Archive pour juin, 2016

Vacances romaines (3)

Mercoledi 25 maggio 2016

Ce matin, je rentre dans le vif du séjour. C’est du lourd, et même du colossal avec la visite du Colosseo, traduisez le Colisée dans la langue de Molière.
Il s’appelait à l’origine « amphithéâtre Flavien » du nom de la dynastie d’empereurs régnant à l’époque de sa construction. C’est bien plus tard qu’il prit sa désignation actuelle, probablement en raison d’une gigantesque statue (colosse) en bronze doré de Néron, étincelant au soleil, érigée à proximité devant le luxueux palais impérial (Domus aurea) que le cruel despote (parlez-en à sa mère, Agrippine !) s’était fait construire.

colosso Neron blog

La circulation dans Rome étant problématique voire interdite en certains lieux, j’ai décidé, outre la marche à pied, d’utiliser systématiquement les transports en commun. Un ticket acheté un euro cinquante dans les bureaux de tabac ou kiosques à journaux, vous permet de prendre métro, tram et bus à volonté sur une période de soixante-dix minutes. C’est en plus une manière de partager la vie des romains au quotidien.
Depuis le Trastevere, c’est simplissime : le tram otto (8), en quatre stations, franchit le Tibre au pont Garibaldi et nous dépose Piazza Venezia devant le Vittoriano, l’imposant monument achevé en 1911 pour honorer Victor-Emmanuel II, premier roi de l’Italie unifiée (en 1861).
Sa construction suscita de vives critiques car il fallut raser une bonne partie du quartier médiéval du Monti, avec notamment l’arc de San Marco, et condamner par ignorance et/ou bêtise une partie des fouilles futures du forum romain.
Il a été souvent décrié et raillé par les Romains qui l’affublèrent de divers surnoms : la torta nuziale (la pièce montée de mariage), la macchina da scivere (la machine à écrire) voire encore le râtelier ou le fer à repasser. Il est vrai que l’impressionnant et prétentieux bâtiment tout de marbre blanc de Botticino (province de Brescia) éclatant au soleil, d’une largeur de 140 mètres et d’une hauteur de 70 mètres, est visible de tous les points de vue de la capitale et détone dans la palette des ocres, beiges et vermeils, les couleurs dominantes de la ville.

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Ce matin, les grilles sont fermées et gardées par quelques carabinieri dans l’attente probable d’une personnalité. Mais avec le téléobjectif de mon appareil photo, je suis proche de tout.
C’est un foisonnement d’escaliers, de sculptures, de colonnades et de frises. C’est monumental aux sens propre et figuré.
La seule statue équestre en bronze du roi atteint une hauteur de douze mètres et une longueur de dix.
Au-dessous, le grand escalier central mène à l’autel de la Patrie où se trouve la tombe du soldat inconnu mort lors de la Première Guerre mondiale, veillée en permanence par deux gardes d’honneur.
Deux fontaines nous accueillent de chaque côté de l’escalier, celle de gauche (ma photo) représente la mer Adriatique, celle de droite, la mer Tyrrhénienne.
Au sommet de l’édifice, les grandes arcades sont décorées telle une frise par des bas-reliefs représentant les régions de l’Italie.
Au-dessus encore, se dressent deux quadriges (char antique à deux roues attelé de quatre chevaux) en bronze menés par deux Victoires ailées. Ils créent un effet surprenant lorsque dans notre déambulation dans la capitale, on les aperçoit au loin, au-dessus des toits, galopant dans le ciel azur.

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Le monument abrite en son sein le musée de l’Immigration ainsi que celui du Risorgimento, mot italien qui signifie à la fois redressement et renaissance et désigne le mouvement qui concourut, au XIXe siècle, à l’unification de la péninsule en une seule et même nation. Je découvre circonspect qu’une rétrospective consacrée à la poupée Barbie y est organisée. C’est sans doute ce qu’on appelle le choc des civilisations et des cultures. Les œuvres kitsch de Jeff Koons au château de Versailles et l’espèce de « plug anal » de Paul MacCarthy place Vendôme participaient du même esprit frondeur.
Qu’aurait écrit Stendhal dans ses Promenades dans Rome ? C’est à lui que je pense à la vision d’une calèche en attente d’un client devant les grilles du Vittoriano (qu’il n’a, bien sûr, pas connu) : « Montez en calèche, et, suivant que vous vous sentirez disposé à sentir le beau inculte et terrible, ou le beau joli et arrangé, faites-vous conduire au Colysée ou à Saint-Pierre. Vous n’y arriveriez jamais si vous partiez à pied, à cause des choses curieuses rencontrées sur la route. Vous n’avez besoin d’aucun itinéraire, d’aucun cicérone … »
Les choses ont évolué en près d’un siècle : de la Piazza Venezia, le Colisée apparaît tout proche au bout de la Via dei Fiori Imperiali, une artère rectiligne creusée entre 1924 et 1932 sur ordre de Benito Mussolini. Il la baptisa à l’époque via dell’ Impero (l’avenue de l’Empire) en hommage aux empereurs romains et au « nouvel empire fasciste ».
Pour ce péché d’orgueil qui scinde en deux les forums romain et impériaux, le Duce fit démolir sans vergogne des milliers de mètres carrés de ruines de la Rome antique. C’est peut-être cela le beau inculte et terrible que Stendhal évoquait de manière prémonitoire, car, bien sûr encore, il n’a pu arpenter cette avenue comme je le fais, ce matin, … à pied.

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Cela dit, modeste badaud du vingt-unième siècle, je suis tout de même ému devant ce champ de ruines du Foro romano (forum romain) animé magiquement et artistiquement ici par un arc de triomphe, là par quelques colonnes.
J’essaie de le longer au plus près, ce qui n’est pas forcément chose aisée, des employés municipaux commençant à installer barrières et gradins métalliques pour la parade organisée le 2 juin à l’occasion de la fête nationale.
Un peu plus loin, ma progression est également entravée par les travaux liés au percement interminable (l’achèvement était prévu en l’an 2 000 !) de la future ligne C du métro. Je m’y préparais à un moment ou un autre tant Rome constitue le personnage central du film, je me retrouve brutalement plongé dans l’univers de Fellini Roma, un des chefs-d’œuvre du maestro Federico. Il y traitait allégoriquement du passage de la Rome antique à la ville moderne dans une géniale séquence du creusement d’un tunnel du métro où les visages des fresques éclairés par les lampes frontales des ouvriers taillant la paroi, semblent nous interroger sur notre vision du monde moderne sans doute décadent.
Je ne résiste pas à vous en livrer un extrait (en italien mais la langue de Dante est si agréable à l’oreille) de ce qui n’est malheureusement et finalement pas de la science fiction.

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Le sous-sol romain est riche de tant de vestiges antiques que les opposants à la bétonisation de Rome n’ont nul besoin pour entraver les chantiers de faire valoir, comme les écologistes de chez nous, la présence d’espèces d’oiseaux protégées, ceux dont, peut-être, Stendhal entendait le chant mêlé au bruit des chaînes des galériens du pape travaillant en bas de l’arène mythique.
En tout cas, si piafs romains il y a encore, ce matin, leurs piaillements sont couverts par les slogans des manifestants qui se rassemblent devant l’Arc de Constantin.

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Il ne faut évidemment pas s’en réjouir mais la France n’a pas le monopole des manifestations en ce mois de mai.
Contratto subito ! Riorganizziamo i servizi pubblici e privati del Lazio ! Renouvellement des contrats, réorganisation des services publics et privés du Latium ! Le syndicalisme est encore très actif dans la péninsule. On compte plus de douze millions d’affiliés dont les retraités constituent une part importante. En observant les bannières, drapeaux et ballons, on repère les syndicats majoritaires, ainsi le rouge de la CGIL, Confederazione Generale Italian dei Lavoro, d’essence communiste. Le défilé du jour concerne plus précisément les services locaux de la Funzione Pubblica.
Par chance, il n’est pas prévu que l’on nous « casse » la matinée en fermant le Colisée aux visiteurs comme cela s’est produit en d’autres occasions.
J’ai souvenir, dans mon adolescence, du légendaire athlète éthiopien Abebe Bikila qui courait pieds nus. Lors des Jeux Olympiques de Rome (1960), ce soldat de la garde impériale du négus Haïlé Sélassié avait remporté le marathon qui s’achevait sous l’arc de Constantin, précisément à l’endroit où vingt-cinq ans plus tôt, Mussolini, après avoir prononcé un long discours, avait lancé ses troupes à la conquête de l’Abyssinie (nom donné parfois à l’empire d’Éthiopie). Le sport fit, là, un chouette pied de nez à l’Histoire.
Quand un empereur rencontre un autre empereur, qu’est-ce qu’ils se racontent (pour pasticher une vieille chanson de Mireille et Jean Nohain) … ? En effet, en 306, c’était un peu le bazar dans l’Empire qui comptait à sa tête deux Augustes, Constantin Chlore et Galère, et deux Césars, Sévère et Maximien Daïa. Laissons couler l’eau sous les ponts du Tibre … en 311, on eut même à faire à une heptarchie d’empereurs. C’est certes beaucoup moins que le nombre de candidats à la présidence de notre République !
L’empereur Constantin fit le ménage et allait devenir Grand en éliminant l’empereur Maxence lors de la bataille du pont Milvius (28 octobre 312), à quelques kilomètres de l’arc qui lui fut érigé devant le Colisée, en 315, par décision du Sénat romain reconnaissant.

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Pour être parfaitement honnête, les reliefs ornant l’arc ne représentent pas uniquement les exploits de Constantin. Pour la majorité, ils proviennent même de monuments antérieurs du second siècle dédiés à Trajan, Hadrien et Marc Aurèle. « La décadence commençait pour Rome et pour l’Occident » constatait Stendhal.
L’arc chevauchait la Via Triumphalis, empruntée par les empereurs (et Abebe Bikila ?) lorsqu’ils entraient dans la cité pour célébrer leur triomphe.
C’est finalement un excellent lieu de rendez-vous : nous retrouvons un couple d’amis, débarqué par avion l’avant-veille, avec qui il est prévu de passer ce séjour romain.
En face, la queue de touristes, pourtant possesseurs de leur billet, commence à s’allonger le long du Colisée. Je ne saurais vous en expliquer la raison, une hôtesse nous invite à prendre la file déserte des visiteurs non munis de billets ; ainsi, en quelques minutes, après avoir satisfait aux fouilles de prévention anti-terroriste, j’entre dans l’arène mythique au nez et à la barbe des touristes trop prévoyants !

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Je découvrirai dans l’enceinte plusieurs défibrillateurs : j’ai lu qu’elle connaissait en moyenne un malaise cardiaque tous les mille visiteurs, provoqué par la chaleur, les longues attentes en plein soleil, les escaliers pentus à gravir et les attroupements aux endroits stratégiques.
C’est vrai que les marches sont inhabituellement hautes : voici un peu d’Histoire le temps de reprendre mon souffle.
Année 69, année … politique : les historiens la désignent comme « l’année des 4 empereurs ». En effet, après la fin du règne de Néron, c’est le chaos, et Galba, Othon, Vitellius et Vespasien se succèdent comme empereurs en un peu plus d’un an.
Le dernier de la liste, Vespasien, celui-là même qui donna son nom à nos anciens urinoirs publics pour messieurs parce qu’il avait créé un impôt sur la collecte d’urine à l’usage des teinturiers, va ouvrir une longue période de stabilité à l’Empire romain et offrir le monument le plus visité d’Italie.
Après le grand incendie qui dévasta Rome en juillet 64 de notre ère, la ville était à reconstruire. Vespasien s’attela à la tâche et ordonna notamment que l’on bâtisse « sur sa propre part de butin » (probablement issu du sac de Jérusalem) le plus grand amphithéâtre jamais édifié dans l’empire romain : de forme ovoïde, il possédait à l’origine un périmètre de 545 mètres, une longueur de 189 mètres et une largeur de 156 mètres, et pouvait accueillir 50 000 spectateurs. Gigantesque !
Vespasien aurait employé douze mille Juifs prisonniers de guerre. Il mourut l’année qui précéda l’achèvement de la construction commencée entre 70 et 72. C’est son fils Titus qui inaugura donc l’amphithéâtre Flavien en l’an 80.
« Il faut être seul dans le Colysée » écrivait Stendhal. Aujourd’hui, c’est raté et d’ailleurs inenvisageable. Il a accueilli six millions et demi de visiteurs l’année dernière, l’affluence ayant doublé depuis le succès de Gladiator, le péplum de Ridley Scott sorti en l’an 2 000.
À chaque balcon, il me faut me glisser au milieu d’une forêt de perches télescopiques à selfies, plaies narcissiques du vingt-unième siècle. « J’y suis allé » montreront-ils plus tard à leurs petits-enfants.
J’envie Stendhal, encore lui : « Dès que d’autres curieux arrivent au Colysée, le plaisir du voyageur s’éclipse presque en entier. Au lieu de se perdre dans des rêveries sublimes et attachantes, malgré lui il observe les ridicules des nouveaux venus, et il lui semble toujours qu’ils en ont beaucoup. La vie est ravalée à ce qu’elle est dans un salon : on écoute malgré soi les pauvretés qu’ils disent. Si j’avais le pouvoir, je serais tyran, je ferais fermer le Colysée durant mes séjours à Rome … »

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Les Romains n’ont-ils pas été des précurseurs de l’industrie du spectacle ? N’ont-ils pas inspiré notre société moderne qui offre également, à défaut de pain, des jeux au peuple, ainsi en ce moment avec l’Euro de football ?
La circulation des spectateurs était digne de nos grandes enceintes sportives modernes : 50 000 personnes pouvaient sortir en moins de huit minutes grâce aux 80 accès prévus. Les inscriptions vomitoires qu’on voyait dans mon enfance dans nos théâtres et nos stades et que je croyais être des lieux où se rendre dare-dare quand on était malade (!), se rapportent directement à ces issues.
Les velums, sortes de toits rétractables faits de toile de lin et mus par 2 000 marins, protégeaient si besoin les invités de l’empereur des ardents rayons du soleil.
La disparition du plancher de l’arène (recouvert de sable) laisse entrevoir toute une architecture souterraine ingénieuse (l’hypogée), les « coulisses » de l’amphithéâtre en somme. Un labyrinthe de murs et des ascenseurs de cordes permettaient de faire surgir les animaux à différents endroits multipliant ainsi l’effet de surprise pour la plus grande joie du public.
Le Colisée fut utilisé pour les venationes (combats d’animaux sauvages), les munera (combats de gladiateurs). On y organisa des naumachies, véritables batailles navales, pour lesquelles on effectuait une mise en eau de la piste. On costumait des criminels condamnés pour des représentations de drames tirés de la mythologie romaine d’un tel réalisme qu’ils pouvaient trouver la mort. Il y eut aussi des exécutions publiques.
Plutôt que vous infligez les incontournables Ave Cesar proférés, bras levé, par de pénibles touristes, je vous offre cette belle chanson de Catherine Lara, « l’aventurière de l’archet perdu », qui connut un énorme succès au début des années 1970.

Ceci dit, contrairement à une croyance persistante, la formule Morituri te salutant, « ceux qui vont mourir te saluent », a une origine authentique mais, selon le témoignage de l’historien romain Suétone, elle ne concernait pas les gladiateurs et n’aurait été prononcée qu’en une seule occasion par l’empereur Claude dans le cadre d’une naumachie qu’il avait organisée au bord du lac Fucin.
Il ne faut pas croire tout ce que dit le séduisant Russell Crowe, le héros de Gladiator ! Tout ça, c’est du cinéma ! D’ailleurs, les scènes de la Rome antique furent filmées à … Malte. Une réplique d’un tiers du Colisée y avait été construite en plâtre et contreplaqué, le reste du monument étant reconstitué par images de synthèse ! Déçu ?
« Le Colisée est sublime pour nous, parce que c’est un vestige vivant de ces Romains dont l’histoire a occupé notre enfance ».
Qui sait s’il n’est pas plus beau et émouvant aujourd’hui à demi en ruines qu’il ne le fût au temps de sa splendeur ? Pourtant, il a connu nombreux outrages hors le terrible incendie de 217 et quelques tremblements de terre. À la Renaissance, quel paradoxe, réduit en partie à une vulgaire carrière de travertin, il subit un véritable pillage de ses pierres pour construire notamment les façades du palais Venezia et de la basilique Saint Pierre.

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En bas, le cortège de manifestants s’ébranle. Suis-je victime d’un malaise, il me semble que le défilé romain est plus harmonieux et dansant que les cohortes battant le pavé sur les grands boulevards parisiens.
Rome va mal et dans quelques jours, Virginia Raggi, la candidate populiste du Mouvement des 5 Stelle (étoiles), sera la première femme à accéder au fauteuil de maire de la cité : historique dans l’histoire plurimillénaire de la Ville éternelle.
Les électeurs romains sont à bout d’une classe politique calamiteuse, gauche comme droite, à bout de fonctionnaires municipaux n’obéissant qu’à leurs intérêts, à bout de transports en commun délabrés, à bout des travaux sans fin de la ligne de métro, à bout des poubelles ramassées au petit bonheur …
Bède le Vénérable, un moine et historien anglais, prophétisait au VIIIe siècle : « Aussi longtemps que durera le Colisée, durera aussi Rome ; quand tombera le Colisée, Rome aussi tombera, et lorsque Rome tombera, le monde aussi tombera. »
Rome tombe-t-elle ? Le monde tombe-t-il, voyez le saccage de Palmyre par les djihadistes ? En ressortant, je tente de me rassurer en levant les yeux : le Colisée tient ! J’observe plus attentivement son architecture extérieure fondée sur le motif du fornix, travée formée d’une arcade et de deux piliers, répété 80 fois pour constituer le périmètre et 4 fois en hauteur. Pour la première fois, un amphithéâtre romain a exhibé sur sa façade les ordres grecs : l’art toscan ou dorique en bas, ionique au milieu, corinthien en haut.
J’achève ma ronde autour du Colisée en longeant l’immense arc-boutant de brique, élevé par le pape Pie VII, pour soutenir la façade extérieure menaçant de s’écrouler.

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Il est midi, c’est un peu tôt pour manger à Rome mais j’ai un peu faim et surtout soif, après le printemps pourri de Paris, il faut que je m’acclimate à la chaleur romaine (28 degrés aujourd’hui). Alors, cap, vers le quartier Monti tout proche, ma compagne a repéré l’Enoteca Cavour 313, unanimement cité dans les guides. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un bistrot à vin dans la via Cavour. Vous savez depuis mon précédent billet que le comte Camillo Cavour, consensuel comme le vin, joua un rôle politique important dans l’Unité italienne (le Risorgimento, vous avez retenu ?) et élevait un excellent Barolo dans son domaine viticole de Grinzane en Piémont.
Ô surprise, sur le trajet, j’entrevois, au fond d’un café, deux amies chères de mon adolescence.

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Souvenirs, souvenirs, Sophia Loren dans La Ciociara de Vittorio De Sica, Claudia Cardinale dans La fille à la valise (sniff, ce n’était pas pour me rejoindre !) ! Nous reluquions leurs décolletés affriolants sur les couvertures de Cinémonde chez le marchand de journaux. Un demi-siècle après, comment rester de glace devant les portraits de ces deux bellissimi ragazze, qui plus est, en-dessous d’une publicité de Gelati Motta ?
L’Enoteca Cavour 313 revendique plus de 1 000 références de vins italiens. Les bouteilles sont posées sur des étagères que même mon presque double mètre ne peut atteindre. Curieusement, le serveur se saisit d’un vin rouge du Lazio (région de Rome) à l’aide d’une très longue pince pour accompagner, en ce qui me concerne, une Insalata di spinaci e pere con dip di ricotta alle erbe, traduisez une salade d’épinards et de poires à la ricotta trempée dans des herbes, avec un filet d’huile d’olive comme on en trouve qu’en Italie ! Un délice !
Dussè-je m’enivrer, je préfère abuser du cru romain qu’être victime de l’angoissant « syndrome de Stendhal », une maladie psychosomatique qui provoque des accélérations du rythme cardiaque, des vertiges et des suffocations chez certains individus exposés à une surcharge d’œuvres d’art.
Et cet après-midi, il faut faire face à une débauche de temples, palais, basiliques, arcs et colonnes en suivant la Via Sacra dans le Forum Romain.

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Il s’agit d’un véritable musée en plein air, un jardin de pierres égayé en ce mois de mai par les coquelicots. Les monuments que nous y admirons correspondent à des époques différentes, certains des plus anciens ont été ensevelis sous la terre accumulée pendant des siècles, d’autres servent de fondations à des édifices nouveaux.
La Via Sacra, chaussée pavée et de terre battue qu’empruntaient les armées victorieuses lors des défilés célébrant leur triomphe, traverse le forum depuis l’arc de Titus jusqu’à l’arc de Septime Sévère, au pied de la colline du Capitole.

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Près de l’entrée du forum se dresse un portique à colonnes corinthiennes vestige du temple d’Antonin et de Faustine. Il fut construit par Antonin le Pieux en l’honneur de son épouse Faustine dite l’Ancienne décédée en l’an 141.
À l’instigation de Marc Aurèle qui épousa la fille dite Faustine la Jeune (très volage, elle l’aurait trompé avec des gladiateurs et des légionnaires !), le temple fut dédié une seconde fois, en 161, après la mort et la déification d’Antonin. Celui-ci était originaire de Nemausus, notre Nîmes actuelle, par son père et grand-père qui connurent donc peut-être la construction des « arènes » gardoises.
Curieusement, juste à l’arrière du portique, on note la présence de l’église San Lorenzo in Miranda qui fut construite, quelques siècles plus tard, sur les vestiges du temple.
Non loin de là, on peut observer les modestes ruines de dix petites salles de part et d’autre d’un couloir qui auraient appartenu à un lupanar de la République (509 av. J.C- 27 av. J.C).
Un feu peut en cacher un autre ! Cocasserie de l’Histoire, presque en face, de l’autre côté de la Via Sacra, se trouvent le temple de Vesta et la maison des Vestales, construits au temps de la Monarchie romaine (753 av. J.C-509 av. J.C).
Les Vestales, au nombre de quatre à sept, étaient des prêtresses dédiées à la divinité Vesta, recrutées à l’âge de 6 à 10 ans et chargées d’entretenir nuit et jour pendant trente ans le feu sacré. Si celui-ci venait à s’éteindre, elles étaient battues de verges par ordre du Grand Pontife. Elles étaient tenues aussi à une stricte chasteté et celle qui était surprise à apaiser son feu intérieur, était condamnée pour crime d’incestus à être battue à mort ou enterrée vivante.
Orgie romaine ou plutôt légende, Rhéa Silvia avait été élevée à la dignité de vestale par son oncle, justement pour la priver de descendance. Cela ne l’empêcha pas de fricoter avec Mars le dieu de la guerre et de donner naissance aux jumeaux Romulus et Rémus fondateurs de Rome. Une sacrée louve, cette Rhéa !
Quelle coïncidence, à quelques pas de là, je tombe sur le temple de … Romulus dont l’origine est sujette à débats. Il ne serait pas dédié à un des jumeaux mais construit par l’empereur Maxence (oui, c’est bien celui qui s’est noyé au pont de Milvius !) pour son fils Valérius Romulus mort encore enfant en 307.
Pour ménager les susceptibilités chez les Romulus, une autre théorie avance que le temple aurait été reconstruit sur un édifice beaucoup plus ancien dédié à Jupiter Stator et fondé selon la légende par le jumeau. Un vrai travail de romain que de démêler ces histoires de Romulus !
La Via Sacra marque une légère déclivité correspondant à la minuscule colline de la Velia au sommet de laquelle se dresse l’arc de Titus.

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Je vous cite mon petit Stendhal de poche : « Après l’arc de triomphe de Drusus près de la porte de Saint-Sébastien, celui-ci est le plus ancien de ceux que l’on voit à Rome ; il fut le plus élégant jusqu’à l’époque fatale où il a été refait par M. Valadier.
Cet homme est architecte et Romain de naissance, malgré son nom français. Au lieu de soutenir l’arc de Titus qui menaçait ruine … ce malheureux l’a refait. Il a osé tailler des blocs de travertin d’après la forme des pierres antiques, et les substituer à celles qui ont été emportées je ne sais où. Il ne nous reste donc qu’une copie de l’arc de Titus.
Il est vrai que cette copie est placée au lieu-même où était l’arc ancien, et les bas-reliefs qui ornent l’intérieur de la porte ont été conservés. Cette infamie a été commise sous le règne du bon Pie VII ; mais ce prince, déjà fort vieux, crut qu’il ne s’agissait que d’une restauration ordinaire, et le cardinal Consalvi ne put résister au parti rétrograde qui protégeait, dit-on, M .Valadier … »
Il est en colère notre écrivain ! Je comprends son acrimonie eu égard à sa riche sensibilité artistique mais, confusément, j’ai l’impression qu’en général, la rigueur architecturale laissait beaucoup à désirer et que ces pratiques furent légion (romaine !), souvenez-vous de l’arc de Constantin. Il était assez fréquent dans la statuaire, par souci d’économie et par gain de temps, qu’on posât par exemple la tête du nouvel empereur sur le corps d’un de ses prédécesseurs. Une manière impériale de déshabiller (saint) Pierre pour habiller (saint) Paul, notre expression populaire est née effectivement de ces deux apôtres persécutés par Néron.
Cela me rappelle la visite du château par l’inénarrable Victorine alias Jacques Dufiho : « la chapelle, rasée par le Prince noir, incendiée par les Huguenots, pillée par les Sans-culottes, aux révolutions de 89, 30 et 48, est entièrement d’époque » !
Cet arc de triomphe fut érigé par l’empereur Domitien en l’an 81 à la mort de son frère Titus (fils aîné de Vespasien (vous suivez ?) pour commémorer ses victoires durant la guerre de Judée (66-73) et la prise de Jérusalem.

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À l’intérieur des deux piliers soutenant l’arche unique, deux bas-reliefs rectangulaires illustrent le retour triomphal de Titus. L’un le représente dans son char triomphal attelé de quatre chevaux, au milieu de ses licteurs et suivi par son armée. L’autre représente les dépouilles du temple de Jérusalem portées en triomphe : la menorah ou chandelier d’or à sept branches que fit exécuter Moïse, la table des pains de Proposition et les trompettes sacrées de la renommée. C’est avec une partie de ce butin que le paternel, Vespasien, fit construire l’amphithéâtre Flavien dit le Colisée que l’on aperçoit à travers les feuillages.
Il n’y a pas que l’architecte Valadier à blâmer. L’arc de Titus fut intégré, au XIe siècle dans une forteresse construite par la famille Frangipani. Intrigué par ce nom, j’ai fait quelques recherches et il semblerait que ce soit un membre de cette puissante famille médiévale de Rome qui est à l’origine de la fameuse crème d’amandes de nos galettes des rois.
Encore un petit effort et je me hisse au sommet du Palatin d’où l’on jouit d’un panorama magnifique sur le Foro Romano.

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Il fallait bien que j’y pense à un moment ou un autre, me reviennent quelques vers partisans du célébrissime sonnet de Joachim Du Bellay :

« … Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine. »

Respectez la diérèse, souvenez-vous de la recommandation de votre ancien professeur de collège : le front audaci-eux !
Plus qu’un chauvinisme exacerbé pour son Anjou natal, le poète regrettait surtout de n’avoir pas trouvé lors de son séjour dans la ville éternelle, au milieu du XVIe siècle, la Rome idéale qu’il avait rêvée durant ses études. Et puis, il est vrai qu’on est toujours heureux, après avoir fait un beau voyage, de retrouver son chez soi.
Après ma méditation sur le mont Palatin, je suis de retour de l’autre côté de la Via dei Fiori Imperiali (malgré les préparatifs de la fête nationale) pour y admirer les ruines des forums dédiés aux empereurs Nerva, Auguste et Trajan dont les statues de bronze bordent la chaussée.

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statue de l’empereur Nerva (96-98)

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statue d’Auguste le 1er empereur romain (27 av. J.C-14 ap. J.C)

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statue de l’empereur Trajan (98-117)

Le plus spectaculaire est le Foro Traiano (forum de Trajan). C’est l’un des derniers forums impériaux construits à Rome et l’un des mieux conservés. Il fut inauguré en l’an 112 par l’empereur Trajan lui-même qui souhaitait perpétuer son triomphe sur les Daces, des tribus thraces correspondant grossièrement à la Roumanie actuelle. Il utilisa le trésor de guerre ramené de ses campagnes pour financer les travaux.
En arrière-plan, adossée à la colline du Quirinal, s’élève la façade en hémicycle des marchés de Trajan qui, contrairement à leur appellation, étaient essentiellement un centre administratif.
Mais la curiosité principale auprès des vestiges de la basilique Upienne est évidemment la célèbre colonne Trajane qui appartient à l’imagerie de nos vieux manuels d’Histoire.
En marbre de Carrare, elle développe sur son fût d’une trentaine de mètres de hauteur une véritable bande dessinée racontant les épisodes des deux guerres contre les Daces.

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Un dernier salut à Victor Emmanuel II ! Retour à la réalité du quotidien, en attendant le tram, je me surprends à constater que la ville de Rome n’oublie pas son riche passé même dans son mobilier urbain. Ainsi, un réverbère est décoré d’effigies d’aigle et louve. De même, la plaque d’égout sous mes pieds porte le sigle SPQR, abréviation de la devise Senatus populusque romanus, « le Sénat et le peuple romain », emblème de la République romaine puis par tradition de l’Empire. Les auteurs d’Astérix et Obélix détournèrent l’expression en Sono Pazzi Questo Romano, à savoir la fameuse phrase : « Ils sont fous, ces Romains ! »

Reverbère  blogplaque d'égout Rome blog

Je ne sais s’ils sont fous, en tout cas, je suis fou de leur pecorino romano vero, le sublime fromage de brebis à pâte très dure que j’achète bientôt dans une épicerie du Trastevere recommandée par notre logeur Andrea. Pline l’Ancien, Columelle et Virgile l’évoquèrent dans leurs écrits.
Accompagné d’un vin blanc bien frais Vernaccia de San Gimignano, Mamma Mia ! Au prochain billet !

Publié dans:Coups de coeur |on 23 juin, 2016 |Pas de commentaires »

Vacances romaines (2)

Martedi 24 maggio 2016

On est plus à l’Est, le jour se lève plus tôt en Italie. Et le soleil brille d’un éclat particulier : la télévision de la salle du petit déjeuner confirme la victoire du candidat écologiste et donc la défaite de l’extrême-droite à l’élection présidentielle autrichienne. Cependant, au col du Brenner, dégénère une manifestation contre la fermeture de la frontière entre l’Italie et l’Autriche, souhaitée par Vienne pour lutter contre l’afflux de migrants.
Déjà, à la terrasse du café sous les arcades de la via Palazzo di Citta, quelques anciens plongés, selon leur sensibilité, dans la lecture de la Stampa ou la Repubblica, s’enquièrent des nouvelles.

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J’en profite pour faire le tour des vestiges antiques de Susa qui témoignent de sa prospérité à l’époque de l’empereur Auguste (63 av-14 ap J.C) à la gloire duquel le Duce Mussolini fit ériger une statue le regard dirigé vers le Sud et la péninsule italienne.
Je contourne l’ancien château de la comtesse Adélaïde. C’est elle qui donna naissance à la dynastie des Savoie en épousant Oddone en 1046. L’actrice Clotilde Courau fait désormais partie de cette lignée par son mariage avec Emmanuel-Philibert de Savoie.
Après avoir laissé sur le côté un amphithéâtre, je me retrouve devant un tronçon de l’aqueduc abusivement appelé thermes de Gratien à cause d’une inscription mentionnant que le monument fut restauré entre 375 et 378 sous le règne de cet empereur. Il est constitué d’éléments de calcaire et de marbre.

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À peine l’ai-je franchi, je fais face à l’arc de triomphe dédié à l’empereur Auguste en l’an 8 av. J.C par le roitelet ligure Marcus Julius Cottius pour célébrer probablement la paix.
À la partie supérieure du monument, figure une dédicace qui, traduite, signifie ceci :
À l’empereur César Auguste, fils du divin (César), grand pontife, ayant la puissance tribunicienne pour la XVe fois, salué imperator pour la XIIIe fois, M. Julius Cottius, fils du roi Donnus, administrant les communautés qui sont citées ci-après : Ségoviens, Ségusiens, Belaces, Caturiges, Medulles, Tebaves, Adanates, Savincates, Ecdini, Véamini, Venisaniens, Iemerii, Vésubiens, Quariates, et ces peuples qui sont sous son administration firent (cet arc).
Les férus d’Histoire sont ainsi informés des peuplades celto-ligures qui constituaient le petit royaume de Julius Cottius occupant les hauts défilés des Alpes et dont la capitale était Seguso (Suse).

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Je redescends maintenant vers la pittoresque porte de Savoie qui est l’élément le mieux conservé des remparts édifiés au IIIe siècle apr. J.C pour défendre la cité. Elle se compose de deux tours circulaires massives reliées dans leur partie supérieure par un corps de bâtiment percé de hautes fenêtres disposées en quinconce.
Ces fortifications furent élevées a sacco, c’est-à-dire avec des murs de briques remplis à l’intérieur (comme des sacs) par des décombres et gravats divers … on retrouva même lors de fouilles des bustes romains !

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Adossée à la porte, se dresse l’église San Giusto. Basilique consacrée au XIe siècle, elle devint la cathédrale du diocèse de Suse en 1772.
Jean-Paul II effectua en 1991 une visite pastorale à l’occasion de laquelle il béatifia Monseigneur Edoardo Rosaz ancien évêque de Suse. Une statue rend hommage sur le parvis au fondateur de la congrégation des Sœurs Franciscaines Missionnaires de Susa.
La cloche sonne, une dame patronnesse s’affaire déjà à l’intérieur aux préparatifs de l’office matinal (on l’appelait messe basse dans mon enfance pour la différencier de la grand’ messe de 11 heures). À la hâte, je déambule dans les trois nefs et les chapelles adjacentes pour admirer quelques-uns des trésors exposés.

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Excusez-moi de ne pas développer autant que Chateaubriand le fît dans sa première lettre à son ami Joseph Joubert tirée du récit de son Voyage en Italie. Ainsi par exemple :
« La Doria vous ouvre l’entrée de l’Italie. J’ai eu souvent l’occasion d’observer cette utilité des fleuves dans mes voyages. Non seulement ils sont eux-mêmes des grands chemins qui marchent, comme les appelle Pascal, mais ils tracent encore le chemin aux hommes et leur facilitent le passage des montagnes. C’est en côtoyant leurs rives que les nations se sont trouvées ; les premiers habitants de la terre pénétrèrent, à l’aide de leur cours, dans les solitudes du monde. Les Grecs et les Romains offraient des sacrifices aux fleuves ; la Fable faisait les fleuves enfants de Neptune, parce qu’ils sont formés des vapeurs de l’Océan et qu’ils mènent à la découverte des lacs et des mers. Fils voyageurs, ils retournent au sein et au tombeau paternels. »
Je n’en ai évidemment pas la verve, et ma préoccupation, ce matin, est que le GPS m’inspire l’itinéraire le plus rapide pour rejoindre Rome (je sais bien que tous les chemins y mènent mais quand même !) et ma location en fin d’après-midi.
L’autoroute contourne Turin par le sud-ouest, durant une vingtaine de kilomètres, dans un paysage post-moderne où les friches industrielles côtoient curieusement des bâtiments aux lignes presque futuristes. C’est à la fois affreux et … presque beau !

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Cela me renvoie à l’esthétisant Désert rouge, premier film en couleur de Michelangelo Antonioni avec Monica Vitti. Avec son chef opérateur Carlo Di Palma, il transformait un monde concret de centrales électriques, de pylônes gigantesques, de cheminées d’usines, de bateaux rouillés, en un univers abstrait propice à l’expression des tourments d’un couple.
« Il y a dans la réalité quelque chose d’horrible, et personne ne veut me dire ce que c’est » disait la sublime Monica. C’était en 1964.
Voilà Asti, spumante, pétillant comme le chanteur Paolo Conte qui y a vu le jour. Je vais vous en offrir une rasade mais l’entrée prochaine dans la galleria (tunnel) Turchino me renvoie au col situé au-dessus et à la mythologie de la course cycliste Milan-San Remo que j’ai longuement décrite dans un ancien billet :
http://encreviolette.unblog.fr/2014/09/18/la-primavera-en-ete-sur-la-route-de-milan-san-remo/
C’était en 1946, je n’étais pas né, mais grâce au livre de Pierre Chany, j’entends ce matin encore gronder cette montagne des Apennins:
« Arriva Coppi ! » annonçait le messager. Cette révélation que seuls les initiés avaient pressentie fila aussitôt vers la vallée, rebondissant d’un rocher sur l’autre, s’échappant d’entre deux lèvres pour s’engouffrer immédiatement dans une trompe d’Eustache : « Arriva Coppi ! Arriva Coppi ! » répétait la rumeur ; avec l’accent tonique sur la première voyelle du nom… » Quelque chose me dit que le campionissimo Fausto Coppi arrivera ou reviendra avant la fin de mon séjour.
Genova est bientôt en vue, et là où il y a Gênes … il y a le plaisir d’écouter maintenant, comme promis, l’ami Paolo. Dans le morceau choisi, il chante peu mais sa musique enivre.

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Max gnifico ! Le piano du Piémont, la flûte d’Émilie, l’accordéon de Romagne, le violon de Toscane! Je me laisserais presque griser par la vitesse, heureusement, le GPS en Italie a parfois des vertus autrement plus pédagogiques que chez nous. Ce tronçon d’autoroute est équipé d’un système de contrôle électronique de la vitesse (système TUTOR) qui vous bipe dès qu’on ne respecte pas les limitations. Au lieu qu’ils soient planqués vicieusement derrière une pile de pont, les radars fixes italiens sont annoncés par le GPS et parfaitement visibles avec la silhouette d’un policier. Viva Italia !
C’est l’autostrada dei Trafori, l’autoroute des tunnels, plusieurs dizaines qui n’autorisent malheureusement que de parcimonieuses échappées sur la grande bleue.
Les aires de repos sont également peu nombreuses donc souvent embouteillées, et ne proposent pas de tables de pique-nique. J’aimerais pourtant faire mes casse-croutes au jambon de Savoie et Beaufort achetés, la veille, avant la frontière.
La Toscane approche. C’est curieux, il me semble qu’au loin, la neige saupoudre, même à basse altitude, les contreforts des Alpes Apuanes. Je devine vite ma méprise, il s’agit en fait des affleurements du célèbre marbre de Carrare.

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À quelques encablures, de l’autre côté de l’autostrade, se trouvent les ports de La Spezia et de Marina di Carrare d’où partent les bateaux chargés des blocs du précieux matériau.
Beaucoup de monuments d’Italie, églises, palais et sculptures, ont été élevés avec le marbre de Carrare. Michel-Ange l’employa pour sculpter ses plus grands chefs-d’œuvre tels son puissant David que l’on peut admirer à l’académie des Beaux-Arts de Florence (celui devant le Palazzio Vecchio est un moulage). À propos, une information qui ne me laisse pas de marbre, le David original (5 tonnes et 5 mètres de haut) subirait aussi les affres de la vieillesse et on aurait constaté de multiples micro-fractures dans les jambes.
Lucca, Pistoia, Prato, Firenze, l’autoroute file à travers la Toscane et j’ai désormais engagé mon pied dans la botte.
Perchés sur leurs pitons, Montepulciano et Orvieto me mettent le vin à la bouche. Après l’Ombrie, voici le Latium, c’est tellement plus poétique les provinces italiennes que les médiocres appellations de nos nouvelles régions, on en reparlera si vous le voulez à mon retour.
Voici enfin Rome, l’unique objet de mon assentiment (pour pasticher et contredire un illustre ancêtre normand) ! Le contournement de la ville par le périphérique est aussi peu accueillant que notre banlieue nord parisienne.
Puis soudain, c’est l’enchantement : depuis le Janicule, parfois appelé la huitième colline de Rome, le panorama est splendide sur la capitale historique et le quartier du Trastevere où l’on a décidé d’élire domicile durant notre séjour.
67 059 jours et 8 heures (!) plus tard, je pourrais emprunter à Stendhal ses premières lignes de Vie de Henry Brulard : « Je me trouvais ce matin, 16 octobre 1832, à San Pietro in Montorio, sur le mont Janicule, à Rome, il faisait un soleil magnifique. Un léger vent de sirocco à peine sensible faisait flotter quelques petits nuages blancs au-dessus du mont Albano, une chaleur délicieuse régnait dans l’air, j’étais heureux de vivre.
Ce lieu est unique au monde, me disais-je en rêvant et la Rome ancienne malgré moi l’emportait sur la moderne … »

Rome depuis le Janicule blog

Au sommet de la colline, sous la statue de Garibaldi, depuis l’Unité italienne, un canon tire à blanc quotidiennement à midi pile. Cette initiative fut introduite par Pie IX en 1847 en guise de signal afin que les cloches des églises de Rome sonnassent en même temps.
Je ne dispose que de mon portable pour annoncer mon arrivée sinon au peuple romain du moins au propriétaire de la location. Je le découvrirai plus tard, Andrea Fogli, c’est son nom, est un artiste sculpteur qui expose actuellement dans un musée de la capitale : une soixantaine de visages en argile peinte exprimant Il fantasma della storia. Son travail s’intègre à un esprit de résistances à toutes les formes de discrimination raciale, politique, religieuse et sexuelle.

Sculpture Andrea Fogli blogLocation Trastevere blog 1Location Trastevere blog 2

Les gravures, cadres, objets et livres qui parsèment l’appartement ne laissent aucun doute sur sa sensibilité artistique.
Une affiche de La Grande Belleza de Paolo Sorrentino, Oscar 2014 du meilleur film étranger, constitue un clin d’œil à sa compagne Anna Maria qui en était la directrice de casting. Ce qui est en soi déjà une performance tant ce film onirique digne du maestro Fellini qui a pour cadre la ville éternelle rassemble une palette d’acteurs hors normes.
Andrea nous recommande d’arroser le jardinet, en particulier, les néfliers déjà chargés de fruits qui souffrent de la chaleur romaine. Ce sera fait.
Il nous confie aussi un plan du quartier du Trastevere avec une liste d’adresses de trattorias, glaciers, bars à vins, épiceries, une boulangerie-pâtisserie française, librairies, cinémas et galeries d’art qu’il a lui-même expérimentés. « C’est du vécu, c’est romain et pas attrape-touristes ! »

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Après une brève flânerie en forme de reconnaissance, on constate cela dès le soir même en portant notre choix sur la pizzeria Ai Marmi. Bien que nous soyons un mardi, elle est tellement bondée que des tables serrées occupent, sur plusieurs dizaines de mètres, le trottoir de la Viale Trastevere, la principale artère du quartier qui mène vers le Tibre et le centre historique. Autant dire que c’est bruyant d’autant que les trams de la ligne 8 se succèdent à grande fréquence. Rien évidemment de très romantique pour une première nuit romaine, on se croirait dans une cantine, un repas de village ou une fête des voisins. Je profite des incessantes communications téléphoniques de ma voisine.
C’est de l’authentique avec une clientèle locale très variée où se mêlent jeunes et anciens, le petit peuple et les bobos. Et il faut observer, à l’intérieur, les pittoresques pizzaïoli s’affairant devant le feu de bois. En tout cas, la pizza capriciosa, tomate, jambon, artichaut, champignon, olive, mozzarella, anchois et sa pâte fine comme apprécient les romains, est excellente. Pendant ce temps, il ne cesse de pleuvoir en France !
En guise de promenade digestive, je rejoins les bords du Tibre, le Tevere en italien, le plus long fleuve de la péninsule après le Pô et l’Adige. Même si je suis le premier à me mettre en place, nous sommes bientôt une kyrielle à photographier le ponte Sisto avec la coupole de Saint-Pierre en arrière-plan. Il fut construit de 1473 à 1479 sous le pontificat du pape Sixte IV auquel il doit son nom.

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Ce pont dégage un faux air du Pont Neuf à Paris, qui sait si l’artiste Christo n’aurait pas pu l’emballer. Constitué de quatre arches, on peut observer un oculus sur le pilier central qui joue parfois le même rôle que notre zouave du pont de l’Alma, à savoir évaluer le niveau des crues éventuelles.

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À hauteur du pont, se trouve la piazza Trilussa dédiée à Carlo Alberto Salustri (Trilussa est son anagramme), grand poète romain du siècle dernier, célèbre pour ses œuvres en romanesco le dialecte romain. Maître de la satire politique et sociale, la corruption des politiciens et les intrigues des possédants font partie de ses cibles favorites. Son buste est visible sur un des murs de la place.
Au fond de la place, se dresse une fontaine construite par Paul V en 1612 en un autre lieu et transportée ici au XIXe siècle. Ses marches sont envahies, à la tombée de la nuit, par les jeunes peut-être inspirés par l’humour et la causticité du poète..
À quelques pas de là, malgré l’heure déjà avancée, il y a un office dans une église a priori sans caractère car non mentionnée sur les guides. Pourtant, indifférent aux imprécations du prêtre, j’admire les fresques et les dorures de la coupole.

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Constituant presque un labyrinthe, les ruelles étroites et pavées du Trastevere (littéralement au-delà du Tibre pour le distinguer du Centro historico) sont envahies, c’est encore l’heure de l’aperitivo (équivalent de nos happy hours), on mange tard à Rome. Il va falloir que l’on trouve nos repères.
Sur le chemin de notre domicile, je ne manque pas de traverser la belle Piazza Santa Maria di Trastevere au cœur du quartier. Je m’arrête juste pour photographier de nuit les mosaïques dorées ornant la façade de la basilique, premier édifice religieux de Rome qui fut dévoué au culte de la Vierge Marie.

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Ce soir, je suis fatigué, d’ailleurs je ne commencerai pas mon livre de chevet Suburra, un roman noir de Carlo Bonini et Giancarlo De Cataldo. Les deux auteurs y décrivent une Rome souterraine pourrie par la corruption, minée par les luttes de pouvoir et d’influence, sur fond d’un immense projet immobilier envisageant la bétonisation entre la capitale et la plage d’Ostie. Cruellement actuel !

Livre Suburra blog

Publié dans:Coups de coeur |on 15 juin, 2016 |1 Commentaire »

Vacances romaines (1)

Lunedi 23 maggio 2016

En route pour mes Vacances romaines ! Il fallait bien que je trouve un titre à ma série de billets sur mon récent séjour en Italie, alors pourquoi ne pas emprunter celui de la célèbre comédie romantique de William Wyler qui reçut trois Oscars en 1954 sur ses dix nominations. Je ne souhaite pas que, comme l’héroïne du film Audrey Hepburn, ma compagne s’endorme sur un banc du Colisée et soit séduite par un beau reporter au physique de Gregory Peck, mais de cela, nous aviserons plus tard.
Pour l’instant, il s’agit de traverser une France morose accablée par les pluies continuelles et les multiples manifestations contre le projet de loi sur le travail. À la radio, on brandit même le spectre d’une éventuelle pénurie de carburant suite au blocage de certains centres de stockage.
Ouf, je passe tous ces obstacles sans encombres et me retrouvant à Modane, près de la frontière, vers 16 heures, je décide de poser mes valises en terre italienne dès le premier soir.
Pas si simple cependant car s’il tombe des hallebardes dans la vallée de la Maurienne, c’est la neige et le brouillard qui rendent délicat l’itinéraire par le col du Mont Cenis. Même si cela me permet de tester mes quelques rudiments de la langue de Dante, je ne place qu’une confiance limitée en l’optimisme du chauffeur de car transalpin assurant la liaison journalière entre Bardonecchia et Modane.

Mont-Cenis blog

À défaut de pneus neige, il y aurait bien la solution historique louée par la municipalité voisine de Bramans. En effet, elle a élevé une sculpture monumentale de quatre mètres de hauteur évoquant le franchissement des Alpes par Hannibal et ses éléphants.

elephant d'Hannibal

Les sources les plus fiables proviennent des récits de Tite-Live et de Polybe, le chef carthaginois Hannibal, en l’an 218 avant J.C, après avoir quitté l’Espagne et traversé les Pyrénées, aurait rejoint le nord de l’Italie en passant dans la région avec ses 30 000 hommes et 37 éléphants pour combattre les légions romaines lors de la Deuxième guerre punique.
Le trajet exact emprunté par Hannibal divise toujours les historiens et spécialistes. Récemment, l’un d’entre eux, un microbiologiste de l’université de Belfast, après l’analyse carbone de crottin le datant de 200 avant J.C, a émis l’hypothèse (contestée) d’un itinéraire plus méridional par la vallée de la Haute-Durance.
Foi d’Hannibal, les habitants de Bramans ne sont pas prêteurs, accordons-leur tout de même le passage des pachydermes par le col Clapier reliant la vallée de la Maurienne et le val de Suse. Parvenus dans la plaine du Pô, les soldats carthaginois durent combattre les Taurins (peuple celto-ligure qui occupait l’actuel Piémont dont la ville principale est Torino ou Turin) avant d’en découdre avec la cavalerie romaine du consul Publius Cornelius Scipion (père de Scipion l’Africain dont j’aurai l’occasion de vous reparler) lors de la bataille de la Trebbia.
Je n’ai comme unique ressource que de débourser 43 euros pour emprunter le tunnel routier du Fréjus, ainsi nommé parce qu’il est percé sous la pointe du Fréjus, une montagne qui culmine à 2 934 mètres entre la France et l’Italie.
Ça fait certes cher en sesterces les douze kilomètres que fait sa longueur, mais en prime, et aujourd’hui c’est sacrément appréciable, on a droit à sa sortie au soleil qui inonde le val de Suse. C’est fou comme le moral remonte : Forza Italia !

Susa vue générale

Suivant les suggestions de Booking.com repérées à la hâte sur notre tablette, nous jetons notre dévolu sur l’hôtel Fell à l’entrée de la ville de Susa (Suse en français mais il faut s’adapter à la langue du pays !). Le patron accueillant stigmatise notre chance, il s’agirait de la seule chambre encore libre. J’en suis moins persuadé, nous ne croiserons que deux autres couples de Français au cours de la soirée et au petit déjeuner du lendemain.
Cela n’a d’ailleurs aucune importance, de plus la première impression est favorable : l’escalier qui mène à l’étage est joliment décoré de photographies de la flore régionale et de croquis à la gloire du « roi des vins, vin des rois » (des papes aussi), le Barolo, prestigieux nectar du Piémont.

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Barolo ha il diavolo in corpo, le Barolo a le diable au corps, Il retrogusto, l’arrière-goût, les Italiens ont du talent quand ils parlent d’amour et de vin.
Avec de tels arguments, le comte Cavour qui élabora ce cru dans son domaine de Grinzane ne pouvait que réussir l’Unité italienne, un sujet d’Histoire qui ennuya beaucoup de candidats au bac !
La belle lumière de la fin de journée incite à la promenade le long du torrent encore impétueux de la Doire Ripaire.

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L’église de la Madonna del Ponte offre une architecture curieuse. Je ne sais pas qui du curé de la paroisse ou du conservateur du musée diocésain d’art sacré aux formes futuristes jouit de l’appartement surplombant la rivière, mais je succomberais volontiers au péché d’envie.

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En Italie, les églises, même celles des villages les plus modestes, sont largement ouvertes au public. C’est toujours un ravissement et une émotion d’y entrer pour en admirer les richesses artistiques. Sans importuner l’unique fidèle qui y prie en cette heure déjà tardive, je contemple la coupole et quelques fresques.
Le musée diocésain abrite quelques trésors dont une émouvante statue en bois de tilleul de la Vierge et l’enfant datant du XIIe siècle qui a d’ailleurs donné son nom à l’église.

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À la recherche d’une trattoria pour le dîner, le sportif désormais en chambre que je suis s’arrête un instant devant une vitrine.

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Émozioni : des antiques godasses de footballeur et un « référentiel bondissant » comme disent les pseudo-pédagogues d’aujourd’hui, un vieux rond de cuir d’un poids de 396 grammes « en début de partie » comme le précisaient les règles énoncées par la Football Association.
Mon émotion se nourrit plus encore de la photographie de la mythique équipe du Torino en 1949. Comme nous informe la légende : « Campioni d’Italia 1942-43, 1945-46, 1947-48, 1948-49 … solo il fato vinse ! Seul le destin a gagné ou en a voulu autrement.
Le 4 mai 1949, le vol spécial Avio-Linee Italiane transportant l’équipe du Torino Football Club ainsi que quelques journalistes, de retour d’un match amical à Lisbonne, s’écrasa contre un mur de soutien de la basilique de Superga qui domine la plaine du Pô à quelques kilomètres de Turin.
Dix-huit joueurs dont huit internationaux italiens périrent dans ce crash. C’est le sélectionneur de la Squadra Azzura de l’époque qui fut chargé d’identifier les corps. L’international français Émile Bongiorni, ancien avant-centre du Racing Club de Paris, et Roger Grava ancien ailier gauche du CO Roubaix Tourcoing, figuraient parmi les victimes.
L’écrivain Dino Buzzati, présent aux obsèques, déclara : « S’il s’agissait de savants ou d’écrivains, personne ne pleurerait … » Le Torino représentait alors le sport de toute l’Italie, le symbole d’un pays qui sortait meurtri par la guerre. J’ai eu l’occasion d’en parler dans mon billet hommage au grand footballeur Alfredo Di Stefano, l’équipe argentine de River Plate organisa une série de matches en Europe dont les bénéfices furent reversés au club endeuillé (http://encreviolette.unblog.fr/2014/11/09/di-stefano-seleve-plus-haut-que-tout-le-monde/).
La ville de Susa est liée à un autre souvenir sportif de l’enfant que je fus, en véritable adoration devant son idole Jacques Anquetil. C’était un jeudi de juin 1959, jour chômé par les écoliers à l’époque. Ce bel après-midi-là, je suivis à la télévision, en noir et blanc bien sûr, la retransmission de l’étape du Giro d’Italia. Dans son exercice de prédilection contre la montre, sur les 51 kilomètres reliant Turin à Suse, mon champion accomplit un exploit retentissant en remportant l’étape à la vitesse de 47,539 km/h, reléguant très loin tous ses adversaires notamment Charly Gaul. Vous imaginez comme j’étais heureux : Anquetil allait être le premier coureur français à épingler à son palmarès le Giro qui s’achevait trois jours plus tard.
C’était sans compter avec l’Ange de la montagne qui, le surlendemain entre Aoste et Courmayeur, anéantit ma joie en le dépouillant de son maillot rose dans une de ces chevauchées dont il avait le secret.

Giro 1959 Anquetil-Gaul blog

Le cyclisme est une religion en Italie. Mais qu’avait fait la Madonna del Ponte pour mon campionissimo ? Il se vengea l’année suivante.
Le val di Susa a souvent été le théâtre d’étapes stratégiques du Giro parce qu’il se trouve à la confluence de routes menant aux cols du Mont Cenis, du Montgenèvre et de la Finestre.

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Allez, laissez-moi savourer ma première gorgée de birra a la spina (pression) à la terrasse du Caffé del Sole, Piazza IV Novembre, date commémorative du Risorgimento, renaissance et unification de l’Italie par les rois de la maison de Savoie.

Publié dans:Coups de coeur |on 7 juin, 2016 |Pas de commentaires »

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