cela dit, fairplay de normand pour ses cousins bretons, je ne peux tout de même pas passer sous silence les trois jours de canicule qui ont sévi dans les Côtes-d’Armor : ciel bleu azur et 33 à 35 degrés au cœur de l’après-midi. Mais … chassez le naturel, il revient vite au (pays) gallo ! C’est sous un crachin tenace que j’ai pris la direction du Finistère.
Je ne vais pas engager ici une polémique autour des idées reçues et des préjugés qui entourent la météo bretonne. J’ai appris dans mon enfance que son climat de type océanique se caractérisait par la douceur de ses températures, l’humidité de l’air et la variabilité du temps. Avec ça, on est paré avec ou sans ciré pour ménager toutes les susceptibilités !
Je peux vous narrer cependant quelques anecdotes à ce sujet. Il y a une quinzaine d’années, sensiblement à la même époque, un ami artiste peintre avait souhaité que je réalise un portrait vidéo de lui et pour ce faire, désirait qu’on tournât une séquence dans le petit port de pêche de Moguériec à proximité de Roscoff, cadre de son inspiration pour nombre de ses toiles. Cela se compliquait si je vous précise que ses tableaux sont d’un bleu quasi monochrome.
La canicule régnait déjà en région parisienne mais le thermomètre sur le tableau de bord de notre véhicule perdait inexorablement trois degrés tous les cent kilomètres ; cela dit nous arrivâmes à destination avec un mercure honnête frisant les dix-neuf degrés.
Le lendemain matin, crachin et brume nous accueillirent au petit déjeuner. Le moral dans les bottes, nous allâmes tourner quelques plans de coupe d’algues et coquillages sur le sable avant que, pour cause d’humidité, la caméra ne se bloque. Nous nous résignâmes à aller boire une bolée de cidre au café du port dans l’attente plus qu’hypothétique de l’apparition d’une timide culotte de marin. Croyez-moi si vous voulez, par tous les saints Ronan et Guénolé du coin, le ciel se déchira brutalement et nous connûmes pour le reste de la journée une épure de « bleu de Moguériec », ciel et mer confondus. Comme je vous sens encore sceptique, voici pour preuve le tableau offert par l’artiste qui trône désormais dans mon vestibule.

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Étreintes toile de Georges Papazoff

Les peintres aiment les ciels changeants qu’ils soient flamands, normands ou bretons, les touristes moins ! Ces derniers doivent parfois se contenter de quelques citations de bleu sur les façades des maisons.

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Ce fut notre cas un jour de juin 2013 lors d’une escapade à Carantec. Pour digérer le copieux plateau de fruits de mer, nous entreprîmes, malgré le temps incertain, de rejoindre en face l’île Callot accessible à pied à marée basse. Il ne s’agissait même pas de mettre le grappin sur le butin datant d’une invasion de mes ancêtres vikings qui, selon la légende, serait enfoui à proximité de la petite chapelle Notre-Dame située sur la colline à l’extrémité de l’île.

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Bredouilles, si nous esquivâmes au retour quelques objets volants identifiés artichauts, nous essuyâmes aussi un grain mémorable. Temps de cochon sur le Léon !

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Entre Saint-Brieuc et Morlaix, face à la course incessante des essuie-glaces sur le pare-brise, on regrette de ne pas avoir opté pour une destination plus clémente dans notre Smartbox Évasion.
Et puis … soudain, Saint-Thégonnec a décidé une accalmie afin de visiter l’enclos paroissial qui lui est dédié. Ce n’est pas idéal pour la photographie mais je ne vais pas me mettre déjà à dos tous les saints du Finistère qui guettent mon prochain passage sur les innombrables calvaires au bord des chemins.
Sur le calvaire local construit en 1610, Saint Thégonnec en personne, s’est mis à l’abri dans une petite niche.

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Ce monument appartient à la catégorie des calvaires à « mace » c’est-à-dire avec une base massive et un autel permettant la sculpture de multiples personnages figurant des scènes de la Passion.
Au sommet, le sang du Christ en croix coule dans les mains de deux anges. C’est ce sang qui fut recueilli, selon le Nouveau Testament et les auteurs des quatre évangiles, par Joseph d’Arimathie dans le Saint Calice, le Saint Graal convoité par les chevaliers de la table ronde dans la légende arthurienne.
Pour ne pas trop vous frustrer, j’ajoute à mes clichés quelques photographies glanées sur le net. Les personnages du calvaire méritent mieux que des ombres chinoises.

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À leur propos, certains ont sans doute disparu à l’époque révolutionnaire. En témoigne une lettre du district de Morlaix adressée aux officiers municipaux de Saint-Thégonnec le 16 Thermidor (rien a voir avec le homard breton !) an II :
« Je suis instruit que, malgré les diverses instructions que nous avons faites d’enlever les croix qui existent sur votre commune, vous n’avez fait jusqu’ici aucune démarche pour les faire disparaître ; je vous déclare que si, à la prochaine tournée que je ferai dans votre arrondissement, ces restes impurs du fanatisme insultent encore aux yeux des bons citoyens, je serai forcé de vous dénoncer aux autorités supérieures, et vous serez traités comme suspects, et vous savez la honte attachée à cette punition » …
La population locale se chargea elle-même de faire disparaître les statuettes pour les soustraire à la haine iconoclaste des sans-culottes. On peut penser que si le calvaire est toujours debout, c’est en partie à cause de la chute de Robespierre !
L’église, ravagée par un incendie en 1998, a été magnifiquement restaurée. Le retable du Rosaire et surtout la chaire à prêcher (de 1683) constituent des chefs-d’œuvre de la sculpture bretonne.

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En ressortant, je visite encore l’ossuaire contigu avec dans la crypte, une spectaculaire mise au tombeau du Christ et des personnages taillés dans le bois de chêne criants de vérité, œuvre d’un maître-sculpteur de Morlaix entre 1699 et 1702.
Le linceul est soutenu notamment par Joseph d’Arimathie déjà évoqué plus haut. Au premier plan à droite, Marie Madeleine s’abandonne à sa douleur. À côté de Véronique qui tient le voile de la Sainte-Face, la Vierge apparaît aussi éplorée.

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Cap vers le nord maintenant car l’essentiel de ma promenade est consacré à la visite de la côte. Nous la retrouvons à Brignogan-Plages, une petite station balnéaire qui nous offre un coin de ciel bleu parcimonieux mais cependant prometteur.

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On n’y craint pas le ridicule, une des criques s’appelle le Petit Nice, il est vrai que quelques anglais s’y promènent ce midi mais préfèrent tout de même la salle chauffée à la terrasse de la sympathique crêperie brasserie éponyme.
Nous prenons un vivifiant bol d’air iodé en décortiquant quelques produits de la mer.

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À la sortie de la commune, on découvre le menhir de Men Marz, le premier de notre séjour. Érigé entre -4500 et -2500 ans, d’une hauteur de 8, 50 mètres et d’un poids de 80 tonnes environ, il est l’un des plus grands du Finistère.

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Il présente la caractéristique d’être simplement posé sur le sol et aussi d’être christianisé avec une croix. En effet, pour abolir les pratiques païennes en Bretagne et détruire les symboles d’un passé préceltique, l’Église catholique, entre le cinquième et dixième siècle, à défaut de pouvoir abattre les innombrables menhirs, trouva le subterfuge de les « rectifier », ainsi notamment en hissant une croix en leur sommet.
Selon une coutume encore observée dans un passé relativement récent, les jeunes filles venaient y lancer un caillou. Si celui-ci restait dans l’encoche située à la partie supérieure du mégalithe, cela signifiait qu’elles se marieraient dans l’année.
Il est compliqué de trouver son chemin dans le maillage des petites routes à proximité du littoral d’autant plus que certains indépendantistes (?) n’ont laissé que le texte breton des panneaux de signalisation bilingues.
Je parviens tout de même au pittoresque hameau de Menez-Ham et ses anciennes chaumières de pêcheurs blotties à l’abri du vent entre des rochers colossaux.

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Certaines sont rénovées en gîte, dans d’autres, sont restituées des scènes de la vie d’antan, notamment sur la récolte du goémon qui constituait une activité importante outre la pêche côtière.

« Algues brunes ou rouges
Dessous la vague bougent
Les goémons
Mes amours leur ressemblent,
Il n’en reste il me semble
Que goémons
Que des fleurs arrachées
Se mourant comme les
Noirs goémons
Que l’on prend, que l’on jette
Comme la mer rejette
Les goémons … »

À cet instant, comment ne pas penser à ce magnifique texte de Serge Gainsbourg, une de ses premières chansons, une des plus belles aussi peut-être. Elle est interprétée par Jane Birkin qui a élu domicile, il y a quelques années, à un vol de goéland d’ici.

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Un tableau didactique reproduit le compte-rendu d’une promenade scolaire du 2 juillet 1907 : « … À l’aide de charrettes, de brouettes ou de civières, on transporte le goëmon sur les dunes. Là on l’étend et on le retourne une ou deux fois pour le faire à sécher. Lorsqu’il est bien sec, on l’entasse. De là, on prend des charretées que l’on décharge près de la fosse à soude. On jette quelques brindilles de bois et on y met le feu … »
L’écriture manuscrite au porte-plume est élégante, l’orthographe est excellente, comme quoi on savait déjà faire des activités d’éveil de qualité à l’école de la République, il y a plus d’un siècle !

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Complètement encastré entre des blocs granitiques monstrueux, le corps de garde fut construit, au milieu du XVIIIe siècle, pour surveiller la côte.
Cette frange littorale septentrionale du Finistère s’appelle le Pays pagan (du latin paganus signifiant païen) sans y voir une justification religieuse.
L’abondance de rochers en mer constituant de nombreux écueils fournit autrefois à la population locale une réputation de « naufrageurs ». Très pauvres, les Paganis étaient accusés d’entraîner les navires vers les rochers pour piller leurs épaves. Cette pratique développée du « droit de bris et de naufrage » remontant à l’Antiquité fut interdite par Colbert en 1681.
Aujourd’hui, une grande tradition de sauvetage en mer a remplacé ce passé exploité pour vendre les charmes touristiques de la Côte des légendes.

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Un peu plus loin, je m’arrête quelques instants en rase campagne devant une modeste croix. Pourquoi celle-ci, j’en verrai des centaines d’autres au cours de mon séjour ? Elle « fait bien son âge », elle date des IXe et Xe siècles, et je la trouve touchante, émouvante et même naïve dans sa nudité granitique. On pourrait presque imaginer un « petit Jésus en culotte de velours » pour reprendre une expression employée parfois en œnologie !
J’ai été peut-être coupable de blasphème, bref, la charmante hôtesse à l’accueil de l’office de tourisme de Plouguerneau m’informe que l’église Saint Pierre et Saint Paul n’est pas accessible au public cet après-midi. Je ne peux donc pas admirer les 40 « petits saints », des statuettes de dévotion en bois polychrome plantées sur une hampe que l’on sort en procession notamment le jeudi de l’Ascension et le lundi de Pentecôte. Cette tradition remonterait à une épidémie de peste qui aurait sévi dans la localité en 1640. Naguère, le privilège de les porter en ces occasions était mis aux enchères. Voici quelques images portées … par le vent de l’Esprit !

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Je me contente de contempler le calvaire relativement récent (1881) et ensoleillé (!) devant l’église puis descends vers le port du Korejou, à quelques centaines de mètres de là. On y retrouve une diversité d’activités maritimes, plaisance, pêche professionnelle, club de voile et plongée.

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Je suis intrigué par la présence en contrebas de la digue d’une sculpture en granit d’un homme soutenant une pierre, espèce de traduction contemporaine d’un Obélix relevant un menhir.
Vous l’ignorez sans doute, quoique je l’avais évoqué en aparté dans un ancien billet, je fus moi-même ce héros de bande dessinée dans ma jeunesse, un rôle de composition qui me fut dévolu, compte tenu de mon imposante carrure, à l’occasion des mémorables « Cavalcades » organisées autrefois dans mon bourg natal. Ainsi, devant plusieurs milliers de personnes, en compagnie d’une demi-portion d’Astérix et de quelques Romains en piteux état, j’avais arpenté les rues de la ville avec un mégalithe sur le dos. J’ai traîné ensuite, localement, le surnom du livreur de menhirs durant quelques années. Voilà ce que c’est d’être tombé tout petit dans une marmite de potion magique, les bonnes soupes de ma maman et de ma mémé Léontine !
Il s’agit là d’Ar Pagan, une œuvre (1992) de Jean-Michel Appriou, un artiste de Plouguerneau. J’imagine un adepte du gouren (la lutte bretonne) tentant de contenir les assauts d’une mer déchaînée ?
Non loin de là, un autre sculpteur, François Breton, le bien nommé, a décidé d’écrire l’histoire du pays dans la pierre. Il peuple de ses statues Plouguerneau et les bourgs environnants. À quelques mètres du port, à proximité de la pointe de Penn Enez, il a entrepris de réaliser un calvaire, une œuvre monumentale à laquelle il est prêt à consacrer une dizaine d’années.

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Ces petits saints et vierges de granit brut sont presque émouvants, abandonnés sur la lande dans l’attente de participer à la vraie Passion du sculpteur ! En toute modestie, sur la presqu’île de Penn Enez souffle un petit air d’île de Pâques.

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Ramasseuses de varech de Paul Gauguin (1889)

J’assiste bientôt à une scène d’étendage du goémon pour le sécher. Le tracteur a remplacé le cliché ancestral des charrettes tirées par des chevaux.
Pendant des siècles, le goémon fut utilisé comme combustible, comme engrais et pour l’alimentation animale, puis sa cendre fournit des débouchés dans la fabrication de la soude et de l’iode. Aujourd’hui, les algues marines deviennent un mets raffiné sur la table des grands chefs et sont présentes dans de nombreux produits alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques, ainsi même que le biocarburant.
En hommage aux valeureux laboureurs de la mer, écoutez Gwerz Ar Vezhinerien, une complainte des goémoniers chantée a cappella par Denez Prigent lors d’une nuit celtique au stade de France :

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Ça y est, je suis vraiment rentré dans la région des Abers, appellation géographique spécifiquement bretonne pour nommer les rias ou estuaires qui entaillent la côte nord du Finistère.
À la différence des Trois Mousquetaires, ils se comptent vraiment par trois : l’Aber-Wrach et l’Aber-Benoît séparés par la presqu’île de Sainte-Marguerite, ainsi que l’Aber-Idut.
Moins encaissés que les fjords norvégiens, la mer y remonte à l’intérieur des terres leur apportant le plaisir des marées et le goût du salé. Il lui arrive de rencontrer une rivière s’écoulant à contre-courant.
Le terme Aber-Wrach recouvre plusieurs significations. C’est d’abord un petit fleuve côtier long de 33 kilomètres qui, dans sa partie aval, constitue une ria du pays de Léon. C’est aussi le nom du hameau de Landéda qui abrite le port du même nom.
L’embouchure de l’aber est délimitée au nord par le phare de l’île vierge qui signale les nombreux rochers et récifs susceptibles d’être dangereux pour les navigateurs. Mesurant 82 mètres, il est le plus haut d’Europe et le plus haut du monde en pierre de taille. Il balaie tout le nord du Finistère à 52 kilomètres à la ronde.

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Le relief excessivement découpé nécessite souvent de parcourir plusieurs kilomètres pour rejoindre l’autre rive de l’estuaire, et je trouve encore une fois que certains esprits malins ne facilitent pas la vie des touristes, le GPS y perd même son breton. Qui sait, c’est peut-être une manière de préserver un certain art de vivre, j’ai connu pareil comportement en Corse.
Au cours du séjour, j’apprendrai que le littoral finistérien se mérite et qu’il s’offre plus volontiers aux marcheurs sillonnant les sentiers côtiers.
En ce milieu d’après-midi, l’aber ensoleillé décline une palette de bleus quasi méditerranéens. On déjeunait au P’tit Nice ce midi, on longe maintenant la baie et la plage des Anges du nom de l’abbaye fondée en 1509 par les Franciscains dont les ruines (en cours de restauration) sont visibles non loin de là sur la pointe Sainte-Marguerite.
Au large, on aperçoit le fort Cézon, une ancienne forteresse construite par Vauban pour défendre l’entrée de l’aber.
Je commence à jeter un œil sur ma montre, il ne faut pas rater l’heure du rendez-vous avec le propriétaire de notre location. Je quitte la côte via l’Aber-Benoît pour mettre le cap au sud.

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Mal en prit au traducteur, le nom de ce fleuve côtier résulte d’une mauvaise interprétation de « havre bénit ».
Je traverse la commune de Lannilis, j’imagine que cela ne vous interpelle pas autant que moi (ex) fan de cyclisme. C’est ici et dans les environs que se déroule chaque année la course Tro Bro Leon, en français le Tour du Pays de Léon, une sorte de Paris-Roubaix breton qui emprunte des chemins de traverse, les fameux ribinou. Je ne pouvais guère faire de moins que ce petit clin d’œil au cyclisme breton, terre prolifique de grands champions tels Louison Bobet, Jean Robic et Bernard Hinault, mais aussi de valeureux « régionaux » qui éclairèrent les mois de juillet de mon enfance sur les routes du Tour de France comme Jean Gainche, Fernand Picot, François Mahé, Jean Malléjac, Job Morvan, Cyrille Guimard, Joseph et Georges Groussard, sans oublier Albert Bouvet qui nous a quittés il y a quelques jours. Au temps du Tour disputé par équipes nationales et régionales, les p’tits gars de l’Ouest, dans leur maillot blanc à parements rouges, formaient des bataillons de sacrés baroudeurs qui n’étaient pas là pour représenter une marque d’électro-ménager ou de banque en ligne.
Un peu plus tard, nous atteignons Landerneau où nous faisons escale … sans faire de bruit contrairement à la populaire expression.
Elle serait tirée de Les Héritiers, une pièce en un acte d’un certain Alexandre Duval qui connut un franc succès au XVIIIe siècle puisqu’elle fut inscrite durant une trentaine d’années au répertoire de la Comédie Française. Le héros, un officier de marine donné pour mort à la suite d’un naufrage, réapparaît miraculeusement dans sa ville de Landerneau au grand dam de ses héritiers qui s’apprêtent à se partager son patrimoine. Un domestique apprenant la nouvelle s’exclame : « Oh le bon tour ! Je ne dirai rien mais cela fera du bruit dans Landerneau ! »
D’autres explications courent parfois. Ainsi on avance une ancienne tradition selon laquelle les habitants de la région de Landerneau avaient pour coutume de faire un charivari sous les fenêtres des veuves qui convolaient en secondes noces. On évoque aussi le grondement du canon du bagne de Brest que l’on faisait tonner lorsqu’un forçat s’évadait et qui retentissait jusqu’à Landerneau distant d’une vingtaine de kilomètres.
L’expression populaire a pris au fil du temps des formes diverses et variées, ainsi on entend parler de « Landerneau politique ou littéraire » pour qualifier un fait inhabituel qui va générer beaucoup de discussions et de polémiques.

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En ce début de soirée, la petite ville, située le long de l’estuaire de l’Elorn, apparaît bien paisible. Tout près du pittoresque pont de Rohan et ses maisons aux façades d’ardoises, en guise d’apéritif, j’entre dans la légende en dégustant une bière blonde pur malt de la brasserie artisanale Lancelot. L’affiche reprend l’imaginaire des Chevaliers de la Table ronde : une amusante idée du fondateur de la brasserie (en 1989), un certain Bernard … Lancelot, un ancien ingénieur nucléaire reconverti dans l’apiculture près de Paimpont où l’on situe la forêt de Brocéliande. Il commença par commercialiser une cervoise au miel inspirée des Gaulois. À sa retraite, il vendit son entreprise à la société Phare Ouest créatrice du Breizh Cola ! On a de l’humour en Bretagne.
Un Lancelot peut en cacher un autre. On tient aussi comme hypothèse que l’Aber-Benoît tirerait son nom de Aber Benouhir ou Ban de Benoïc chef breton et père de Lancelot.
Ma dame du Lac (!) m’attend, en chevalier courtois, je vous donne rendez-vous dans mon prochain billet pour la suite de mes pérégrinations finistériennes.

Publié dans:Ma Douce France |on 14 juin, 2017 |2 Commentaires »

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