Archive pour janvier, 2013

Je vous présente un de mes lecteurs : Pierre ROCHETTE

Vous l’ignorez sans doute mais une carte du monde figure dans la plate-forme d’administration de mon blog. Il suffit que je promène la souris dessus pour que s’affiche le nombre de connexions journalières qui s’effectuent dans chaque contrée de la planète.
Ainsi, je constate assez régulièrement des visites en provenance notamment d’internautes d’outre-Quiévrain et de Suisse bien que je ne sois ni domicilié à Néchain, ni possesseur d’un coffre en Helvétie. Il est aussi parfois quelques Brésiliens et Russes qui s’emberlificotent peut-être dans la Toile. Quelques cousins canadiens curieux me font aussi l’honneur sinon de me lire, du moins de frapper à ma porte, vous allez en avoir la preuve.
J’avoue que je suis quelque peu fasciné mais surtout intrigué par les motivations ou les errances de ces lecteurs potentiels. Et voici que l’un d’entre eux s’est démasqué en déposant un commentaire très personnel à la fin de mon billet du 1er décembre 2010 « Châtaignes dans les bois se fendent
Plutôt qu’il ne demeure dans une semi confidentialité, j’ai souhaité le mettre en pleine lumière en lui consacrant ce billet. Je vous le livre d’abord tel que je l’ai reçu :

bravo pour cet article
sur la vie d’autrefois
et l’usage des poêles à bois:)))

Dans le cadre
de mon projet poétique
de disperser aléatoirement les cendres de mon oeuvre
littéraire aléatoire dans la mer des blogs pertinents mais
aléatoires du numérique

permettez-moi
de vous offrir
une de mes chansons
écrite sur le thème du poêle à bois:)))

LA CHANSON DU POÊLE À BOIS

ma mère faisait des toasts su l’poêle à bois
quand j’t’ais p’tit gars, quand j’t’ais p’tit gars
à m’disait le bonheur, c’est comme le beurre
ça fond dans bouche aussitôt qu’on y touche

mais si tu me tiens ben la main
pis qu’tu me donnes un gros câlin

m’en va t’serrer si fort
que dans vie
tu manqueras jamais de rien

y aura d’mon poêle à bois
dans chacun d’tes chagrins

2-
mon père mettait des bûches dans l’poêle à bois
quand j’t’ais p’tit gars, quand j’tais p’tit gars
y m’disait la passion, c’est comme la braise dans l’fond
ça vire en cendre, si tu la laisses descendre

mais si tu r’gardes tes souliers
pis ma manière de t’es lasser

m’en va serrer si fort
que dans vie
tu manqueras jamais de rien

y aura d’mon poêle à bois
dans chacun d’tes chagrins

3-
c’est pas pour rien qu’ma maison c’est la rue
comme un p’tit gars, comme un p’tit gars
dans cheminée, quand j’vois sortir d’la fumée
ca m’rappelle le poêle à bois de mon passé

j’ai ma mère au creux d’ma main
pis mon père au boutte du soulier

m’a les aimé si fort
que dans vie y manqueront jamais de rien

y aura d’leu poêle à bois
dans chacun d’mes câlins

y aura d’leu poêle à bois
dans chacun d’mes câlins

Pierrot
vagabond céleste

http://www.enracontantpierrot.blogspot.fr
www.reveursequitables.com
http://www.tvc-vm.com/studio-direct-235-1/le-vaga bond-celeste-de-simon-gauthier

Flatté que ma tribune soit cataloguée comme pertinente, vous imaginez bien que, curieux comme je suis, j’ai cliqué aussitôt sur les liens qui y sont joints pour découvrir qui était donc ce Pierrot vagabond céleste. Je suis tombé sur une photographie, une bouille qui inspire la sympathie, qui respire la convivialité, le bon vivre.

Je vous présente un de mes lecteurs : Pierre ROCHETTE dans Coups de coeur pierrot1

Allez savoir pourquoi, je l’imaginais déjà prenant une guitare, racontant des histoires à la veillée. D’ailleurs, son choix de me remercier de mon article sur les châtaignes n’était pas fortuit. J’eus donc envie de poursuivre ma visite.
J’ai mis ensuite un nom sur ce visage bonhomme : Pierre Rochette ! Un patronyme bien d’cheu nous ! Au lycée de Rouen, j’avais un camarade du Pays de Caux qui portait le même.
De plus en plus intrigant, il appartiendrait à une confrérie de rêveurs équitables, entendez par là, toute personne qui décide de prendre soin du rêve d’une autre personne … sans intérêt personnel caché.
Si j’avais les ailes d’un ange, si j’avais des lumières sur mon bike, je partirais (tout de suite) pour Québec, faire un bout de chemin avec l’ami Pierrot.
Il y a près de quatre décennies, il fonda dans le vieux Montréal, les 2P, les Deux Pierrots, une boîte mythique de chansonniers, comprenez chanteurs dans notre langue parfois moins fleurie que la sienne.
À 57 ans, il choisit de renier son style de vie, de donner ses économies, de fermer ses comptes en banque. Il troque sa maison contre une paire de bottes pour aller plus loin dans sa vie, réaliser son rêve de jeunesse en parcourant le Québec comme un vagabond à la recherche de rêveurs comme lui. Il les pourchasse : « Je suis comme l’allumeur de réverbères du Petit Prince. J’allume la flamme enfouie dans le cœur des gens que je rencontre en les incitant à vivre leur rêve … Imaginez la fête quand toutes ces chandelles illumineront le pays ».
L’itinérant désigne parfois un reclus de la société, vêtus de loques, que l’on confond volontiers avec un sans-abri ou un clochard. Rien de semblable pour Pierre Rochette même s’il trouverait sûrement beaucoup de plaisir et d’intérêt à la fréquentation de ces gens que la société laisse en marge.
Avec son bâton de pèlerin, sa vieille guitare, son sac à dos, son faux air de Victor Hugo, Hemingway ou mon ami peintre Marc Giai-Miniet (voir billets des 20 mars 2208, 23 septembre 2010 et 20 avril 2012), il a traversé le Québec de long en large, a dormi sous les ponts, dans des fossés et même … sur des congélateurs. Je me suis même demandé si dedans, il n’y ferait pas « plus chaud ». En effet, il y a quelques jours, un autre internaute québécois me disait qu’actuellement, chez lui, le thermomètre frôlait les trente degrés au-dessous de zéro et que la couche de neige atteignait le demi mètre. Et dire que chez nous, on déclenche des alertes orange et qu’on en fait les titres du journal télévisé pour beaucoup moins que cela !
Toutes ses superbes errances ont inspiré plus d’une centaine de chansons à Pierrot, je le nomme déjà ainsi, il acceptera ma familiarité précoce. Il a une phrase magnifique pour exprimer son vagabondage du corps et de l’esprit : « La souffrance est nécessaire pour remplir son coffre à outils. Plus on souffre et plus notre coffre à outils s’enrichit ».
Ce ne sont pas mes talents de bricoleur qui l’auront conduit jusqu’à moi !
Un jour, Pierrot a rencontré un homme qui sautillait sur place et agitait les bras comme un fou. Il lui demanda les raisons de cette agitation et quel était son rêve : « je veux faire un métier qui me permettra de bouger sans cesse ». Pierre le croisa sur sa route quelque temps plus tard ; il était devenu éboueur. Et de conclure : « Quel beau métier pour cet homme qui avait un rêve ! »
Dans ma brève quête pour cerner le personnage attachant, j’ai déniché et choisi de vous faire écouter sa chanson Molière, « son dieu de la langue française ».

http://www.reveursequitables.com/Assets/VideoClips/Intro%20Moli%C3%A8re.wmv
http://www.reveursequitables.com/Assets/VideoClips/Moli%C3%A8re%20PR.wmv

Il y parle de la guerre inepte, absurde, injuste : « Il y a trop de cercueils dans mon Québec que j’aime tant ! » Sais-tu Pierre que mon nom chez tes compatriotes anglophones signifie cercueil ?
Nous n’allons pas nous séparer sur cette note triste. Permets-moi en guise de conclusion, d’offrir à mes chers lecteurs celle d’une autre itinérante : l’outarde.
Félix Leclerc, un autre vagabond de la poésie dont les souliers ont beaucoup voyagé, l’attendait au mois de mai.

Passage de l\’outarde par Félix LECLERC

En ces temps de froidure, je me suis bien réchauffé le cœur et l’esprit devant ton poêle à bois, cher ami Pierrot!

PS: Je vous conseille vivement de lire le commentaire ci-après. de la plume même de Pierre Rochette. et le dialogue qui s’est instauré. Ils apportent un éclairage supplémentaire sur sa sensibilité.

Charly 9, le roi de la loose!

J’adore l’écrivain Jean Teulé. Non pas parce qu’il est originaire de la Manche comme ma maman ! Mais,  l’ancien dessinateur de L’Écho des savanes sait traduire dans une littérature enlevée, l’univers bête et méchant de Hara Kiri et Charlie-Hebdo, le vrai, celui dont je vous ai entretenu dans un billet du 23 décembre 2010. Ce n’est pas un hasard s’il a rédigé la préface de la récente biographie de Cavanna raconte Cavanna, un monsieur nonagénaire dans un mois, dont les chroniques me ravissent toujours (voir billet Week-end rital avec Cavanna du 26 mai 2009) .
Donc, à propos de Jean Teulé, sensiblement de ma génération, j’avais déjà évoqué ici son ouvrage Le Montespan (voir billet du 6 mai 2011) dans lequel il racontait avec truculence l’insoumission d’un marquis cocu au grand cœur refusant la légitimité monarchique ayant fait de son épouse la maîtresse favorite du Roi Soleil.
Cet été, selon l’humeur du moment, j’avais taquiné la muse. Après son magnifique Je, François Villon, j’avais avalé les deux autres opus de sa trilogie poétique, Rainbow pour Rimbaud et Ô Verlaine.
Bien qu’acquis il y a plusieurs mois, je gardais sous le coude son dernier roman historique Charly 9. Qui sait si ma curiosité n’était pas inconsciemment refroidie par la lecture de quelques mauvaises critiques à son propos.
Il est vrai que dès qu’il s’agit d’Histoire, naissent d’inévitables querelles entre les historiens pointilleux de formation universitaire et les profanes désireux de communiquer leur passion de manière plus vulgarisatrice. L’acteur Laurent Deutsch en sait quelque chose depuis que ses succès en librairie avec Le Métronome rendent jaloux les gardiens du temple.
Vu mes propres études supérieures en cette discipline, je devrais peut-être me ranger dans le premier camp. Mais soyons reconnaissants et indulgents envers les tenants du second s’ils permettent au grand public de connaître un peu mieux notre Histoire de France. Après tout, dans le même esprit, Chrétien de Troyes et La Fontaine ne sont-ils pas mieux connus et compris quand leurs mots sont mis en bouche par l’acteur Fabrice Luchini.
Lors d’une émission récemment diffusée sur la chaîne Histoire, un professeur se désolait de devoir faire lire à ses étudiants de licence, le Malet et Isaac, manuel mythique qui forma des générations de lycéens de la première moitié du vingtième siècle, afin qu’ils acquièrent un « socle basique de connaissances » (formule administrative pompeuse cachant la faiblesse du niveau actuel de l’enseignement). Alors donc, c’est déjà un bon point en sa faveur si Charly 9 fournit à ses lecteurs quelques rudiments d’information sur une des guerres de religion qui occupèrent le seizième siècle.
Je suis amusé déjà de la familiarité manifestée par l’auteur en affublant le souverain Charles IX d’un sobriquet. Si la couverture du livre ne révélait pas un portrait d’époque peint par François Clouet, et revisité façon sanguinolente avec Photoshop, ma passion pour le cyclisme d’antan m’aurait peut-être fait penser à la biographie d’un autre roi, de la montagne celui-là bien qu’il fût natif du Luxembourg, c’était même un ange : Charly Gaul, non pas Charles de Gaulle ! Pour être plus en phase avec maintenant, Charly 9, ça fait pseudonyme d’internaute !
Pour situer l’intrigue très resserrée dans le temps, il est sans doute nécessaire de la replacer dans le contexte de la fièvre religieuse qui touche la France et le reste de l’Europe dès la première moitié du seizième siècle. Cela commence déjà sous le règne de François Ier avec « l’affaire des placards » en son château d’Amboise lorsque des inconnus clouent près de la chambre du roi des affiches hostiles à la messe et au pape. Le « mal » continue à se répandre sous Henri II ; on dénombre alors dans le royaume environ deux millions de rebelles de la foi. On les appelle, par déformation d’un mot suisse allemand, les huguenots, ou plus virulemment encore les parpaillots.
La mort d’Henri II laisse la monarchie dans une sale situation. Son premier fils François II accède au trône à moins de quinze ans et meurt en 1560 après un an de règne seulement. Son frère Charles IX lui succède alors qu’il n’a pas dix ans. En fait, le « grand homme » de cette période trouble est leur mère Catherine de Médicis qui assure les années de régence … et pas seulement ! Une florentine sur le bout des ongles au propre comme au figuré ! Remarquez que c’est toujours d’actualité, nous avons vu récemment ce que c’est que de confier le pays à un « étranger » !
Comme chacun doit en prendre pour son grade, réglons donc le chapitre Hollande immédiatement. En effet, à l’heure où débute Charly 9, le roi est pressé depuis des semaines, notamment par son conseiller et ami, l’amiral de Coligny, chef de la faction protestante, d’intervenir aux Pays-Bas alors espagnols sous prétexte que Philippe II y opprime les huguenots.
Entre les Valois catholiques au pouvoir, les Bourbons, descendants de Saint-Louis, devenus par mariage rois de Navarre, protestants, et les Guise, une riche et puissante famille lorraine ultra catholique et alliée de la France, la régente Catherine, moins absolutiste contrairement à ce qu’on nous enseignait à mon époque, tente de calmer le jeu pendant un temps.
Ainsi, en 1560, elle publie un édit donnant certaines garanties aux huguenots comme pratiquer leur culte dans les faubourgs des villes. Évidemment, le duc de Guise est furieux et en 1562, à Wassy un petit village de Champagne, il commande à ses soldats d’assassiner une centaine de protestants en train de célébrer l’office.
Cela appelle des représailles en retour, bien sûr. Naît ainsi la première guerre de religion, il y en aura huit en moins d’un demi-siècle avec plein de carnages, de provinces ravagées, de villes assiégées, de traités inefficaces et …d’innocents tués. Celle que Jean Teulé décrit à travers la personnalité de Charles IX est la quatrième.

Charly 9, le roi de la loose! dans Coups de coeur charly+9

En route pour la lecture de son roman ! Le premier chapitre est un huis clos aussi effrayant que brillant. Pour reprendre le titre de la parodie de péplum réalisée au cinéma par Jean Yanne, on pourrait l’intituler : Deux heures moins le quart avant la Saint-Barthélémy !
En effet, nous sommes le samedi 23 août 1572. Il est un peu moins de 22 heures. Dans une pièce de son palais du Louvre, le jeune Charles IX, à peine vingt-deux ans, est en grande discussion avec son Conseil auquel appartiennent le garde des sceaux René de Birague, le maréchal de Tavannes, le baron de Retz, et le duc de Nevers. En vingt-deux pages surréalistes, Teulé règle la question !
Et 22, v’là la Mamma (qui n’est pas près de mourir) Catherine qui somme son rejeton royal d’ordonner l’assassinat de son plus fidèle conseiller, l’amiral Gaspard de Coligny, ce grand Réformé de la famille de Montmorency. Ce n’est pas évident de convaincre Charly de faire supprimer son ami, celui qu’il appelle « son père ». D’autant qu’on lui demande en fait d’achever le travail mal exécuté la veille lors d’un attentat par tir d’arquebuse, commandité à son insu par sa mère et son frère ! Et tant qu’à faire, il faudrait ensuite égorger le comte de La Rochefoucauld, son ami « Foucauld » protestant lui-aussi.
« -Deux morts ? … -Enfin deux, un peu plus Majesté … disons les grands chefs protestants. En tout, on devrait arriver à six ! »
Le monarque n’en croit pas ses yeux d’autant que quelques jours auparavant sa catholique sœur Marguerite de Valois, la légendaire reine Margot, s’est mariée avec le protestant Henri de Navarre en signe de réconciliation.
Justement ! rétorque le Conseil. La présence à Paris de toute l’aristocratie huguenote à l’occasion de ces noces est providentielle. Il serait bien dommage de ne pas en profiter pour l’exterminer, à l’exception des princes du sang, Condé et le jeune marié Navarre.
Mais ces parpaillots, ils ont des voisins, des épouses, des vieillards, des enfants. Qu’en faire ? Sinon les assassiner bien évidemment ! Six, dix, cent, deux cents, bientôt mille, dix mille, vingt mille, trente mille morts ! …
Corneille n’est pas encore né, mais, à cet instant, j’ai envie de pasticher quelques vers célèbres du dramaturge rouennais dont la statue trône devant le lycée éponyme où j’accomplis mes études secondaires.

Devant moi ce Conseil s’avance,
Et porte sur le front une femelle assurance (Catherine la reine mère).
Nous partîmes d’un mort; mais par un prompt renfort
Nous en vîmes trente mille en arrivant au fort.

« Trente mille ? … Vingt mille ou trente mille, quelle est la différence ? »!
Charles IX est pathétique et Jean Teulé magnifique. Avec détachement, jubilation et frivolité, il décrit le roi pliant sous les injonctions de sa mère, venin florentin, ses frères et quelques conseillers allumés.
À minuit, Charly capitule en attrapant son filet de chasse aux alouettes : « Tous, tous ! Tuez-les tous. Les hommes, les femmes, les enfants, les infirmes, les vieillards … mais tuez-les tous, tous ! Je ne veux jamais voir un seul visage, entendre un jour une voix qui me le reproche ! »
Auront grâce malgré tout Ambroise Paré, protestant mais brillant médecin, ainsi que Marie Touchet, certes huguenote mais excellente maîtresse en beauté et caractère.
La mamma se retourne soulevant un nuage de poudre de riz parfumée : « Le roi le commande ! C’est la volonté du roi ! Tuez-les tous ! »
Va donc pour l’effroyable saignée ! Le 24 août 1572, avant la pointe du jour, les soudards du duc de Guise se ruent chez l’amiral de Coligny, le tire de son lit, le tue cette fois bel et bien, et le défenestre. Puis les nobles protestants logés au Louvre, pour cause de noce, sont évacués du palais puis massacrés dans les rues avoisinantes. Parmi eux, se trouve Pardaillan, ce qui n’est pas forcément exact si on se réfère aux romans populaires de cape et d’épée sur la famille du chevalier !

saintbarthelemy dans Coups de coeur

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Je vous gâte car je vous en raconte plus que Jean Teulé qui, subtilement, laisse une page blanche au chapitre deux de son roman consacré à la Saint-Barthélémy elle-même. Comment mieux décrire l’inconcevable et l’insoutenable finalement qu’en le suggérant !
De toute manière, si vous aimez le genre gore, votre frustration est apaisée dès les pages suivantes. Alfred Hitchcock peut aller se faire voir avec ses Oiseaux.
On est le mercredi 27 août 1572. Charles IX dort très mal. On peut le comprendre. « Le monarque découvre une infinité de corbeaux appuyés contre les pavillons du Louvre en chantier ». Les charognards s’égayent dans l’hémoglobine et se jouent de tellement de proies qu’ils remontent emportant des bouts de chairs écarlates. La Seine charrie plus de cadavres que de glaçons après le dégel. Les enfants s’amusent à traverser le fleuve en sautant de corps en corps sur les ventres gonflés. Un mulet arrive chargé de hottes de chiffonniers pleines de nourrissons égorgés. Ce sont de petits huguenots que des femmes jettent en Seine pour qu’ils aillent à Rouen, par voie d’eau, annoncer la nouvelle ! »
Après Hitchcock, Raymond Devos humoriste de l’absurde ! Voilà que Ronsard, oui le poète de la Pléiade, entre dans la salle à manger du palais alors que le roi casse des cous d’alouettes pour la confection de terrines et pâtés en croûte. Et notre Pierrot rimeur, sourd comme un pot par ailleurs (tiens je rime aussi !), fait remarquer à son Altesse que s’il faut attraper quotidiennement ces petits oiseaux pour les trois mille membres de la Cour, ce sera une vraie Saint-Barthé !
– Ça vous a plu la Saint-Barthélémy, hein, Ronsard ?
– Oui
– Voulez-vous casser des cous d’alouettes avec moi ?
– Non, merci ! J’aime mieux cueillir la boursette touffue, la pâquerette à la feuille menue, la pimprenelle heureuse pour le sang, pour la rate, et pour le mal de flanc.

pierre-de-ronsard

Sacré Ronsard, le maître de l’alexandrin même si Charly l’oblige à écrire La Franciade en décasyllabes ! Derrière ses salades sauvages, se cache une connotation sexuelle. Car l’intégriste papiste n’hésite pas à déflorer les jeunes filles sans attendre leur consentement. Comment voulez-vous lutter avec ce dragueur qui, avant même que vous ayez entamé la conversation avec une donzelle, lui a déjà pris la main en lui déclamant :

« Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu, ceste vesprée,
Les plis de sa robe pourprée.
Et son teint au vostre pareil. »

C’est râpé, ce n’est pas moi qui cueillerai, dès aujourd’hui, les roses de la vie (ni les violettes d’ailleurs !).
Ce n’est pas dans le roman, mais Ronsard n’hésita pas à brocarder en versifiant sur les « mignons » du frère de Charly, le duc d’Anjou, le futur roi Henri III :

« Le roi comme l’on dit, accole, baise et lèche
De ses poupins mignons le teint frais, nuit et jour ;
Eux pour avoir argent, lui prêtent tour à tour
Leurs fessiers rebondis et endurent la brèche. »

Et je ne résiste pas à vous livrer son Discours à Guillaume des Autels. Il l’écrivit en 1578 mais c’est toujours complètement d’actualité:

« Des Turcs, des Mammelus, des Perses, des Tartares ;
Bref, par tout l’univers tant craint et redouté,
Faut-il que par les siens luy-mesme soit donté ?
France, de ton malheur tu es cause en partie ;
Je t’en ay par mes vers mille fois advertie :
Tu es marastre aux tiens et mere aux estrangers,
Qui se mocquent de toy quand tu es aux dangers,
Car sans aucun travail les estrangers obtiennent
Les biens qui à tes fils justement appartiennent. »

Pour en terminer avec Ronsard, connaissez-vous les noms des poètes qui composent avec lui la Pléiade ? À part du Bellay, bien sûr ! J’en doute. Allez, notez-le, ça peut servir à Questions pour un champion, thème poètes de la Renaissance : Pontus de Tyard, Rémy Belleau, Étienne Jodelle, Jean-Antoine de Baïf, Jacques Peletier du Mans. On y associe parfois Jean Dorat, Guillaume des Autels et Nicolas Denisot (aucun rapport avec Michel !). Je fais le malin comme Julien Lepers avec les réponses sur son petit carton ! Oui, je sais, le compte n’est pas bon, ça fait plus de sept, mais les Trois Mousquetaires étaient bien quatre !
Retour à Charles IX ! Le massacre de la Saint-Barthélemy va le rendre tellement dingue qu’il en mourra un an et demi plus tard. Accablé, il a des hallucinations auditives et bientôt visuelles.
Nous avons eu un président excité qui courait comme un hamster. Charles X, passionné de chasse à courre, se dévoue au culte de Diane à l’intérieur même de son palais. En tenue de veneur, coutelas de chasse au côté qu’il ôte du fourreau et avec ses hautes bottes de cuir, soufflant dans un cor à en perdre haleine, il course des lapins qu’il lâche dans l’appartement de sa maîtresse Marie Touchet … avant de lui rendre hommage. « Il lutte sans repos ni remords , dans l’adultère de ce corps-à-corps, veut jouer du cor. Elle l’en dissuade : Tu es gentil Charly 9, mais pas trop dans les oreilles » ! Neuf mois plus tard, naîtra un fils naturel Charles de Valois, futur duc d’Angoulême, favori d’Henri III et Grand prieur de France !
Pendant ce temps, en octobre 1572, la reine Élisabeth d’Autriche donne au souverain une fille prénommée Marie-Élisabeth. Elle parle comme la plupart des membres de la famille des Habsbourg, l’allemand, l’espagnol, l’italien et le latin, mais pas le français. Elle ne communique que grâce à la comtesse d’Arenberg dont les traductions semblent fantaisistes sinon inexistantes à en croire Jean Teulé. Il est cocasse que dans Don Carlos, l’opéra de Verdi, la comtesse joue un rôle muet.
« Oh, mille pines de Dieu bouffées par le chancre, qu’est-ce que j’apprends ?i La France est ruinée. » Qu’à cela ne tienne, il prend l’idée au roi de battre de la fausse monnaie. Il forge lui-même une pièce à son effigie bien sûr et envisage de faire des écus soleil, des sols, des parisis , des douzains, des liards, des deniers. « La France a un problème, je le résous. Elle n’a plus de sous, j’en fais, comme ça, il n’y a plus de problème ! » On se plaint de l’amateurisme de notre gouvernement actuel avec ses lois mal ficelées mais que dire de ce roi de France !
Charles IX se laisse embobiner par un alchimiste escroc, un certain Jean des Galans, sieur de Pezerolles, qui lui fait croire qu’il peut transformer n’importe quelle rondelle de ferraille en or massif. Il lui fournit donc un laboratoire et cent vingt mille livres pour les premiers frais. Des Galans, s’enfuie avec la somme avant d’être arrêté et pendu au gibet.
Faute de sous, il lui vient alors l’idée d’offrir au peuple du muguet comme porte-bonheur au 1er mai. Une mesure qui ne devrait pas manger de pain, et pourtant si ! Les indigents mettent les fleurs à clochettes dans leur bouillon, ignorant qu’elles sont toxiques. Inflammations de la gorge, nausées, diarrhées, panique respiratoire, augmentation de la pression artérielle, c’est une nouvelle hécatombe dans Paris. Bon là, Jean Teulé prend peut-être quelque liberté avec les dates car il semblerait que c’est à l’occasion du 1er mai 1561 que Charles IX institua le muguet porte-bonheur en en offrant un brin aux dames de la Cour.
– Pourquoi le fermier a-t-il dit : « En ce jour de l’an » ? Nous ne sommes pas en janvier.
– Oh, vous savez … commente le duc d’Aumale qui chevauche près de lui, les gens de la campagne, les dates …
– Ça pue. Il est avec nous, Navarre ?
– Non répond le grand veneur
– Pourtant ça pue le poisson pourri
– Oh, Sire ! s’exclame Aumale, regardez ce que vous aviez accroché dans le dos par un hameçon ! Un petit poisson pas frais.
Il est possible qu’il y ait encore une approximation de chronologie de la part de l’auteur. En effet, c’est en vertu d’un édit signé le 9 août 1564 au château de Roussillon en Isère, que Charles IX instaura le 1er janvier comme le premier jour de l’année dans tout le royaume de France en lieu et place du 1er avril (en fait le 25 mars !). Encore que, bien qu’il n’y eût pas en ce temps-là de Conseil Constitutionnel empêchant les réformes de tourner rondes, les édits n’étaient pas toujours mis en application. Il semblerait aussi que beaucoup de personnes eurent des difficultés à s’adapter au nouveau calendrier, d’autres n’étaient pas au courant du changement et continuèrent à célébrer le 1er avril selon l’ancienne tradition. Pour se moquer d’elles, certains profitèrent de l’occasion pour leur remettre de faux cadeaux et leur jouer des tours.
La passion pour la chasse ne se calme pas chez le monarque, bien au contraire. Cette fois, par un jour d’hiver rigoureux, chevauchant un rouan imaginaire au galop, il traque le cerf, un magnifique vingt-deux cors. Pas  en forêt de Villers-Cotterets, ni dans le jardin des Tuileries, ni dans la cour carrée, mais carrément dans le Louvre ! Ça se soigne docteur Ambroise Paré (qui a échappé au carnage) ?
La bête détale dans les galeries et les escaliers avant d’être criblée de flèches par cinquante archers. « Qui a commandé l’abattage ? … Moi ! » répond Catherine de Médicis qui surveille tous les faits et gestes de son fils ! Ou fait espionner car il est une curieuse tapisserie d’un cerf dont l’oeil bleu cligne souvent.

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photo prise au musée de la Chasse et de la Nature à Paris

Le souverain s’adonne à d’autres passe-temps ! Dans un chapitre, on se croirait à Roland-Garros, ou au Masters de Bercy car c’est indoor que le roi joue à la paume dans la salle éponyme du Louvre. Match homérique et fratricide opposant en double Charles IX et Henri de Navarre à Henri duc d’Anjou et le cadet difforme des Valois, François duc d’Alençon. Ça discute grave au sujet d’une balle qui serait passée sous la corde. On n’a pas l’arbitrage vidéo à l’époque. À Charly 9 de servir ! Balles neuves annonce sa majesté.
Pendant ce temps, le massacre des huguenots a gagné les provinces du royaume. « En Touraine, les villes qui jusque-là n’avaient jamais trempé dans les guerres de religion troublent la Loire d’une teinte nouvelle … Pareil à Meaux, Troyes, l’eau de leurs rivières rit en mille ondes rouges ». C’est peut-être la faiblesse du roman. ou une de ses qualités. La verve truculente avec laquelle l’auteur nous livre moult anecdotes véridiques quoique un peu romancées nous détache parfois de la monstruosité de cette sinistre histoire qui conduit Charles IX à la folie et à la mort.
Elle survient le 30 mai 1574 au château de Vincennes, un mois avant son vingt-quatrième anniversaire. L’autopsie pratiquée (la première sur un roi de France) par Ambroise Paré conclut à une mort par pleurésie suite à une pneumonie tuberculeuse.
Le mémorialiste Brantôme écrira dans ses mémoires : « Ambroise Paré nous dit en passant et sans longs propos que le roi avait trop sonné de la trompe à la chasse au cerf » … Il est vrai que les hôtes du palais n’aimaient pas le son du cor au fond du Louvre !
Cependant, troublante et même extraordinaire encore est la maladie dont souffrait le roi, une hématidrose, une sueur de sang, la sécrétion de sang par les glandes sudoripares. Tout le sang qu’il a versé ressort par son corps ! Il faut toujours que ça saigne avec Charles IX !
Au-delà de sa mort encore, Charles IX aura décidément connu une vie de merde ! En effet, le 13 juillet 1574, alors que dix mille personnes accompagnent sa dépouille de Notre-Dame jusqu’à la basilique de Saint-Denis où reposent les rois de France, catholiques, protestants et Malcontents se déchirent encore. Les funérailles tournent au carnage. On peut même dire qu’elles sont « saint-barthélémiesques » ! Le mausolée prévu pour Charles IX à la basilique ne sera jamais construit et les restes du monarque seront jetés à la fosse commune en 1793. Il y a peu de chances que Charly soit allé au paradis !
Même si le style de Jean Teulé semble moins accompli, je n’ose pas dire bâclé parfois, que dans son Montespan, j’ai pris cependant beaucoup de plaisir à lire sa farce macabre d’un bouffon tragique.
Et pour clouer le bec à quelques historiens trop puristes, j’accorderais volontiers une note honorable au collégien qui, pour raconter la Saint-Barthélemy, s’appuierait sur le bouquin de Teulé, Charly 9, roi de la loose !
De toute manière, la Saint-Barthélemy est toujours analysée différemment selon que les historiens sont catholiques, protestants ou athées. Et les guerres de religion perdurent encore aujourd’hui …

Publié dans:Coups de coeur |on 14 janvier, 2013 |3 Commentaires »

Une semaine pas forcément gay!

Les débats autour du projet de loi sur le mariage pour tous réveillent de vieux démons. Partisans de l’école laïque et défenseurs de l’enseignement privé se chamaillent régulièrement depuis la Révolution française.
Ce dimanche, les opposants au mariage homosexuel descendront dans la rue pour manifester.

Une semaine pas forcément gay! dans Coups de coeur charlie-couverturemanif-gayblog

Plutôt que vous livrer ma bien modeste opinion sur la question, je préfère offrir à votre jugement un éditorial récent du philosophe Michel Serres.
Membre de l’Académie Française, professeur à l’université de Stanford aux Etats-Unis, auteur de nombreux essais philosophiques et d’histoire des sciences, et subsidiairement, amoureux de ceux (les essais) des rugbymen d’antan après cadrages débordements, reconnaissez qu’il y a pire choix !
« Cette question du mariage gay m’intéresse en raison de la réponse qu’y apporte la hiérarchie ecclésiale.
Depuis le 1er siècle après Jésus-Christ, le modèle familial, c’est celui de l’Église, c’est la Sainte Famille. Mais, examinons la Sainte Famille. Dans la Sainte Famille, le père n’est pas le père : Joseph n’est pas le père de Jésus, le fils n’est pas le fils, Jésus est le fils de Dieu, pas de Joseph. Joseph, lui, n’a jamais fait l’amour avec sa femme. Quant à la mère, elle est bien la mère mais elle est vierge.
La Sainte Famille, c’est ce que Lévi-Strauss appellerait la structure élémentaire de la parenté. Une structure qui rompt complètement avec la généalogie antique, basée jusque-là sur la filiation : la filiation naturelle , la reconnaissance de paternité et l’adoption. Dans la Sainte Famille, on fait l’impasse tout à la fois sur la filiation naturelle et sur la reconnaissance pour ne garder que l’adoption.
L’Église, donc, depuis l’Évangile selon Saint Luc, pose comme modèle de la famille, une structure élémentaire fondée sur l’adoption : il ne s’agit plus d’enfanter mais de se choisir.
À tel point que nous ne sommes parents, vous ne serez jamais parents, père et mère, que si vous dites à votre enfant « je t’ai choisi », « je t’adopte car je t’aime, « c’est toi que j’ai voulu ». Et réciproquement : l’enfant choisit aussi ses parents parce qu’il les aime.
De sorte que pour moi, la position de l’Église sur ce sujet du mariage homosexuel est parfaitement mystérieuse : ce problème est réglé depuis près de 2 000 ans. Je conseille à toute la hiérarchie catholique de relire l’Évangile selon Saint Luc, ou de se convertir. »
Je conclus avec une autre de ses citations : « Le savoir rend heureux, le savoir rend libre ».

Publié dans:Coups de coeur |on 10 janvier, 2013 |Pas de commentaires »

Une histoire de Fantômes (de Landowski) … avant de passer par la Lorraine avec mes gros sabots

Maintenant que la fin du monde est ajournée (!), je vous propose aujourd’hui une histoire de fantômes. Une histoire vraie avec des vrais ! J’ai même téléphoné à la mairie d’Oulchy-le-Château, une petite commune du département de l’Aisne, pour m’assurer qu’ils fussent bien libérés de leurs chaînes. On ne put complètement me le confirmer mais, qu’à cela ne tienne, l’envie de faire leur connaissance l’emporta.
Ma curiosité naquit de la lecture du livre Le Corps de la France. L’auteur Michel Bernard y consacrait un chapitre à ces « Fantômes ». Je me demande d’ailleurs comment mon père ne m’emmena jamais à leur rencontre, lui qui, président cantonal de l’association du Souvenir Français, me fit découvrir dans mon enfance nombre de lieux de mémoire de l’Histoire de France.
Un fantôme est une apparition, une vision ou une illusion interprétée comme la manifestation surnaturelle d’une personne décédée. Je dissipe le mystère, les fantômes de la butte de Chalmont, près d’Oulchy, sont l’œuvre du sculpteur Paul Landowski, celui-là même qui façonna le Christ Rédempteur du Corcovado dominant la baie de Rio de Janeiro.
Commande fut passée par l’État, à cet artiste, lui-même combattant de la Première Guerre mondiale, décoré de la croix de guerre pour faits d’armes lors de la bataille de la Somme, Grand Prix de Rome, directeur de la villa Médicis puis de l’école des Beaux-Arts de Paris, pour célébrer l’offensive de l’armée française de l’été 1918, au cours de la seconde bataille de la Marne qui allait conduire la France à la victoire.
Le monument fut inauguré le 21 juillet 1935 par le président de la République Albert Lebrun. S’il n’avait été assassiné deux ans auparavant, cet honneur eût incombé à Paul Doumer qui avait perdu ses quatre fils dans cette guerre 14-18, une effroyable boucherie qui causa la mort de 1 315 000 soldats français.
Paul Landowski avait promis dès 1916, alors même qu’il était membre de la section camouflage : « Ces morts, je les relèverai un jour ». Ainsi, il se rendit dans le Tardenois, contrée discrète coincée entre l’Ile-de-France et la Champagne. « Il est venu sur la butte Chalmont pour prendre la mesure des choses. Il a regardé l’horizon, les quatre points cardinaux, il a étudié la course du soleil sur le site, l’orientation et le mouvement des ombres et il a fait le tour de la butte. Il s’est longuement arrêté au nord-est, à l’endroit où s’était portée l’attaque décisive de l’armée française. De là, de l’emplacement où se trouvaient les lignes allemandes, il a longuement contemplé la butte de Chalmont, les variations de la lumière sur ses formes, le jeu des brumes. Il a pris des photographies pour en conserver des images. Une fois revenu à Paris, il les a fixées avec une punaise au mur de son atelier » (Michel Bernard dans Le Corps de la France).
Ce matin-là, je suis donc à la recherche de ses fantômes, en sinuant dans les molles ondulations du paysage blanc de givre d’où émergent quelques lambeaux de bosquets et des tumulus de betteraves. Pas âme qui vive sinon soudain quelques ombres chinoises qui se découpent dans l’azur du ciel sur le rebord d’un petit tertre.
Le cœur bat un peu plus fort devant la solennité du lieu, un sentiment semblable à celui qui m’étreignit lors de ma première visite aux atlantes de Tula, au nord de Mexico City, ces piliers en forme de guerriers célestes ayant soutenu la toiture du temple de Tlahuizcalpantecuhtli.
Par chance, les échafaudages dressés pour redonner un coup de jeune aux fantômes ont disparu depuis la veille. Durant quelques instants, j’embrasse d’un vaste coup d’œil le chef-d’œuvre de Paul Landowski qui se compose de deux tableaux.

Une histoire de Fantômes (de Landowski) ... avant de passer par la Lorraine avec mes gros sabots dans Ma Douce France fantomeblog1

Au premier plan, une statue colossale de femme, cheveux au vent et pieds nus, vêtue d’un drapé à l’antique, boude mon regard en fixant l’horizon, vers l’Est, d’où vint le danger et l’ennemi germanique.

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Légèrement penchée vers l’avant, elle tient un bouclier orné de trois déesses allégoriques figurant la devise de la République française, Liberté-Égalité-Fraternité. Sans doute moins sexy mais bien plus « sculpturale » (et pour cause) que Brigitte Bardot sous les traits de la Marianne des mairies, c’est la France, haute de huit mètres, telle que l’artiste la concevait dans les années trente.
De part et d’autre, deux stèles. Sur celle de gauche, on peut lire : « Á la mémoire des officiers, sous-officiers et soldats vainqueurs des dures journées du 15 juillet au 4 aout 1918, annonciatrices de la délivrance, de la victoire et de la paix ». Suit une longue liste des généraux et des corps d’armées ayant participé à la bataille. Les courageux soldats anonymes dont beaucoup payèrent de leur vie, auraient mérité qu’on grave aussi leurs noms dans la pierre. De cette guerre, Anatole France retint quelques enseignements ; ainsi écrivit-il dans L’Humanité : « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels ». C’est toujours exact !

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extrait de Brindavoine & La fleur au fusil, la bande dessinée de Jacques Tardi

Sur celle de droite, est écrit : « Le 15 juillet 1918, l’ennemi engage la bataille en Champagne contre les IVème, Vème, VIème armées. Le 17, ses efforts sont brisés de Château-Thierry à l’Argonne. Á l’aube du 18 juillet 1918, entre Nouvron et la Marne, les Xème et Vème armées s’élancent à l’assaut sur le flanc de l’ennemi, atteignant le soir le front Pernant-Torcy, progressent sans arrêt les jours suivants et enlèvent la Butte de Chalmont, succès décisif qui repousse l’ennemi sur les plateaux du Tardenois. Il tente en vain de résister au nord de l’Ourcq – combats du Grand-Rozoy – il est rejeté sur la Vesle. La ville de Soissons est délivrée, 30.000 prisonniers et un matériel considérable sont capturés. Le front est raccourci de 50 km, la voie Paris-Chalons rétablie, la menace contre Paris levée. Après 3 semaines de durs combats auxquels participèrent des divisions américaines, britanniques et italiennes, la seconde bataille de la Marne se terminait victorieusement. L’initiative des opérations passait aux mains des alliés. »
Ce matin, il est difficile d’imaginer que dans ce lieu paisible et désert, se produisit en 1918 un véritable déluge de feu et de sang.
Seul, j’entame maintenant l’ascension des plans herbus légèrement inclinés, au nombre de quatre comme le nombre des années de guerre, vers les Fantômes qui semblent m’attendre au sommet de la colline.

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Balançant entre émotion et admiration, je me plante, à distance encore respectable, au pied des ultimes marches. Ils me toisent regroupés tel un pack de rugbymen prêts à pousser son hakka. On en devine la forme sans trop comprendre ce qu’elle représente.
Droit sur les colosses de Chalmont ! Je gravis l’escalier qui mène à leurs pieds. Je me sens soudain petit devant l’imposant bloc de granit rose de Bretagne, la « pierre d’éternité » ainsi la nommait Paul Landowski. Sur le socle, est gravée l’inscription « Les Fantômes ».
Il me faut lever la tête pour enfin les dévisager. Ils sont au nombre de huit : sept soldats incarnant chacun une arme, d’une taille de huit mètres, disposés au garde-à-vous sur deux rangées.

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En première ligne, de gauche à droite, je passe en revue une jeune recrue, un sapeur la pioche à la main servant pour les travaux de sape à savoir les tranchées, un mitrailleur, le seul coiffé du casque emblème de la Victoire, et un grenadier en bras de chemise ouverte sur le torse.
Derrière eux, se dressent un fantassin, un colonial avec un passe-montagne et un aviateur avec son serre-tête en cuir et des lunettes de vol.
Ils sont sept gisants, légèrement inclinés, comme si, revenant de la mort, ils se relevaient de leur linceul blanc de givre; ainsi, les brancardiers les relevaient aussi dans les tranchées..
Ils ont les yeux clos. « Ces morts ont une figure grave, un air réfléchi, un peu étonné, une sérénité proche de l’hébétude. On les dirait plongés dans une éternelle méditation sur la vie qu’ils n’ont pas vécue ». L’artiste sculpteur a tenu sa promesse ; pour rendre hommage aux poilus sacrifiés, il a relevé les morts.
Ils font comme rempart à un huitième personnage, un jeune homme nu qui, lui, semble, au contraire, s’élever vers le ciel. Portant le masque de l’agonie, il symbolise le spectre de la mort.

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Comme l’écrit Michel Bernard dans Le Corps de la France, « le vers de Charles Baudelaire a trouvé son exacte forme terrestre dans un monument de granit breton dressé sur le bord du plateau du Tardenois par le deuil de la France : « Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs ». » Cet alexandrin est tiré du poème La servante au grand cœur dans Les Fleurs du Mal.
Durant de longues minutes, je tourne et retourne autour des Fantômes. Même pas peur, au contraire même ! Selon la course du soleil, leurs visages plus ou moins éclairés semblent exprimer des sentiments différents.
Ils possèdent la même majesté que les rois de France gisant dans la basilique de Saint-Denis. Ils dégagent une force religieuse, quasi chrétienne de la souffrance. Cela corrobore les propos de leur sculpteur qui déclarait : « L’œuvre d’art a une mission mystique qui est de racheter le réel », en l’occurrence abominable. Et cela change de la traditionnelle représentation guerrière des monuments aux morts de nos communes.
Lors d’une veillée spectacle sur la butte de Chalmont, à l’occasion du 90ème anniversaire des combats de 1918, sept poilus tombés dans l’Aisne témoignèrent, avant de se figer de nouveau dans la pierre, de ce qu’avaient vécu les hommes précipités malgré eux dans la Grande Guerre. Ils s’appelaient Auguste Platrier, Antoine-Jean Eldin, Marcel Doumer, Édouard Soubiran, Pascal Migne, Jean Flamen, Antoine Meyer. Ils venaient de Dordogne, de Haute-Garonne, de Vendée, de la Loire. Je me sens bien avec eux au sommet de la butte devant l’horizon dégagé du Tardenois. Si ce n’était le soleil encore transi en cette fin de matinée, j’aurais bien pique-niqué sur la pelouse voisine, histoire de partager quelques pensées avec eux à la manière ancestrale du peuple indien lors du Dìa de los Muertos au Mexique.

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J’imagine l’atmosphère wagnérienne qui doit peser lorsque le ciel se charge de lourds nuages noirs. Ou au contraire, les feux sans artifice quand les soleils couchants rougeoient les joues des fantômes. Des ambiances de fin d’un monde ! « La vague de terre sur laquelle se profilent les silhouettes des Fantômes est un remous du temps entre deux catastrophes. Un million trois cent mille jeunes Français morts à la guerre regardent la guerre qui revient ». En effet, tragiquement, une autre se profilait vingt ans plus tard !
En juillet 1968, le général Charles de Gaulle, alors président de la République, prononça là son dernier discours en public. Il brossa un résumé des derniers mois de la guerre et des ultimes offensives, avant de conclure en détachant bien ses mots : « Or, en ce temps-là, en ce lieu-ci, c’est cela qui est arrivé ! ».
En repartant, j’effectue une brève visite de courtoisie à la mairie d’Oulchy-le-Château. Bien m’en prend puisque c’est le maire en personne qui m’accueille. Il est ravi que j’ai pu rencontrer les Fantômes libérés de leurs chaînes : « Ils sont beaux nos Fantômes, n’est-ce-pas ? » En effet, même si vous n’avez pas la fibre militariste, je vous conseille si vous empruntez l’autoroute A4, de sortir à hauteur de Château-Thierry, pour aller vous incliner devant eux. Ils vous offriront un beau moment d’émotion artistique.
Et comme je les ai découverts grâce à lui, je vous suggère également la lecture de l’ouvrage de Michel Bernard, Le Corps de la France.

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« Il y a du saint-bernard chez Michel Bernard. C’est un écrivain d’avalanche. Il cherche le corps de la France sous les coulées de déprime, de masochisme et d’à-quoi-bonisme qui n’en finissent pas de le recouvrir. Il ne se fait pas à l’idée qu’on le laisse mourir, ce pauvre grand corps déchiqueté par les politiques et ridiculisé par les footballeurs. Alors, une bouteille de vin de l’Aude en guise de tonnelet d’eau-de-vie, il sonde les congères de l’Histoire, débusque des hommes dont il a hérité la passion du pays et le refus d’abdiquer. » (Nouvel Observateur)
Un peu plus tard, j’apercevrai de l’autoroute les ailes du moulin de Valmy. À ses pieds, se déroula une fameuse bataille qui n’en fut pas vraiment une. Il n’empêche qu’on la considère comme l’élément fondateur de la République. Je vous en ai entretenu dans un billet du 1er juillet 2010 (Va mal, VALMY, Va bien !)
Fermez votre livre d’Histoire, une petite révision de Géographie maintenant !
En effet, plus tard, en passant par la Lorraine, à hauteur de Verdun, je me replonge au temps où, jeune étudiant, je planchais sur le relief de cuesta avec le Précis de Géomorphologie de Max Derruau.
Malgré sa dénomination hispanique, ce relief de côte caractéristique des régions périphériques des bassins sédimentaires est très présent à l’Est du Bassin Parisien avec une succession de côtes dites de Meuse et de Moselle.. Conséquence de l’action différenciée de l’érosion fluviale sur des couches sédimentaires de dureté inégale, la cuesta se compose, d’un côté, d’un talus en pente raide dit le front de côte, et, de l’autre, d’un plateau doucement incliné en sens inverse dit le revers.

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Mon professeur de Géographie à l’École Normale, un valeureux pédagogue d’origine meusienne, n’avait rien trouvé de mieux pour appréhender cette curiosité géologique que de nous proposer quelques séances de bricolage : relevé sur du carton des courbes de niveaux de la butte témoin de Saint-Mihiel d’après la carte IGN au 1/50 000, ensuite découpage et clouage des feuilles de carton empilées, puis passage d’une pâte d’enduit qu’on peignait enfin. J’ai retrouvé cette maquette une trentaine d’années plus tard, à l’occasion d’un déménagement. C’était sans doute moins drôle que de pianoter sur un smartphone mais … !
Justement, la butte de Saint-Mihiel se profile à l’horizon car pour éviter les péages prohibitifs, je sors de l’autoroute et emprunte la route départementale 1916 qui relie Verdun à Bar-le-Duc. Axe stratégique durant la bataille de Verdun en 1916, elle fut baptisée Voie sacrée par l’écrivain Maurice Barrès. Chaque kilomètre est identifié par une borne coiffée d’un casque de poilu … en résine, car les vrais furent pillés par des collectionneurs ou descellés par les Allemands en 1940.

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Elle fut de février à octobre 1916 l’unique voie de liaison permettant l’approvisionnement en hommes et matériel entre l’arrière et les premières lignes de front autour de Verdun.
Au plus fort de la bataille, plus de 8000 véhicules y circulaient, un toutes les 13 secondes ! De mars à juin 1916, 400.000 hommes et 500.000 tonnes de ravitaillement en matériel et munitions étaient acheminés par mois, nuit et jour, jusqu’à l’enfer, camions, tracteurs d’artillerie, autobus, ambulances, véhicules d’état-major.
Paul Valéry écrivit : « Ils semblaient, par la Voie sacrée, monter, pour un offertoire sans exemple, à l’autel le plus redoutable que l’homme eût élevé ». Sans compter le flot incessant des véhicules rapatriant les blessés vers l’arrière. Les soldats du Train la surnommaient le Boulevard du Poilu ou encore le Chemin de l’Enfer. La chaussée mal empierrée n’était en rien comparable avec l’enrobé lisse d’aujourd’hui.
Cet après-midi, sur le plateau meusien, la circulation est bien moins dense et heureusement beaucoup plus pacifique. Soudain, dans une courbe peu avant Souilly, des silhouettes grandeur nature de soldats et de véhicules se dressent sur les bas-côtés.
Il s’agit là d’une initiative du Conseil général de la Meuse pour rendre hommage aux Poilus et au rôle important de la Voie Sacrée pendant la première guerre mondiale.

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Je reconnais le maréchal Pétain à cheval. Il est possible que parmi les autres gradés se trouvent les généraux Guillaumat, Nivelle peu respectueux dit-on des vies humaines, et Mangin partisan d’une « force noire », une armée africaine. Trois tirailleurs sénégalais frigorifiés posent d’ailleurs pour moi.

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Foin du froid polaire qui cingle sur le plateau, le « Tigre » Georges Clemenceau marche dans la neige, d’un pas déterminé comme il le fut en 1917 lorsque son vieil ennemi, le Président de la République Raymond Poincaré, l’appela à la présidence du Conseil. Il forma alors un gouvernement de choc pour intensifier la guerre avec l’Allemagne.
Si le temps ne me pressait pas, bien que Georges Brassens préférât cette guerre 14-18, je poursuivrais ma plongée dans l’Histoire de France en revenant six siècles en arrière au temps de la guerre de Cent ans. En effet, je traverse maintenant la petite ville de Vaucouleurs.

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J’aperçois à la volée la statue équestre de Jeanne d’Arc érigée sur la place de la mairie. La châtellenie de Vaucouleurs, à laquelle le village de Domremy était rattaché, résista vaillamment aux Anglais et Bourguignons. C’est pour cela que son prévôt, le capitaine Robert de Baudricourt, avait la considération du roi. Il confia une escorte à la jeune Jeanne en vue de gagner Chinon et la cour royale. Car vous savez bien qu’à treize ans, elle aurait entendu des voix célestes l’exhortant à libérer le royaume de France de l’envahisseur et conduire le Dauphin sur le trône !
La population valcoloroise se cotisa pour offrir des vêtements masculins à Jeanne. Elle se coupa les cheveux au bol. Son départ pour Chinon eut lieu sous la porte de France en février 1429. Vous connaissez son destin brûlant !
À Vaucouleurs, une Jeanne peut en cacher une autre. La localité meusienne vit naître, le 19 août 1743, Jeanne Bécu dite de Vaubernier. Vous la connaissez sans doute mieux par son titre de mariage comme comtesse du Barry.
Il y a bien un candidat au brevet des collèges qui dira qu’elle fut la créatrice du foie gras ! Oui, je sais, là je passe par la Lorraine avec de très gros sabots !
Autant l’autre Jeanne, fille de Jacques d’Arc et Isabelle Romée, était pucelle, autant celle-ci fut de mœurs plus légères. Les goûts et les (Vau)couleurs, ça ne se discute pas !
Vendeuse dans une boutique de mode parisienne, d’une prétendue beauté éblouissante, elle devint à dix-neuf ans la maîtresse de Jean-Baptiste Dubarry, un gentilhomme toulousain réputé pour sa dépravation. Quelques années plus tard, elle fut présentée au roi Louis XV par l’intermédiaire du maréchal de Richelieu, un petit-neveu du cardinal. Le souverain s’éprit rapidement de la demoiselle dont les talents aux jeux de l’amour lui procuraient une nouvelle jeunesse. Il désira en faire bientôt sa nouvelle favorite.
Mais cela ne pouvait s’accomplir sans une présentation officielle à la cour et aussi que la postulante fût mariée. Le chevalier Jean-Baptiste Dubarry ayant épousé entre temps Ursule Dalmas de Vernongrèse (c’est presque le nom d’une pouliche de trot !), on contourna la difficulté en mariant Jeanne à son frère cadet, le comte Guillaume Dubarry, qui fut immédiatement renvoyé au pays du cassoulet avec cinq mille livres en récompense de sa complaisance.
À la mort du roi (1774), son successeur Louis XVI délivra une lettre de cachet contre La du Barry et la fit conduire au couvent du Pont-aux-Dames près de Meaux. Par la suite, elle mena une vie paisible au château de Louveciennes, marquée par sa liaison avec le duc de Cossé-Brissac. On raconte que lors d’une visite privée en France, l’empereur Joseph II d’Autriche souhaita saluer l’ancienne favorite et l’aurait même invitée à le devancer en déclarant : « Passez madame, la beauté est toujours reine ».

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En 1789, son ancienne condition de maîtresse royale la rendit suspecte auprès des révolutionnaires. Elle fut emprisonnée à Sainte-Pélagie le 22 septembre 1793. Son procès s’ouvrit le 6 décembre devant le Tribunal révolutionnaire. Dès le lendemain, après un jugement expéditif présidé par le redoutable Fouquier-Tinville, elle fut condamnée à la guillotine. L’exécution eut lieu sur l’actuelle place de la Concorde le 8 décembre 1793. Mirabeau en dit : « Si ce ne fut pas une vestale, la faute en fut aux dieux qui la firent si belle ».
Vous avez compris que l’histoire et la géographie constituent un peu ma madeleine de Proust. Tout cela pour vous dire que je traverse maintenant Commercy dont l’une des spécialités est le commerce des … madeleines.
La nuit tombe sur le plateau lorrain. Vous pouvez ranger vos cahiers.

Publié dans:Ma Douce France |on 4 janvier, 2013 |8 Commentaires »

Bonne Année 2013

Bonne Année 2013 dans Almanach bonne-anneeblog-2013

d’après photographie VR KC n°39 (l’équilibriste) de Jean-Denis Robert

Ouf ! La fin du monde n’a donc pas eu lieu. Bugarach, modeste commune de l’Aude où il fallait se réfugier pour échapper à l’apocalypse, ridiculement protégée par la mise en place d’un cordon de forces de l’ordre, n’a reçu la visite que de rares excentriques et de quelques équipes de journalistes.
Ces derniers, d’ailleurs, auraient dû affiner leurs investigations et vérifier leurs sources car les oracles mayas n’avaient nullement prédit la fin du monde mais seulement l’achèvement d’un cycle de leur calendrier. Le prochain étant prévu dans 5 125 ans, je vous donne rendez-vous pour une ultime cérémonie des vœux en l’an 7 137 !

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Mes frayeurs à peine dissipées, le quotidien régional de Midi-Pyrénées nous promet d’ores et déjà l’inquiétante collision d’un astéroïde avec notre planète vers avril 2036, d’une puissance équivalente à cinq bombes atomiques. Comme le dessinait Reiser, on vit vraiment une époque formidable !
En tout cas, maintenant que le bon peuple est rassuré, ce sont les postiers, pompiers et éboueurs qui vont  pouvoir effectuer leurs traditionnelles distributions de calendriers.

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Cela dit, il y aura bien quelque rabat-joie pour nous saper le moral déjà friable en dénigrant le nouveau millésime.
Les incidences du nombre 13 dans des domaines temporels, religieux, historiques ou mathématiques expliquent son caractère mystérieux et de nombreuses superstitions. 13 est, en effet, parfois vecteur de maléfices alors que douze était considéré comme un nombre parfait, ainsi, les douze dieux Olympiens (rien à voir avec les footballeurs de Marseille !) de l’Antiquité grecque, les signes du Zodiaque et les chevaliers de la Table Ronde. Sans parler, en cette période d’agapes, des huîtres et des escargots qui sont vendus par douzaines.
Ajouter 1 à douze, c’est briser le cycle et semer le désordre. Il est des immeubles sans treizième étage, des hôtels sans chambre 13 et des avions sans fauteuil 13. Beaucoup de services hospitaliers ne possèdent pas de lit n°13. Des joueurs de football superstitieux refusent de porter le nombre 13 au dos de leur maillot. Par contre, au pays de Bugarach, vers les Corbières, on préfère jouer avec un ballon ovale à treize plutôt qu’à quinze. La treizième carte du tarot représente le squelette de la mort en train de faucher.
Se retrouver 13 convives à table annoncerait la disparition ou la trahison d’un des invités, depuis qu’un dénommé Judas eut partagé le dernier repas de Jésus avec les douze apôtres. La croyance vise même le plus jeune de l’assemblée, ce qui, statistiquement, m’épargne presque de tout danger. Cette peur du nombre treize se nomme la triskaïdékaphobie.
Pour atténuer votre morosité, je vous propose également l’expression treize à la douzaine qui est la bienvenue en cette période de crise. Elle remonterait aux environs de 1750 lorsque les commerçants, moins pingres qu’aujourd’hui, n’hésitaient pas à rajouter gratuitement une treizième marchandise à la douzaine achetée. Au marché, mon aimable crémier sacrifie à la tradition quand je lui prends une douzaine d’œufs. Le hic, c’est que le treizième offert en supplément, emballé dans du papier journal, s’est souvent cassé au fond du  cabas. Cela m’apprendra à vouloir mettre tous mes œufs dans le même panier !
Chez nos voisins de la perfide Albion, la douzaine du boulanger remonte au treizième siècle lorsque le roi Henri III d’Angleterre régit par un édit le commerce du pain et de la bière. Pour lutter contre la fraude des commerçants qui tendaient à fausser les mesures au détriment de leurs clients, les boulangers se virent imposer d’ajouter une unité à toute douzaine vendue.
Sans avoir à formuler de vœux en leur faveur, l’année s’annonce sous de meilleurs auspices pour mes richissimes lecteurs. En effet, le Conseil Constitutionnel les dispense finalement d’une imposition  sur leurs revenus à 75 %. Je vous accorde qu’on doit les compter … sur les doigts d’un manchot !
Plus sérieusement, mes états d’âme à l’encre violette ont drainé plus de cent mille visites au cours de l’année passée. Ces chiffres m’encouragent donc à poursuivre la rédaction de ce blog. J’espère que je ne serai pas en désespérance d’inspiration comme se lamente Stéphane Mallarmé dans son magnifique poème Brise Marine relu récemment :

« La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux!
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature!
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs!
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots! »

Comme l’an dernier, j’ai ouvert ce billet avec une photographie de Jean-Denis Robert puisée dans sa série VR KC. Quelque chose me dit que j’aurai une belle surprise à vous offrir dans le courant du premier trimestre. Cette fois, il n’y a pas de cristal cassé (quoique cela porte bonheur) mais un verre en équilibre précaire. Allez, tous mes vœux pour que vos rêves ne se brisent pas.
Bonne année 2013 !

Publié dans:Almanach |on 1 janvier, 2013 |4 Commentaires »

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