Pampinou fait le guignol : une vraie bête de scène !
« Dieu a dit : il y aura des hommes blancs, il y aura des hommes noirs, il y aura des hommes grands, il y aura des hommes petits, il y aura des hommes beaux et il y aura des hommes moches, et tous seront égaux ; mais ça sera pas facile… ».
Pour parodier les propos de son porte-parole, le regretté humoriste Coluche, je pourrais les resituer dans le monde des Léporidés : il est une majorité de lapins qui n’ont comme destin que de finir leur vie dans une cocotte, dans le meilleur des cas, au bon savoir culinaire d’une grand-mère. Car, de plus en plus (je ne vais pas me faire que des amies !), la cuisinière moderne, loin des canons de la cuisine familiale, bourgeoise ou soignée d’antan, se contente de leur tomber sur le râble, s’épargnant ainsi l’étape délicate de la découpe !
J’en connais un, cependant, qui a échappé à cette funeste fin, il en sait d’ailleurs infiniment gré à son aïeule, sa chère Mamie Chanson.
J’ai fait sa connaissance l’été dernier. Tandis que je tentais de capter une wifi décente (pour vous publier mes écrits) chez mon ami en face de la ferme familiale d’Ariège, j’entendais, émanant de la pièce voisine, ses clapissements intempestifs, ses couinements, ses glapissements, et plus curieusement, quelques bribes d’un français très correct.
Quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu’il m’apparut en « chair et en os », de découvrir qu’il était fait de peluche … et peluche : bref, un de ces attendrissants doudous qui, selon le jargon des pédopsychiatres, jouent le rôle d’ « objet transitionnel » chez les petits enfants (parfois aussi chez les un peu plus grands !).
Ce lapin-là, plutôt que se résigner, au mieux à mener une vie sédentaire sur un oreiller, au pire à vivre reclus dans un coffre à jouets, a choisi de se recycler dans une activité artistique toujours en liaison avec le domaine de l’enfance.
A priori, il ne s’agit pas d’une initiative véritablement novatrice chez les lapins. Ainsi, certains sont devenus héros de littérature. Si vous grattez dans vos souvenirs d’école communale, vous vous rappelez sans doute d’un certain Jean Lapin en proie aux ruses de dame Belette et du chat Grippeminaud dans une fable de La Fontaine. Dans un de mes billets, je vous avais aussi entretenu des aventures épicées d’un cousin lièvre, Soungoula le roi des piments, contées sous la plume truculente d’un ami danois Per Sørensen (http://encreviolette.unblog.fr/2014/07/02/jai-rencontre-soungoula-le-roi-des-piments/ ).
Vous n’ignorez pas non plus les exploits cinématographiques d’un certain Roger Rabbit et du maître du déguisement Bugs Bunny célèbre pour sa phrase fétiche Quoi d’neuf docteur ?
Tandis que ses congénères du village tournaient en rond sur la paille de leur clapier, mon turbulent lapin ariégeois répétait un futur spectacle en faisant le guignol avec sa chère grand-mère, dans le garage, devant un mur vert identique à ceux qui permettent l’incrustation d’images, notamment lors des bulletins météo sur nos petits écrans (expression désuète car désormais, ils sont plats, larges voire courbes).
J’avoue que je ne fus pas autrement surpris de son intérêt pour la technologie numérique car il y a près de vingt ans (déjà !), j’avais réclamé le soutien d’un Lapin malin et de ses vidéos éducatives pour éveiller une chère petite fille.
Pour nous le présenter, je ne pouvais trouver meilleur agent artistique que sa Mamie Chanson, dans le civil, Patricia Damien, artiste talentueuse, installée depuis plus de deux décennies dans le petit village ariégeois de La Bastide du Salat où elle anime un p’tit atelier de la chanson. Mes fidèles lecteurs la connaissent d’ailleurs, j’avais consacré deux billets à ses savoureuses créations musicales : Les vaches rient de l’amour et Le Café du petit bonheur (voir billets http://encreviolette.unblog.fr/2012/03/07/les-vaches-rient-de-lamour/ et http://encreviolette.unblog.fr/2013/09/03/un-soir-au-cafe-du-ptit-bonheur/
Je me souviens aussi de son récital Chapeau bas et merci Barbara, un magnifique hommage à la « dame brune ».
Elle me révéla un pan du passé de peluche et de l’identité de Pampinou baptisé ainsi par la progéniture d’un papa et d’une maman. Peut-être, en fouillant, pouvions nous trouver aussi quelque référence aux coquineries de Pan-Pan dans le film Bambi ou au poo-poo-pee-doo (non pas notre ancien président de la République) gloussé par Betty Boop ou mieux encore, question de goût personnel, par Marilyn Monroe.
Donc durant l’été dernier, l’ambitieux Pampinou mettait les bouchées doubles lors des répétitions car la carotte, pour ce nouvel intermittent du spectacle, était de monter, au mois de novembre, sur les planches du théâtre de la Violette, à Toulouse nouvelle capitale de l’Occitanie. Rien que cela !
Guignol me ramène au temps de mon enfance quand, une ou deux fois par an, des marionnettistes ambulants installaient leur castelet sous le préau de l’école ou au théâtre municipal. Ils maintenaient la tradition du théâtre de guignol né, en 1808, de l’imagination du lyonnais Laurent Mourguet, fils d’une famille de canuts (les ouvriers tisserands de la soie), marchand forain et arracheur de dents (menteur alors?). Sur un vieux canevas de la Commedia dell’arte, il faisait évoluer ses illustres personnages de Guignol avec son bicorne, son ami Gnafron et Madelon sa fenotte (sa femme en parler lyonnais).
Dans ma prime jeunesse, les intrigues un peu caricaturales mettaient en scène, outre le populaire Guignol, un gendarme (souvent appelé Flageolet) et un voleur, ma foi assez sympathique, de ceux qu’on qualifie de voleurs de poules dans les campagnes (et pourquoi pas de lapins ?).
Sollicités par Guignol, nous manifestions volontiers notre esprit frondeur contre la maréchaussée sans crainte de représailles. Les couplets de Brassens résonnaient peut-être à nos oreilles :
« … Sous tous les cieux sans vergogne
C’est un usage bien établi
Dès qu’il s’agit d’rosser les cognes
Tout le monde se réconcilie
Ces furies perdant toute mesure
Se ruèrent sur les guignols
Et donnèrent je vous l’assure
Un spectacle assez croquignol … »
Signe des temps, dire qu’aujourd’hui, même Renaud avoue dans son dernier album avoir embrassé un flic !
Il y a près de trente ans (Putain, 30 ans !), les Guignols de l’info investirent la chaîne de télévision Canal + pour brocarder le monde politique, les médias, et plus généralement, railler la société française.
Je rassure les parents qui accompagneront leur marmaille à son spectacle, Pampinou aborde des sujets plus consensuels (quoique !).
Qui sait, envieux des candidats de The Voice, presque enfoui dans un pli du canapé, Pampinou rêve de devenir chanteur et jouer la comédie et, pour y parvenir, entend bien profiter des conseils avisés de sa Mamie-Chanson.
C’est un peu le pitch du spectacle qui nous est présenté comme une farce, sans aucun rapport avec celle dont les cuisinières remplissent le ventre de l’animal … même si le spectacle débute par des comptines destinées à aiguiser les papilles. Il en est chez les lapins comme chez les humains, à peine les grands leur donnent deux ou trois conseils que les petits croient déjà tout savoir. Et voilà que Pampinou « invente » sa chanson des crêpes … enfin, plus objectivement, il pose quelques paroles sur un air que je crois d’ailleurs connaître.
« C’est bon bon … C’est trop bon
Moi j’aime bien manger des crêpes
Et quand Mamie les aura faites
J’en aurai plein dans mon assiette
Aujourd’hui, c’est un jour de fête
C’est bon bon bon … »
Pampinou tendrait-il ses longues oreilles le soir du disco qui se produit, chaque été, devant chez lui, sur le pré commun, à l’occasion de la fête locale ? Qu’il se méfie quand même que la Compagnie Créole ne lui réclame pas des royalties pour le plagiat de son exotique succès !
C’est un bon prétexte pour la mamie pédagogue d’expliquer ce qu’est un pastiche … pendant que les papys pastissent à la buvette ? Un peu de tenue, monsieur le journaliste, il s’agit d’un spectacle pour enfants même si leurs parents y trouvent également leur plaisir.
D’ailleurs, je suis persuadé que sur la chanson de Pampinou wou wou wou wou wou wou, c’est le plus gentil des lapins, certains se sont souvenus de slows langoureux sur l’inoubliable Only you des Platters.
Nul n’est parfait, sur la chanson Mamie-papilles, mes pensées s’envolent vers les petits pois lardons de Julien Clerc et … les seins de Sophie Marceau !
Éternel conflit des générations : tandis qu’on se pourlèche les babines des ancestrales recettes des papys qui ramenaient de la chasse, bécasse et sanglier, Pampinou comble les enfants avec son foie gras au Nutella, ses limaces en papillotes ou le poisson farci au chamallow.
Chacun y colle ses références et en filigrane de la comptine, me reviennent en mémoire quelques figures marquantes de mon petit village ariégeois adoptif que j’ai évoquées dans plusieurs films (et dans ce blog), ainsi les « contes de la bécasse » du regretté voisin Jean Martres.
« Dans le jardin de Papi, il y a un hérisson qui dort près de la maison », c’est peut-être celui que j’avais croisé, un soir d’été, se vautrant dans l’herbe du pré commun (voir billet : http://encreviolette.unblog.fr/2012/10/02/le-herisson-du-pre-commun/
La peluche débordante de vie finit par tomber de sommeil, aidée, il est vrai par la jolie berceuse italienne presque chuchotée par sa mamie. Beau moment de tendresse et d’émotion, le public recueilli écoute les ronflements de Pampinou. Rêve-t-il ? Une voix lui annonce qu’il est retenu pour chanter dans un vrai théâtre.
Ne comptez pas sur moi pour dévoiler les surprises et rebondissements que nous réserve Pampinou tout au long des cinquante minutes que dure sa prestation pleine d’humour, de tendresse et de poésie.
Bien coaché par sa Mamie-Chanson, il effectue son apprentissage en faisant des gammes, chantant, jouant, slamant et dansant : une vraie bête de scène en somme ! La mise en scène, en mêlant avec une certaine virtuosité les technologies numériques à la tradition du théâtre de marionnettes, constitue la grande originalité du spectacle. Pampinou, tantôt marionnette réelle, tantôt toon interactif incrusté dans un écran, embrouille les spectateurs entre virtuel et réel. Par quelques tours de passe-passe magiques, la mamie apparaît même dans l’étrange lucarne.
Il faut y voir la patte habile de Philippe Morin qui, en véritable homme orchestre, cumule les fonctions de régisseur, ingénieur du son, directeur de lumière et des effets spéciaux. Il a même le rythme dans la peau (de chèvre, je vous rassure) et devient percussionniste de djembé sur scène. Heureux enfants qui ignorent les peurs engendrées par les marchands de peaux de lapin de mon enfance (billet : http://encreviolette.unblog.fr/2013/03/24/peaux-de-lapin-peaux/
Zut, la salle est soudain plongée dans l’obscurité. On appelle au secours le régisseur qui répare à la sauvette : une mire comme au début de la télévision en couleur surgit un instant sur l’écran, Pampinou se retrouve même la tête en bas.
La déception des enfants est vite dissipée, le coup de la panne fait partie intégrante du spectacle ! Ouf, il n’aurait plus manqué que ça, et le candidat Fillon qui n’a pas attendu les fonctionnaires de La Poste pour inventer l’internet (sic), se serait empressé de stigmatiser les employés municipaux de la ville rose !
Le museau à (longue) oreille fonctionnant parfaitement, c’est près d’un millier de petits toulousains qui sont venus rire aux facéties de Pampinou, en novembre, dans le chaleureux petit théâtre de la Violette. On y proclama même l’état d’urgence pour organiser à la hâte quelques représentations supplémentaires afin de satisfaire les fans du petit lapin pelucheux et zozotant qui possède même désormais sa page Facebook.
Qui sait, car l’artiste a les dents longues (se voit-il déjà en haut de l’affiche son nom en dix fois plus gros que n’importe qui ?), si nous ne le retrouverons pas bientôt sous forme d’hologramme, une technique révolutionnaire qui permet de ressusciter par ordinateur les stars du passé Claude François, Dalida, Mike Brant, Sacha Distel et … de faire tenir au candidat présidentiel Jean-Luc Mélenchon un meeting simultanément à deux endroits différents.
À tout le moins, rappliquez vite avec vos enfants si Pampinou passe faire le Guignol par chez vous !
« …Et gratte, gratte sur ta mandoline
mon petit Pampinou
Ta musique est plus jolie
que tout le ciel de l’Italie
Et canta, canta de ta voix câline
mon petit Pampinou … »
Voyez, il y a toujours une part d’enfance en moi !
Contact spectacle
Patricia DAMIEN
06 76 53 60 10
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