Ma marche républicaine du 11 janvier 2015
Jour de manif ! Il faut quand même que je vous raconte comment j’ai vécu l’immense rassemblement dans les rues de la capitale.
Dimanche 11 janvier, 10 heures du matin : je me gare dans une contre-allée de l’avenue Foch, une artère de l’ouest parisien beaucoup plus huppée qu’au temps où je jouais au Monopoly. L’endroit est désert, seul quatre ou cinq joggers courent dans les anciennes allées cavalières qui permettaient de rejoindre le bois de Boulogne au temps de l’Impératrice Eugénie, l’épouse de Napoléon III. Deux policiers armés montent la garde devant deux luxueux hôtels particuliers abritant le musée d’Ennery, consacré à l’art asiatique, et le musée arménien de France qui conserve la mémoire de ce peuple en diaspora.
Incongru en ce quartier, un canapé éventré barre le trottoir à l’angle de la rue de la Pompe. Il n’y a pas que dans ma résidence que certains comportements inciviques suscitent problème, mais ce n’est pas le sujet du jour, quoique …
Les transports en commun sont gratuits, je prends le métro jusqu’à la station Hôtel de Ville, changement à Étoile-Charles de Gaulle. Je vous en ai parlé dans mon billet précédent, c’est indirectement la mort de cet ancien président de la République qui donna naissance, en décembre 1970, à Charlie l’hebdo satirique dont plus de la moitié de la rédaction a été décapitée mercredi dernier par un acte terroriste.
Ce pourquoi, prioritairement et affectivement, je veux absolument participer à la grande marche républicaine dominicale. D’ailleurs, avant de rallier la place de la République, je choisis d’aller me recueillir devant le siège du journal en hommage aux victimes.
Je déambule sans joie à travers le quartier du Marais étrangement silencieux. La rue des Archives est presque endormie, l’animation à peine plus grande, dans la rue de Bretagne, à l’entrée du marché des Enfants rouges. De l’autre côté de la chaussée, une plaque rappelle qu’ici le 16 juillet 1942, des hommes, des femmes et des enfants du 3ème arrondissement furent incarcérés avant d’être transférés au Vel’ d’Hiv’ puis déportés dans des camps d’extermination nazis (voir billet du 11 novembre 2010 Elle s’appelait Sarah).
Dix minutes plus tard, de l’autre côté du boulevard Beaumarchais, je me retrouve à proximité de la rue Nicolas Appert désormais de sinistre mémoire. Un CRS, arme en bandoulière, au milieu de la chaussée, une file inhabituelle de cars de police dans la rue Amelot, attestent de l’actualité récente. Je connais bien la rue Appert depuis que j’y eus découvert une superbe fresque murale de l’artiste peintre sculpteur mosaïste Philippe Rebuffet à laquelle j’avais consacré mon billet du 10 septembre 2008. Elle constitue un bel hommage en trompe-l’œil au Théâtre. Je ne pouvais pas imaginer alors que, juste en face, l’immeuble occupé discrètement depuis le mois de juillet par l’équipe de Charlie Hebdo, serait le théâtre d’une horrible tragédie.
Pour des raisons évidentes d’enquête, la courte rue, moins de cent cinquante mètres, habituellement paisible, est entièrement barrée. Dans les rues adjacentes, en bordure du périmètre de sécurité, plusieurs zones de recueillement se sont constituées spontanément, ainsi à l’entrée de l’Allée Verte.
Je rejoins le lieu principal des hommages aux victimes via la rue Pelée et le boulevard Richard Lenoir. Quelques badauds, à l’entrée des diverses ruelles, tentent de reconstituer, au vu des images passées en boucle sur les chaînes d’info, le parcours effectué par les terroristes.
Sur le boulevard, en bordure du square central, une longue banderole et de nombreuses gerbes de fleurs rendent hommage au malheureux policier abattu froidement pour avoir tenté d’enrayer la fuite des barbares.
Aujourd’hui, tout le monde est Charlie mais, sans vouloir créer quelque distinction identitaire malvenue en ces circonstances, il en est, qu’on le veuille ou non, qui sont plus Charlie que d’autres, des Charlie Hebdo pur porc si j’ose dire, encore que l’expression pourrait choquer. Qu’il est difficile de s’exprimer en notre époque de politiquement correct !
Enfin, bref, mes lecteurs fidèles savent à travers mes billets :
http://encreviolette.unblog.fr/2010/12/23/
http://encreviolette.unblog.fr/2009/05/
… combien les journalistes, dessinateurs et chroniqueurs, de Charlie (et Hara-Kiri auparavant) sont, depuis un demi-siècle, mes compagnons d’esprit et de rires, mes « amis d’un mois » et plus. J’avais pleuré Reiser puis Gébé, puis Cavanna parti l’an dernier ; voilà que, cette fois, deux ou trois rafales de kalachnikov envoient à trépas Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, l’Oncle Bernard, Honoré, pour ne citer que les membres les plus médiatiques du journal.
En cette fin de matinée, l’émotion est forte devant l’amoncellement de fleurs, de bougies, de crayons, de dessins et de marques de sympathie de toute sorte, qui jonche trottoirs et chaussée à l’extrémité de la rue Appert.
Comme pour moi, chez beaucoup de ces témoins, surgit sans doute à cet instant une foule de souvenirs, des couvertures inoubliables, des dessins hilarants, des chroniques passionnantes. Au-delà de la caricature impertinente, de l’article au vitriol, Charlie instruit et donne à réfléchir.
Je surprends quelques larmes furtivement essuyées, quelques sourires pudiquement esquissés aussi.
Ainsi, une bouteille de Saint-Emilion avec son étiquette dessinée par Charb me rappelle les canons (pacifiques ceux-là) de l’élixir du viticulteur Gérard Descrambe qu’on s’envoyait avec Gébé, Choron et compagnie après les comités de rédaction. Nul besoin de garde du corps ou policier en sentinelle, en ce temps-là, amis, quidams et pique-assiettes franchissaient à toute heure le pas de la porte du journal, près de la place Maubert. Comme le dessinait Reiser, pour d’autres raisons, on vivait une époque formidable.
Impensable ! « Ils » ont abattu Cabu que beaucoup de plus jeunes que moi découvrirent dans l’émission enfantine Récré A2, un homme d’une gentillesse incroyable, toujours disponible. J’entends encore ses éclats de rire pendant qu’il dessinait inlassablement ses crobars lors des conférences de rédaction.
C’était avant tout un authentique journaliste reporter d’image, un commentateur infatigable de l’actualité politique et sociale. Je me souviens comment il couvrit, au cours des années 1970, les luttes des paysans du Larzac et la mobilisation populaire contre le projet d’installation d’une centrale nucléaire sur la commune de Plogoff dans le Finistère. Je me souviens de la magnifique exposition Cabu et Paris à l’Hôtel de Ville. Ah le trait de Cabu ! Pas de place perdue chez lui, il fallait qu’il remplisse la page, que ça foisonne. C’est terrible de conjuguer au passé.
Je me souviens aussi de ses décapantes Aventures de Madame Pompidou, épouse du successeur de Charlie de Gaulle. Hors le dessinateur, j’aimais aussi Cabu parce qu’il adorait, comme moi, les films de Jacques Tati et Charles Trenet. Tenez, voici un bout d’archive où il s’essaie à chanter avec son fils, le grand Mano Solo, La Java du Diable :
« … Des p’tits malheurs vite commencèrent
Car ce refrain de Lucifer
Planait partout, tout d’suite appris
Circonvenant bien les esprits … »
Des diables ont assassiné Cabu.
Quoiqu’avec ses potes, il doit être plié en quatre, eux qui sont morts de rire. Aurait-il cru, aurais-je pu concevoir, lorsque nous le filmâmes appuyé à un canon devant les Invalides, qu’on lui rendrait un hommage solennel en ce lieu, trente-cinq ans plus tard ? Plus anticléricaliste que Cabu … tu ne meurs pas !
Ils ont assassiné Bernard Maris ! J’aimais prendre L’apéro (c’était le titre de l’une de ses chroniques) avec « mon » tonton Bernard au look d’acteur américain. Je me souviens de sa série de chroniques, de véritables cours d’économie, où il nous expliquait les théories keynésiennes, Marx et le Capital. Avec lui, membre du comité monétaire de la Banque de France, on comprenait.
Récemment, j’avais lu son livre témoignage L’Homme dans la guerre, Maurice Genevoix (dont il était le gendre) face à Ernst Jünger, dans lequel il mettait en perspective les écrits des deux écrivains ennemis dans la tranchée de Calonne durant la guerre 14-18.
Ils ont assassiné Wolinski ! En cette fin de matinée, est-ce l’heure apéritive, plus que ses femmes dénudées, je me souviens de ses « brèves de comptoir », de courts dialogues (un quasi monologue en réalité), devant un verre, entre un gros réac irascible, défenseur d’une certaine idée de la France, aux avis péremptoires (« Monsieur » !) et un petit monsieur malingre préoccupé par comment va le monde. Que leur aurais-tu fait dire, Wolin, sur cette France qui est devenue Charlie en quelques minutes ?
Ils ont assassiné Charb, Tignous, Honoré ! Je n’ai pas d’anecdote personnelle à leur sujet n’ayant connu que les journalistes historiques. Pour chacun, bien sûr, des images défilent confusément dans ma tête comme la projection d’un film en accéléré. « Charb n’aime pas les gens » ainsi intitulait-il ses pamphlets politiques. Je m’en fous, moi je vous aimais Charb et les autres.
Ils ont assassiné de proches collaborateurs, des policiers chargés de leur sécurité. Ils ne sont pas oubliés. Des fleurs, des photographies, quelques mots griffonnés de-ci de-là les associent complètement dans l’hommage.
Je pense aussi très fort à Cavanna qu’ils auraient assassiné si Miss Parkinson ne l’avait pas emporté avec elle.
Cela fait presque une heure que j’erre à la quête du dessin, de l’épitaphe anonyme qui m’émeut et/ou me fait sourire.
Sur une borne, un tag affectueux : Je suis né Charlie, je « mourirais » Charlie ! Mustapha le correcteur du journal n’est plus là.
La voix discrète d’un journaliste de BFM TV trouble à peine le silence qui règne au bout de la rue Appert.
Façon de prolonger encore un peu ma présence au milieu de mes compagnons d’esprit, je me dirige, rue Amelot, vers le restaurant Les Petites Canailles où « celles » iconoclastes de Charlie-Hebdo avaient l’habitude de casser la croûte à la sortie des comités de rédaction. On apprend toujours sur les gens à travers les lieux qu’ils fréquentent.
L’étroite rue Saint-Sabin est entièrement obstruée par une longue file de cars de police. J’assiste à des scènes surréalistes. Une dame, un plateau à la main, circule et offre un café aux policiers. Des conversations aimables s’engagent avec eux. La France aime ses flics grâce à ceux qui les avaient si souvent fustigés en couverture du journal au temps du grand Charles. Brassens et Ferré doivent aussi se retourner dans leur tombe.
Est-ce pour ma bonne bouille de Charlie, le patron du bistrot, bien que l’on n’ait pas réservé, m’installe à la dernière table libre. La litanie des « c’est complet » débute immédiatement au désespoir de … tous ceux qui avaient la même idée que moi !
Mes fidèles lecteurs aiment savoir ce que je mange : aujourd’hui, ce sera une entrecôte, enfin pas tout de suite car par une homophonie compréhensible dans le brouhaha près du comptoir, on me sert d’abord … un œuf en cocotte. Quelques verres d’un gouleyant Saint-Amour apaisent les émotions de la matinée et me requinquent pour les grandes manœuvres de l’après-midi.
L’expression n’est pas inadaptée tant il s’agit d’élaborer une fine stratégie pour rejoindre le parcours de la grande marche républicaine. En effet, la foule commence à envahir les grands boulevards adjacents. Fuyons donc la (place de la) République et cap vers le boulevard Voltaire.
À l’angle du Cirque d’hiver, j’esquisse un sourire vers Nasser Al-Khelaïfi, président qatari du Paris-Saint-Germain. La déroute de son club, la veille à Bastia, ne suscite aucune émotion chez les supporters en ce jour. Je n’ose pas lui demander son sentiment sur la banderole brandie dans une tribune lors de la minute de silence observée à la mémoire des victimes des deux attentats : « le Qatar finance le PSG … et le terrorisme ».
La remontée de la rue Oberkampf devient de plus en plus délicate. Je viens échouer à une vingtaine de mètres du boulevard où le début du cortège est à l’arrêt.
Il est 14h 30, en principe on démarre dans trente minutes. L’ambiance est bon enfant : tout le monde est Charlie ! Ou presque ! En effet, au cours d’une distribution de drapeaux tricolores, quelques mains plus bêtes que méchantes subtilisent systématiquement l’étendard convoité par un jeune noir. Heureusement, la taquinerie cesse vite.
15h 15, on n’a pas bougé d’un demi mètre. Un grand crayon gonflable ne parvient pas à prendre forme. La resquille est une habitude française : de probables vrais-faux photographes de presse tentent vainement de fendre la foule.
Ma haute stature me permet d’évaluer la situation au-dessus de la foule de plus en plus compacte. Derrière moi, c’est une marée humaine qui, maintenant, ondoie au loin jusqu’au boulevard Beaumarchais. Devant, un cordon de policiers contient dans la bonne humeur la tête de la manifestation.
Soudain, je suis enfoncé par un mastodonte fendant la mêlée tel un pilier de rugby. Accrochée à ses basques, menue, fragile, (presque) incognito derrière ses lunettes de soleil, Rachida Dati tente de rejoindre l’en-but des officiels. Blottie quelques secondes contre moi, j’ai le temps d’humer son parfum. Peu de temps après, c’est le pack du Modem, Bayrou en tête suivi de Marielle de Sarnez et Douste-Blazy qui me débordent sur la gauche, un comble ! Aucun sifflet, des applaudissements nourris même, la France est Charlie !
Sur ma droite, étonnamment, le boulevard Voltaire est complètement désert, en effet, par sécurité, un no man’s land de deux cent mètres nous sépare de la marche des chefs d’état et de gouvernement qui ont répondu à l’invitation du président Hollande. On comprend bientôt qu’elle commence avec le ballet tournoyant des hélicoptères au-dessus de nos têtes et l’apparition de tireurs d’élite sur les toits des immeubles haussmanniens. Chanceux pigeon iconoclaste qui survolera de (trop) près notre président de la République !
Il est 16 heures, le cortège s’ébranle enfin. Quelques minutes plus tard, je parviens à me couler dans le flot au milieu de banderoles de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), de la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF). Cet après-midi, on ne choisit pas sa bannière : « Je suis Charlie, Policier, Juif, Musulman … et Laïc » clame l’une d’elles à mes côtés. C’est déjà bien que je marche, beaucoup n’auront jamais cette chance et resteront bloqués place de la République.
À la jonction du boulevard Richard Lenoir, désormais de sinistre mémoire, des centaines de manifestants profitent de la mansuétude du service d’ordre pour forcer pacifiquement les barrages et venir grossir le long fleuve qui coule tranquillement vers la Nation.
Sans violence, sans agressivité, la foule unanime bat le pavé parisien dans un émouvant recueillement troublé épisodiquement et alternativement par quelques salves d’applaudissements lancées des balcons des immeubles, des Je suis Charlie scandés et quelques Marseillaise improvisées.
Scène inimaginable il y a encore une semaine, la vue d’un cordon de policiers déclenche aussitôt les vivats. La France aime ses flics ! Cabu, penche-toi sur ton nuage, regarde oui ceux que tu brocardas, vilipendas si souvent avec tes potes sont acclamés. Surréaliste !
Sur le parvis de l’église Saint-Ambroise, Marianne nous attend. Cheveux blonds et bouclés, le front ensanglanté par une balle, cette marionnette géante du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine se fond dans le cortège. Elle symbolisait la Justice dans un ancien spectacle. Marianne, blessée mais debout, va nous accompagner au rythme des tambours.
L’information circule, on est 500 000, on est 700 000, on est 1 million selon les organisateurs. Oui mais que dit la police ? Pareil ! Surréaliste !
Sur les platanes de « son » boulevard, même Voltaire est Charlie.
Incroyable, depuis les attentats, son Traité sur la tolérance, paru en 1763, titille les bouquins de Zemmour et de Trierweiler dans le hit-parade des ventes. Le philosophe des Lumières l’avait écrit pour prendre la défense de Jean Calas, un huguenot accusé à tort de la mort de son fils et exécuté. Combattant le fanatisme religieux, il écrivait : « La tolérance n’a jamais excité la guerre civile, l’intolérance a couvert la terre de carnage ».
Mon portable vibre, c’est un ami qui m’appelle : « On vient de te voir à la télé ! » Que n’ai-je acheté un ticket de loto ce matin ? Il y avait 0,0000005 % de probabilité qu’on m’aperçoive, car nous sommes près de deux millions de Charlie aux dernières nouvelles.
Je me laisse rétrograder dans le défilé, histoire de côtoyer d’autres voisins et de souffler un peu.
Aujourd’hui, les crayons et les couv’ de Charlie « L’amour plus fort que la haine » remplacent les habituels drapeaux et pancartes des mouvements politiques et syndicaux.
Je piétine quelques dizaines de mètres à côté d’un bébé porté en écharpe dans le dos de son père. Attendrissant ! Quel monde lui lèguera-t-on ?
Mon cher papa, tu serais évidemment Charlie aujourd’hui, toi qui ne comprenais pas comment je pouvais soutenir cette bande de trublions iconoclastes Cavanna en tête (renforcée par Renaud et Gainsbourg) en train de célébrer la mort de Charlie Hebdo première époque lors de l’émission de Michel Polac Droit de Réponse en janvier 1982 ?
Ce fut un scandale national dans la presse : « Bande de porcs, éponges à whisky, télé-chienlit, Crève Charlie ! » Retournez assister à ce joyeux bordel dans les archives de l’INA (http://www.ina.fr/video/CPA82052296). On y buvait, on y fumait, Jean-François Kahn demandait à Cavanna de ne pas faire de terrorisme (intellectuel bien sûr) et Choron, certes aviné, éructait: « Ça c’est la France, on pleure sur les morts » ! Dominique Jamet conclut : « Si la liberté était réservée aux gens dont le discours vous plait, ce ne serait plus la liberté » et une lycéenne apostrophe le journaliste de Minute sur son intolérance envers les immigrés. C’était il y a plus de trente ans.
Surréaliste ! En décembre dernier, Charlie-Hebdo était menacé encore de crever faute de lecteurs pendant que Closer et Gala faisaient leurs choux gras d’escapades en scooter.
Plus tard, nous passons devant la station de métro Charonne de tragique mémoire : le 8 février 1962, la violence policière armée par le triste préfet Papon à l’encontre de personnes manifestant contre l’OAS et la guerre d’Algérie fit neuf victimes. Cela inspira une émouvante chanson à Leny Escudero.
Peu à peu, la nuit tombe, je me retrouve sous une banderole Abajo la Muerte en écho au cri de ralliement Viva la muerte des Franquistes pendant la guerre d’Espagne. Le martèlement d’un tambour sonnant comme un glas détonne dans l’atmosphère joyeuse qui règne à la Nation, car, un peu fourbu certes, je l’ai atteinte. À moins que ce ne soit l’heure de l’Angélus chanté par Hubert-Félix Thiéfaine.
Dans mon long retour en métro, je tente d’organiser mes émotions de la journée. Cette manif mémorable, je l’ai vécue un peu comme un zombie, le déchirement d’un hommage à des compagnons spirituels d’une vie, la révolte devant la barbarie, l’échec d’une société qui a perdu ses repères, mon bonheur mais aussi mon scepticisme devant cet immense élan national. Mille choses ont traversé mon esprit, éditoriaux et articles de presse, l’actualité disséquée en boucle sur les chaînes d’info, participant à mon vertige et mon effroi. Ce n’est pas encore la Dolce Vita, d’ailleurs, Anita Ekberg, célèbre pour son bain dans la fontaine de Trevi, nous a quittés ce dimanche-là.
Nous sommes tous des Charlie … Au boulot, prouvons-le !
Les photographies d’illustration sont d’Encre violette et Denis Rigaud que je remercie amicalement.
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C’est le billet que j’attendais face à cette barbarie …Sobre, émouvant et chaleureux il nous conforte dans la fragilité de nos démocraties et de nos institutions face à ces attaques violentes et déterminées.Il nous faut résister et tenir . L’humour est une arme redoutable mais face à l’inculture et à l’indigence intellectuelle il passe pour de la provocation.Merci à tout ceux qui se sont dressés pour affirmer qu’ils veulent continuer à vivre dans un pays libre.