Archive pour mars, 2015

C’est l’ Printemps 2015 ! Et alors ?

Chaque année (ou presque), je célèbre avec vous la venue du printemps, la saison dite du renouveau.
Il peut s’agir bien sûr du printemps météorologique avec la nature qui renait.
Mais il fut d’autres printemps politiquement porteurs d’espoirs pour des peuples opprimés. Ainsi, le Printemps des peuples qui naquit (précocement) le 22 février 1848 lorsqu’éclata à Paris la Révolution renversant la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe. Le 24 février, le poète Lamartine proclamait la Seconde République.
Face à la contagion révolutionnaire, les monarques concédèrent des Constitutions à Budapest (face au militant indépendantiste Kossuth), à Vienne (fuite du prince de Metternich), Berlin, Munich (abdication de Louis 1er de Bavière), en Italie aussi, se rappelle-t-on de la République de Saint-Marc à Venise ?
Il y eut le Printemps de Prague en 1968 avec l’arrivée au pouvoir du réformateur Alexander Dubček pour un « socialisme à visage humain ». Jean Ferrat dénonça l’invasion russe qui s’en suivit :

« …C’est un nom terrible Camarade
C’est un nom terrible à dire
Quand, le temps d’une mascarade
Il ne fait plus que frémir
Que venez-vous faire Camarade
Que venez-vous faire ici
Ce fut à cinq heures dans Prague
Que le mois d’août s’obscurcit
Camarade Camarade … »

Un ensemble de mouvements populaires a constitué le Printemps arabe à partir de décembre 2010. Qu’en est-il de ces espoirs aujourd’hui ? On détruit des œuvres d’art au musée de Mossoul et dans la cité historique irakienne de Nimroud, on abat ceux qui les admirent au musée Bardo de Tunis.
« Le printemps ça s’invente et ça se fout en taule » chantait Léo Ferré. Il oublie ce vers dans cette interprétation en public du Printemps des Poètes :

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« J’ai vécu des printemps fabuleux en hiver
Pendant que le vulgaire était tout emmouflé
Je soufflais sur mes mains à son cul à son nez
V’là-t’y pas qu’ses bourgeons sortaient m’en jouer un air
Le printemps ça s’invente et ça se fout en taule
Le printemps c’est ma mine avec ses airs de chien
Qui vient tout ébahie me montrer tout son bien
Le temps de déposer mon arme de l’épaule
Et oui c’est ça monsieur le printemps des poètes
Tout juste un peu d’hiver pour rompre les façons
Un quart d’été un quart d’automne et des chansons
Et s’il fait encor frais on se met la casquette
On va faire des pique-niques du côté des ballots
On va se mettre au vert en croyant aux histoires
Et l’on se sent mourir au bord d’une guitare
Quand la mort espagnole envoie son flamenco
Ce qu’il faut de désirs aux heures de l’ennui
Et ce qu’il faut mentir pour que mentent les choses
Ce qu’il faut inventer pour que meurent les roses
L’espace d’un matin l’espace d’une nuit
Jamais ne vient l’avril dans le fond de mon cœur
Cet éternel hiver qui bat comme une caisse
Qu’on clouerait sans répit depuis que ma jeunesse
A décidé d’aller se faire teindre ailleurs »

L’ami Léo chanta le printemps de manière plus classique quoique très poétique : « Y’a la mer qui s’prend pour Monet ou pour Gauguin ou pour Manet » :

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« … Y a d’la luzerne au fond des lits
Et puis l’faucheur qui lui sourit … »

Avec la même veine anarcho-poétique, les dessinateurs de Charlie-Hebdo tentent, après leur tragique hiver, de trouver une raison de sourire à la venue du printemps.

Printemps Charlie blog3

Allez, pour conclure, ressuscitons un bon vieux printemps des années 1950 avec l’impertinence d’Anne Sylvestre. Je sais que cela rappellera des souvenirs au moins à une de mes lectrices.

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« Heureus’ment y a les enfants
Pour embellir le printemps
S’il y avait pas les enfants
Qu’est-ce que ça s’rait dégoûtant »

Publié dans:Almanach |on 20 mars, 2015 |Pas de commentaires »

Au départ de Paris-Nice 2015 à Maurepas

N’en déplaise à quelques uns de mes lecteurs, mon département d’adoption des Yvelines se révèle être une terre de cyclisme. Ainsi, après que les championnats du monde sur piste se fussent déroulés, il y a un mois, à une lieue de chez moi, sur le tout nouveau vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est la course par étapes Paris-Nice qui démarrait, ce dimanche, avec un prologue dans la commune de Maurepas, distante de mon domicile d’environ un kilomètre. L’aubaine était trop belle d’autant plus que la météo particulièrement printanière était au rendez-vous de cette épreuve surnommée, parfois abusivement, la course au soleil. Pour la première fois de la saison, pour rejoindre le parcours, j’ai donc enfourché mon vélo, tout de même plus perfectionné que les bécanes éparpillées par les organisateurs sur tout le trajet.

bécane blog

À deux reprises déjà, je vous ai entretenu de cette course mythique en y mettant cependant les formes pour ne pas exaspérer les réfractaires à la légende des cycles. Ainsi, j’avais eu recours à Anne de Bretagne et au musicien Maurice Ravel lors du départ de l’édition 2010 à Montfort-l’Amaury (voir billet Le beau vélo de Ravel du 11 mars 2010) ; de même, en 2011, j’avais été plus prolixe sur les cocottes de Houdan que celles de freins (voir billet du 8 mars 2011 Les mains aux cocottes ou Ah si vous connaissiez ma poule de Houdan !). « Les gens qui n’aiment pas le vélo nous ennuient, même quand ils n’en parlent pas » brocardait Michel Audiard. Ils n’y échapperont pas encore une fois, d’autant plus, que pour narguer (ou draguer ?) un de mes « admirateurs », rébarbatif à la chose pédalante, la petite reine a choisi de traverser un hameau qui lui est cher. J’ai souvent pensé que le cyclisme, spectacle populaire et gratuit qui va à la rencontre de son public, pourrait constituer un excellent thème de travail avec les élèves de primaire voire de collège. Ceux qui ont lu mon récent billet (11 février 2015) à propos du livre L’échappée de Lionel Bourg ont pu remarquer une photographie pittoresque montrant des écoliers d’un village normand avec leur pupitre dehors au bord de la route d’un Tour de France des années 1950. Comme un clin d’œil aux valeureux hussards de la République, pour nourrir mon propos, je pense au premier d’entre eux qui investit en 1895 l’ancienne mairie école de Maurepas (édifiée sur un terrain offert par la marquise d’Havrincourt) devant laquelle passeront bientôt les 160 coureurs. Il s’appelait Victor Décauchereux et rédigea en 1899 une monographie recouvrant onze siècles d’histoire locale.

Mairie ecole Maurepas blogmairie école Maurepas blog

C’était l’époque où, dans la perspective notamment de la future Exposition universelle de 1900, le ministère de l’Instruction recommandait la réalisation d’une monographie communale par chaque instituteur. Ces initiatives se poursuivirent fréquemment durant la première moitié du vingtième siècle et nombre d’élèves-maîtres des Écoles Normales apportèrent aussi leur contribution. Je fus effaré par le manque de respect et d’intérêt, quant à la conservation de ces travaux parfois de grande valeur, manifesté par certaines autorités pédagogiques tellement empressées de dépoussiérer les Écoles Normales en les remplaçant par les feus (déjà) Instituts de Formation Universitaire des Maîtres (IUFM). C’est aussi cela le progrès et l’innovation ! Selon les avis autorisés, la course Paris-Nice subirait, du moins cette année, une certaine désaffection des plus grands champions plus enclins à débuter la saison en s’engageant dans son homologue italienne Tirreno-Adriatico disputée aux mêmes dates, essentiellement à cause de conditions climatiques, en principe, plus clémentes. Mal leur en a pris, les violentes intempéries qui ont frappé le sud de l’Italie, ces derniers jours, ont obligé les organisateurs à en modifier l’itinéraire. Bien fait ! Il ne fallait pas bouder notre douce France. Je devine la mine circonspecte de nombreux collégiens (et d’adultes) si on leur demandait de localiser sur le globe les mers Tyrrhénienne et Adriatique ; c’est donc une bonne occasion de réviser la géographie de l’Italie. En effet, la mer Tyrrhénienne est la partie de la Méditerranée comprise entre la Corse et la Sardaigne à l’ouest, la Sicile au sud et l’île d’Elbe au nord tandis que la mer Adriatique mouille le mollet de la botte entre les péninsules italienne et balkanique. Je vous ai prévenu, vous n’allez pas pédaler idiot ! La qualité supposée moindre des concurrents au départ de « notre » course au soleil » est tout à fait relative : ainsi, les initiés relèvent la présence du Polonais Michal Kwiatkowski champion du monde sur route en titre, du Britannique Bradley Wiggins actuel champion du monde contre la montre et ancien vainqueur du Tour de France, du Norvégien Alexander Kristoff vainqueur l’an dernier de la Primavera (la fameuse classique Milan-San Remo évoquée dans un billet du 18 septembre 2014), du champion de France Arnaud Demare et de Jean-Christophe Péraud second du dernier Tour de France. Participe également l’Australien Rohan Dennis qui vient de battre, quelques jours auparavant, dans une presque confidentialité, le record de l’heure sur la piste de Granges, commune suisse dont l’économie est justement centrée sur l’horlogerie. Il a parcouru en soixante minutes 52,491 kilomètres soit 6 332 mètres de plus que mon idole Jacques Anquetil lors de sa tentative victorieuse, en 1956, sur le vélodrome Vigorelli de Milan, contre le record mythique du campionissimo Fausto Coppi. Hors toute partialité héritée de mon enfance, je suis en droit de manifester plus de scepticisme que d’admiration sur l’amélioration de la race vélocipédique !

pancartebois Prudhomme blog

Le prologue consiste en une épreuve contre la montre sur un parcours en partie tracé, cocasserie toponymique, autour du bois Prud’homme, du nom de l’ancien journaliste sportif et actuel directeur du Tour de France, Paris-Roubaix et Paris-Nice. Les coureurs s’élancent de minute en minute à proximité du centre commercial Auchan PariWest (excusez ce faux anglicisme en cette semaine de la langue française !) avant d’effectuer une virée, aux champs, de 6,7 km par les hameaux et le vieux village, puis revenir au centre de la ville nouvelle, manière de faire en quelques tours de pédales, un saut de plusieurs siècles dans l’histoire de la commune. Maurepas, modeste bourg agricole de 350 âmes en 1962, compte aujourd’hui près de 19 000 habitants, les champs et les prairies ayant cédé en partie la place à une urbanisation massive, mais cependant assez bien maîtrisée, consécutive à la création de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au début des années 1970. Le slogan « une ville à la campagne » en tête de la revue municipale mensuelle n’est pas usurpé. Le nom de la commune vient du latin Mala Repasta devenu Malrepast au début du Moyen-Âge et finalement Maurepas à la Renaissance. Selon les sources, les interprétations divergent : mauvais repaire (endroit où on est mal reçu), mauvais passage dû à la présence de zones marécageuses, ou encore, peut-être plus justement, mauvaise pâture corroborée par l’existence des lieux dits voisins de la Malmedonne et des Champs pourris. Anachronisme du sport spectacle en représentation : les destriers sur leurs machines à pédaler futuristes, véritables hommes sandwichs pour la Quick Step société belge de revêtements de sol, la Cofidis organisme de crédit en ligne, la Movistar spécialiste espagnol de télécommunications mobiles, le team Sky opérateur britannique de télévision par satellite, Garmin entreprise américaine de systèmes de navigation par GPS – seule la société suisse BMC semble fabriquer des vélos ! – luttent pour la conquête d’un maillot jaune parrainé par le Crédit Lyonnais dans un décor champêtre aux noms poétiques de chemins de la Mare du Bois et des Chaudes Vallées, de Parc aux Loups et butte au Maréchal. Fi du radar fixe situé peu après le départ sur le plateau, ils dévalent à plus de soixante à l’heure la rue de la Butte Rouge, une chaussée, à travers bois, faite de déblais et remblais lors de la construction de la ville nouvelle, sans aucun lien avec la célèbre chanson de Montéhus.

Nizzolo côte blog

Aux beaux jours, l’instituteur Victor Décauchereux emmenait sans doute ses élèves jusqu’au bout de la rue de l’école pour les éveiller au relief de leur commune. Le point de vue est exemplaire pour une telle étude géomorphologique : le rebord du plateau avec le vieux village, le versant boisé du bois Prud’homme s’inclinant mollement jusqu’au large fond de vallée occupé par la plaine agricole de Villeneuve où courent le ru de Maurepas et … cet après-midi, les « géants de la route ».

Paris-Nice route de Villeneuveblog

Le long faux plat de plus en plus montant à partir du bucolique cimetière à l’écart du village va enterrer les illusions de beaucoup d’entre eux. La Grande Illusion, c’est le chef-d’œuvre de Jean Renoir sorti sur les écrans en 1937. C’est l’idée que la première guerre mondiale est la dernière, c’est aussi l’illusion que chacun se fait du rôle qu’il joue dans l’existence, ce qui fit dire à François Truffaut que le film aurait pu aussi bien s’intituler La règle du jeu, un autre chef-d’œuvre de Renoir et du cinéma mondial. Souvenez-vous de l’officier allemand de La Grande Illusion aux côtés du lieutenant Maréchal (rien à voir avec la butte !) interprété par Jean Gabin et du capitaine de Bœldieu alias Pierre Fresnay. Cet homme inquiétant au crâne rasé, à la minerve autour du cou, un monocle sur l’œil droit, est l’immense acteur américain, d’origine autrichienne, Erich Von Stroheim. Il résida à Maurepas, y mourut en 1957 et repose dans le cimetière du village à l’ombre de cyprès.

La grande illusionTombe Von Stroheim blog

Figurant dans Naissance d’une nation de D.W. Griffith, film muet (1915) mythique de l’Histoire du cinéma, Von Stroheim connut une riche carrière d’acteur et réalisateur. Il reçut un Oscar, en 1951, pour son second rôle dans le film hollywoodien Sunset Boulevard. La route de Villeneuve, c’est un peu le Boulevard du Crépuscule pour l’ancien vainqueur du Tour l’anglais Bradley Wiggins qui a décidé de tirer sa révérence à l’issue du prochain Paris-Roubaix.

Bradley Wiggins blog

Lecteurs et lectrices de ma génération, souvenez-vous du temps de la communale et du collège. Peut-être, comme moi, eûtes-vous quelques enseignants dynamiques qui, de leur propre initiative ou dans le cadre de l’Union Française des Œuvres Laïques d’Éducation par l’Image et le Son (UFOLEIS), diffusaient en classe des copies 16mm de films.

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C’est comme cela que j’ai vu au moins une dizaine de fois le mémorable film de Christian- Jaque, Les Disparus de Saint-Agil. Qui ne vibra pas devant les tribulations nocturnes des jeunes membres de la société secrète des Chiches Capons ? Je vous offre l’extrait où les trois collégiens (l’un d’eux est Mouloudji !) intronisent monsieur Walter, leur austère et inquiétant professeur d’Anglais, interprété par … eh oui, Erich Von Stroheim.

https://www.dailymotion.com/video/x2v0k7

La confrérie des coureurs cyclistes de Paris-Nice possède également son disparu … ou presque. En effet, les minutes s’égrènent sans que n’apparaisse Geoffrey Soupe, jeune Bressan de la société Cofidis, pourtant ex vice-champion d’Europe du contre la montre dans la catégorie des moins de 23 ans. Victime d’une angine, il finira dernier à quatre minutes et abandonnera le lendemain. Pour le seul plaisir du jeu de mot (laid), je pourrais dire qu’il a trop « salé la soupe » (« absorber des produits dopants » dans le jargon cycliste) mais ne comptez pas sur l’amoureux du vélo pour cracher dans cette soupe ! D’ailleurs, pour m’excuser de mon mauvais esprit, je vous offre un sketch hilarant des Deschiens : vélo et littérature, des élèves qui ne lisent pas, des parents qui s’arrachent les cheveux, bref, la totale !

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Pour mieux apprécier les coureurs dans leur effort solitaire, je me poste à un endroit stratégique du parcours, le raidard qui les amène au pied des ruines de l’ancien château fort.

donjon cheval blog

C’est presque une nécessité de posséder un donjon pour accueillir le départ de la course au soleil dans les Yvelines : après Montfort-l’Amaury et Houdan, c’est au tour de Maurepas. Les trois forteresses avaient la même fonction de protéger des invasions la voie de Normandie à Paris. La véritable histoire de Maurepas commence au VIIIème siècle. Les terres de Malrepast appartiennent alors au roi de France Pépin le Bref qui les donne à l’abbaye de Saint-Denis en 768. L’abbé dionysien, face au danger normand (je ne suis arrivé là pourtant que 12 siècles plus tard !), décide de céder la châtellenie à une famille locale susceptible de la défendre efficacement. Cette famille prend alors le nom de Malrepast et construit sur la butte sa demeure en bois autour de laquelle les paysans se regroupent. Au XIème siècle, à la construction de bois succède une enceinte avec un donjon en meulière (matériau local) pour résister aux invasions, pillages et incendies. Avec la guerre de Cent ans, sous le règne de Charles VI, le château est abandonné et devient le repaire (ce fut donc aussi un mauvais repaire) de brigands commandés par un drôle de seigneur Haymon de Massy. C’est le Comte d’Arundel, seigneur de Maltravers et lieutenant général du roi d’Angleterre qui met fin à cette situation en 1432 en prenant la maison forte. Il envoie même 1200 archers et 400 lanciers chargés de détruire le donjon de moitié dans le sens de la hauteur, pour en empêcher la reconstruction !

Donjon coupé Maurepas blog

Après la guerre, le domaine de Maurepas fut restitué à la famille de Chevreuse avant de devenir par la suite propriété du duc d’Étampes puis du cardinal de Lorraine. Heureusement qu’une voiture suiveuse affiche sur la calandre le nom des coureurs car il est compliqué de les reconnaître tant ils se dissimulent dans leurs combinaisons moulantes couvertes de publicité, derrière leurs lunettes polarisantes et sous leurs casques profilés. Le survol d’un hélicoptère et la présence d’un caméraman juché sur une moto auprès de certains, laissent penser qu’il s’agit de candidats potentiels à la victoire. Erviti côteblog

Haussle côte blogr

De Gendt côteeblog

côte de dos blog

En constante recherche d’aérodynamisme, ils sont rares à lever les fesses de la selle dans ce « coup de cul » (élévation de la route sur une courte distance). Pour l’avoir fréquemment grimpé tant bien que mal, je comprends la valeur athlétique de leur performance. Ce ne sont pas les vociférations de leur directeur sportif dans la voiture suiveuse qui auraient beaucoup amélioré ma progression !

Minard côteblog

Dayer Quintana côte blogKristoff côteblogMarcel Sieberg côteblog

Un qui se la court pépère, préférant ménager ses forces pour l’étape en ligne du lendemain, c’est Nacer Bouhanni. Presque incognito dans son maillot rouge de la Cofidis, il est pourtant l’un des deux meilleurs sprinters du cyclisme français. En 2012, il est devenu le premier Français d’origine africaine (racines algériennes) à remporter le championnat de France sur route. C’est aussi cela l’identité nationale !

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Le jeune italien Niccolo Bonifazio n’a pas le temps d’implorer la vierge à l’enfant qui joue les madones ou les piétas de circonstance devant l’église Saint-Sauveur. Il est fait mention dès le XIème siècle d’une chapelle seigneuriale qui appartenait à un ensemble de bâtiments autour du donjon. En pierre de meulière, elle correspondait au chœur roman de l’édifice actuel.

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En 1659, la duchesse de Chevreuse Marie de Rohan commanda deux cloches imposantes. L’une fut transférée et sans doute fondue, à la Révolution, à Montfort-l’Amaury. Quant à l’autre, non seulement, elle sonne mais elle parle aussi : « J’ay esté fondue en l’an 1659 et fut nommée Marie par très haulte et très illustre princesse madame Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, comtesse de Charollois, ma mareine et par très puissant seigr Mre Lovis Charles d’Albert, duc de Luynes, pair de France, son fils, mon parein. J’ai esté bénite par Mr Olivier Vallet pre curé de Morepas. Pierre Bertin Marg. » Elle ne revint pas de son séjour à Rome pour les fêtes de Pâques 2010. Avec le soutien du conseil municipal, elle serait en passe de rentrer au bercail.

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En France, Martin, Thomas et Richard sont les patronymes les plus courants, au Danemark, prolifèrent les Jensen, Nielsen ou Sørensen, fils de Soren. Jusqu’au dix-neuvième siècle, les noms n’étaient pas héréditaires et changeaient à chaque génération. Les hommes du Nord nommaient volontiers leur progéniture d’après le prénom d’un parent décédé ou d’un héros, croyant que l’enfant hériterait des talents ou vertus de l’aïeul. Une flopée de Sørensen a déferlé dans le cyclisme, notamment un prénommé Rolf qui inscrivit à son palmarès de grandes classiques comme le Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège et Paris-Tours ainsi que deux Tirreno-Adriatico et une médaille d’argent aux Jeux Olympiques. Il en est d’autres qui s’illustrèrent dans des disciplines plus savantes tels Peder, un alchimiste du XVIème siècle disciple de Paracelse, et Søren créateur de l’échelle de pH (potentiel hydrogène) mesurant l’acidité et la basicité des solutions.

Du sport Au « Café des sports » : Lever de coudes

Haïku gag en guise de clin d’œil dans le virage à l’ami poète Per Sørensen dont j’ai vanté la langue réjouissante dans plusieurs billets. Avec le débarquement des Vikings et le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911) entre Rollon et Charles III le Simple, le northman que je suis compte parmi ses « pays » de nombreux Ledanois (l’un d’eux, prénommé Yvon, fut d’ailleurs coureur cycliste professionnel et est directeur sportif de l’équipe Movistar sur Paris-Nice) et Sorin (déformation de Soren). De là à conclure que le cassoulet en boîte est d’origine danoise, il y a un pas que je ne franchirai pas !

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Chevaux et poneys paissent au pied du donjon sans faire cas du spectacle de l’autre côté de la clôture. Est-ce leur manière de contester l’affirmation du romancier René Fallet dans son savoureux essai Le Vélo : « Ce n’est pas le cheval qui est la plus belle conquête de l’homme, c’est le vélo. Il n’y a pas de boucheries vélocipédiques » ? Ils maudissent aussi sans doute le commissaire San Antonio, héros de Frédéric Dard, qui en remettait une couche : « Il y a des hommes qui prétendent que la plus belle conquête de l’homme, c’est le cheval. Ceux-là ne sont jamais montés à vélo ! »

Vas-y-Béru

Vas-y Béru ! Non, vas-y Démare, l’actuel champion de France sur route ! L’habit ne fait pas le moine : en effet, le règlement ne l’autorise pas à porter son maillot tricolore à l’occasion d’une course contre la montre. C’est le champion de France de la spécialité Sylvain Chavanel qui roule donc en bleu blanc rouge.

Arnaud Demare blog

Villa Coquerel Maurepas blog

Un à un, les concurrents défilent maintenant devant la maison dite de l’abbé Coquerel, curieuse aves ses vitraux dans les baies du rez-de-chaussée et avec l’observatoire qui la surplombe. L’ecclésiastique en avait fait une maison de retraite pour religieux avant que son successeur, passionné d’astronomie, érigeât la lanterne. Durant l’Occupation, les Allemands appréciant ce lieu d’observation y établirent une Kommandantur. Le coureur germanique Tony Martin, triple champion du monde du contre la montre, aimerait bien prendre le commandement de la course dans quelques minutes.

Tony Martin blog

Tandis que je remonte lentement le parcours, en poussant mon vélo le long du trottoir, un autre Tony me dépasse à hauteur de la si belle école chère à Victor Décauchereux. Il est bien français celui-là et je sais l’attachement que ce Gallopin, c’est son nom, qui mène plus un train d’enfer qu’un rythme scolaire, porte à l’école publique. Un de mes meilleurs amis, autrefois instituteur dans le village de Mondonville-Saint-Jean, en lisière de Beauce, actionna l’ascenseur social pour son père et ses oncles, une véritable dynastie de coureurs cyclistes à jamais reconnaissante.

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Un peu plus loin, place des Buttes, une antique machine témoigne du passé agricole de la commune. Dans le vieux Maurepas, on trouve encore plusieurs beaux corps de fermes qui ont cessé quasiment toute activité au tournant de ce siècle. Les ancêtres agriculteurs figurent, en tant que conseillers municipaux, sur les premiers registres communaux établis après la Révolution. L’engin exposé est une râteleuse qu’on utilisait après la faneuse quand le foin était sec. Le paysan, assis sur le siège en fer, rassemblait, avec les griffes du râteau, le fourrage en un gros boudin, puis actionnait la pédale pour le libérer. La personne qui suivait formait alors des tas prêts à être charriés. Comme la réclame le vante sur un cahier de devoirs d’écolier au temps de l’encre violette, beaucoup de ces ingénieuses machines agricoles étaient fabriquées dans les usines Puzenat à Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire). Choc de la technologie, un vieux biclou se pavane au passage des montures sophistiquées.

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C’est l’illustration des allégations de René Fallet : « La bicyclette, c’est la bécane tordue du facteur, le biclou rouillé du curé, la charrue de la grand-mère, la sœur jumelle de sa machine à coudre. La bicyclette, c’est le percheron couronné, le véhicule utilitaire. En raccourci violent, le tracteur auprès du bolide de Formule 1… Quittons la croûte pour le chef-d’œuvre, allons à Watteau, courons à Monet. Voici un vélo … ». Encore que, n’en déplaise au truculent romancier, les roues lenticulaires ou paraculaires qui remplacent désormais les rayons classiques pour une meilleure pénétration dans l’air, produisent un bruit qui rappelle les bons vieux chariots de nos grands-pères. Pire encore, de petites cornes de vache pointent souvent sur le cintre du guidon.

roue chariot blogFlorian Senechal blog

C’est maintenant tout droit et plat jusqu’à l’arrivée pour Florian Sénéchal qui vire au rond-point de la Croix Blanche. Il doit sans doute son patronyme à un de ses ancêtres, officier au service d’un roi, un prince ou un seigneur. Cette fonction apparut à l’époque des Mérovingiens et Capétiens. Il y eut un autre Sénéchal le magnifique interprété par Fernandel dans un de ces « nanars » sublimes du cinéma de papa. Ça ne rigole pas pour autant quoique les champions longent une des rigoles royales creusées lorsque le Roi Soleil décida de s’installer à Versailles. Les jardins ne se concevaient pas sans jeux d’eau, malheureusement, le terrain marécageux n’en produisait pas suffisamment. L’une des solutions adoptées fut le drainage du plateau de Rambouillet avec le creusement d’étangs dans la forêt (étangs de Hollande) puis l’acheminement de l’eau jusqu’aux réservoirs de Versailles par des rigoles.

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Les coureurs n’ont pas le temps de musarder, transgressant outrageusement les trente kilomètres heure réglementaires, mais, en se baladant sur la piste cyclable, on découvre de ci delà quelques bornes en pierre à fleur de lys. Elles marquent l’emprise des rigoles royales et furent posées entre 1819 et 1824 lorsque l’administration du domaine de la couronne effectua plusieurs missions à Maurepas.

Tom Dumoulin blog

Le ru (au nom approprié) de la Courance en contrebas sur leur gauche, un quartier pavillonnaire sur leur droite, sur le grand braquet, les champions foncent sous l’arche de la flamme rouge pour entrer au cœur de la ville nouvelle.

Kwiatowski blog

Le meilleur d’entre eux, le Polonais Michal Kwiatkowski (voir photo d’Eurosport ci-dessus) a parcouru les 6 km 700 en 7 minutes et 40 secondes. Les élèves studieux de Victor Décauchereux se seraient débrouillés sans calculette avec les nombres complexes. Levez les ardoises ! La moyenne du vainqueur est de 52,434 km/h ! Le 7 novembre 1869, fut disputée la première course de ville à ville entre Paris et Rouen (on ne craignait plus les Normands ?). L’Anglais James Moore remporta l’épreuve couvrant les 123 kilomètres en 10 heures et 40 minutes. Tandis que le speaker éructe les classements, de l’autre côté de la ligne d’arrivée, dans le petit bois de Nogent, espace végétal sauvage désormais cerné par l’urbanisation, on peut se détendre en observant et écoutant la Sitelle Torchepot, le Pinson des arbres et la Mésange charbonnière. Ironie du sport, un nommé Philippe De Balade aux moustaches en guidon de vélo s’aligna dans le premier Tour de France cycliste qui démarra le 1er juillet 1903 devant le café Le Réveil-Matin à Villeneuve-Saint-Georges. Victor Décauchereux et ses élèves suivirent peut-être sa folle aventure. Ma balade dominicale le long de la route de Paris-Nice n’avait pas d’autre fonction que de vous aérer l’esprit en vous instruisant.

Publié dans:Coups de coeur, Cyclisme |on 19 mars, 2015 |2 Commentaires »

Une tranche de Vie romantique

Ces temps-ci, l’actualité ne laisse guère de place au rêve. Alors, ce samedi-là, pour combattre la morosité ambiante, je m’organise une plongée au cœur du romantisme, et pour commencer, un petit rencard avec George Sand, dans une rue discrète du neuvième arrondissement de Paris.
Le lieu peut surprendre tant on connaît surtout la dame de Nohant pour ses romans champêtres et son attachement à la campagne berrichonne. C’est justement pour en finir avec les ambitions stériles et meurtrières de la ville, de la politique et d’une histoire radoteuse bricolant des restaurations, qu’elle leur opposa la poésie de la campagne et des humbles gens avec ses récits La Mare au diable, François le Champi, La petite Fadette.
Remarquez, devant l’horodateur, comment ne pas préférer une cour de ferme à une place de stationnement payant dans la tranquille rue Chaptal : quatre euros l’heure ou comment le socialisme à la Anne Hidalgo, maire de la ville, dépasse le libéralisme économique des parkings souterrains Vinci !
Contre mauvaise fortune, je n’ai que quelques pas à faire pour me retrouver devant le musée de la Vie Romantique.

entrée musée vie romantique blog

Il se situe dans le lotissement de la Nouvelle Athènes, créé au début du dix-neuvième siècle, et baptisé ainsi en référence à l’architecture antiquisante de ses hôtels particuliers et au philhellénisme très répandu parmi les artistes qui s’y installèrent. À l’époque, en effet, un fort courant se constitua pour la cause de la Grèce contre l’Empire ottoman. Le succès récent de Syriza, la coalition de la gauche radicale grecque, suscite moins d’engouement.

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Le musée occupe très précisément l’hôtel Scheffer-Renan, l’ancienne demeure du peintre d’origine hollandaise Ary Scheffer, un des maîtres de la peinture romantique française. Son architecture est l’un des derniers exemples des maisons d’artistes construites sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.
Dans le petit vestibule, un tableau représentant l’épouse du peintre nous accueille.

tableau Mme Scheffeblogr

Je me suis trop vite emporté envers Anne Hidalgo, l’entrée au musée qui dépend de la ville de Paris, est gratuite en permanence. De plus, le rez-de-chaussée du pavillon rend hommage à George Sand à travers les souvenirs, meubles et portraits lui ayant appartenu et légués à la ville de Paris par sa petite-fille Aurore Lauth-Sand, en 1923.

Salle Sand blog

Les memorabilia de la femme de lettres sont réunis dans un salon reconstitué aux lourdes tentures pourpres. Au-dessus de la cheminée, trône son célèbre portrait peint, en 1838 à Nohant, par Auguste Charpentier, un élève d’Ingres. Rectangulaire à l’origine, le tableau a été coupé pour former un ovale par sa fille, envers laquelle elle n’éprouva jamais beaucoup d’affection : « Qui peut fermer une pareille blessure ? Elle saigne depuis le jour où Solange est née ; elle saignera jusqu’à ce que j’en meure ».

Sand portrait ovaleblog

Derrière le bureau Louis XV, posée sur un chevalet, se dresse une œuvre de Maurice Quentin de la Tour, un pastel du maréchal Maurice de Saxe, arrière-grand-père de George Sand, fils illégitime du futur roi de Pologne, vainqueur de la bataille de Fontenoy lors de la guerre de Succession d’Autriche (1745).

Maurice de Saxe blog

Mon regard se braque maintenant vers un dessin au crayon noir, encre et gouache de Maurice Sand, le fils de l’écrivain et du baron Dudevant. Il est légendé La mare au diable au bois de Chanteloup (ne serait-ce pas Chanteloube plutôt ?) et aurait donné envie à George d’écrire son célèbre roman : « C’est un mauvais endroit et il ne faut pas s’en approcher sans jeter trois pierres dedans, de la main gauche, en faisant le signe de croix de la main droite. Ça éloigne les esprits... » Maurice qui fut le seul élève d’Eugène Delacroix illustra par la suite certains ouvrages de sa mère.

statuette Sand blog

« Je ne tiens qu’aux choses qui me viennent des êtres chers que j’ai aimés ». La pièce contiguë, le cabinet des bijoux, en regorge.
Dans la famille Sand, je demande le gendre, le sculpteur Auguste Clésinger, époux de Solange. Il provoqua un beau scandale au Salon de 1847 avec sa Femme piquée par un serpent, une sculpture très romantique réalisée à partir d’un moulage sur le vif. Théophile Gautier dont il fit le buste, toujours à l’aise dans les batailles artistiques (souvenez-vous d’Hernani de Victor Hugo) prit alors sa défense.
Outre un buste de sa belle-mère, Clésinger symbolise avec ses moulages en plâtre, exposés côte à côte, de la main gauche de Frédéric Chopin et du bras droit de la romancière, les huit années passionnelles que vécurent ensemble les deux artistes, entre 1838 et 1846.

cabinet bijoux blog

main chopin blog

Instant d’émotion en contemplant les doigts effilés aux attaches fines du pianiste : « Il a fait parler à un seul instrument la langue de l’infini » … «… Nos yeux se remplissent de teintes douces qui correspondent aux suaves modulations saisies par le sens auditif. Et puis LA NOTE BLEUE résonne et nous voilà dans l’azur de la nuit transparente » écrivit son amante.
En compagnie de George Sand, Chopin fréquenta assidûment la demeure d’Ary Scheffer, aujourd’hui musée. Il improvisait là au piano pour un auditoire conquis d’admirateurs éclairés.
L’écrivain fut une amoureuse passionnée. Elle trompa tôt son mari, Casimir Dudevant, avocat à la Cour royale, avec Aurélien de Sèze, autre avocat substitut au tribunal de Bordeaux, puis Jules Sandeau dont elle emprunta l’abréviation du nom pour en faire son pseudonyme d’artiste, avant de vivre une liaison sulfureuse et intense avec Alfred de Musset. Ces deux génies de l’écriture coucheront régulièrement sur le papier (pas seulement bien sûr !) leurs sentiments et sensations, entre séparations, éloignements et retrouvailles. Rien ne saurait faire taire leur passion, ainsi cette célèbre lettre érotique de Sand à Musset :

« Cher ami,
Je suis toute émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l’affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver … »

Pour en apprécier tout le sel, il vous faut la relire en sautant une ligne sur deux. Malheureusement, cette correspondance ne serait qu’un remarquable pastiche.
Qu’à cela ne tienne, voici un autre échange épistolaire qui, lui, est bien réel :

De Musset à Sand :

« Quand je jure à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu’inconscient je change de langage
Vous avez su captiver les sentiments d’un coeur
Que pour adorer forma le Créateur.
Je vous aime et ma plume en délire.
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin, de mes lignes, lisez les premiers mots
Vous saurez quel remède apporter à mes maux. »

De Sand à Musset :

« Cette indigne faveur que votre esprit réclame
Nuit à mes sentiments et répugne à mon âme. »

Je vous facilite la tâche en mettant en gras les acrostiches.
Avouez que cela a plus de classe que les sms « je te kiffe » ou « je veux pécho » envoyés par un ado à sa meuf … !
Ceci dit, lors d’un voyage des « enfants du siècle » à Venise, en 1833, cela n’empêcha pas Alfred de passer des nuits de débauche dans les bordels et cabarets pendant que George Sand couchait avec Pietro Pagello, le jeune médecin chargé de soigner la fièvre cérébrale de Musset.
Le souvenir de l’auteur de Lorenzaccio est évoqué dans une des vitrines par un médaillon sculpté, œuvre de David d’Angers.

Musset David d'Angers

Un autre médaillon renferme une mèche de cheveux (qui venait ressusciter le souvenir d’un temps heureux, le doux mirage d’un été … je m’égare, ça c’est Adamo !) de George Sand, avec à côté, une plume d’oie et quelques pages manuscrites d’Albine, son roman inachevé, ou encore un rubis offert par la Dauphine, mère de Louis XVI, à sa petite-nièce Marie-Aurore, que George portait toujours : « Le sang des rois se trouva mêlé dans mes veines au sang des pauvres et des petits ».
Je me glisse maintenant dans le petit salon bleu où je découvre une autre facette du talent de George Sand. Vers la fin de sa vie, elle s’adonna à l’art de la « dendrite », une technique d’aquarelle à l’écrasage. La couleur est déposée au pinceau sur le papier et pressée encore humide avec une feuille absorbante pour obtenir une tache aléatoire : « Mon imagination aidant, j’y vois des bois, des forêts ou des lacs, et j’accentue les formes vagues produites par le hasard … »
Mais c’est un dessin de Jules Dupré représentant George Sand dans un costume typique de son Berry natal, qui m’interpelle.

Sand berrichonne blogescalier musée vie romantiqueblog

Je monte maintenant au premier étage avec pour commencer, un petit tour dans la chambre des portraits romantiques, exclusivement dédiée aux femmes, ainsi le majestueux bronze du buste de Mme Mention née Émilie Michel, une commande de son mari, un célèbre joaillier-bijoutier-lapidaire de Paris, au sculpteur Théophile Bra.

buste Mme Mentionblog

Les regarde-t-elle, côte à côte à sa droite figurent la Malibran, une célèbre cantatrice de l’époque, vêtue de son costume de Desdémone dans l’Othello de Rossini, et sa sœur la mezzo-soprano Pauline Garcia Viandot.
J’imagine Chopin se mettant au piano pour un bœuf de musique classique avec les deux divas ! Pauline chanta aux obsèques de Chopin, le 30 octobre 1849 en l’église de la Madeleine. À l’époque, les femmes n’avaient pas le droit de chanter en public lors de cérémonies religieuses, mais l’archevêque de Paris accepta exceptionnellement de lever l’interdiction, à condition que les chanteuses cachassent leur visage derrière un rideau de velours noir.

Malibranblog

J’ai un petit faible pour le portrait de madame Le Doyen par Louis Hersent, ne me demandez pas pourquoi, peut-être la lumière de son décor, son encadrement kitsch et le motif écossais de la tapisserie.

Mme Ledoyen blog

Je passe à côté dans le salon des Orléans du maître des lieux Ary Scheffer, qui fut le professeur de dessin des enfants du duc d’Orléans, et ami avec la famille du futur Louis-Philippe.
Ainsi, on peut admirer une réduction en bronze de la Jeanne d’Arc à la prière en marbre exposée au château de Versailles, une œuvre de la princesse Marie qui s’imposa comme l’une des premières femmes sculpteur de l’art français.

Jeanne d'Arcblog

La famille d’Orléans passa commande de nombreux tableaux à Ary Scheffer, ainsi ici les portraits présumés des princesses Marie et Louise d’Orléans, le portrait d’apparat de la princesse de Joinville née Doña Francesca de Bragance, sœur de l’empereur du Brésil et épouse de François-Ferdinand le troisième fils de Louis-Philippe, enfin la reine Marie-Amélie (de Bourbon-Siciles) en deuil.

salle Orléansblog1salle Orléansblog2salle Orléansblog3Sallee Orleans Marie-Amélie blog

Petit moment de grâce, je m’attarde devant La Lecture, un bronze très raffiné du sculpteur Dantan l’aîné évoquant ce nouvel art de vivre familial en vogue sous la Monarchie de Juillet.

La lectureblog

De la pièce voisine dite Cabinet Ary Scheffer, s’échappent les explications d’une guide.
Tandis que je vous en restitue quelques bribes, je vous propose d’écouter un air connu de l’acte III de Faust, l’opéra composé par Charles Gounod dont le portrait est posé à plat dans une vitrine.

Gounod blog

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En effet, Ary Scheffer fut très inspiré par le héros du conte populaire allemand, et en particulier par la légende écrite par Goethe. Durant trente ans, les Marguerite fleurissent en bouquet dans l’œuvre du peintre : Marguerite à l’église, Marguerite au puits, Marguerite au jardin, Marguerite au sabbat … On voit ici sa Marguerite au rouet et, en écho sur le même mur, son pendant Faust dans son cabinet.

Marguerite et FaustblogMarguerite au rouetblogFaust blogfaust et Mephisto blog

Marguerite apparaît bien triste, une larme coule même sur sa joue (j’ai vérifié !). Sa mère meurt après avoir consommé un somnifère qu’elle lui a fait absorber sur les conseils de Faust. Marguerite se retrouve enceinte et son frère, ne pouvant supporter cette honte familiale, succombe dans un duel contre Faust et Méphisto.

« Le repos m’a fuie !… hélas ! la paix de mon cœur malade, je ne la trouve plus, et plus jamais !
Partout où je ne le vois pas, c’est la tombe ! Le monde entier se voile de deuil !
Ma pauvre tête se brise, mon pauvre esprit s’anéantit !
Le repos m’a fuie !… hélas ! la paix de mon cœur malade, je ne la trouve plus, et plus jamais !
Je suis tout le jour à la fenêtre, ou devant la maison, pour l’apercevoir de plus loin, ou pour voler à sa rencontre !
Sa démarche fière, son port majestueux, le sourire de sa bouche, le pouvoir de ses yeux,
Et le charme de sa parole, et le serrement de sa main ! et puis, ah ! son baiser ! … » (Goethe traduit par Gérard de Nerval)

Louis-Philippe, admiratif, acheta ce tableau pour son château de Neuilly.
À deux mètres de là, Faust, appuyé sur une table avec un livre ouvert, du papier pour écrire et une tête de mort, ne semble pas très joyeux non plus. Il rêvait d’être immortel et pour cela a pactisé avec Méphisto, le Malin cornu en arrière plan. Il aura tout ce qu’il souhaite, Marguerite en particulier, mais en donnant son âme au diable, il perd sa liberté. Les histoires d’amour finissent mal en général. Romantique en diable !
C’est justement Marguerite assise à son rouet qui interprète dans l’opéra le fameux air des bijoux popularisé par Bianca Castafiore la diva des aventures de Tintin : « Ah ! Je ris de me voir si belle en ce miroir ».

JusticierblogJPG

Je dévisage quelques instants Le justicier, un autoportrait en bourreau de François-Hippolyte-Debon. Le petit livret offert à l’entrée mentionne que Baudelaire se serait exclamé devant : « Quel talent ! Quelle énergie ! » Il me semble plutôt que ce fut à la vision de La bataille d’Hastings, œuvre du même Debon détruite dans l’incendie du musée des Beaux-Arts de Caen. Ceci dit, cet inquiétant justicier ferait peut-être passer le goût de la rigolade aux prévenus des pantomimes de procès se déroulant actuellement.
L’ultime étape de ma visite est la pièce dédiée à l’écrivain philosophe et historien Ernest Renan, membre à part entière de la famille Scheffer puisqu’il épousa Cornélie la nièce du peintre Ary Scheffer.
Ayant consacré une part essentielle de son œuvre aux religions, on le retrouve entouré ici de représentations de Jean Calvin, pasteur emblématique de la Réforme protestante, et de l’abbé Gaspard Deguerry curé de la Madeleine, fusillé lors de la Commune de Paris parce que Thiers refusa qu’il soit échangé avec le grand révolutionnaire socialiste Auguste Blanqui.

Christ salle Renan blogCalvinblogbuste Renanblog

Ernest Renan connut la gloire au XIXème siècle et notamment son Histoire des origines du Christianisme en 7 volumes eut un grand retentissement.
On pourrait sûrement réfléchir, en notre époque troublée, sur la conférence qu’il donna en Sorbonne le 11 mars 1882. Son sujet : Qu’est-ce qu’une nation ?
« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie …
… Je me résume, messieurs. L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. Tandis que cette conscience morale prouve sa force par les sacrifices qu’exigé l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, elle est légitime, elle a le droit d’exister. Si des doutes s’élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d’avoir un avis dans la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper et qui, du haut de leurs principes supérieurs, prennent en pitié notre terre-à-terre… »
Dans une lettre adressée à Strauss en septembre 1871, Renan, clairvoyant, affirmait que devant le monolithisme culturel de la Prusse, (cette attitude ne pourra) « mener qu’à des guerres d’extermination, analogues à celles que les diverses espèces de rongeurs ou de carnassiers se livrent pour la vie. Ce serait la fin de ce mélange fécond, composé d’éléments nombreux et tous nécessaires, qui s’appelle l’humanité. »
Le transfert des cendres de Renan au Panthéon fut régulièrement repoussé en raison des protestations des milieux catholiques bien-pensants : « L’entrée au Panthéon qu’on veut lui décerner, à titre de renégat et de blasphémateur, ne lui sera pas d’un grand secours devant le Dieu qu’il a trahi. » Ah, les religions !
Il est midi. Plus tard dans la saison, j’aurais volontiers prolongé cette matinée romantique et poétique avec une petite collation dans le jardin fleuri à l’ombre d’arbres centenaires.
Mais il pleut et, à défaut, je me réfugie au Coq Hardy, une brasserie, à l’angle de la rue Pigalle. En attendant que ma commande soit servie, sachez que cette enseigne fréquente en France trouverait son origine au début du seizième siècle d’après un manuscrit sur lequel on verrait un coq foulant de ses ergots le lion de Saint-Marc. D’autres sources situent la véritable naissance du coq symbole au temps d’Henri IV, le laudateur de la poule au pot ayant fait frapper à la naissance de son fils, le futur Louis XIII, une médaille avec un coq posant la patte sur le monde tandis que le Dauphin tient une fleur de lys.
« Le coq n’a point de force, il ne peut être l’image d’un empire tel que la France », ainsi, Napoléon 1er renvoya dans son poulailler le volatile proposé comme emblème par une commission de conseillers d’État. Le 30 juillet 1830 (en plein romantisme) le lieutenant général duc d’Orléans (c’est-à-dire Louis-Philippe) signa une ordonnance mettant le coq sur les drapeaux et les boutons d’uniforme de la garde nationale. Ce que Napoléon III dédaigna bien sûr en réhabilitant l’aigle impérial !
Excusez-moi, je passe du coq sinon à l’âne, du moins à une honnête saucisse avec un gratin au cantal !
Pour digérer, quelques pas de danse au Bus Palladium, célèbre discothèque des années soixante située quasiment en face, ne seraient pas inutiles. Rappelez-vous l’Inventaire 66 de Michel Delpech : « Un Tabarin en moins, Un Palladium en bus, Et toujours le même président … » ! Ou encore, la même année, Serge Gainbourg :

« Qui est in
Qui est out
Tu aimes la nitroglycrIN
Cest au Bus Palladium
Qu’ ça s’écOUT
Rue Fontaine
Il y a foul’
Pour les petits gars de Liverpool … »

Je remonte maintenant la rue Jean-Baptiste Pigalle, ainsi s’appelle-t-elle depuis qu’un arrêté municipal, il y a une vingtaine d’années, ajouta le prénom au nom du sculpteur du dix-huitième siècle qui y possédait son atelier. Artifice médiocre pour dissocier cette voie du quartier chaud dont la célébrité a fait le tour du monde.
Après qu’il eût donc connu la vie romantique et aristocratique au dix-neuvième siècle, Pigalle, avec l’afflux de cabarets et restaurants, attire bientôt la clientèle des plaisirs nocturnes. Aux artistes, se mêlent la pègre, la prostitution, la drogue et une population marginale (pour l’époque) aux sexualités différentes, homosexuelle et travestie.
Dans un de ses tout premiers romans, paru en 1949 et intitulé justement Pigalle, l’écrivain populiste et populaire René Fallet brosse un tableau du quartier après la Libération : un petit gars de Passy « monte » à Pigalle, travaille pour le milieu, livre sa cousine à la prostitution, part à Nice acheter du haschich avant d’être exécuté par des truands à son retour. La totale !
Cela me rappelle, les frasques réelles de Monsieur Bill qui défraya la chronique dans mon enfance. Né dans le chic seizième arrondissement, fils d’un major de l’École des Mines, il finit sous la guillotine en 1960, le général de Gaulle ayant refusé sa grâce. C’était un client assidu du Sans-Souci, brasserie devant laquelle je passe justement.
Quitte à évoquer la figure d’un truand, voici Fredo tel que l’imagine le regretté Bernard Dimey, valeureux poète chantre du quartier, j’en parlerai plus loin. Clin d’œil aussi aux merveilleux Frères Jacques dont je garde le souvenir d’un savoureux récital au théâtre Saint-Georges tout près de là.

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Tout compte fait, il n’avait pas un si mauvais fond que ça, l’Fredo, ce n’est pas moi qui le dis mais Bernard Dimey dans le dernier couplet qu’ont zappé les chanteurs aux collants noirs et gants blancs :

« …A côté des r’quins d’la finance
Et des crabes du gouvernement
Tous ces tarés qui règnent en France
A grand coup d’gueule d’enterrement
A côté d’toutes ces riches natures
Qui nous égorgent à coup d’grands mots
A côté d’toute cette pourriture
Il était pas méchant Frédo ! »

Fallet n’avait pas tort finalement quand il écrivait dans son roman : « Pigalle ne se visite pas. Il n’y a rien à voir. C’est un quartier comme les autres. Quelques façades de bars en plus, les monuments en moins et une réputation du tonnerre. On ne montre pas Pigalle aux touristes. On veut leur montrer l’âme de Pigalle. Et l’âme est invisible. Elle a une odeur. On commence à la percevoir après quinze jours d’aubes, de nuits et de couchants. »

rue Pigalle blogLe Lautrecblog

On se nourrit de souvenirs, de lectures, ainsi la façade du Lautrec me renvoie à Sanguine sur la butte le savoureux « pol’art » de Renée Bonneau (voir billet du 2 avril 2013), mais c’est d’abord une chanson qui trotte dans ma tête.

« C’est une rue
C’est une place
C’est même tout un quartier,
On en parle, on y passe
On y vient du monde entier.
Perchée au flanc de Paname
De loin elle vous sourit,
Car elle reflète l’âme
La douceur et l’esprit de Paris

Un petit jet d’eau
Une station de métro
Entourée de bistrots,
Pigalle… »

Fontaine pigalle blogMetro Pigalleblog

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i07040363/georges-ulmer-pigalle

L’une des plus grandes chansons sur Paris est l’œuvre d’un Danois. Oui, son créateur Georges Ulmer naquit à Copenhague en 1919 avant de se faire naturaliser français après-guerre. Il est mort à Marseille en 1989. Décidément, ils sont très forts ces Danois, souvenez-vous de mes écrits sur son compatriote écrivain Per Sørensen,, bien en vie heureusement, qui manie notre langue de Molière avec autant de virtuosité que celle d’Andersen (voir billets des 9 mars 2013, 2 juillet 2014 et 1er février 2015).
Georges Ulmer, avec sa jolie voix de crooner, vit sa carrière, brillante malgré tout, un peu contrariée par un certain Yves Montand protégé d’Édith Piaf.
Savez-vous qu’à sa sortie en 1946, Pigalle, succès planétaire, fit scandale et fut même interdite de diffusion à la radio pour cette strophe :

« Petites femmes qui vous sourient
En vous disant : « Tu viens, chéri ? »
Et Prosper qui, dans un coin
Discrètement surveille son gagne-pain »

Trente ans plus tard, en toute impunité, Serge Lama, cocu mais content, clamait sur les ondes :

« Je m’en vais voir les p’tites femmes de Pigalle
Tous les maquereaux du coin me rincent la dalle
J’m'aperçois qu’en amour je n’valais pas un sou
Mais grâce à leurs p’tits cours je vais apprendre tout »

En ce moment, circulez il n’y a rien à voir ; le fameux petit jet d’eau est malheureusement tari et le bassin accueille canettes de bière et papiers gras. Avec le produit des horodateurs, la ville de Paris pourrait réhabiliter l’endroit !
Je traverse la place et, discrètement (chut !), je m’en vais voir les p’tites femmes de Pigalle qui nous accostent sur les façades de certains immeubles dans des rues plus secrètes.

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Rue André Antoine, la lectrice lascive est l’œuvre de François Cogné, auteur aussi de la statue de Clémenceau sur les Champs-Élysées et du modèle des bornes de la Voie de la Liberté. Moins affriolant, il fut le sculpteur officiel de l’État français sous le régime de Vichy créant une statue en pied du maréchal Pétain destinée à remplacer le buste de Marianne dans les mairies.
Modigliani et Georges Seurat vécurent dans cette rue qui s’achève par un escalier abrupt pour accéder à la rue des Abbesses.

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Le nom de la rue vient des religieuses de l’ancienne abbaye de Montmartre fondée par Louis le Gros en 1134.
À quelques enjambées de là, je rejoins la place des Abbesses pour une petite tranche de romantisme multilingue dans le discret square Jehan-Rictus (poète chansonnier du dix-neuvième siècle).
Bien avant le tag, qui dans ma génération n’a pas gravé au canif un prénom ou un cœur sur l’écorce d’un arbre ou le bois d’un pupitre de sa classe de communale ? Collectionneur de « je t’aime », Fréderic Baron a recueilli depuis 1992 plus de 1000 je t’aime manuscrits en plus de 300 langues et dialectes, puis a demandé à l’artiste Claire Kito, adepte de la calligraphie extrême-orientale, d’assembler ces écritures. Ainsi est née la fresque des je t’aime en carreaux de lave émaillée. Ou comment ne pas aimer idiot au temps des projets Erasmus !

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La station de métro est un bon raccourci de l’évolution du quartier. Sa verrière Art déco dessinée par Guimard est l’une des rares encore visibles à Paris. La publicité de l’Iphone 6 illustre la « boboïsation » (plus bourgeois que bohême !) du coin.

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Ayant connu le coin à la fin des années 60, j’apaise ma nostalgie en appelant à la rescousse Bernard Dimey. Les poèmes et les chansons de ce Nogentais (en Bassigny) me remplissent toujours le cœur et l’esprit, surtout quand j’arpente cette butte Montmartre qu’il découvrit après-guerre pour ne jamais plus la quitter jusqu’à sa mort au début de l’été 1981.
C’est lui qui a écrit Syracuse, cette sublime chanson d’évasion. Rêvez !

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A présent, faut bien l’dire, (je vais avoir) l’air d’un vieux schnock/Mais c’qui fait passer tout, c’est (que j’ai) la façon ! Eh oui, la Mémère de Michel Simon, c’est encore lui :

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C’est lui encore qui confectionna le Truc en plume de Zizi Jeanmaire.
En 1965 il obtint le prix de l’académie Charles Cros pour son recueil de poèmes Ivrogne et pourquoi pas qu’il clamait comme une profession de foi :

« Ivrogne, c’est un mot qui nous vient de province
et qui ne veut rien dire à Tulle ou Châteauroux
Mais au cœur de Paris, je connais quelques princes
Qui sont, selon les heures, archanges ou loups-garous

L’ivresse n’est jamais qu’un bonheur de rencontre
ça dure un heure ou deux, ça vaut ce que ça vaut!
Qu’il soit minuit passé ou cinq heures à ma montre
Je ne sais plus monter que sur mes grands chevaux

IVROGNE ça veut dire un peu de ma jeunesse,
un peu de mes trente ans pour une île au Trésor
Et c’est entre Pigalle et la rue des Abbesses
que je ressuscitais quand j’étais ivre-mort

J’avais dans le regard des feux inexplicables
Et je disais des mots cent fois plus grands que moi.
Je pouvais bien finir ma soirée sous la table
Ce naufrage, après tout, ne concernait que moi

IVROGNE, c’est un mot que ni les dictionnaires
ni les intellectuels, ni les gens du gratin
Ne comprendront jamais, c’est un mot de misère
qui ressemble à de l’or à cinq heures du matin

IVROGNE et pourquoi pas? Je connais cent fois pire
ceux qui ne boivent pas, qui baisent par hasard
qui sont moches en troupeau et qui n’ont rien à dire
Venez boire avec moi! On s’ennuiera plus tard! »

Oui, Dimey buvait beaucoup de canons de rouge, et pourquoi pas ? Je fis appel à quelques uns de ses vers en préambule du film que j’ai réalisé sur un café centenaire d’un petit village du Sud-Ouest (voir billet du 28 août 2012).

«… Si tu me payes un verre, tu pourras si tu veux
Me raconter ta vie, en faire une épopée
En faire un opéra… J’entrerai dans ton jeu
Je saurai sans effort me mettre à ta portée
Je réinventerai des sourires de gamin
J’en ferai des bouquets, j’en ferai des guirlandes
Je te les offrirai en te serrant la main
Il ne te reste plus qu’à passer la commande … »

Il faisait chanter les verres, il faisait reluire les zincs. Il faisait des bistrots qu’il fréquentait un café du P’tit bonheur comme celui imaginé par le P’tit atelier de la chanson du même village d’Ariège (voir billet du 13 septembre 2013).

Dimey

Bernard Dimey, c’est de la poésie existentielle. Je préfère quand il récite ses textes plutôt qu’il ne les chante ; ils prennent soudain une épaisseur étonnante.
Cet après-midi, j’imagine sa silhouette bedonnante, un cabas à la main, entrant dans un des derniers commerces à l’ancienne des Abbesses ou de la rue Lepic. À l’étal de la Butte fromagère, je salive devant une panoplie de Bries de Meaux, Melun, Montereau, Nangis, Fougerus … hum, avec un petit verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil (en hommage à Jean Carmet).

Passage des abbesses

Dans le passage des Abbesses (anciennement de l’Arcade) vécut quelque temps Jean-Baptiste Clément, l’auteur de l’immortel Temps des cerises. Je n’ai pas le temps de m’y engager, d’ailleurs ce n’est pas la saison des cerises, mais en haut de l’escalier au fond, se trouve l’ « épicerie Collignon » célèbre depuis que Jamel Debbouze y vendit ses fruits à Amélie Poulain. N’est-ce pas encore romantique ?
Sur le trottoir, presque en face, la rue Germain Pilon descend jusqu’au boulevard de Clichy.

« … Ma rue porte le nom de notre Michel-Ange,
Celui dont les gisants reposent à Saint-Denis.
Pourquoi tous ces sculpteurs, je trouve bien étrange
De les voir tout autour de chez moi réunis,
Houdon, Puget, Coustou, Girardon et Pigalle,
Mon vieux Germain Pilon, les maîtres du ciseau,
Je parle en votre nom, c’est vraiment un scandale
De vous voir tous ici, où l’on joue du couteau. »

Bernard Dimey, auteur de ces vers bien sûr, vécut les dernières années de sa vie de bohême dans cette rue. Une plaque apposée au mur de sa maison en témoigne.

Bernard Dimeyplaque blog

Il n’avait qu’à changer de trottoir, juste en face, se trouvait son (presque) second domicile, le Gerpil, une singulière petite épicerie-buvette, un peu mini café théâtre aussi, sise autrefois au numéro 14.
Dans ma jeunesse parisienne (j’avais vingt ans), j’ai traîné plusieurs fois dans ce lieu d’évasion autant que de perdition. Je n’y ai jamais rencontré Dimey, j’y ai croisé par contre Hervé Vilard, Capri c’était fini depuis quelque temps !
Le grand Mouloudji vous contera mieux que moi ce qu’était un soir au Gerpil, sur des vers de Dimey toujours.

rue Tholozé blog

Utrillo rue Tholozé

Dans la perspective de la rue Tholozé, immortalisée par plusieurs toiles du peintre Maurice Utrillo, se dressent les ailes du moulin de la Galette.
Encore quelques pas et me voici à l’intersection de la rue des Abbesses et de la célèbre rue Lepic. La (petite ?) histoire dit que c’est Napoléon 1er qui en décida l’aménagement après s’être embourbé avec son cheval lors d’une visite au télégraphe Chappe installé en haut de la butte. Ainsi naquit le Chemin Neuf qui devint rue de l’Empereur en 1852 avant de prendre le nom, en 1864, de Louis Lepic, un général de l’armée napoléonienne qui se distingua à la bataille d’Eylau.
De la Place Blanche à la Place Jean-Baptiste Clément, la voie développe près de huit cents mètres en forte montée. Moi, l’amoureux de la petite reine, j’imagine une arrivée du Tour de France sur les hauteurs de Montmartre. Le jeune industriel Louis Renault y testa sa première automobile. Le 24 décembre 1898, il entreprend de gravir la rue avec sa nouvelle invention, un tricycle De Dion-Bouton qu’il a converti en « voiturette » à quatre roues équipée d’une boîte de vitesses « à prise directe ». Une plaque, Place du Tertre, témoigne de l’événement. Ce soir de réveillon, le génial Louis empocha ses douze premières commandes et l’industrie automobile bascula dans une nouvelle ère.

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Conséquence indirecte, quelques années plus tard, l’idée fut lancée d’organiser la fameuse course au ralenti de Montmartre. Il s’agissait de refaire le trajet effectué par Louis Renault en gravissant la côte en un maximum de temps sous le contrôle de commissaires. En 1978, la Renault Alpine victorieuse aux 24 heures du Mans participa aux côtés de ses ancêtres à cette manifestation toujours joyeuse et pittoresque.
La rue Lepic présente la particularité d’être totalement rectiligne dans sa partie basse entre la place Blanche et le carrefour des Abbesses, puis tortueuse dans son tronçon supérieur.

carrefour abbesses Lepic blog

Avant de descendre, je grimpe jusqu’à la hauteur de l’immeuble sis au numéro 54. Là, au troisième étage, Vincent Van Gogh vécut chez son frère Théo de 1886 à 1888. Un tableau peint depuis la fenêtre de l’appartement rappelle cette période.

plaque Van Gogh blogtoile Van Gogh rue Lepic blogmaison Rictus blog

Quelques mètres plus loin, une maisonnette à l’architecture étonnante accueillit autrefois Jehan Rictus qui connut le succès grâce à ses poèmes composés dans une langue populaire.
Voici quelques passages du plus célèbre d’entre eux, Le Revenant dans lequel un sans-abri croit rencontrer le Christ :

« Des fois je m’ dis, lorsque j’ charrie
À douète… à gauche et sans savoir
Ma pauv’ bidoche en mal d’espoir,
Et quand j’ vois qu’ j’ai pas l’ droit d’ m’asseoir
Ou d’ roupiller dessus l’ trottoir
Ou l’ macadam de « ma » Patrie,

Je m’ dis : — Tout d’ même, si qu’y r’viendrait !
Qui ça ?… Ben quoi ! Vous savez bien,
Eul’ l’ trimardeur galiléen,
L’ Rouquin au cœur pus grand qu’ la Vie !

De quoi ? Ben, c’lui qui tout lardon
N’ se les roula pas dans d’ beaux langes
À caus’ que son double daron
Était si tell’ment purotain

Qu’y dut l’ fair’ pondr’ su’ du crottin
Comm’ ça à la dure, à la fraîche,
À preuv’ que la paill’ de sa crèche
Navigua dans la bouse de vache.

Si qu’y r’viendrait, l’Agneau sans tache ;
Si qu’y r’viendrait, l’ Bâtard de l’ Ange ?
C’lui qui pus tard s’ fit accrocher
À trent’-trois berg’s, en plein’ jeunesse
(Mêm’ qu’il est pas cor dépendu !),
Histoir’ de rach’ter ses frangins
Qui euss’ l’ont vendu et r’vendu ;
Car tout l’ monde en a tiré d’ l’or
D’pis Judas jusqu’à Grandmachin !

L’ gas dont l’ jacqu’ter y s’en allait
Comm’ qui eût dit un ruisseau d’ lait,
Mais qu’a tourné, qui s’a aigri
Comm’ le lait tourn’ dans eun’ crém’rie
Quand la crémière a ses anglais !

(La crémièr’, c’est l’Humanité
Qui n’ peut approcher d’ la Bonté
Sans qu’ cell’-ci, comm’ le lait, n’ s’aigrisse
Et n’ tourne aussitôt en malice !)

Si qu’y r’viendrait ! Si qu’y r’viendrait,
L’Homm’ Bleu qui marchait su’ la mer
Et qu’était la Foi en balade :

Lui qui pour tous les malheureux
Avait putôt sous l’ téton gauche
En façon d’ cœur… un Douloureux.
(Preuv’ qui guérissait les malades
Rien qu’à les voir dans l’ blanc des yeux,
C’ qui rendait les méd’cins furieux.)

L’ gas qu’en a fait du joli
Et qui pour les muffs de son temps
N’tait pas toujours des pus polis !

Car y disait à ses Apôtres :
— Aimez-vous ben les uns les autres,
Faut tous êt’ copains su’ la Terre,
Faudrait voir à c’ qu’y gn’ait pus d’ guerres
Et voir à n’ pus s’ buter dans l’ nez,
Autrement vous s’rez tous damnés.

Et pis encor :
— Malheur aux riches !
Heureux les poilus sans pognon,
Un chameau s’ enfil’rait ben mieux
Par le petit trou d’eune aiguille
Qu’un michet n’entrerait aux cieux !

L’ mec qu’était gobé par les femmes
(Au point qu’ c’en était scandaleux),
L’Homme aux beaux yeux, l’Homme aux beaux rêves
Eul’ l’ charpentier toujours en grève,
L’artiss’, le meneur, l’anarcho,
L’entrelardé d’ cambrioleurs

(Ça s’rait-y paradoxal ?)
L’ gas qu’a porté su’ sa dorsale
Eune aut’ croix qu’ la Légion d’Honneur ! … »

Le plus fantastique, c’est qu’il revient :

« … Ah ! comm’ t’ es pâle… ah ! comm’ t’ es blanc,
Sais-tu qu’ t’ as l’air d’un Revenant,
Ou d’un clair de lune en tournée ?
T’ es maigre et t’ es dégingandé,
Tu d’vais êt’ comm’ ça en Judée
Au temps où tu t’ proclamais Roi !
À présent t’ es comme en farine.
Tu dois t’en aller d’ la poitrine
Ou ben… c’est ell’ qui s’en va d’ toi !

Quéqu’ tu viens fair’ ? T’ es pas marteau ?
D’où c’est qu’ t’ es v’nu ? D’en bas, d’en haut ?
Quelle est la rout’ que t’ as suivie ?
C’est-y qu’ tu r’commenc’rais ta Vie ?
Es-tu v’nu sercher du cravail ?
(Ben… t’ as pas d’ vein’, car en c’ moment,
Mon vieux, rien n’ va dans l’ bâtiment) ;
(Pis, tu sauras qu’ su’ nos chantiers
On veut pus voir les étrangers !)

Quoi tu pens’s de not’ Société ?
Des becs de gaz… des électriques.
Ho ! N’en v’là des temps héroïques !
Voyons ? Cause un peu ? Tu dis rien !
T’ es là comme un paquet d’ rancœurs.
T’ es muet ? T’ es bouché, t’ es aveugle ?
Yaou… ! T’ entends pas ce hurlement ?
C’est l’ cri des chiens d’ fer, des r’morqueurs,
C’est l’ cri d’ l’Usine en mal d’enfant,
C’est l’ Désespoir présent qui beugle ! …

…On parle encor de toi, tu sais !
Voui on en parle en abondance,
On s’ fait ta tête et on s’ la paie,
T’ es à la roue… t’ es au théâtre,
On t’ met en vers et en musique,
T’ es d’venu un objet d’ Guignol,
(Ça, ça veut dir’ qu’ tu as la guigne.) »
Dans ce poème fleuve, il est encore une strophe qui est touchante :
« Toi au moins, t’étais un sincère,
Tu marchais… tu marchais toujours ;
(Ah ! cœur amoureux, cœur amer),
Tu marchais même dessus la mer
Et t’as marché jusqu’au Calvaire. »

Le pauvre hère clame qu’ « il suffit d’un Homme pour changer la face du monde ». Malheureusement, il s’aperçoit que cet Homme divin, c’est lui qui s’était collé d’vant l’miroitant d’un marchand d’vins ! De messe ? C’est-y pas du romantisme ça, ma p’tite dame ? Ça date de 1896 ! Merveilleuse biture digne de celle des princes de la cuite du Singe en hiver d’Antoine Blondin et du Glaude et du Plombé de La Soupe aux choux de René Fallet.

Misstic ma plus belle histoire d'humourblog

Sans tituber, je dévale maintenant la rue Lepic jusqu’à Blanche. Pour vous restituer l’ambiance d’antan, j’en appelle à Patachou qui tenait un cabaret en haut de la butte, rue du Mont Cenis. Elle y fit débuter Georges Brassens.

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poissonnerie Lepic blog

petits mitrons blogfromages lepic  bloggraf misstic rue lepic blog

Ici, les petits commerçants résistent encore à la grande surface. Difficile d’échapper au péché de gourmandise, il s’en faut de peu que je n’entre dans la boutique des Petits Mitrons pour acheter une de leurs sublimes tartes.

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Un peu plus bas, de l’autre côté de la chaussée, le Café des 2 Moulins connaît la notoriété depuis qu’Amélie Poulain y eût travaillé comme serveuse dans le film de Jean-Pierre Jeunet. J’y vis un jour un jeune homme qui photographiait sous tous les angles sa crème brûlée tout en en brisant la croûte avec sa petite cuillère. Magie du cinéma !
Plutôt que le fabuleux destin d’Amélie, j’opte pour celui de Bernard Dimey qui vécut « son temps comme un roi nègre superbement désargenté ». Rendez-vous donc en face au Lux Bar, un de ces bistrots préférés.

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Miracle, il est là l’Bernard … sur une photo près du comptoir ! Quitte à le décevoir, je commande une menthe à l’eau. Oui, les temps ont changé, il ne pourrait plus tirer sur sa pipe à l’intérieur et c’est tolérance quasi nulle pour les automobilistes comme moi … qui surveille l’heure limite de l’horodateur !
Allez Bernard, ne te fâche pas ! Parle-moi du temps où tu fus élève-maître à l’École Normale d’instituteurs de Troyes ! Ou non, conte-moi plutôt le Lux Bar d’antan.

J’allonge le pas sans tenter le grand écart du french cancan devant le Moulin Rouge et m’engage juste après dans le minuscule boyau de la Cité Véron. Au fond de l’impasse, vécurent en voisins deux « transcendants satrapes du Collège de Pataphysique », Boris Vian et Jacques Prévert.

Cité Véron blogPlaque cité véron blog

Imagine-t-on que ce lieu discret fut un rendez-vous du monde de la musique et des lettres, fréquenté par Raymond Queneau, Miles Davis, Max Ernst ou encore Henri Salvador ? Boris y écrivit L’écume des jours.
Quelques ânes incultes (pléonasme ?) et irrespectueux ont tagué la plaque commémorative. Il en est deux beaucoup plus spirituels, non loin de là, qui ont donné leur nom à un cabaret centenaire, haut lieu des spectacles de chansonniers.

Deux ânes

Foin de Ribéry et Benzema, une équipe de France black blanc beur avec Macron dans les buts et Taubira, Hollande et Vallot-Belkacem en attaque, je ne suis pas persuadé que ce soit très romantique !

 

Publié dans:Coups de coeur, Ma Douce France |on 3 mars, 2015 |6 Commentaires »

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