Archive pour septembre, 2014

La Primavera en été sur la route de Milan-San Remo

Lundi 28 juillet 2014 ! La veille je me trouvais encore, comme dans mon précédent billet, à Galéria, petit bout du monde attachant de Haute-Corse. Lors de la traversée, je n’ai point aperçu le bateau de croisière Costa Concordia, de sinistre mémoire, maintenu à distance respectable, sous la surveillance de notre Marine nationale, au large de l’île d’Elbe, avant son retour à Gênes pour démantèlement.
Depuis de nombreuses années, bien avant que la SNCM ne naufrage dans ses grèves prolongées, je choisis la compagnie italienne Corsica Ferries. Sept heures du matin, nous débarquons à Savone. Le temps est superbe, un sentiment imperceptible me laisse penser que la matinée sera belle.
Plutôt que rejoindre au plus vite ma douce France par l’acrobatique autostrada dei fiori (autoroute des fleurs) et sa multitude de tunnels et d’ouvrages d’art, je préfère goûter à quelques heures de Dolce Vita en empruntant la Via Aurelia, dérivée d’une ancienne voie romaine, qui colle au plus près aux sinuosités de la côte.
La chère petite fille, à l’arrière de la voiture, réclame le siège de sa grand-mère à côté du conducteur, afin de mieux photographier à la volée avec son I Phone, les paysages qui défilent à la vitre. Mon modeste maniement de la langue de Dante calme son étonnement devant l’inflation de panneaux Galleria : il ne s’agit plus de son cher village corse quitté la veille mais des fréquents tunnels creusés dans la corniche !

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Félicitations à la jeune photographe !

Elle a vite fait cependant de succomber aux charmes de la Riviera et ses maisons de couleur ocre, rose ou safran. Maîtrisant la technologie numérique (ah, ces jeunes !), elle « travaille » même en direct la teinte de certains de ses clichés qui rappellent les pellicules Ferrania des années cinquante et le fameux pigment inventé deux siècles après la mort du célèbre peintre maniériste italien Paul Véronèse, « ce vert glauque et prasin, vert idéal et fabuleux, où l’outremer domine et que les peintres appellent vert Véronèse » comme écrivait Théophile Gautier dans son Histoire de l’Art dramatique.
Sur les lungomare (promenades sur le front de mer), en cette heure encore matinale, seul, quelques joggers friqués s’époumonent, branchés à leurs oreillettes, le long des rangées de cabines, parasols et chaises longues des plages privées passées au râteau par les maîtres nageurs. Se passent-ils en boucle le grand succès de Gino Paoli dans les années sixties ? Sapore di sale, sapore di mare, saveur de sel, saveur de mer que tu as sur la peau, que tu as sur tes lèvres quand tu sors de l’eau et que tu viens t’étendre près de moi … j’arrête là eu égard à ma désormais jeune voisine !
Les attractions, personnages grotesques et animaux qui peuplent inévitablement les promenades me renvoient à Fellini il maestro et l’éblouissante et poétique scène finale de son film Huit et demi où acteurs et figurants forment une ronde en dansant aux accents de la musique sautillante de Nino Rota. Retour aux origines du cinéma comme spectacle de foire …
« Papy, tu parles du Moyen-Âge ! », l’adolescente s’intéresse plutôt au ballet de Fiat et Vespa partant vers les bureaux et usines, … et moi, aux montures magnifiques des cyclistes qui filent bon train le long de la corniche.
Bianchi, Coppi, Bartali, Girardengo, Legnano, Campagnolo, Colnago et … Milano-Sanremo ! Tant pis pour elle (et tous ceux réfractaires à la chose pédalante), je vais vous conter la Primavera en été, ainsi surnomme-t-on la plus prestigieuse des classiques cyclistes italiennes, disputée au printemps depuis plus de cent ans. Longue de près de trois cents kilomètres, elle emprunte sur la moitié de son parcours, la Via Aurelia, en bordure de mer. Un monument du cyclisme et du sport en général auquel de nombreux cyclotouristes rendent hommage quotidiennement. Et aujourd’hui, plus que jamais, ils ont tous en eux quelque chose de Nibali qui a remporté, la veille, sur les Champs-Élysées, le Tour de France.

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L’Italie s’est vêtue de jaune. Même la Gazzetta dello sport, le plus ancien quotidien sportif de la péninsule, traditionnellement imprimée sur du papier rose (d’où la couleur du maillot de leader du Giro qu’elle organise), s’est parée d’une couverture bouton d’or à la gloire du « requin de Messine », le surnom de Vincenzo Nibali.
Dans les années 1950-1960, la Riviera et la Côte d’Azur française constituaient pour les coureurs, des terrains d’entraînement privilégiés, compte tenu du relief et de la clémence du climat, afin de préparer leur saison. Les magazines spécialisés regorgeaient alors, à la fin de l’hiver, de photographies de champions vêtus de pulls à grosses cotes, de pantalons golf et hautes chaussettes de laine.

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Ce matin, la traversée du long chapelet de stations balnéaires me rappelle que les premières compétitions de la saison se déroulaient dans le coin, telles Gênes-Nice, Nice-Alassio et le Trofeo de Laigueglia (qui existe toujours en février).
L’intensification de la circulation automobile et la mondialisation font qu’à l’ère des jets, le calendrier international débute désormais en Afrique du sud, Australie et les Émirats arabes !
Permettez que, l’espace de quelques lignes, je franchisse la frontière et évoque la mémoire de Louis Nucera, écrivain niçois à la plume généreuse et brillante (Prix Interallié et Grand Prix de littérature de l’Académie française). Il raconta son amour de la petite reine dans Mes rayons de soleil et comment il tomba en pâmoison devant elle.
« Mon grand-père, qui était maçon et adroit de ses mains, peuplait des crèches pour moi. Il pétrissait, je me régalais de voir la terre moelleuse prendre forme sous ses doigts. Tantôt il mettait les petits bonshommes et les animaux modelés à sécher au soleil ; d’autres fois, il les plaçait, à feu doux, dans le four de la cuisinière en fonte de la maison, près de l’évier. Il ne restait qu’à les colorier, les harnacher ou les vêtir selon les canons de la mode des temps anciens.
– Nous sommes tous de la même argile, disait-il d’un ton pénétré …
– Par ta faute, ce gosse ne quittera jamais l’enfance, pestait ma grand-mère.
… Le comble fut atteint le soir de Noël où elle découvrit l’apparition de bicyclettes dans la crèche. Elle n’en crut pas ses yeux. Paysans et bergers se rendaient à Bethléem en vélocipède ! Même Gaspard, Melchior et Balthazar suivaient l’étoile en des trains dont l’Évangile ne font pas état. Pour me complaire, grand-père les avait affublés de casaques qui les apparentaient à des coureurs cyclistes. Il les avait rebaptisés. L’un se prénommait André, l’autre Antonin, le troisième Roger, à l’instar de Leducq, Magne et Lapébie, trois valeureux de haute pédalée. Une banderole portant l’indication ARRIVÉE était tendue au-dessus de la sainte étable.
– C’est un outrage à la religion ! s’écria grand-mère, prête à joindre des patenôtres à l’emportement …
… Elle songea alors à la bicyclette qui encombrait l’appartement (comme les autres jours de l’année d’ailleurs) en ce mois de juillet 1928 où je naissais. Elle était de marque Alcyon, la même que chevauchait un Luxembourgeois, Nicolas Frantz, qui, cet été-là, venait de gagner l’étape du Tour de France à Nice, devant un public accordé dans l’exaltation. Autant avouer qu’un peu de sacré s’était coulé en elle. Fiche-t-on le sacré à la cave à moins de la transformer en crypte ? Grand-père, propriétaire du noble engin, ne le concevait pas. Comme il n’admettait pas qu’au repos, les pneus touchassent le sol. Conséquence : tenu sous la selle et au guidon par quelques maillons de chaîne accrochés à deux pitons plantés au plafond, l’Alcyon, en majesté, se balançait au-dessus du plancher, dans le corridor. Déclarer que la rencontre avec cet oiseau d’acier était toujours présage de paix et de sérénité serait duper. Surtout quand un membre de la famille se heurtait à une pédale ou aux papillons serrant la roue. « C’en est assez ! C’en est trop ! » On écumait. Cependant, élevée tel le saint-sacrement, la bicyclette demeurait. »
Le grand-père mourut et, pour son dernier voyage, voulut emporter les trois mages vélocipédistes. Voilà comment on est vacciné pour la vie avec un rayon de bicyclette !
À l’approche de la soixantaine, Louis Nucera souhaita refaire, à vélo, le parcours du Tour de France 1949 (4 813 km) gagné par cet être de tragédie qui fascina Curzio Malaparte et Dino Buzzati : Fausto Coppi. C’est cette odyssée qu’il raconte dans ses Rayons de soleil. Comme l’a fait un de mes lecteurs, en créant un blog Mon Tour de France 1959, où il nous offre son carnet de route en parcourant toutes les étapes de la grande boucle disputée l’année de sa naissance et remportée par l’Aigle de Tolède Federico Bahamontès. Beaucoup moins ambitieux, je devrais, un jour, parcourir les cent quarante kilomètres du Grand Prix des Nations 1953, une célèbre course contre la montre aujourd’hui disparue, à l’occasion duquel mon idole Jacques Anquetil se révéla à la planète vélo.
Louis Nucéra n’est plus, victime de son amour du vélo et surtout d’un chauffard qui le renversa mortellement alors qu’il randonnait dans la banlieue niçoise. Ce matin, je pense à lui à chaque fois que je dépasse un cycliste assouvissant sa passion.

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Arriva Coppi ! Mon affection pour la Primavera remonte sans doute à la lecture du livre éponyme de Pierre Chany qui évoque justement l’édition 1946 de Milan-San Remo :
« Percé dans la muraille, cinq cent mètres au-dessus du niveau de la mer, le tunnel du Turchino relie l’humidité du Val d’Orba aux fumées noires de Voltri. Derrière ces fumées, la mer. D’où que l’on vienne, de la Riviera ou de la Lombardie, de Varazze ou de Milan, on accède à ce lieu par une route de montagne obstinément filiforme et plus hésitante que la marche d’un ivrogne. Situé dans l’arrière-pays génois, à mi-chemin entre Milan et San Remo, le passo del Turchino a perdu de son utilité pratique depuis la construction d’une autoroute qui accueille les « dix tonnes » et séduit la topolino (voiture de petite cylindrée), mais il reste un lieu de pèlerinage et figure le point fixe du sport italien. Une fois l’an, le jour de la Saint-Joseph, l’interminable file des pèlerins s’engage sur cette route et prend position sur le flanc de la colline…
… Ce jour-là, a lieu Milan San Remo, la course la plus prisée des Italiens, qui occupe une place prépondérante dans la hiérarchie internationale du cyclisme. La conjonction de ces deux événements, Milan-San Remo d’abord, la Saint-Joseph ensuite, explique ce rassemblement populaire au cœur d’une montagne austère dépourvue de véritable attrait touristique. Les Italiens appellent Milan-San Remo la Primavera, la course de printemps et, le jour de cette fête, l’Italien ne travaille pas. Les privilégiés qui habitent dans les parages des lieux saints affluent par dizaines de milliers tandis que les déshérités des Abbruzzes, ou de la lointaine Calabre, s’installent devant les postes de radio et de télévision, non sans maudire le sort qui les a fait naître si loin du Turchino, et tous, absolument tous, attendent, souhaitent, espèrent la victoire d’un Italien.
Ce tunnel du Turchino est de dimension modeste, tout juste cinquante mètres, mais le 19 mars 1946 il prenait des proportions exceptionnelles au regard du monde. Il était long de six années, et les ténèbres y régnaient car la paix qui se laisse souvent prendre de vitesse n’avait pas encore rétabli l’électricité. On signalait des observateurs étrangers mêlés à la foule des pèlerins. Ils attendaient avec une curiosité inquiète que le trou noir leur livra des secrets d’État jusqu’alors défendus par la censure de guerre, et quelques raisons majeures susceptibles de rallier à l’amitié des peuples un instant séparés.
Un grondement se fit entendre à l’intérieur des six années et, dans l’instant, apparut au grand jour une voiture de couleur olivâtre qui soulevait sur son passage un nuage de poussière blanche, de cette polvere poudreuse des anciennes routes italiennes qui irrite les paupières. Debout dans la voiture, et rigides comme des mannequins, deux policiers agitaient frénétiquement leurs bâtons de signalisation, sorte de pelles à tartes, rouges sur le côté pile, verte sur le côté face. Une seconde voiture souleva encore de la poussière, puis une autre, et encore une autre jusqu’au moment où il devint impossible de les compter. Des motocyclistes vêtus de cuir, avec de gros yeux noirs qui les faisaient ressembler à des monstrueux têtards, se faufilaient entre les véhicules à quatre roues, comme les gosses dans les jambes des grandes personnes à l’entrée d’une baraque foraine. Enfin le silence succéda au vacarme. Une dernière voiture sortit du tunnel avec une lenteur majestueuse, surprenant la vigilance des guetteurs, et les déconcertant par son pittoresque appareillage, une voiture couleur lie-de-vin. Au-dessus du toit, un tronc muni de bras articulés commandait aux pèlerins de laisser le champ libre. Ce tronc avait un prénom et un nom : Giuseppe Ambrosini, le pape de la secte italienne du cyclisme. Un rictus empoussiéré apparaissait sous une casquette blanche à la portière du dessous, et ce rictus hurlait à l’adresse du peuple assemblé une formule magique qui jetait chaque destinataire dans les transes, et le faisait bondir aussitôt comme un lion piqué au fer rouge :
« Arriva Coppi ! » annonçait le messager. Cette révélation que seuls les initiés avaient pressentie fila aussitôt vers la vallée, rebondissant d’un rocher sur l’autre, s’échappant d’entre deux lèvres pour s’engouffrer immédiatement dans une trompe d’Eustache : « Arriva Coppi ! Arriva Coppi ! » répétait la rumeur ; avec l’accent tonique sur la première voyelle du nom.
Et Coppi arriva, très vite, beaucoup trop vite au gré des photographes. Il avait les jambes fines, démesurément longues, le buste court, la tête enfouie dans les épaules, l’œil globuleux, et la bouche en appel d’air dans un ensemble paradoxalement harmonieux. Le héron paré des couleurs italiennes, haut perché sur une selle invisible, avait semé la course. Ses traits figés dans l’indifférence trahissaient moins l’effort que l’ennui, et beaucoup plus la résignation que l’enthousiasme. Mais cet étrange cavalier disparut, presque instantanément escamoté par un repli de la montagne, silhouette bizarre comme celle de cet équipage célèbre imaginé par Cervantes quatre siècles plus tôt, et dont le cavalier était, lui aussi, « de solide complexion, sec de corps, et maigre de visage … »
J’avais fait (évidemment !) le pèlerinage du Turchino lors d’un précédent embarquement à Savone. Ce tunnel mythique de la légende des cycles, inadapté au trafic moderne, est aujourd’hui désaffecté et sert de lieu de stockage de sel de déneigement pour les ponts et chaussées locaux.
Il en aurait fallu lors de l’édition de 1910 disputée dans des conditions dantesques et remportée par le français Eugène Christophe, célèbre par ailleurs pour avoir porté le premier maillot jaune attribué au leader du Tour de France, ainsi que pour avoir réparé la fourche brisée de son vélo chez un forgeron de Sainte-Marie-de-Campan au pied du col du Tourmalet. Voici ce qu’écrit avec lyrisme Michel Crépel sur le site Vélo101 :
« … Le ciel bas, le froid glacial et la tempête de neige qui sévit lors de cette 4ème édition embrument les faciès congestionnés et éberlués des suiveurs, pourtant rares à cette époque, et des organisateurs locaux. Le train de sénateurs emprunté pour la circonstance par le serpentin humain n’en est que plus irrationnel. Ainsi, se faufile-t-il cahin-caha, en ordre presque martial jusqu’aux contreforts machiavéliques du Turchino. À l’approche de celui-ci, dans ce paysage d’une austérité alarmante et d’une désolation sans nom, le blizzard a redoublé d’effroi et la température avoisine l’insupportable. Le mercure enregistre alors une descente vertigineuse vers le néant, ce même néant qui transpire dans le subconscient, fragilisé à l’extrême, de ces « gladiateurs de l’apocalypse ».
L’ascension du col, ultime rempart avant de fondre et de rejoindre le bord de mer, est toujours envoûtée par les frimas et appréhendée par un peloton transi de façon collégiale. Les coursiers qui composent ce macabre enchevêtrement de corps désarticulés sont frigorifiés, les pieds deviennent insensibles, les jambes sont raidies et durcies par tant d’agonie et les mains sont crispées et épousent les cocottes de freins comme jamais auparavant. Eugène Christophe, quant à lui, ne fait pas exception à la règle et à l’instar de ses compagnons de galère, le Vieux Gaulois, arc-bouté sur sa monture, se bat tel un démon contre les éléments contraires. Au détour d’un lacet, le Titi Parisien saute de sa machine prestement, malgré l’engourdissement, et commence un étirement en règle. Le peloton a depuis longtemps volé en éclats et les rares coureurs qui n’ont pas encore bâchés sont désormais éparpillés au sein de ce no man’s land lunaire.
Lorsque le Français franchit enfin le tunnel qui délimite le sommet du Turchino, la chaussée est absente car abondamment enneigée. Par endroit, des couches de poudre blanche de vingt centimètres rendent caduque tout acheminement raisonnable. Il devient irréel de progresser à bicyclette. Christophe souffre le martyr, le froid le tenaille et les crampes commencent à diligenter leurs poisons dans son organisme passablement entamé et soumis à rude épreuve. Son estomac est victime de maux terribles et cruels dus à la malnutrition. La plupart du temps, à pied, il converge, aveugle, vers une destinée incertaine. Las, adossé à un rocher salvateur, le Vieux Gaulois attend. Qu’attend-il ? Il n’en sait fichtrement rien ! Toujours est-il qu’à un moment donné, il subodore plus qu’il n’aperçoit une ombre dans cette Sibérie alpine. Cette ombre se libère imperceptiblement de sa chape opaque et ses contours apparaissent, enfin, rassurantes.
« Gégène » hèle alors à pleins poumons ce sauveur venu du diable vauvert. L’inconnu, paysan hirsute, conduit l’infortuné coursier jusqu’à une auberge bienvenue où le tenancier du lieu le fera se dévêtir afin de sécher ses vêtements souillés et trempés. Enroulé dans une couverture de laine, généreusement offert par son hôte providentiel, le Vieux Gaulois, de nouveau guilleret, ingurgite, engloutit même, un grog bouillant. Rasséréné et gonflé à bloc par cette obole improbable quelques instants auparavant mais ignorant tout de la situation de la course, le Français, tel un grognard lors d’un remake de la campagne d’Italie, chevauche pour la énième fois sa monture, rejoint le bord de mer et file ardemment et vaillamment vers San Remo.
À 25 printemps, Eugène Christophe remporte cette Primavera d’anthologie. Quatre rescapés seulement se présenteront sur la Via Roma, terme de cette course hallucinante. Un mois de soins dans une clinique lui seront nécessaires pour recouvrer l’intégralité de ses membres endoloris et deux longues années pour retrouver la plénitude de son potentiel initial. »
La première édition de Milan-San Remo, disputée sous la pluie en 1907, avait souri à un autre Français, Louis Mazan dit Petit-Breton, vainqueur au sprint, sur sa bécane Bianchi (!), de son compatriote Gustave Garrigou. Deux patronymes qui fleurent bon la bonne vieille France du terroir.
J’ai déniché quelques actualités de ces temps héroïques. Nous sommes en 1922 : un mois auparavant, l’Assemblée constituante de Fiume était renversée par un coup d’État fasciste ; à la fin d’octobre, le roi Victor-Emmanuel III allait nommer un certain Benito Mussolini président du Conseil d’Italie !

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Si ce n’est le noir et blanc et le tremblé des images, on se croirait presque dans quelques séquences du film Les Cracks dans lequel Jules Auguste Duroc alias Bourvil tente de remporter la course cycliste Paris- … San Remo (voir billet du 5 septembre 2012). Pour la petite histoire du Cinéma, l’arrivée dans la station phare de la Riviera fut tournée au stade du Fort Carré d’Antibes.
Ces images émouvantes du temps de nos arrières grands-pères annonçaient peut-être le néoréalisme, cet extraordinaire courant cinématographique italien qui apparut à la fin de la seconde guerre mondiale : Le voleur de bicyclette de Vittorio De Sica, La Strada et Il Bidone de Federico Fellini … !
Ce dernier titre signifie en argot l’arnaque et n’a donc aucun rapport avec la célèbre anecdote de l’échange du récipient d’eau entre Coppi et Bartali (évoquée dans le même billet du 5 septembre 2012). Par contre, j’ai souvenir, gamin, qu’avec mes parents, on se bidonna bien d’un bidonnage d’une modeste course cycliste d’amateurs, lors d’un de nos voyages en Italie. Loin des regards, les coureurs musardaient dans la campagne, abusant de poussettes et se tenant aux scooters, avant d’effectuer un simulacre de course en se déchaînant dans la traversée des villages devant un public de tifosi crédules. Combinazione !
La Primavera est un prétexte à une échappée belle, une respiration, la première expression d’un week-end à la campagne en fuyant la fraîcheur et les brumes lombardes de mars pour la lumière, les couleurs, la douceur et enfin le bleu de la mer de la côte Ligure.

GWs Archive 2003

Le temps m’est malheureusement mesuré, un comble en vacances, j’aurais aimé m’arrêter quelques instants devant le Muretto d’Alassio :

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L’idée originale de ce mur d’un jardin public vint d’un peintre local qui souhaita lui donner un soupçon de grâce en y appliquant des carreaux de grés de formes et couleurs variées avec les signatures imprimées des célébrités de passage dans la station.
À la suite d’Ernest Hemingway, le premier signataire en 1951, le muretto devint un véritable album d’autographes en plein air. Fausto Coppi, Gino Bartali et Alfredo Binda, icônes du cyclisme transalpin, y côtoient ainsi des célébrités aussi diverses que Jacques Prévert, Jean Cocteau, Louis Armstrong, le clown Grock, Raf Vallone l’Obsession de Michèle Morgan, et aussi Anita Ekberg, mon obsession dans la scène de la Dolce Vita dans la fontaine de Trevi à Rome.
Laigueglia, Diano Marina, Imperia, on passe de l’une à l’autre de ces cités balnéaires, en sauts de puce avec les ascensions de la célèbre trilogie des capi : Capo Mele, Capo Cervo et Capo Berta. Au sommet de ce dernier, en retrait de la route, un petit mémorial rend hommage à trois « monuments » du cyclisme italien : les campionissimi Costante Girardengo, six fois vainqueur à San Remo dans les années vingt, Gino Bartali quatre fois victorieux, et Fausto Coppi (trois succès). Une messe y est dite en cette occasion. Oui le cyclisme est une religion en Italie.

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Pour anticiper l’éventuel ras-le-bol de mes passagères sur mes considérations vélocipédiques, toutes fenêtres ouvertes, je glisse dans le lecteur de CD un des immenses succès d’Eros Ramazzotti qu’il présenta au Festival della canzone italiana di Sanremo en 1985.

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Ouf ! Subjuguées, je peux poursuivre ma Storia importante de la Primavera.
Donc, autrefois, cette succession de capi opérait une certaine sélection dans le peloton. Mais après que les sprinters stranieri (étrangers) eussent imposé leur loi trop souvent au cours des années 1950, les organisateurs envisagèrent d’inscrire d’autres difficultés dans le final du parcours, en dénichant quelques « raidards » dans les collines surplombant la côte.
Bien qu’elles soient impressionnées par le style racé d’une cyclotouriste cinquantenaire, je n’impose pas à mes deux passagères de la suivre et de faire le détour par la montée de la Cipressa vers le joli village éponyme perché.
Par contre, vous n’échapperez pas à un moment de pur romantisme : je vous propose d’accompagner la chevauchée, au milieu des serres de fleurs et des oliviers, de Marco Pantani en 1999 sur l’émouvante chanson Tradimento e perdono (Trahison et pardon) d’Antonello Venditti.
Venditti est un compositeur interprète très populaire en Italie pour ses textes abordant des thèmes de société comme le prolétariat et l’émigration. Ici, il dédie sa chanson à son ami footballeur, ancien capitaine du club de la Roma, Agostino Di Bartolomei, qui se tira une balle dans le cœur, une semaine après la défaite de son équipe en finale de la Ligue des Champions 1984. Il y associe deux autres personnages connus, le chanteur Luigi Tenco et donc Marco Pantani qui connurent un même destin tragique.

« …Mi ricordi di Marco e di un albergo
nudo e lasciato li
era San Valentino l’ultimo arrivo
e l’hai tagliato tu
questo mondo coglione piange il campione
quando non serve piu
ci vorrebbe attenzione verso l’errore oggi sarebbe qui
se ci fosse piu amore per il campione oggi saresti qui … »

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Quelques mois avant cette journée lumineuse, le Pirate, ainsi le surnommait-on avec son bandana, avait réalisé le rare exploit de remporter, la même année, Giro d’Italia et Tour de France. Plus encore, il avait sauvé du naufrage médiatique, par ses performances prodigieuses, la grande boucle complètement discréditée par le scandale de l’affaire Festina (vous vous souvenez de Virenque dopé à l’insu de son plein gré !).
Quelques semaines après, à Madonna di Campiglio, le 5 juin 1999, la veille d’une nouvelle victoire certaine dans le Tour d’Italie, au petit matin, une équipe médicale de l’Union cycliste Internationale débarqua à l’improviste dans les hôtels où séjournaient les coureurs pour contrôler leur taux d’hématocrite (taux de globules rouges dans le sang). Dans cette opération expédiée au pas de charge, l’ensemble des coureurs fut déclaré apte à poursuivre la course sauf un : Marco Pantani, immédiatement exclu de l’épreuve.
Ce jour-là, Marco cessa d’être Pantani et passa du rang de héros à celui de paria, c’est le sens de la chanson de Vendetti. L’excellent journaliste Philippe Brunel a écrit un ouvrage très sérieux sur la déchéance du champion qu’on retrouva mort d’une overdose, dans une résidence de Rimini, le 14 février 2004 (San Valentino l’ultimo arrivo !)

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Il y a quelques semaines, la justice italienne a rouvert l’enquête sur les circonstances de la mort du Pirate qui pourraient être beaucoup plus troubles.
Nous voilà dans les faubourgs de San Remo ! J’ai préparé mes voisines à l’inéluctable, à l’incontournable, faisant mienne la recommandation d’Alfred de Vigny (Les Destinées) reprise en épitaphe par Pierre Chany dans son livre Arriva Coppi : « Aimez ce que jamais on ne verra deux fois ».
Pour la première fois, et sans doute, l’unique fois de ma vie, je m’apprête à découvrir le Poggio.

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- Quèsaco Poggio ?
– Géographiquement parlant, pas grand-chose : une colline culminant à 169 mètres d’altitude, couronnée en son sommet par un hameau du même nom. On y accède par une montée longue de 3, 650 kilomètres avec une déclivité moyenne de 3,7%.
– OK, et alors ?
– Alors … Dussiez-vous douter de ma santé mentale, je vous explique : au même titre que la tranchée d’Arenberg dans Paris-Roubaix (billet du 15 avril 2011), le col de l’Izoard dans le Tour de France (billet du 9 juillet 2009), celui du Perjuret dans les Cévennes où Roger Rivière acheva sa carrière dans un ravin (billet du 23 juin 2009), le Mont Ventoux en Provence fatal à Tom Simpson, le Poggio di San Remo appartient à la légende des cycles. Et même si des côtes comme ça, il en existe des milliers en France et en Italie, celle-ci est mythique, et celui qui prend la tangente à droite, après la petite église de Bussana, commence l’ascension vers un petit paradis cycliste.

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Justification implacable qui laisse muettes mes passagères ! D’ailleurs, à l’écart de mes délires vélocipédiques, elles sont loin d’être insensibles au charme de cette petite route sinuant entre les serres de fleurs vidées de leurs œillets en cette saison, les oliviers, les palmiers, les citronniers, et les gros réservoirs d’eau destinés à l’irrigation des cultures en terrasses. Chaque épingle à cheveux constitue un belvédère avec une vue vertigineuse sur la mer toute bleue ou des échappées sur les jolis villages perchés en haut des collines alentours.
J’ai toujours imaginé que les paysages d’Italie étaient l’œuvre d’artistes.

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La circulation y est rare en ce lundi, et le lieu est essentiellement rendu à l’indicible légèreté de l’être cyclotouriste dans sa conquête du Graal, le Poggio !
C’est en 1960 que les organisateurs, inquiets de la tournure ennuyeuse prise par leur épreuve, décidèrent de placer cet obstacle supplémentaire, à proximité de l’arrivée à San Remo.
Leur initiative sourit aux Francese. En effet, deux de nos compatriotes, d’ailleurs porteurs du même maillot violine de l’équipe Mercier, construisirent leur succès dans le Poggio lors des deux premières éditions avec cette difficulté. En 1960, c’est l’Ardéchois René Privat qui plaça un de ses violents démarrages qui lui valaient le surnom de Néné la Châtaigne.
Dans le court film d’actualités ci-après, à l’atmosphère toute printanière et émolliente, moderato cantabile aurait écrit Marguerite Duras, on entrevoit l’entrée dans le tunnel du Turchino ainsi que le bas du Poggio.

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L’année suivante, succédant à René Privat au palmarès, un nouveau venu entre dans la carrière : Raymond Poulidor. La légende de l’éternel second était déjà mort-née !

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Celle de Poupou le malchanceux faillit naître, ce jour-là, sous la forme d’un carabiniere qui, à grands renforts de mouvements de bras, l’aiguilla tout droit vers la mer, à quelques centaines de mètres de l’arrivée !
Qui sait, peut-être, pour conjurer le sort, avait-il brûlé un cierge, la veille, au magnifique Santuario Nostra Signora della Guardia (Notre-Dame de la Garde) situé, à l’entrée du hameau, à 1400 mètres du sommet.

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Légende encore, la Vierge Marie serait apparue, en 1667, à Giovanni Peri, un modeste agriculteur du village de Poggio, et lui aurait demandé d’ériger une chapelle sur le site de la ferme plantée d’oliviers et de citronniers.
À cette époque, bien qu’on ne parlât pas encore d’amphétamines, de corticoïdes et d’EPO, bref de la pharmacopée des coureurs cyclistes, la population locale douta fortement des facultés mentales de Giovanni, ce qui conduisit Marie à apparaître une seconde fois. Les dons affluèrent alors, et la construction du sanctuaire fut achevée en 1671.
Ici, comme souvent en Italie, les portes de l’édifice religieux sont grandes ouvertes : pas de gardien, ni bedeau ni sacristain, pas de curé non plus à la ronde. Nostra Signora, l’enfant Jésus dans les bras, est de garde pour surveiller les éventuels « drôles de paroissiens » !

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L’émotion est palpable : à l’intérieur de la chapelle déserte, nous nous recueillons tous les trois devant les riches œuvres d’art qu’elle détient.

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Un tableau représente Saint Joseph sur son lit d’agonie, assisté de son épouse Marie et de son fils Jésus. Enfin … cela, c’est de l’histoire sainte : « Marie, la mère de Jésus avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint … » (Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu).
C’est ainsi qu’en Italie, Giuseppe est le patron des pères de famille et que le 19 mars, jour de la Saint Joseph, on célèbre la fête des Pères, et sans qu’il n’y ait de rapport … fut courue pendant longtemps la Classicissima Milan-San Remo !
La loi de l’audimat et la dictature des chaînes de télévision ont battu en brèche la tradition sportive.

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Contiguë à la chapelle, une esplanade ombragée offre un splendide panorama sur la baie de San Remo.
Encore quelques centaines de mètres d’ascension ! Quelle surprise d’y retrouver la valeureuse cyclotouriste qui nous avait abandonnés pour grimper la Cipressa ! Changeant de braquet, elle nous gratifie d’une brutale accélération qui laisse sur place son compagnon de route. Ils nous rejoignent, bientôt, au sommet devant la trattoria au cœur du hameau de Poggio di Sanremo.

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Ce n’est pas le contrôle de ravitaillement, encore que je reluque avec envie les gâteaux à la vitrine du magasin d’alimentation, en face.
Pause de dix heures à la terrasse du Monte Calvo ! Cri du cœur de la chère adolescente : « Qu’il est délicieux cet expresso ! ». En effet, en Italie, nul besoin de Georges Clooney pour déguster un excellent café. What else ?
À la table voisine, trois anciens du village commentent les nouvelles du quotidien conservateur La Stampa. Aimables et malicieux, ils devinent aisément la raison et la passion qui m’ont amené dans leur hameau. Depuis des décennies, ils voient, chaque jour, défiler des dizaines de cyclotouristes, affutés ou bedonnants, dans leurs maillots vintage à la gloire des machines à café Faema ou de la charcuterie Molteni, les tenues mythiques que porta jadis l’immense champion belge Eddy Merckx, recordman absolu de Milan-San Remo avec sept victoires. Sur cette seule épreuve, il méritait bien son surnom de Cannibale.
Ni par contradiction, ni par réflexe « montebourgien » du made in France, je vous le montre en action au cours de l’édition 1967, ceint du fameux maillot blanc à damiers de la formation Peugeot.

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Spectateurs enthousiastes juchés imprudemment sur les parapets, voitures gênantes obligeant Merckx à freiner dans un des virages, c’était toute la liesse du Poggio. D’autant que ce jour-là, le champion belge dut en découdre avec un sacré trio de coureurs ritals portés par tout un peuple : Gianni Motta, Franco Bitossi et Felice Gimondi.
En décidant d’ajouter le Poggio au menu, les organisateurs nourrissaient le secret espoir de mettre un terme aux victoires des sprinters flamands sur la via Roma.
Pour leur malheur, arriva Merckx ! Sept fois en dix ans, le Cannibale se servit du Poggio à toutes les sauces, de sa montée et de sa descente, pour neutraliser, dégoûter, anéantir ses adversaires et briser le cœur de dizaines de milliers de tifosi.
J’ai tellement suivi les retransmissions de la course sur le petit écran, encore que leur qualité technique laissât longtemps beaucoup à désirer, j’avais déjà en tête avant ce matin le profil de l’ascension et repéré les endroits stratégiques.
Volontiers cocardier, la regarderont les lecteurs accros de vélo, je vous propose encore la chevauchée victorieuse de Laurent Fignon en 1989. Un petit chef-d’œuvre !
Vous survolerez la chapelle avec l’hélicoptère. Le ciel était gris sur San Remo et, encore une fois, dans le cœur des tifosi.

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Il avait déjà gagné l’année précédente. J’avais beaucoup d’admiration pour ce champion plein de panache. Je garde un souvenir ému, quand il était consultant pour la télévision, de ses commentaires éclairés par sa science tactique de la course et son expérience personnelle de la Primavera, la voix brisée par le cancer qui allait l’emporter quelques mois plus tard. Forza Fignone !
Dommage qu’il soit trop tôt, j’aurais bien dégusté quelques antipasti dans la sympathique brasserie dont j’imagine l’effervescence, chaque année, le jour de la Primavera. J’aurais, qui sait, engagé la conversation avec les trois septuagénaires. Sûrement, plutôt qu’évoquer l’époque sombre des années 90 où, en raison des moyennes effarantes réalisées par des coureurs shootés à l’’érythropoïétine, l’on surnomma la fameuse côte l’EPOggio, leur aurais-je demandé leur avis sur une conversation dans un bistrot de Montmartre, entre Jean Cocteau et Curzio Malaparte. « « Les Français sont des Italiens de mauvaise humeur. Les Italiens des Français de bonne humeur ». À cela, Malaparte répondit : « Je me console de savoir que la bicyclette a été inventée par un Italien de mauvaise humeur : un Français. Un Français, c’est tout de même un Latin ! Car, s’il y a au monde quelque chose qui mérite d’avoir été inventé par un Italien, c’est bien la bicyclette ! » » Imparable !
Français d’excellente humeur, je m’attarde sur la placette du hameau. La commune reconnaissante y a érigé un buste de Giovanni Marsaglia, Poggisi (habitant de Poggio) éminent.

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Homme d’affaires et ingénieur, il collabora, au dix-neuvième siècle, aux constructions vitales pour l’économie ligure, de la ligne de chemin de fer Gênes-Vintimille et d’un aqueduc pour l’approvisionnement en eau nécessaire à la floriculture.
La voie ferrée du bord de mer, aujourd’hui désaffectée, est réhabilitée sur un tronçon de 24 kilomètres … en piste cyclable pour ceux qui ne verraient aucun intérêt à mon pèlerinage vélocipédique. Encore que, ils n’échapperont tout de même pas à la légende. Ils devront emprunter en effet un tunnel de 1 800 mètres, « la Milano-Sanremo Gallery », avec sous la voute, une centaine de panneaux en demi-lune racontant, photos à l’appui, l’Histoire de la Primavera !

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Il est temps de descendre maintenant vers San Remo, plonger est plus exact, tant la pente est raide dès le départ de la trattoria. Le pied constamment à proximité du frein, je frissonne presque d’imaginer que les coureurs puissent atteindre sur leur frêle engin le double de ma vitesse.
Un véritable plongeon vertigineux tant, avec les lacets serrés, les virages en épingles à cheveux et les parapets un peu effrayants, on se retrouve rapidement au niveau de la grande bleue, sur le Corso Cavallotti et l’ultimo kilometro.
Je reconnais bientôt l’élégante fontaine qui ouvre sur la via Roma, devenue piétonnière, où, durant très longtemps, fut jugée l’arrivée.

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Imaginez le délire lorsque, en 1974, l’italien Felice Gimondi y franchit la ligne en vainqueur avec son maillot arc-en-ciel de champion du monde, frappé de la marque Bianchi. Il s’était pour une fois libéré du totalitarisme du « merckxisme » !
Je repense encore, à cet instant, au regretté Louis Nucera : « Je l’avais vu (Fausto Coppi ndlr) à quatre reprises. D’abord, le jour de la Saint-Joseph 1946. C’était sur la via Roma. Le premier Milan-San Remo de l’après-guerre s’achevait. Un énorme concours de peuple, des frémissements, une clameur allant crescendo –« Coppi ! Coppi ! », des pétarades, des cris, une forme vêtue de bleu ciel et de blanc au milieu de la voie : « l’Insuperabile, l’Intramontabile, l’Unico ! » arrivait et confortait sa légende. Depuis la montée du Turchino, cent-quarante-cinq kilomètres durant, seul contre tous, il n’avait fait qu’augmenter son avance. Son second, un Azuréen, Lucien Teisseire, suivait à près d’un quart d’heure. Bartali, que des séraphins devaient soulever dans ce fameux Turchino afin qu’il survolât l’obstacle- un envoyé du ciel sur terre l’avait annoncé à un mage, selon les journaux- terminait à vingt-cinq minutes. »
J’ai vu Coppi en chair et en os dont une fois, ceint de son maillot arc-en-ciel, juché sur les épaules de mon papa, lors d’un Critérium des As autour de l’hippodrome de Longchamp.
En ce jour historique (pour le cyclisme) de mars 1946, aussitôt après que Fausto fût arrivé, le radioreporter annonça au studio et à ses auditeurs: « En attendant les autres concurrents, envoyez la musique de danse ! »

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Ce n’est sans doute pas un hasard si cette chanson fut un grand succès de Dalida. Son auteur et interprète, ici, s’appelle Luigi Tenco, le Luigi auquel Antonello Venditti rend hommage avec Marco tandis que Pantani monte le capo de la Cipressa. Tenco la présenta au célèbre Festival della canzone italiana di San Remo en janvier 1967.
Le verdict est pour lui une véritable humiliation : 38 voix seulement sur 900. On le retrouve le lendemain matin, dans sa chambre de l’hôtel Savoy de la ville, baignant dans son sang, et ayant laissé un mot étrange et vengeur. La police retient hâtivement la thèse du suicide. Dalida, avec laquelle on lui prête une idylle réelle ou fantasmée ( ?), remonte précipitamment sur Paris et tente de mettre fin à ses jours quelques semaines plus tard.

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Dans son livre documentaire La nuit de San Remo, le journaliste sportif Philippe Brunel, déjà auteur de Vie et mort de Marco Pantani, relève, encore une fois, de multiples anomalies dans l’enquête judiciaire, tendant à mettre en doute l’hypothèse trop simple du suicide. « Le livre se transforme en enquête sur Tenco lui-même, personnage assez fascinant ; cultivé, révolté, littéraire, grand admirateur notamment de Pavese, joueur de saxo, intègre (« un baladin en costume blanc dans un commerce de charbon », dit – superbement – un témoin) parlant le grec et le latin, en lutte contre le système – une espèce de Paul Nizan au pays du hit-parade. »
On ne va pas se quitter sur cette note tragique, n’est-ce-pas ?
Du Poggio à la Pioggia, il n’y a que deux lettres de différence, et c’est l’occasion d’écouter un grand succès de Gigiola Cinquetti qu’elle présenta au festival de San Remo 1969.

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« La pioggia non bagna il nostro amore
quando il cielo è blu.
La pioggia, la pioggia non esiste
se mi guardi tu.
Butta via l’ombrello amor
che non serve più,
non serve più, se ci sei tu.
Il termometro va giù,
il sole se ne va,
l’inverno fa paura a tutti, ma
c’è un fuoco dentro me
che non si spegnerà.
Lo sai perché? … »

« La pluie ne mouille pas notre amour lorsque le ciel est bleu, la pluie n’existe pas si tu me regardes, le thermomètre descend, le soleil est parti, l’hiver fait peur à tous, mais il y un feu à l’intérieur de moi qui ne s’éteint pas … »
Eh bé ! Elle avait grandi la sage jeune fille vainqueur du concours Eurovision, le 21 mars 1964 (presque le jour de la saint Joseph). Il est vrai qu’à l’époque de Non ho l’età, elle n’avait pas l’âge de … !
En route vers la frontière !

Quand on part de bon matin
Quand on part sur les chemins
De Milano Sanremo à vélo
Nous sommes quelques bons copains
Y a Marco et y a Fausto
Y a Eddy et puis Laurent
Et le Poggio …

J’arrête, je ne voudrais pas que la pioggia troublât cette matinée lumineuse!

Publié dans:Coups de coeur, Cyclisme |on 18 septembre, 2014 |Pas de commentaires »

Vogue Galéria ! village de Haute-Corse

Voilà, je suis de retour avec vous ! Pour nos retrouvailles, j’ai envie d’évoquer le petit port d’attache(s) de l’île de Beauté, où je séjourne chaque mois de juillet, depuis plus d’une décennie. Il porte le nom, certes un peu inquiétant, de Galéria, qu’il tiendrait sans doute abusivement « des fameuses galères qui sillonnaient sa rade, arrogantes et fières ».
Je vous rassure de suite, les tracas que vous pourrez y connaître, sont véniels et plutôt pagnolesques, même s’ils indisposent parfois le touriste acariâtre peu au fait des habitudes insulaires. Vous l’entendrez maudire sa 3 ou 4 G totalement inutile devant les défaillances épisodiques du réseau Orange. Moi-même, je me surpris à maugréer contre l’acheminement très aléatoire des journaux et de devoir guetter le presque unique exemplaire de Charlie-Hebdo sur le présentoir. Depuis Cavanna est mort, non pas l’ancien boucher du village, lui c’est Canava, mais le fondateur du canard satirique, et la livraison s’effectue plus tôt et de manière plus fiable ! On sourit encore du jour où tout le village fut soumis au pain de régime, le boulanger ayant oublié le sel dans la confection de la pâte… Vous voyez, rien de traumatisant, n’est-on pas ici pour se dépayser et décompresser justement d’un quotidien routinier et stressant ?
De manière plus crédible, le village tirerait son nom d’une origine romaine, Galerius Valerius Maximianus ayant été un des empereurs de la Tétrarchie au début du quatrième siècle.
Mais plutôt qu’un péplum, mon billet pourrait commencer comme un western. En effet, la première fois que je me rendis à Galéria, il me sembla y retrouver certains paysages arides de l’Ouest américain propices aux chevauchées (fantastiques ?), en contemplant le point de vue sur la vallée, au sommet du col de Marsulinu, ou les mini canyons creusés par le fleuve Fango dévalant de la montagne proche.

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Parvenu, au fond de la vallée, au pont des Cinque arcate, il reste une alternative (donc deux choix) pour atteindre Galéria Creek ! L’un, « clint east(holly)woodien », en parcourant à cheval le désert de galets que constitue le lit du Fango en été. Mais ça, c’est mon cinéma à moi !
L’autre, plus réaliste, mais aussi peut-être plus périlleux, en empruntant la D 351 sinuant dans le maquis. En effet, entre ombre et lumière, le « pinzutu », ainsi surnomme-t-on ici le continental, fraîchement débarqué sur l’île peut voir surgir devant son véhicule, une de ces vaches paissant en liberté, ou un autochtone intrépide jouant les Sébastien Loeb dans les nombreuses courbes.
Allez, détendons-nous ! Nous voici, sain et sauf, dans un bout du monde, entre « mare e monti », à Galéria, porte de Scandola, à une trentaine de kilomètres au sud de Calvi !

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En guise d’accueil, à droite, sur un promontoire, surplombant la mer, se détache la tour génoise construite entre 1551 et 1573. Elle faisait partie des sept tours de la juridiction de Calvi et des constructions de défense le long des côtes de la Méditerranée septentrionale pour se protéger des pirates Sarrasins et Barbaresques, Provençaux, Vénitiens, Catalans et autres Ligures. Elle était occupée par trois personnes qui en assuraient la défense, d’abord des militaires puis des villageois à partir de la fin du XVIIème siècle jusqu’en 1792. Elle fut ensuite détruite par les habitants du Niolu mécontents de la spoliation de leurs terres par une société étrangère. En partie restaurée, elle a vocation, aujourd’hui, d’accueillir des manifestations culturelles et des banquets.

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Plutôt qu’imiter le célèbre torero El Juli pour amadouer le ruminant qui vous en barre l’accès, du moins sur la photographie, je vous suggère de commencer votre séjour, en face, de l’autre côté de la chaussée, chez la Julie et sa maman, en dégustant un délicieux café gourmand. J’ai déjà écrit tout le bien que je pensais de la guinguette de l’Artigiana (http://encreviolette.unblog.fr/2009/08/14/savourez-linstant-corse-lartigiana-a-galeria/). Les années passent et le plaisir des sens y est toujours aussi bien célébré, la preuve en est avec cette mise en bouche, sous les pins.

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Avec une vue imprenable, l’une de ces magnifiques échappées sur le golfe que nous offre le village ! Il en est une cependant, paradisiaque, que j’ai gardée pour moi jalousement durant de nombreux étés :

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Ça y est, vous avez posé vos valises ? Car, sans avoir l’aura touristique de certaines autres stations du littoral corse (parfois surcotées), Galéria mérite qu’on y séjourne quelques jours tant le village et ses alentours possèdent charme et attrait pour celui qui sait être curieux.
Ma balade découverte débute à hauteur du cimetière et du monument aux morts, là où la route se partage en deux. Vous avez le choix de prendre à gauche vers le centre du village ou de descendre à droite vers la plage et le port.

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À l’embranchement, une ancre rouillée rappelle l’animation maritime ancienne du lieu. En 1992, on a même retrouvé un jas d’ancre antique en plomb qu’on date entre le deuxième siècle avant J.C et le deuxième siècle après.
Il y a moins d’un demi-siècle, loin du tumulte touristique, Galéria était, au fond de son cul-de-sac, un havre paisible à en juger par les émouvantes toiles de la maman artiste de deux de ses habitants.

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tableaux de Marika Van der Heyde

Aujourd’hui, si environ 300 habitants y vivent l’hiver, ce sont entre cinq et dix fois plus qui y débarquent l’été. Et dans cette commune, longtemps tournée vers la montagne, on dénombre pour la première fois, plus d’indigènes liés au tourisme maritime que de bergers, ce que regrettent peut-être quelques anciens nostalgiques.
En toute logique, le touriste a d’abord hâte de découvrir le front de mer.
L’implantation immobilière constituée essentiellement de quelques hôtels, restaurants et commerces, est récente, raisonnable et maîtrisée. Les parkings font fonction de belvédère et, assis sur un banc et sous un pin, vous pouvez rêver à de futures évasions, devant la vue panoramique toujours aussi imprenable des bateaux tanguant tranquillement sur l’onde : « Altru Sognu » comme le revendique une enseigne voisine.

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Force est de reconnaître que le cordon de plage ne peut rivaliser avec certains autres rivages idylliques de l’île. De nombreux petits galets s’agrègent traitreusement au sable mais l’eau est claire, l’ambiance paisible et familiale. C’est comme son nom l’indique, la plage du village et des villageois. De l’authentique !
Vous ne risquez pas d’y être importuné par quelque vendeur de bibelots exotiques ou de chouchous. Et si votre progéniture vous réclame un esquimau, il vous suffit comme le grand enfant que je reste, de gravir les quelques marches qui mènent au Concept : Fred vous soumet à un choix cornélien entre les parfums souvent originaux de ses glaces artisanales. Voici mon top 5 de l’été : réglisse, speculoos, stracciatella, nougat glacé et … pomme (bon sang de normand oblige). Il ne faut pas trop s’y attarder cependant car la gente féminine impatiente a vite fait de ponctionner (modérément) votre portefeuille chez Wish, la sympathique boutique de fringues et sacs tendance contiguë.
En guise de brève séance de thalassothérapie en marchant, les pieds dans l’eau, on peut gagner le port, en bout de plage. Il s’agit presque exclusivement d’un mouillage de plaisance. Hors les embarcations des autochtones, c’est le point de départ d’un club de plongée et de locations pour des promenades inoubliables dans la réserve de Scandola avec escale à Girolata (voir billet du 12 août 2011). Incontournable !
Un ou deux pêcheurs proposent, confidentiellement, le matin, par beau temps, le produit de leur sortie en mer. À défaut, vous pouvez déguster à midi un club sandwich langouste à la proche Cabane du pêcheur … avec fenêtre sur la mer :

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Immanquablement, ce pittoresque fourbi me renvoie au quartier de la Pointe Courte à Sète, cher à l’ami Georges Brassens et mes regrettés tante et oncle (voir billets des 3 décembre 2007 et 1er juin 2012 ).
Je ne vous promets pas, il ne faut pas exagérer, qu’une bouteille à la mer telle que celle du clip de Francis Cabrel viendra s’échouer à vos pieds … même si les poissons sont souvent affectueux !

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En route vers « Galéria centre historique » qui s’étend plus haut sur un replat du Capu Tondu. L’accès le plus direct, depuis le port, est une rue quasi rectiligne à la pente fort abrupte. Aux heures chaudes de la journée, s’il vous prend de la gravir à pied, je vous garantis suée et soif que vous apaiserez à l’un des deux bars au cœur du village : Orezza menthe pour ceux qui veillent à leur ligne, Pietra, la bière à la châtaigne, pour les autres.

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Depuis qu’une chère petite fille me le passe en boucle, je pense inévitablement à l’inénarrable sketch du duo d’humoristes corses, Tzek et Pido, un petit bijou d’auto dérision.
A Piazetta, ailleurs également, la fiction ne rejoint évidemment pas la réalité et je rassure de suite le pinzutu, il ne paiera pas plus cher son Panini que les locaux, et souvent en soirée, le patron Martin m’a offert un limoncellu de bienvenue ! À Galéria, l’hospitalité n’est pas un vain mot … d’ailleurs le sketch se situe au cœur de la Corse !!!
Sur quelques dizaines de mètres, hors saison, se concentre ici, presque exclusivement, la vie paisible du village. L’été, c’est beaucoup plus trépidant, notamment en fin de matinée, à l’heure des courses. Entre le délicat croisement des automobiles, le stationnement un peu anarchique et les autochtones qui font la causette au milieu de la chaussée ou abrègent la tournée du facteur en récupérant leur courrier directement dans son véhicule, il n’est pas toujours aisé de choisir, en toute sérénité, un melon ou une carte postale à l’étalage de la supérette ! J’exagère (à peine), d’ailleurs, ce sont les vacances et chacun adopte la nonchalance corse, le sourire aux lèvres. D’ailleurs, pour preuve, depuis deux ans, j’ai choisi de poser mes valises au cœur du village.

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Si vous souhaitez profiter de cette atmosphère joyeuse, colorée et bon enfant, il n’y a guère meilleure loge que de s’installer à la minuscule terrasse de L’Auberge. Les nouveaux propriétaires de cet hôtel-restaurant proposent une cuisine simple, authentique et cependant inventive, à partir de leurs propres produits. Je m’y suis régalé entre autre d’une délicieuse bruschetta océane (du nom de la jeune fille de la maison) pleine de parfums et saveurs.
D’un côté de la rue, les commerces, de l’autre, les services ! En période estivale, des parties de foot, jeux de boules, bals, soirées karaokés, braderies diverses animent la cour désertée par les écoliers. Des idées pour combler la demi-heure laissée vacante par les nouveaux rythmes scolaires ?

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L’école communale porte le nom poétique de Pampasgiolu, coquelicot en langue corse mais aussi le surnom de Don-Ghjaseppu Giansily, un berger poète du Niolu décédé à Galéria en 1977. On raconte qu’il chantait la sérénade aux jeunes normaliennes en poste à l’école de son hameau. J’aurai l’occasion de célébrer sa mémoire, plus loin.
En attendant, permettez-moi d’honorer celle de Mouloudji, tendre interprète de l’inoubliable Comme un p’tit coquelicot et aussi … Le Galérien (!). Il nous a quittés, il y a dix ans, au mois de juillet.
À côté, sur la placette devant l’église et la mairie, se tient, chaque vendredi, un marché joyeux et coloré où petits producteurs et artisans locaux proposent leurs produits prêts à émoustiller les sens. Quelle frustration, cet été, de n’avoir pu goûter au sublime miel récolté par Pauline, en rupture de stock, rançon du succès peut-être !
Les cloches de l’Angelus en guise de réveille-matin ne sont pas superflues car la file des clients se forme de bonne heure dans l’attente du camion boucher de Calenzana qui pallie (temporairement ?) la fermeture de l’ancien commerce du village.

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Quoique sans grand caractère, l’église Sainte-Marie récemment repeinte (après plusieurs essais de teintes !) ne manque cependant pas d’élégance avec les palmiers et les lauriers qui l’entourent.

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J’ai plaisir à m’y retrouver lors de concerts de polyphonies corses, ainsi cet été, un récital mémorable du groupe Balagna (ex U Celu). Fabuleux et poignant moment que d’écouter l’adaptation corse de la Complainte de Pablo Neruda, le poème de Louis Aragon mis en musique par Jean Ferrat :

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La Complainte de Pablo Neruda interprétée par le groupe U Celu commence à 2 min 40 sec suivie de L’Aranciaghu (Ballade nord-irlandaise de Renaud

Salutaire aussi en cette époque inquiétante où la liberté de pensée est trop souvent bafouée.

« Lorsque la musique est belle
Tous les hommes sont égaux
Et l’injustice rebelle
Paris ou Santiago
Nous parlons même langage
Et le même chant nous lie
Une cage est une cage
En France comme au Chili
Comment croire comment croire
Au pas pesant des soldats
Quand j’entends la chanson noire
De Don Pablo Neruda »

Ce soir-là, la musique fut belle et tous les hommes égaux : les artistes insulaires convièrent même le public à sa première expérience de polyphonie en lui faisant reprendre L’aranciaghju, version corse de la ballade nord-irlandaise de Renaud. Et que croyez-vous qu’il advînt (comme ne le montre pas le clip enregistré ailleurs) ? Cent pinzuti recouvrirent (presque !) un instant la voix des six baladins balanins ! Étonnant non ?

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En tout cas, nul besoin de chanson pour faire pousser un citronnier à Galéria !
J’aime arpenter ce qu’on nommait le Quartieru à la fin du dix-huitième siècle, à la découverte de quelques témoignages de ce passé. À défaut d’être clinquante, la flânerie authentique et émouvante laisse imaginer la vie autrefois des gens d’ici : hautes façades noircies par le temps, entrées de caves dotées de linteaux en genévrier, anciennes terrasses dédiées aux cultures, la fontaine restaurée, le curieux pignon d’une maison abandonnée avec des hauts reliefs des décorations militaires de son ancien maître …

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Cabas à la main, au retour des courses à la supérette, je me glisse fréquemment, à l’arrière de la rue principale embouteillée, dans un amour de petit chemin de traverse. Il ne sent peut-être pas la noisette mais il a un subtil parfum de campagne.
Qui sait si, autrefois, on n’y chanta pas le tendre refrain de Mireille et Jean Sablon :

« … Ce petit chemin
M’a tourné la tête
J’ai posé trois baisers
Sur tes cheveux frisés
Et puis sur ta figure
Toute barbouillée de mûres
Pour nous surveiller
Des milliers de bêtes
S’étaient rassemblées
Par-dessus nos têtes
Mais un lièvre au passage
Nous a dit: Soyez sages!
Ne crains rien, prends ma main
Dans ce petit chemin… »

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Si loin de l’effervescence du centre du village et pourtant si près (cinquante mètres maximum !), on n’y rencontre guère âme qui vive, encore que les éclats de voix émanant d’une délicieuse tonnelle en contrebas attirassent parfois la curiosité de touristes égarés et ravis de dénicher ce qu’ils croient être une vraie guinguette. Un été, le propriétaire joua le jeu en exposant devant l’entrée, une ardoise avec le (vrai) plat du jour servi à la table familiale … se prémunissant cependant de toute réservation abusive en affichant aussitôt complet.
Sous la treille, il m’offre volontiers l’apéro au normand que je suis.

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À quelques pas de là, se cache une petite chapelle toute pimpante au soleil. Le carré d’herbes sèches, situé derrière elle, correspond à l’ancien cimetière ouvert dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Une stèle est encore visible en bordure du muret d’enceinte.
Population de bergers, les gens du Niolu, la haute vallée d’estive, descendaient, alors, leurs défunts sur une mule, par les chemins de transhumance, le corps enveloppé dans le pilone, le manteau de berger en poil de chèvre, la tête soutenue par un bâton fourchu, le tout ligoté au moyen de cordes en poils de chèvre. Quand l’équidé s’emballait, la surprise pouvait être macabre pour les piétons qu’il croisait !
Aujourd’hui, les morts sont logés à meilleure enseigne, et Galéria la discrète possède un cimetière tout aussi marin que celui de Paul Valéry sur son « île singulière », de l’autre côté de la grande bleue.

« Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux!
Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d’imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir!
Quand sur l’abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d’une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir…
… Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l’attire à cette terre osseuse?
Une étincelle y pense à mes absents.
Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!
Chienne splendide, écarte l’idolâtre!
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux!
Ici venu, l’avenir est paresse.
L’insecte net gratte la sécheresse;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l’air
A je ne sais quelle sévère essence . . .
La vie est vaste, étant ivre d’absence,
Et l’amertume est douce, et l’esprit clair.
Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère…« 

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Ici, aucune sépulture de personnage illustre ne draine les visiteurs mais il est émouvant de se recueillir quelques instants devant les tombes d’une blancheur éclatante au soleil se découpant sur l’azur du ciel et des flots. Mes pensées s’envolent alors vers la supplique d’un autre Sétois célèbre, Georges Brassens :

« … C’est une plage où, même à ses moments furieux,
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux,
Où quand un bateau fait naufrage,
Le capitaine crie : « Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d’abord ! (une mauresque ! ndlr)
Chacun sa bonbonne et courage ! » …
… Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !
Vous envierez un peu l’éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances…

… Et quand, prenant ma butte en guise d’oreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de ma croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume … »

Dieu soit loué, dans l’attente du jugement dernier, nous, les vivants, pouvons aussi nous rincer l’œil sur les baigneuses dénudées en empruntant le sentier côtier, peuplé d’immortelles, jouxtant le cimetière. En flânant dans ce petit coin sauvage de maquis, l’on surplombe la plage dite du village avec en arrière-plan le port de plaisance, puis un chaos de rochers, avant d’entrevoir en contrebas, la minuscule et secrète crique de la Fontanaccia à laquelle on peut accéder grâce à une rampe de corde. Quelle que soit l’heure de la journée, selon les variations de lumière et même les caprices du temps, le spectacle est superbe.
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On repère aussi en chemin quelques ruines de maisons en construction, témoignages de nuit bleue (tout est bleu ici !) contre l’urbanisation du littoral. Dans un billet du 14 août 2010, j’avais écrit alors : « Deux pas en avant, un pas en arrière, le Fango corse s’interprète plus parfois comme une valse hésitation. Je ne suis pas loin de penser cependant que celui que j’ai dansé pour vous (jusque) dans les bras de son delta, c’est le plus beau Fango du monde !!! ». Il n’y a pas que la mer qui danse le long des golfes clairs de Galéria !

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Je ne jurerai pas que le crâne jonchant le sol soit la conséquence de l’acte des chasseurs de primes (à la vache ?) poursuivis par l’impitoyable Clint évoqué plus haut ! Ce sont les mystères de l’Ouest corse. En tout cas, quelqu’un se sera régalé d’un savoureux sauté de veau aux olives vertes, l’un des plats emblématiques de l’île de Beauté …
Je vous suggère, à l’extrémité du sentier, de traverser la route et de vous diriger en face vers le snack de la Funtanaccia. Jean-Claude prépare devant et pour vous un vrai et bon pan bagnat, le célèbre casse-croûte qu’emportaient autrefois les pêcheurs niçois et … aujourd’hui, les estivants qui s’acheminent vers la vaste plage de Ricciniccia, plus communément appelée plage de la Tour.

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Loin de toute circulation, nichée dans le maquis, en contrebas de l’ancien édifice génois, adossée à une pinède, à l’embouchure du delta du Fango, son caractère sauvage séduit de nombreux touristes.

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Mais attention, la baignade y est fortement déconseillée les jours de vent et de houle même si le soleil brille. Soyez à l’écoute des gens d’ici et de … Renaud. « Dès que le vent soufflera, c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme » …il serait regrettable de quitter Galéria précipitamment par hélicoptère.
Contentez vous alors de la vision grandiose et un peu angoissante des flots furieux … Puis demi-tour vers la rivière pour une heure exceptionnelle de « zénitude » avec une balade découverte en canoë dans les bras du delta du Fango, un site classé Réserve de Biosphère par l’UNESCO.
Que puis-je ajouter à ce que j’avais écrit, il y a déjà quatre ans ? :

http://encreviolette.unblog.fr/2010/08/14/le-fango-haute-corse/

À l’accueil, les livres d’or s’entassent, remplis de commentaires élogieux. Alors, délestés de vos portables (ils sont prohibés), laissez-vous glisser au fil de l’onde et rêver devant le spectacle incroyablement beau de la nature. Dépaysement total garanti !

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Cet été, les tortues cistudes qui prennent le soleil sur les troncs de bois morts, furent même les héroïnes d’une conférence à la tour génoise (avec leurs collègues terrestres d’Hermann).
La rivière, qui est en fait un fleuve dans son acception géographique, draine, au fil des années, un flot de plus en plus impétueux de touristes, ce qui n’est pas sans danger sur son équilibre écologique. U Fangu souffre de sa beauté magique que j’avais tenté de restituer dans mon billet du 14 août 2010 (voir lien ci-dessus). Mes vertus littéraires s’étiolant avec l’âge, je ne saurais mieux faire que de vous inviter à le relire !!!

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Moment de paix devant le Ponte Vecchiu, d’origine génoise, à l’heure où il se vide de ses intrépides plongeurs et rougit sous les feux du soleil couchant. L’ouvrage restauré récemment est praticable et permet de se rendre par une piste au hameau abandonné de Chiumi avec ses ruines de la chapelle San Pietru. Superbe mais demi-tour car j’empiète sur la commune de Manso !
Celle de Galéria possède une superficie de 135 km2 et une façade littorale de plus de trente kilomètres. Hors le village lui-même, quelques hameaux dispersés sur ce vaste territoire, souvent vestiges d’un émouvant passé, méritent le coup d’œil, cela évite en plus de bronzer idiot …

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Ainsi, cap vers Prezzuna ; c’est simple à trouver : vous prenez à droite lorsque les chèvres de Dominique et Joseph Acquaviva vous barrent la route de Calvi dans la montée du col du Marsulinu (plus sérieusement, c’est fléché !).
Après quelques kilomètres en plein maquis, par un étroit chemin désormais goudronné, on parvient à une oasis propice à la méditation et à la rêverie.

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Je vous l’avais promis : attenante à la petite église Sainte-Lucie, l’ancienne école du hameau abrite la Casa di i Pueti, la Maison des Poètes niolins Pampasgiolu di l’Acquale et Peppu Flori.
Tout est malheureusement fermé mais mon esprit vagabonde tout de même vers Pampasgiolu qui vécut là avec sa mère et ses deux sœurs restées célibataires. Lui non plus, ne trouva pas l’âme sœur bien que sa complainte Bongiornu o madamicella ait été chantée par des générations de soupirants corses.

Chantre remarquable, il passait pour être le maître du « chjama è rispondi », joute poétique d’improvisation, pratiquée dans les fêtes, foires et rituels saisonniers, consistant en un dialogue chanté et rimé sans s’écarter du thème choisi.

« …Une chapelle, son clocher
Et l’ancienne école à côté
Où la pariétaire vient pousser

Puis la maison dans la plaine
La vieille femme à la fontaine
L’heure s’endort à la méridienne

Allons mon fils à la veillée
Entends le Niolu écoute le trembler
C’est Pampasgiolu qui se
met à chanter. »

Le célèbre groupe I Muvrini rend un poignant hommage à Pampasgiolu dans la chanson Senti u Niolu. Je vous laisse l’écouter tandis que dans le silence de Prezzuna, je rejoins le petit cimetière en contrebas.

https://www.dailymotion.com/video/x60wro

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À défaut de fleurir la tombe du poète berger, quelques coquelicots poussent en liberté dans les allées comme un clin d’œil. Dans ce jardin de poètes, la majorité des défunts porte le joli nom d’Acquaviva.
Eau vive, c’est presque un label pour les sublimes fromages locaux, merci Joseph et Dominique, merci Guillaume !
Après les forces de l’esprit, j’emprunte, cette fois, la route côtière vers Calvi pour rendre hommage aux mains d’or des ouvriers des anciennes mines de l’Argentella. Ils y exploitaient des gisements de plomb argentifère et de cuivre.
Certains documents attestent déjà d’une activité minière en 1572 ouverte par les envahisseurs génois. Mais l’exploitation connut son apogée essentiellement durant le dix-neuvième siècle. En 1891, elle devint la propriété de l’Argentella Mining Company ; ce ne fut pas la ruée vers l’or (et pour cause) mais, j’avoue qu’il s’en dégage un petit parfum de western. Où est le train de la mine?
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En tout cas, il est émouvant d’errer dans cette friche industrielle dévorée peu à peu par la végétation.
Les aïeux du coin (et leur descendance) échappèrent à pire. En 1960, le gouvernement de Michel Debré, non content d’expulser les paysans du Larzac, envisagea d’implanter sur le site une base d’expérimentations nucléaires. Devant les réactions virulentes d’associations corses, l’État français se rabattit sur l’atoll polynésien de Mururoa avec les terribles conséquences, que l’on connaît aujourd’hui, sur la santé de la population locale.
Il serait dommage, même si l’on empiète sur le territoire de la commune de Calenzana, de ne pas allonger la promenade de deux kilomètres jusqu’à d’autres ruines, celles du château du Prince Pierre Bonaparte, neveu de l’Empereur, se dressant sur un éperon rocheux au-dessus de la baie de Crovani.

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Les faits du prince constituent un véritable roman de cape et d’épée qui mériterait qu’on lui consacrât l’intégralité d’un billet. J’eus l’occasion d’évoquer l’un d’eux (billet du 28 janvier 2009 Le destin sulfureux de Victor Noir) lorsqu’il blessa mortellement le journaliste Victor Noir, ce qui lui valut le surnom de Prince Noir.
Né à Rome en 1815 tandis que son oncle partait en exil à Sainte-Hélène, il fit construire ce « pavillon de chasse » entre 1852 et 1854 et y passa l’essentiel de son temps jusqu’en 1870, y écrivant même une biographie poétique de Sampiero Corso. Après la dérouillée de Sedan en 1870, il quitta définitivement la Corse et émigra en Belgique avant de mourir à Versailles en 1881.
Dans ce paysage brûlé par le soleil, digne d’un décor naturel de western, mon imagination trop débordante voit surgir encore la silhouette cavalière de Clint Eastwood. Ne vous moquez pas, les séquences du débarquement en Normandie du 6 juin 1944 pour les besoins du film Le Jour le plus long ont bien été tournées sur une plage du désert des Agriates, non loin du cap Corse ! Alors …
Retour au cœur du village de Galéria : par la route derrière l’église, je vous suggère une dernière et brève escapade à pied jusqu’au hameau de Calca. C’est aussi le départ du chemin de randonnée Mare e Monti qui mène à Girolata, mais ça, c’est une autre aventure plus corsée.
Au fil des ans, Calca devient peu à peu le « faubourg » résidentiel de Galéria. Cependant j’aime y retrouver quelques anciennes maisons avec leur architecture particulière et le montage curieux des murs selon la technique de la pierre sèche sans liant, les pierres de base et d’angle étant plus volumineuses. C’est à l’occasion de cette promenade qu’il y a quelques années, en lisant les noms sur les boîtes à lettres, j’ai retrouvé trace de mon meilleur ami des années 1970. Un de ses frères s’est retiré là à sa retraite.

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Voilà, le séjour s’achève demain ; il n’y a plus plus rien au réfrigérateur de la location. Qu’à cela ne tienne, le patron Stéphane prépare les couverts, en face, sur la terrasse sous les frondaisons de l’Aghja Nova. Bravo pour le design de la carte avec les photographies familiales en noir et blanc … et tant pis, s’il n’y a plus d’amaretto au dessert, ce soir-là !!!

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C’est presque un rituel, je savoure mes derniers moments sur l’île à la guinguette de l’Artigiana.
Pour les prolonger sur le continent, je fais ample provision de charcuterie artisanale (saucissons, coppa et lonzu) et des fabuleux fromages du coin. Les amis et la famille m’ont passé commande également.
Puis je m’assieds face à la mer et … goûtez avec les yeux !

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Quel Galéria, n’est-ce pas !

Publié dans:Coups de coeur, Ma Douce France |on 8 septembre, 2014 |18 Commentaires »

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