JE SUIS CHARLIE
Ils m’ont accompagné de ma jeunesse jusqu’à hier. Ils n’aimaient pas les hommages. Je les pleure. Pour comprendre mon chagrin, je vous invite à lire ou relire mon billet du 23 décembre 2010 : http://encreviolette.unblog.fr/2010/12/23/
Ci-dessous l’image de Cabu qui restera ancrée dans ma mémoire. Je la pris lors de notre tournage sur le parvis des Invalides.
Appuyé à un canon, il déclarait malicieux : « On ne peut pas faire autre chose que d’informer. C’est déjà pas mal car seule la vérité est révolutionnaire camarade ! »
Je cite Cavanna, à l’origine de cette belle aventure, qui nous a quittés il y a presque un an :
« En novembre 1970, un incendie dans un bal de village faisait cent vingt-cinq victimes. Toute la presse titrait : « Bal tragique – Saint-Laurent-du-Pont : 125 morts ». La semaine suivante, le général de Gaulle mourait brusquement. L’Hebdo Hara-kiri titra :
L’Hebdo Hara-Kiri, c’était nous … nous l’étions fièrement, arrogamment.
Cette blague énorme eut un énorme succès. Sauf auprès du pouvoir … Tourner en dérision De Gaulle, le cadavre tout chaud de De Gaulle, était le crime suprême. Lèse-majesté ! Que dis-je sacrilège !
Les barons sommèrent de sévir le baron chargé de ça. Oui, mais il n’y avait pas prise. Légalement, pas de délit. Ni injure, ni diffamation, ni insulte à chef de l’État (d’ailleurs, il ne l’était plus) … Pas moyen de poursuivre devant un tribunal, ni, par conséquent, de faire saisir le numéro.
On trouva donc autre chose : l’interdiction à l’affichage … (qui) ne peut être décrétée que dans un cas précis : le danger que présente la publication pour la jeunesse. Il fallait donc prouver que l’Hebdo Hara-Kiri était dangereux pour la jeunesse … On éplucha donc la collection et l’on exhiba deux petits dessins de Cabu et deux de Willem où l’on pouvait voir, à la loupe, de minuscules quéquettes, même pas en état de marche.
Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, ne traîna pas. Le décret d’interdiction à l’affichage parut aussitôt à l’Officiel. Le mot a l’air anodin. La chose est terrible. Car elle est en fait la mort du journal …
Alors, nous avons décidé d’entrer carrément en infraction : changer le titre, en annonçant la couleur, et on verrait bien si le pouvoir irait jusqu’au bout …
Nouveau titre : Charlie Hebdo »
Quarante-cinq plus tard, le quotidien régional Le Courrier Picard, en écho, a rendu ainsi hommage au journal satirique :
L’esprit de Charlie Hebdo continuera de souffler. La preuve, ce dessin de Louison :
