Vous pensez peut-être que le rédacteur d’un blog intitulé À l’encre violette se paye votre bille en écrivant un billet sur la célèbre pointe Bic qui vient de fêter son soixantième anniversaire.
Qu’on le veuille ou non, elle appartient à notre patrimoine même si mes lecteurs les plus anciens et moi-même regrettent le doux crissement de la plume Sergent-Major et les pleins et les déliés tracés sur la page de cahier à grands carreaux.
Elle marque quelque part le début d’une nouvelle ère industrielle. Le romancier et sociologue italien Umberto Eco, auteur du roman Le nom de la Rose, déclara même que, « né volontairement laid et devenu beau parce que pratique, économique, indestructible, organique, le Bic Cristal est le seul exemple de socialisme réalisé qui ait annulé le droit de propriété et toute distinction sociale » ! La solution à la lutte des classes se trouve parfois au bout des doigts ; un savoureux clin d’œil en cette période d’élection présidentielle qui met en compétition des candidats sans imagination, rivalisant de promesses de gascons pour changer notre quotidien!
Pour la beauté du geste et pour combler les nostalgiques de la plume métallique, j’ai puisé quelques documents dans les archives familiales, souvenirs d’une époque où l’écriture au sens calligraphique du terme réclamait un long apprentissage qui s’étendait de l’école maternelle jusqu’au cours moyen avec la formation des lettres, leur alignement sur les lignes du cahier et la prise d’une posture selon les recommandations des hygiénistes.
Quel bonheur, j’ai mis la main sur une publication jaunie de la librairie Fernand Nathan : Mémento Pratique d’Écriture, Modèles et Guide pour la Cursive, l’Écriture droite, la Ronde, la Bâtarde, la Gothique, etc. Lisez avec attention les principes généraux de la cursive et les conditions à observer pour bien l’écrire ; trois pages surréalistes qui plongeraient les têtes blondes d’aujourd’hui dans le même abîme de perplexité que vous, lorsque vous vous confrontez à leur dextérité sur les écrans tactiles des portables !
Il fut un temps, avant l’ère de la dactylographie, où une belle écriture manuelle était à la base de la gestion de l’administration et des entreprises, et ne devait donc prêter à aucune équivoque en matière de lisibilité. On disait d’un tel travaillant dans un bureau, qu’il « était dans les écritures », l’expression resta longtemps en usage. Au niveau de la valeur morale et professionnelle, la personne qui « écrivait bien », était quelqu’un de forcément ordonné, soigneux, élégant même.
Les conseils ci-dessus n’empêchèrent cependant pas des débuts de scoliose et des myopies précoces chez de nombreux écoliers coincés entre leur banc et leur pupitre.
Un chapitre est consacré aux écritures dites de fantaisie, employées en cartographie, géométrie et architecture. Je n’ai relevé aucune trace d’une écriture destinée aux futurs médecins dont le déchiffrage des ordonnances relève souvent des hiéroglyphes.
Manière insidieuse d’apprendre les divisions administratives de la France de l’époque, le livret suggère comme exercices, d’écrire les vingt chefs-lieux des régions militaires, les cinq ports militaires, les dix-sept académies, et les vingt-sept cours d’appel (c’était bien avant que Rachida Dati effectue sa réforme de la justice) !
Savez-vous que les instituteurs reçurent des instructions encourageant l’utilisation de la plume sergent-major dont le nom devint synonyme de victoire après la restitution de l’Alsace et la Lorraine en 1919. Les boîtes illustrées de scènes de batailles (Valmy et mort de Turenne par exemple) à la gloire des armées françaises, contribuèrent au succès commercial de cette plume de légende.
Pour que vous ne considériez pas mes propos comme simple ironie, je vous donne à lire aussi une « rédaction », comme on disait en ce temps-là, choisie par ma professeur de maman pour ses élèves de cinquième du cours complémentaire. Le sujet était de rédiger une fable à la manière de, probablement, Jean de la Fontaine. Son auteur, en bonne normande du Pays de Bray qu’elle était, l’intitula La livre de beurre et la jatte de crème. Elle s’appelait de son nom de jeune fille Odile Grimbert, née le 25 novembre 1934. Qui sait, par le miracle d’internet, retrouvera-t-elle ici un émouvant souvenir de collégienne. Pour tordre le cou à quelque commentaire restrictif, je précise que ce devoir n’était nullement exceptionnel et que j’en possède une trentaine, réunie dans un livre d’or de l’année 1947. Beau florilège, chère maman !
Corollaire inévitable de ce qu’on désigne par facilité comme le sens inéluctable du progrès, l’adoption de la plume métallique au détriment de la plume d’oie connut les mêmes réticences que sa désertion ensuite pour le stylo à bille. Ainsi, Victor Hugo, né en 1802 (vous vous souvenez Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte, déjà Napoléon perçait sous Bonaparte ...) fut jusqu’à sa mort un inconditionnel de la plume d’oie, « celle qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre » selon ses propres mots. On relève aussi dans une correspondance de Flaubert datant de 1865: « Prends garde! tu es sur une pente! Tu as déjà abandonné les plumes d’oie pour les plumes de fer, ce qui est le fait d’une âme faible ».
Dois-je craindre alors les foudres de Michel Houellebecq en tapant plus que de raison sur les touches de mon clavier d’ordinateur ?
Je fus un de ces écoliers décrits par Cavanna dans un texte d’accompagnement d’un livre de photographies de Robert Doisneau : « Nous autres, les grands, on écrit à l’encre, avec de la vraie encre. Nous trempons nos plumes sergent-major dans le petit encrier de faïence blanche en forme de pot de fleur enfoncé dans le trou de la table étudié pour. La table est de chêne massif et trapu, on y grave son nom au canif ou, si l’on est un vrai dur de dur, au Laguiole ou à l’Opinel, prestigieuses lames de voyous à cran d’arrêt ou à virole tournante qui vous classent tout de suite un type très haut dans l’échelle des valeurs sociales. » Pour être honnête, je n’ai jamais joué du surin, au contraire même, j’essayais de choisir le pupitre en meilleur état possible !
J’appartiens donc à cette race, en voie d’extinction, d’élèves qui s’appliquaient à appuyer sur la plume en descendant pour obtenir un plein, et inversement à effleurer le papier en remontant pour réaliser un délié étroit.
Au temps de ma communale, j’ignorais qu’un individu d’origine italienne fomentait un complot, un crime même lésant sa majesté la plume métallique. Le coupable Marcel Bich, directeur de production de la société des Encres Stephens depuis 1937, avait créé en 1944, au 18 impasse des Cailloux à Clichy, la société PPA (Porte-plumes, Porte-mines et Accessoires) qui fabriquait en sous-traitance des pièces détachées d’articles d’écriture.
L’américain Lewis Edson Waterman fut le concepteur du premier véritable stylo, apocope de stylographe. Il s’agissait d’un stylo à réservoir d’encre qui permettait, en principe, d’écrire longtemps sans se réapprovisionner en encre. La légende dit que son prototype refusa d’écrire et fuit même lors de la signature d’un important contrat. Furieux, Waterman se replongea alors avec ténacité dans les lois de capillarité avant de breveter son invention baptisée le Regular en 1884.
Le principe de la bille fut établi par l’anglais John Loud dès 1888 : une bille d’acier encadrée de deux sphères pour la maintenir en place, s’imbibant d’encre au contact d’un tampon à ressort. Cependant, subsistait un problème d’encre trop liquide. Peu pugnace, Loud abandonna son projet.
Il fallut attendre 1938 pour qu’un hongrois, László Biró, journaliste mais également peintre, sculpteur et hypnotiseur, constatât que l’encre d’imprimerie des journaux séchait rapidement en laissant le papier sec et sans tache. Avec son frère György, chimiste, il conçut alors un nouveau dispositif formé d’une bille qui, en roulant librement dans une alvéole, entraînait l’encre de la cartouche pour l’appliquer sur le papier. Ils déposèrent un brevet puis … chassés par les lois antijuives sévissant en Hongrie, ils émigrèrent bientôt en Argentine. Ils y créèrent en 1943 la société des stylos Biro.
Comme souvent, la guerre favorise les avancées technologiques. Ainsi, la Royal Air Force britannique adopta le Birome, le stylo bille des frères Biró, pour ses performances en altitude dans les cabines mal pressurisées.
La guerre économique battait déjà son plein : tandis qu’Eversharp, un fabricant américain de portemines s’associait avec Eberhard-Faber pour exploiter une licence de fabrication du Birome, un autre homme d’affaires fonda en 1945 la Reynolds International Pen Company et devança les détenteurs légitimes des droits, en lançant une copie pirate à prix inférieur sous le nom de Reynolds Rocket qui allait connaître un grand succès aux Etats-Unis puis au Royaume-Uni et en Europe continentale.
Dénigrant les produits de Milton Reynolds, Marcel Bich négocia le brevet du stylo à bille avec László Biró qui avait hispanisé son nom en Lisandro José.
Comment fabriquer une bille techniquement parfaite et l’enchâsser pour qu’il n’y ait ni fuite, ni pâté ? Après deux ans de recherche sur des tours d’horlogerie suisses capables de travailler au centième de millimètre, la bille miracle sortit des ateliers de Clichy en 1951.
Ainsi naît le BIC Cristal, en apparence d’une extrême simplicité, mais en réalité, un concentré de technologie d’un poids total de 5,8 grammes : une bille en carbure de tungstène de 1 mm de diamètre contrôlée à 100% sur sa sphéricité et sa résistance, une pointe en laiton avec sertissage de la bille au micron près, un capuchon en polypropylène assorti à la couleur de l’encre, un corps à six faces pour une bonne prise en main et fragmentant le reflet de la lumière à la manière d’un cristal, de 8,3 mm de diamètre et 14,7 cm de longueur, en plastique transparent pour observer la quantité d’encre restant, un trou équilibrant la pression entre l’intérieur et l’extérieur du corps. Il est conçu pour écrire le plus longtemps possible équivalent à une distance d’environ deux kilomètres.
« La main humaine cherche le moindre effort, la bille la libérera et pourra courir au rythme de la pensée ». Dix mille BIC Cristal sont vendus quotidiennement la première année … plusieurs millions aujourd’hui, plus de cent milliards d’exemplaires au total !
Pour que la marque BIC soit prononçable dans toutes les langues, le baron Bich atrophie son nom d’un coup de h. Pour la promotion de son produit, il fait appel au célèbre affichiste Raymond Savignac qui popularise le slogan « Elle court, elle court, la pointe BIC ».
La marque s’invite dans la caravane publicitaire du Tour de France. En 1956, elle force même insidieusement les portes des écoles avec la distribution de buvards publicitaires signés Jean Effel. « N’écrivez pas à la diable… écrivez à la BIC ! ». « Résultat faux… mais écrit avec la vraie pointe BIC » pondère un vieil instituteur plus bienveillant avec son élève qu’à l’accoutumée.
Pauvres écoliers naïfs que nous étions, nous ne maîtrisions pas encore la culture pub et ignorant ce qui se tramait dans notre dos, nous continuions à nous échiner sur les pleins et les déliés à l’encre violette.
En 1960, le baron anticipant l’ouverture du juteux marché scolaire commande, cette fois, à Savignac de dessiner un petit écolier en culotte courte, pull-over et cravate, la tête en forme de bille, cachant (pas trop !) son stylo derrière son dos avec la mention « approuvé dans les écoles ».
Face à une telle pression médiatique, le ministère de l’Éducation Nationale finit par capituler en publiant la circulaire 65-338 du 3 septembre 1965 sur l’apprentissage de l’écriture :
« Il convient de constater que, de nos jours, on utilise couramment une écriture cursive qui ne nécessite à aucun moment une pression différenciée de la main. Les traits ont une largeur uniforme et sont tracés d’un mouvement continu.
Il n’y a donc pas lieu d’interdire les instruments à réservoir d’encre, ni même les crayons bille qui procurent des avantages de commodité pratique, à condition qu’ils soient bien choisis, et qu’ils permettent sans effort excessif des doigts, du poignet et de l’avant-bras, d’obtenir progressivement une écriture liée, régulière et assez rapide.
Les maîtres veilleront toutefois au bon emploi de ces divers types d’instruments et feront apprendre les graphies correspondant à leur bon usage. »
Quinze ans après son lancement officiel, le BIC entrait à l’école. Dans le combat entre tradition et modernité, la pointe venait de terrasser la plume comme un symbole de la projection dans une nouvelle ère, celle du jetable et de la vitesse.
Pour Ornella Perrugi la valeureuse institutrice de Une si belle école, le roman de Christian Signol (voir billet Lectures d’en France du 16 janvier 2012), c’en était fini des démêlés avec le maire du village au sujet des fournitures à acheter et du cruel dilemme : plumes Sergent-Major ou Baignol et Farjon ?
Ce fut sans doute aussi la fin d’un calvaire pour l’écolier dont je vous présente ci-dessus la copie tirée de Chère École, un bel ouvrage empreint de nostalgie et de tendresse. Je souris devant mon clavier car, absorbé dans mes pensées et peut-être inconsciemment contaminé par la crise économique actuelle, j’avais orthographié l’adjectif placé derrière ouvrage comme le fameux emprunt russe de 1906 ! Vous imaginez les dégâts au temps d’avant le stylo à bille quand l’écriture constituait encore un critère de sélection. Adieu pâtés, ratures et coulures avec le correcteur d’orthographe numérique !
Très probablement, le remplacement de la plume par la bille s’avéra une libération pour la grande majorité des élèves de la communale même si, maintenant que leurs cheveux grisonnent, ils en gardent une certaine nostalgie. Avec le temps, tout s’en va … même les colères et les pleurs des pages raturées déchirées par le maître et des lignes à recopier en punition.
Comme dans toute guerre même technologique, la victoire de la bille entraîna quelque dommage collatéral susceptible de nuire à la bonne harmonie des cours. En effet, les écoliers eurent vite fait de profiter que le capuchon et la cartouche d’encre fussent amovibles pour transformer le stylo en une redoutable arme de chahut, une sarbacane projetant de fines boulettes de papier mâché.
Mes souvenirs s’embrument un peu, mais il me semble que la pointe BIC présentait malgré tout certains défauts. L’encre fuyait parfois, salissant les phalanges ou souillant la blouse lorsqu’on rangeait le stylo, à la manière de l’épicier, dans la poche sur la poitrine.
Combien aussi de capuchons furent perdus voire ingérés lorsque l’élève perplexe mâchouillait l’extrémité de son stylo, en proie à d’épineux problèmes de trains qui se croisaient et de robinets qui fuyaient !
Nos technocrates ont résolu ces questions de manière péremptoire, en prônant l’ultra sécuritaire. Ils interdisent par exemple les bancs de pierre et certaines essences d’arbres dans les cours de récréation ; sait-on jamais, nos enfants turbulents pourraient se fracasser le crâne ou avaler des baies toxiques ! Ils n’ont pas vécu les merveilleuses journées d’hiver d’antan avec les batailles rangées de boules de neige et les longues glissades dans la cour improvisée en patinoire. Et que je sache, les accidents scolaires n’étaient pas plus nombreux.
Un argument imparable déclencha rapidement chez moi une sympathie évidente pour la pointe BIC. En effet, dès 1967, « elle court, elle court … à vélo » !!! Je risque d’être intarissable sur le sujet quitte à irriter mes lecteurs rébarbatifs à la chose pédalante.
Donc cette année-là, le baron Bich, poursuivant ses campagnes publicitaires tout azimut, investit dans le sport en créant une équipe de cyclisme professionnel sur route. Il choisit comme leader, Jacques Anquetil, le plus grand coureur de l’époque et … l’idole de ma jeunesse (voir billets des 15 avril 2009, 22 août 2009, 1er et 15 octobre 2009).
Âgé de 34 ans, mon champion normand était alors à l’automne de sa carrière. Quintuple vainqueur du Tour de France, deux fois victorieux sur le Tour d’Italie, neuf fois premier du Grand Prix des Nations véritable championnat du monde contre la montre, auteur d’un doublé légendaire Critérium du Dauphiné Libéré et Bordeaux-Paris en quarante-huit heures, il n’avait plus rien à prouver à quiconque sinon vis-à-vis de lui-même.
Ainsi, l’idée d’un dernier défi germa dans son esprit : battre à nouveau le mythique record de l’heure sur piste, celui-là même qu’il avait ravi à Fausto Coppi en 1956 avant que son grand rival Roger Rivière ne l’en dépossédât deux ans plus tard.
En guise d’entraînement, comme les grands showmen, il effectua une répétition générale, devant les caméras de l’Eurovision, le dimanche 24 septembre 1967, au vélodrome de Besançon, dans la capitale de l’horlogerie, un symbole quand il s’agit d’une tentative contre le temps. Il parcourut 45,775 kilomètres dans l’heure, exploit déjà remarquable sur une piste en ciment non abritée du vent.
Trois jours plus tard, il se remit en selle sur la piste étalon du Vigorelli à Milan pour couvrir cette fois 47,493 kilomètres, soit 146 mètres de mieux que Rivière et surtout, 1,334 kilomètre de plus que son propre record établi onze ans plus tôt.
Le journaliste Maurice Vidal écrivit dans son éditorial du Miroir du Cyclisme : « Je ne pouvais rien imaginer de plus ennuyeux qu’un cycliste tournant seul, sur une piste, pendant soixante minutes. À ma grande surprise, j’ai été conquis et je me suis passionné d’un bout à l’autre de l’entreprise ». Et quelques lignes plus loin : « Ce coureur possède la plus belle plastique qu’ait sans doute connue l’histoire du sport cycliste et probablement même l’histoire du sport. Anquetil, c’est Ladoumègue, c’est Pelé, c’est Jean Dauger : ce que le geste sportif peut offrir de plus beau. Pour la plus grande gloire de ce sport qui nous est cher, Anquetil ennoblit une monture qui, sous de moins nobles éperons, peut paraître si lourde à mouvoir. Il la fait oublier, il l’intègre à sa silhouette. Anquetil, comme Coppi, est un centaure. C’est la perfection dans les lignes, que l’effort ne déplace que selon une dynamique harmonieuse ».
Je suppose qu’à travers ces éloges sur la plastique du champion, même involontairement il y eut un retour sur investissement pour l’objet en plastique de la société BIC. Chers lecteurs férus de vélo, il y en a, ne me demandez pas si la machine du champion était équipée de tubes Reynolds! Construite par André Jeunet, elle était légère comme une plume en ne pesant que 6,400 kg.
Malgré tout, il y eut, en la circonstance, sinon un Bic, du moins un hic ! En effet, le record ne fut jamais homologué car Jacques Anquetil ne satisfit pas aux désirs du docteur de service qui souhaitait recueillir ses urines dans une éprouvette !
Mon billet n’est pas une tribune pour traiter le fléau de ce qu’on appelait encore alors le doping. De plus, il ne faut pas compter sur moi pour discréditer le champion. La seule réponse appartient à Anquetil qui venait d’améliorer sa performance après onze ans de folle prodigalité sur toutes les routes d’Europe, et de démontrer son exceptionnelle longévité.
Un autre cycliste de renom écrivit les très riches heures du baron Bich. Ainsi, le champion espagnol Luis Ocaña remporta le Tour de France 1973, revêtu de la tunique orange.
Bic apocope de bicyclette, leur aventure commune est finalement presque naturelle quitte à trahir la mémoire de l’écrivain René Fallet qui démontra dans un savoureux petit livre l’incongruité de confondre le vélo de course et l’engin utilitaire du facteur.
Je cesse ici ma digression vélocipédique. Si mon compte est bon et la publicité non mensongère, 24 pointes BIC me seraient nécessaires pour écrire sur une distance égale au record d’Anquetil !
Hors le cyclisme, le baron Bich releva d’autres défis sportifs en tentant de ramener en France la célèbre Coupe de l’America de yachting. « Encore heureux qu’il ait fait beau / Et qu’la Marie-Joseph soit un bon bateau ... » chantaient les Frères Jacques ; les voiliers France du baron connurent moins de réussite que le drakkar normand Anquetil !
La société BIC diversifia peu à peu ses activités. Ainsi, en 1972, elle choisit pour cœur de cible les fumeurs en commercialisant son premier briquet, toujours avec la même philosophie de l’objet de grande consommation, jetable, renouvelable à l’identique et à l’infini, facile d’utilisation, et d’un prix modique.
En 1975, elle s’intéressa aux hommes et aux ex-écoliers dont la barbe avait poussé au menton, en leur proposant son premier rasoir toujours jetable. Récemment, elle lança le BIC Phone, un téléphone prêt à l’emploi avec une heure de communication.
Le BIC Cristal figure aujourd’hui dans les collections permanentes du musée d’Art Moderne de New York et du Centre Georges Pompidou à Paris.
En vous contant cette belle saga publicitaire, mon but n’était pas de départager les nostalgiques de la plume et les modernistes de la bille. Comme un passage de témoin, la marque Sergent-Major fut absorbée (plumée?) par la société BIC en 1979.
Au temps des hussards noirs de la République, il était répandu de trouver dans une élégante écriture à la plume, la promesse d’une personne intelligente et instruite. Clin d’œil de dérision mais peut-être aussi hommage à son ancêtre, BIC réalisa, il y a quelques années, une hilarante série de spots publicitaires mettant en scène des pseudo candidats à l’oral du baccalauréat. Je ne certifierai pas que la fiction rejoint la réalité quoique … Mais j’ai découvert qu’entre Jules César et Vercingétorix, à Alésia, ce fut aussi une histoire de plume !!!