Vogue Galéria ! village de Haute-Corse

Voilà, je suis de retour avec vous ! Pour nos retrouvailles, j’ai envie d’évoquer le petit port d’attache(s) de l’île de Beauté, où je séjourne chaque mois de juillet, depuis plus d’une décennie. Il porte le nom, certes un peu inquiétant, de Galéria, qu’il tiendrait sans doute abusivement « des fameuses galères qui sillonnaient sa rade, arrogantes et fières ».
Je vous rassure de suite, les tracas que vous pourrez y connaître, sont véniels et plutôt pagnolesques, même s’ils indisposent parfois le touriste acariâtre peu au fait des habitudes insulaires. Vous l’entendrez maudire sa 3 ou 4 G totalement inutile devant les défaillances épisodiques du réseau Orange. Moi-même, je me surpris à maugréer contre l’acheminement très aléatoire des journaux et de devoir guetter le presque unique exemplaire de Charlie-Hebdo sur le présentoir. Depuis Cavanna est mort, non pas l’ancien boucher du village, lui c’est Canava, mais le fondateur du canard satirique, et la livraison s’effectue plus tôt et de manière plus fiable ! On sourit encore du jour où tout le village fut soumis au pain de régime, le boulanger ayant oublié le sel dans la confection de la pâte… Vous voyez, rien de traumatisant, n’est-on pas ici pour se dépayser et décompresser justement d’un quotidien routinier et stressant ?
De manière plus crédible, le village tirerait son nom d’une origine romaine, Galerius Valerius Maximianus ayant été un des empereurs de la Tétrarchie au début du quatrième siècle.
Mais plutôt qu’un péplum, mon billet pourrait commencer comme un western. En effet, la première fois que je me rendis à Galéria, il me sembla y retrouver certains paysages arides de l’Ouest américain propices aux chevauchées (fantastiques ?), en contemplant le point de vue sur la vallée, au sommet du col de Marsulinu, ou les mini canyons creusés par le fleuve Fango dévalant de la montagne proche.

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Parvenu, au fond de la vallée, au pont des Cinque arcate, il reste une alternative (donc deux choix) pour atteindre Galéria Creek ! L’un, « clint east(holly)woodien », en parcourant à cheval le désert de galets que constitue le lit du Fango en été. Mais ça, c’est mon cinéma à moi !
L’autre, plus réaliste, mais aussi peut-être plus périlleux, en empruntant la D 351 sinuant dans le maquis. En effet, entre ombre et lumière, le « pinzutu », ainsi surnomme-t-on ici le continental, fraîchement débarqué sur l’île peut voir surgir devant son véhicule, une de ces vaches paissant en liberté, ou un autochtone intrépide jouant les Sébastien Loeb dans les nombreuses courbes.
Allez, détendons-nous ! Nous voici, sain et sauf, dans un bout du monde, entre « mare e monti », à Galéria, porte de Scandola, à une trentaine de kilomètres au sud de Calvi !

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En guise d’accueil, à droite, sur un promontoire, surplombant la mer, se détache la tour génoise construite entre 1551 et 1573. Elle faisait partie des sept tours de la juridiction de Calvi et des constructions de défense le long des côtes de la Méditerranée septentrionale pour se protéger des pirates Sarrasins et Barbaresques, Provençaux, Vénitiens, Catalans et autres Ligures. Elle était occupée par trois personnes qui en assuraient la défense, d’abord des militaires puis des villageois à partir de la fin du XVIIème siècle jusqu’en 1792. Elle fut ensuite détruite par les habitants du Niolu mécontents de la spoliation de leurs terres par une société étrangère. En partie restaurée, elle a vocation, aujourd’hui, d’accueillir des manifestations culturelles et des banquets.

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Plutôt qu’imiter le célèbre torero El Juli pour amadouer le ruminant qui vous en barre l’accès, du moins sur la photographie, je vous suggère de commencer votre séjour, en face, de l’autre côté de la chaussée, chez la Julie et sa maman, en dégustant un délicieux café gourmand. J’ai déjà écrit tout le bien que je pensais de la guinguette de l’Artigiana (http://encreviolette.unblog.fr/2009/08/14/savourez-linstant-corse-lartigiana-a-galeria/). Les années passent et le plaisir des sens y est toujours aussi bien célébré, la preuve en est avec cette mise en bouche, sous les pins.

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Avec une vue imprenable, l’une de ces magnifiques échappées sur le golfe que nous offre le village ! Il en est une cependant, paradisiaque, que j’ai gardée pour moi jalousement durant de nombreux étés :

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Ça y est, vous avez posé vos valises ? Car, sans avoir l’aura touristique de certaines autres stations du littoral corse (parfois surcotées), Galéria mérite qu’on y séjourne quelques jours tant le village et ses alentours possèdent charme et attrait pour celui qui sait être curieux.
Ma balade découverte débute à hauteur du cimetière et du monument aux morts, là où la route se partage en deux. Vous avez le choix de prendre à gauche vers le centre du village ou de descendre à droite vers la plage et le port.

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À l’embranchement, une ancre rouillée rappelle l’animation maritime ancienne du lieu. En 1992, on a même retrouvé un jas d’ancre antique en plomb qu’on date entre le deuxième siècle avant J.C et le deuxième siècle après.
Il y a moins d’un demi-siècle, loin du tumulte touristique, Galéria était, au fond de son cul-de-sac, un havre paisible à en juger par les émouvantes toiles de la maman artiste de deux de ses habitants.

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tableaux de Marika Van der Heyde

Aujourd’hui, si environ 300 habitants y vivent l’hiver, ce sont entre cinq et dix fois plus qui y débarquent l’été. Et dans cette commune, longtemps tournée vers la montagne, on dénombre pour la première fois, plus d’indigènes liés au tourisme maritime que de bergers, ce que regrettent peut-être quelques anciens nostalgiques.
En toute logique, le touriste a d’abord hâte de découvrir le front de mer.
L’implantation immobilière constituée essentiellement de quelques hôtels, restaurants et commerces, est récente, raisonnable et maîtrisée. Les parkings font fonction de belvédère et, assis sur un banc et sous un pin, vous pouvez rêver à de futures évasions, devant la vue panoramique toujours aussi imprenable des bateaux tanguant tranquillement sur l’onde : « Altru Sognu » comme le revendique une enseigne voisine.

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Force est de reconnaître que le cordon de plage ne peut rivaliser avec certains autres rivages idylliques de l’île. De nombreux petits galets s’agrègent traitreusement au sable mais l’eau est claire, l’ambiance paisible et familiale. C’est comme son nom l’indique, la plage du village et des villageois. De l’authentique !
Vous ne risquez pas d’y être importuné par quelque vendeur de bibelots exotiques ou de chouchous. Et si votre progéniture vous réclame un esquimau, il vous suffit comme le grand enfant que je reste, de gravir les quelques marches qui mènent au Concept : Fred vous soumet à un choix cornélien entre les parfums souvent originaux de ses glaces artisanales. Voici mon top 5 de l’été : réglisse, speculoos, stracciatella, nougat glacé et … pomme (bon sang de normand oblige). Il ne faut pas trop s’y attarder cependant car la gente féminine impatiente a vite fait de ponctionner (modérément) votre portefeuille chez Wish, la sympathique boutique de fringues et sacs tendance contiguë.
En guise de brève séance de thalassothérapie en marchant, les pieds dans l’eau, on peut gagner le port, en bout de plage. Il s’agit presque exclusivement d’un mouillage de plaisance. Hors les embarcations des autochtones, c’est le point de départ d’un club de plongée et de locations pour des promenades inoubliables dans la réserve de Scandola avec escale à Girolata (voir billet du 12 août 2011). Incontournable !
Un ou deux pêcheurs proposent, confidentiellement, le matin, par beau temps, le produit de leur sortie en mer. À défaut, vous pouvez déguster à midi un club sandwich langouste à la proche Cabane du pêcheur … avec fenêtre sur la mer :

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Immanquablement, ce pittoresque fourbi me renvoie au quartier de la Pointe Courte à Sète, cher à l’ami Georges Brassens et mes regrettés tante et oncle (voir billets des 3 décembre 2007 et 1er juin 2012 ).
Je ne vous promets pas, il ne faut pas exagérer, qu’une bouteille à la mer telle que celle du clip de Francis Cabrel viendra s’échouer à vos pieds … même si les poissons sont souvent affectueux !

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En route vers « Galéria centre historique » qui s’étend plus haut sur un replat du Capu Tondu. L’accès le plus direct, depuis le port, est une rue quasi rectiligne à la pente fort abrupte. Aux heures chaudes de la journée, s’il vous prend de la gravir à pied, je vous garantis suée et soif que vous apaiserez à l’un des deux bars au cœur du village : Orezza menthe pour ceux qui veillent à leur ligne, Pietra, la bière à la châtaigne, pour les autres.

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Depuis qu’une chère petite fille me le passe en boucle, je pense inévitablement à l’inénarrable sketch du duo d’humoristes corses, Tzek et Pido, un petit bijou d’auto dérision.
A Piazetta, ailleurs également, la fiction ne rejoint évidemment pas la réalité et je rassure de suite le pinzutu, il ne paiera pas plus cher son Panini que les locaux, et souvent en soirée, le patron Martin m’a offert un limoncellu de bienvenue ! À Galéria, l’hospitalité n’est pas un vain mot … d’ailleurs le sketch se situe au cœur de la Corse !!!
Sur quelques dizaines de mètres, hors saison, se concentre ici, presque exclusivement, la vie paisible du village. L’été, c’est beaucoup plus trépidant, notamment en fin de matinée, à l’heure des courses. Entre le délicat croisement des automobiles, le stationnement un peu anarchique et les autochtones qui font la causette au milieu de la chaussée ou abrègent la tournée du facteur en récupérant leur courrier directement dans son véhicule, il n’est pas toujours aisé de choisir, en toute sérénité, un melon ou une carte postale à l’étalage de la supérette ! J’exagère (à peine), d’ailleurs, ce sont les vacances et chacun adopte la nonchalance corse, le sourire aux lèvres. D’ailleurs, pour preuve, depuis deux ans, j’ai choisi de poser mes valises au cœur du village.

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Si vous souhaitez profiter de cette atmosphère joyeuse, colorée et bon enfant, il n’y a guère meilleure loge que de s’installer à la minuscule terrasse de L’Auberge. Les nouveaux propriétaires de cet hôtel-restaurant proposent une cuisine simple, authentique et cependant inventive, à partir de leurs propres produits. Je m’y suis régalé entre autre d’une délicieuse bruschetta océane (du nom de la jeune fille de la maison) pleine de parfums et saveurs.
D’un côté de la rue, les commerces, de l’autre, les services ! En période estivale, des parties de foot, jeux de boules, bals, soirées karaokés, braderies diverses animent la cour désertée par les écoliers. Des idées pour combler la demi-heure laissée vacante par les nouveaux rythmes scolaires ?

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L’école communale porte le nom poétique de Pampasgiolu, coquelicot en langue corse mais aussi le surnom de Don-Ghjaseppu Giansily, un berger poète du Niolu décédé à Galéria en 1977. On raconte qu’il chantait la sérénade aux jeunes normaliennes en poste à l’école de son hameau. J’aurai l’occasion de célébrer sa mémoire, plus loin.
En attendant, permettez-moi d’honorer celle de Mouloudji, tendre interprète de l’inoubliable Comme un p’tit coquelicot et aussi … Le Galérien (!). Il nous a quittés, il y a dix ans, au mois de juillet.
À côté, sur la placette devant l’église et la mairie, se tient, chaque vendredi, un marché joyeux et coloré où petits producteurs et artisans locaux proposent leurs produits prêts à émoustiller les sens. Quelle frustration, cet été, de n’avoir pu goûter au sublime miel récolté par Pauline, en rupture de stock, rançon du succès peut-être !
Les cloches de l’Angelus en guise de réveille-matin ne sont pas superflues car la file des clients se forme de bonne heure dans l’attente du camion boucher de Calenzana qui pallie (temporairement ?) la fermeture de l’ancien commerce du village.

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Quoique sans grand caractère, l’église Sainte-Marie récemment repeinte (après plusieurs essais de teintes !) ne manque cependant pas d’élégance avec les palmiers et les lauriers qui l’entourent.

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J’ai plaisir à m’y retrouver lors de concerts de polyphonies corses, ainsi cet été, un récital mémorable du groupe Balagna (ex U Celu). Fabuleux et poignant moment que d’écouter l’adaptation corse de la Complainte de Pablo Neruda, le poème de Louis Aragon mis en musique par Jean Ferrat :

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La Complainte de Pablo Neruda interprétée par le groupe U Celu commence à 2 min 40 sec suivie de L’Aranciaghu (Ballade nord-irlandaise de Renaud

Salutaire aussi en cette époque inquiétante où la liberté de pensée est trop souvent bafouée.

« Lorsque la musique est belle
Tous les hommes sont égaux
Et l’injustice rebelle
Paris ou Santiago
Nous parlons même langage
Et le même chant nous lie
Une cage est une cage
En France comme au Chili
Comment croire comment croire
Au pas pesant des soldats
Quand j’entends la chanson noire
De Don Pablo Neruda »

Ce soir-là, la musique fut belle et tous les hommes égaux : les artistes insulaires convièrent même le public à sa première expérience de polyphonie en lui faisant reprendre L’aranciaghju, version corse de la ballade nord-irlandaise de Renaud. Et que croyez-vous qu’il advînt (comme ne le montre pas le clip enregistré ailleurs) ? Cent pinzuti recouvrirent (presque !) un instant la voix des six baladins balanins ! Étonnant non ?

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En tout cas, nul besoin de chanson pour faire pousser un citronnier à Galéria !
J’aime arpenter ce qu’on nommait le Quartieru à la fin du dix-huitième siècle, à la découverte de quelques témoignages de ce passé. À défaut d’être clinquante, la flânerie authentique et émouvante laisse imaginer la vie autrefois des gens d’ici : hautes façades noircies par le temps, entrées de caves dotées de linteaux en genévrier, anciennes terrasses dédiées aux cultures, la fontaine restaurée, le curieux pignon d’une maison abandonnée avec des hauts reliefs des décorations militaires de son ancien maître …

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Cabas à la main, au retour des courses à la supérette, je me glisse fréquemment, à l’arrière de la rue principale embouteillée, dans un amour de petit chemin de traverse. Il ne sent peut-être pas la noisette mais il a un subtil parfum de campagne.
Qui sait si, autrefois, on n’y chanta pas le tendre refrain de Mireille et Jean Sablon :

« … Ce petit chemin
M’a tourné la tête
J’ai posé trois baisers
Sur tes cheveux frisés
Et puis sur ta figure
Toute barbouillée de mûres
Pour nous surveiller
Des milliers de bêtes
S’étaient rassemblées
Par-dessus nos têtes
Mais un lièvre au passage
Nous a dit: Soyez sages!
Ne crains rien, prends ma main
Dans ce petit chemin… »

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Si loin de l’effervescence du centre du village et pourtant si près (cinquante mètres maximum !), on n’y rencontre guère âme qui vive, encore que les éclats de voix émanant d’une délicieuse tonnelle en contrebas attirassent parfois la curiosité de touristes égarés et ravis de dénicher ce qu’ils croient être une vraie guinguette. Un été, le propriétaire joua le jeu en exposant devant l’entrée, une ardoise avec le (vrai) plat du jour servi à la table familiale … se prémunissant cependant de toute réservation abusive en affichant aussitôt complet.
Sous la treille, il m’offre volontiers l’apéro au normand que je suis.

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À quelques pas de là, se cache une petite chapelle toute pimpante au soleil. Le carré d’herbes sèches, situé derrière elle, correspond à l’ancien cimetière ouvert dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Une stèle est encore visible en bordure du muret d’enceinte.
Population de bergers, les gens du Niolu, la haute vallée d’estive, descendaient, alors, leurs défunts sur une mule, par les chemins de transhumance, le corps enveloppé dans le pilone, le manteau de berger en poil de chèvre, la tête soutenue par un bâton fourchu, le tout ligoté au moyen de cordes en poils de chèvre. Quand l’équidé s’emballait, la surprise pouvait être macabre pour les piétons qu’il croisait !
Aujourd’hui, les morts sont logés à meilleure enseigne, et Galéria la discrète possède un cimetière tout aussi marin que celui de Paul Valéry sur son « île singulière », de l’autre côté de la grande bleue.

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux!
Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir!
Quand sur l’abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d’une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir…
… Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l’attire à cette terre osseuse?
Une étincelle y pense à mes absents.
Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!
Chienne splendide, écarte l’idolâtre!
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux!
Ici venu, l’avenir est paresse.
L’insecte net gratte la sécheresse;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air
A je ne sais quelle sévère essence . . .
La vie est vaste, étant ivre d’absence,
Et l’amertume est douce, et l’esprit clair.
Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère…« 

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Ici, aucune sépulture de personnage illustre ne draine les visiteurs mais il est émouvant de se recueillir quelques instants devant les tombes d’une blancheur éclatante au soleil se découpant sur l’azur du ciel et des flots. Mes pensées s’envolent alors vers la supplique d’un autre Sétois célèbre, Georges Brassens :

« … C’est une plage où, même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux,
Où quand un bateau fait naufrage,
Le capitaine crie : « Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d’abord ! (une mauresque ! ndlr)
Chacun sa bonbonne et courage ! » …
… Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !
Vous envierez un peu l’éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances…

… Et quand, prenant ma butte en guise d’oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de ma croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume … »

Dieu soit loué, dans l’attente du jugement dernier, nous, les vivants, pouvons aussi nous rincer l’œil sur les baigneuses dénudées en empruntant le sentier côtier, peuplé d’immortelles, jouxtant le cimetière. En flânant dans ce petit coin sauvage de maquis, l’on surplombe la plage dite du village avec en arrière-plan le port de plaisance, puis un chaos de rochers, avant d’entrevoir en contrebas, la minuscule et secrète crique de la Fontanaccia à laquelle on peut accéder grâce à une rampe de corde. Quelle que soit l’heure de la journée, selon les variations de lumière et même les caprices du temps, le spectacle est superbe.
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On repère aussi en chemin quelques ruines de maisons en construction, témoignages de nuit bleue (tout est bleu ici !) contre l’urbanisation du littoral. Dans un billet du 14 août 2010, j’avais écrit alors : « Deux pas en avant, un pas en arrière, le Fango corse s’interprète plus parfois comme une valse hésitation. Je ne suis pas loin de penser cependant que celui que j’ai dansé pour vous (jusque) dans les bras de son delta, c’est le plus beau Fango du monde !!! ». Il n’y a pas que la mer qui danse le long des golfes clairs de Galéria !

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Je ne jurerai pas que le crâne jonchant le sol soit la conséquence de l’acte des chasseurs de primes (à la vache ?) poursuivis par l’impitoyable Clint évoqué plus haut ! Ce sont les mystères de l’Ouest corse. En tout cas, quelqu’un se sera régalé d’un savoureux sauté de veau aux olives vertes, l’un des plats emblématiques de l’île de Beauté …
Je vous suggère, à l’extrémité du sentier, de traverser la route et de vous diriger en face vers le snack de la Funtanaccia. Jean-Claude prépare devant et pour vous un vrai et bon pan bagnat, le célèbre casse-croûte qu’emportaient autrefois les pêcheurs niçois et … aujourd’hui, les estivants qui s’acheminent vers la vaste plage de Ricciniccia, plus communément appelée plage de la Tour.

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Loin de toute circulation, nichée dans le maquis, en contrebas de l’ancien édifice génois, adossée à une pinède, à l’embouchure du delta du Fango, son caractère sauvage séduit de nombreux touristes.

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Mais attention, la baignade y est fortement déconseillée les jours de vent et de houle même si le soleil brille. Soyez à l’écoute des gens d’ici et de … Renaud. « Dès que le vent soufflera, c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme » …il serait regrettable de quitter Galéria précipitamment par hélicoptère.
Contentez vous alors de la vision grandiose et un peu angoissante des flots furieux … Puis demi-tour vers la rivière pour une heure exceptionnelle de « zénitude » avec une balade découverte en canoë dans les bras du delta du Fango, un site classé Réserve de Biosphère par l’UNESCO.
Que puis-je ajouter à ce que j’avais écrit, il y a déjà quatre ans ? :

http://encreviolette.unblog.fr/2010/08/14/le-fango-haute-corse/

À l’accueil, les livres d’or s’entassent, remplis de commentaires élogieux. Alors, délestés de vos portables (ils sont prohibés), laissez-vous glisser au fil de l’onde et rêver devant le spectacle incroyablement beau de la nature. Dépaysement total garanti !

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Cet été, les tortues cistudes qui prennent le soleil sur les troncs de bois morts, furent même les héroïnes d’une conférence à la tour génoise (avec leurs collègues terrestres d’Hermann).
La rivière, qui est en fait un fleuve dans son acception géographique, draine, au fil des années, un flot de plus en plus impétueux de touristes, ce qui n’est pas sans danger sur son équilibre écologique. U Fangu souffre de sa beauté magique que j’avais tenté de restituer dans mon billet du 14 août 2010 (voir lien ci-dessus). Mes vertus littéraires s’étiolant avec l’âge, je ne saurais mieux faire que de vous inviter à le relire !!!

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Moment de paix devant le Ponte Vecchiu, d’origine génoise, à l’heure où il se vide de ses intrépides plongeurs et rougit sous les feux du soleil couchant. L’ouvrage restauré récemment est praticable et permet de se rendre par une piste au hameau abandonné de Chiumi avec ses ruines de la chapelle San Pietru. Superbe mais demi-tour car j’empiète sur la commune de Manso !
Celle de Galéria possède une superficie de 135 km2 et une façade littorale de plus de trente kilomètres. Hors le village lui-même, quelques hameaux dispersés sur ce vaste territoire, souvent vestiges d’un émouvant passé, méritent le coup d’œil, cela évite en plus de bronzer idiot …

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Ainsi, cap vers Prezzuna ; c’est simple à trouver : vous prenez à droite lorsque les chèvres de Dominique et Joseph Acquaviva vous barrent la route de Calvi dans la montée du col du Marsulinu (plus sérieusement, c’est fléché !).
Après quelques kilomètres en plein maquis, par un étroit chemin désormais goudronné, on parvient à une oasis propice à la méditation et à la rêverie.

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Je vous l’avais promis : attenante à la petite église Sainte-Lucie, l’ancienne école du hameau abrite la Casa di i Pueti, la Maison des Poètes niolins Pampasgiolu di l’Acquale et Peppu Flori.
Tout est malheureusement fermé mais mon esprit vagabonde tout de même vers Pampasgiolu qui vécut là avec sa mère et ses deux sœurs restées célibataires. Lui non plus, ne trouva pas l’âme sœur bien que sa complainte Bongiornu o madamicella ait été chantée par des générations de soupirants corses.

Chantre remarquable, il passait pour être le maître du « chjama è rispondi », joute poétique d’improvisation, pratiquée dans les fêtes, foires et rituels saisonniers, consistant en un dialogue chanté et rimé sans s’écarter du thème choisi.

« …Une chapelle, son clocher
Et l’ancienne école à côté
Où la pariétaire vient pousser

Puis la maison dans la plaine
La vieille femme à la fontaine
L’heure s’endort à la méridienne

Allons mon fils à la veillée
Entends le Niolu écoute le trembler
C’est Pampasgiolu qui se
met à chanter. »

Le célèbre groupe I Muvrini rend un poignant hommage à Pampasgiolu dans la chanson Senti u Niolu. Je vous laisse l’écouter tandis que dans le silence de Prezzuna, je rejoins le petit cimetière en contrebas.

https://www.dailymotion.com/video/x60wro

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À défaut de fleurir la tombe du poète berger, quelques coquelicots poussent en liberté dans les allées comme un clin d’œil. Dans ce jardin de poètes, la majorité des défunts porte le joli nom d’Acquaviva.
Eau vive, c’est presque un label pour les sublimes fromages locaux, merci Joseph et Dominique, merci Guillaume !
Après les forces de l’esprit, j’emprunte, cette fois, la route côtière vers Calvi pour rendre hommage aux mains d’or des ouvriers des anciennes mines de l’Argentella. Ils y exploitaient des gisements de plomb argentifère et de cuivre.
Certains documents attestent déjà d’une activité minière en 1572 ouverte par les envahisseurs génois. Mais l’exploitation connut son apogée essentiellement durant le dix-neuvième siècle. En 1891, elle devint la propriété de l’Argentella Mining Company ; ce ne fut pas la ruée vers l’or (et pour cause) mais, j’avoue qu’il s’en dégage un petit parfum de western. Où est le train de la mine?
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En tout cas, il est émouvant d’errer dans cette friche industrielle dévorée peu à peu par la végétation.
Les aïeux du coin (et leur descendance) échappèrent à pire. En 1960, le gouvernement de Michel Debré, non content d’expulser les paysans du Larzac, envisagea d’implanter sur le site une base d’expérimentations nucléaires. Devant les réactions virulentes d’associations corses, l’État français se rabattit sur l’atoll polynésien de Mururoa avec les terribles conséquences, que l’on connaît aujourd’hui, sur la santé de la population locale.
Il serait dommage, même si l’on empiète sur le territoire de la commune de Calenzana, de ne pas allonger la promenade de deux kilomètres jusqu’à d’autres ruines, celles du château du Prince Pierre Bonaparte, neveu de l’Empereur, se dressant sur un éperon rocheux au-dessus de la baie de Crovani.

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Les faits du prince constituent un véritable roman de cape et d’épée qui mériterait qu’on lui consacrât l’intégralité d’un billet. J’eus l’occasion d’évoquer l’un d’eux (billet du 28 janvier 2009 Le destin sulfureux de Victor Noir) lorsqu’il blessa mortellement le journaliste Victor Noir, ce qui lui valut le surnom de Prince Noir.
Né à Rome en 1815 tandis que son oncle partait en exil à Sainte-Hélène, il fit construire ce « pavillon de chasse » entre 1852 et 1854 et y passa l’essentiel de son temps jusqu’en 1870, y écrivant même une biographie poétique de Sampiero Corso. Après la dérouillée de Sedan en 1870, il quitta définitivement la Corse et émigra en Belgique avant de mourir à Versailles en 1881.
Dans ce paysage brûlé par le soleil, digne d’un décor naturel de western, mon imagination trop débordante voit surgir encore la silhouette cavalière de Clint Eastwood. Ne vous moquez pas, les séquences du débarquement en Normandie du 6 juin 1944 pour les besoins du film Le Jour le plus long ont bien été tournées sur une plage du désert des Agriates, non loin du cap Corse ! Alors …
Retour au cœur du village de Galéria : par la route derrière l’église, je vous suggère une dernière et brève escapade à pied jusqu’au hameau de Calca. C’est aussi le départ du chemin de randonnée Mare e Monti qui mène à Girolata, mais ça, c’est une autre aventure plus corsée.
Au fil des ans, Calca devient peu à peu le « faubourg » résidentiel de Galéria. Cependant j’aime y retrouver quelques anciennes maisons avec leur architecture particulière et le montage curieux des murs selon la technique de la pierre sèche sans liant, les pierres de base et d’angle étant plus volumineuses. C’est à l’occasion de cette promenade qu’il y a quelques années, en lisant les noms sur les boîtes à lettres, j’ai retrouvé trace de mon meilleur ami des années 1970. Un de ses frères s’est retiré là à sa retraite.

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Voilà, le séjour s’achève demain ; il n’y a plus plus rien au réfrigérateur de la location. Qu’à cela ne tienne, le patron Stéphane prépare les couverts, en face, sur la terrasse sous les frondaisons de l’Aghja Nova. Bravo pour le design de la carte avec les photographies familiales en noir et blanc … et tant pis, s’il n’y a plus d’amaretto au dessert, ce soir-là !!!

Oiseaublog

C’est presque un rituel, je savoure mes derniers moments sur l’île à la guinguette de l’Artigiana.
Pour les prolonger sur le continent, je fais ample provision de charcuterie artisanale (saucissons, coppa et lonzu) et des fabuleux fromages du coin. Les amis et la famille m’ont passé commande également.
Puis je m’assieds face à la mer et … goûtez avec les yeux !

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Quel Galéria, n’est-ce pas !

Publié dans : Coups de coeur, Ma Douce France |le 8 septembre, 2014 |18 Commentaires »

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18 Commentaires Commenter.

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  1. le 5 janvier, 2015 à 1:05 flori écrit:

    bon di e bonn’annu e bon capu d’annu….J’ai été baptisé en 1943 dans la petite chapelle de santa lucia à PRIZZUNA (MUNDULLACIE).Mon parrain était PAMPASGIOLU qui a tjrs vécu en ce lieu avec sa mère,son frère et sa sœur.Il y avait une autre sœur qui est morte tres jeune…J’ai passé toute ma jeunesse à coté de ce personnage formidable dans cette vallée à chiusone rughjone de beaucoup de flori avec lozzi au niolu.. Ringraziamenti per l’articulu che bo avete scrittu accumpagnatu da se belle fotografie.

    Répondre

    • le 5 janvier, 2015 à 9:55 encreviolette écrit:

      Je vous remercie pour votre commentaire très personnel.
      Ma page vous est ouverte si vous souhaitez témoigner plus longuement sur Pampasgiolu ou/et de votre enfance dans cette vallée.
      Bien cordialement.

      Répondre

  2. le 2 avril, 2015 à 17:21 Giansily écrit:

    mi so campatu a vede sti ritratti e a sente ista canzona in mimoria di Pampasgiolu u mo parente

    Répondre

  3. le 2 avril, 2015 à 17:22 Giansily écrit:

    un vera piacè a vede

    Répondre

  4. le 15 mai, 2017 à 23:26 Antonina écrit:

    Merci Encre violette pour ce billet qui me remplit le cœur de joie et de nostalgie! Galeria est mon village d’enfance et de chaque été. Ma maison de famille étant sur le chemin du barrage. Peut être un futur billet lui sera consacré ( au barrage pas ma maison même si c’est l’une des plus belles!) je ne vous connais pas mais je m’en vais les autres billets avec gourmandise. À cet été peut être! En tout cas je vais lire votre blog à mes enfants vous y résumez et exprimez si bien la beauté et la douceur de vivre de Galeria! Merci vraiment!

    Répondre

  5. le 26 avril, 2023 à 15:52 giansily écrit:

    vi ringraziu assai da sente a voce di Pampasgiolu cucinu di babbu ghjè un tamentu piacè

    Répondre

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