Archive pour février, 2012

TOUS AU LARZAC Cesar du meilleur film documentaire

Plutôt que d’essuyer quelque invective présidentielle du genre « casse-toi pauvre con », au salon de l’Agriculture, un petit troupeau de brebis aveyronnaises a pris la tangente, vendredi soir, vers le théâtre du Châtelet où se déroulait la cérémonie des César du cinéma 2012.
Bien leur en a pris puisque les éleveurs de leurs aïeules ont été honorés à travers le César du meilleur documentaire qui a récompensé Tous au Larzac réalisé par Christian Rouaud.

TOUS AU LARZAC Cesar du meilleur film documentaire dans Coups de coeur CRouaud-Cesar

Je ne vais pas vous faire l’article à propos de ce superbe film puisque je vous l’ai déjà chaudement recommandé dans un récent billet (http://encreviolette.unblog.fr/2011/12/01/).
Occupé ce soir-là, dans un petit village d’Ariège, avec quelques vaches dont je vous relaterai prochainement les facéties, je n’ai pas suivi la remise du trophée à la télévision. Mais quand j’ai appris la bonne nouvelle, je fus ému, heureux et fier, sans doute comme beaucoup des anciens compagnons de route du réalisateur. D’ailleurs, certains m’ont téléphoné le lendemain pour partager notre joie.
Au moment des remerciements, Christian Rouaud, ancien professeur de lettres, a cité en substance une phrase d’Étienne de La Boétie tirée de son Discours de la servitude volontaire, un texte posant la question de la légitimité de toute autorité sur une population : « Les tout-puissants ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. Ce soir, vous avez honoré des hommes et des femmes debout », les protagonistes du film, ces gens admirables qui ont bravé l’armée dix ans durant pour défendre leur terre du Larzac.
Pour pasticher Brassens, nous les copains de Christian Rouaud, ne sommes pas des amis de luxe, ni des amis choisis par Montaigne et La Boétie, mais sur le ventre, nous nous sommes tapé fort qu’il fête son triomphe avec tous les nommés à la brasserie du Fouquet’s. Comme un symbole ?
Chers lecteurs, courez vite Tous au Larzac si le film est projeté dans votre région. Entre western et thriller, il raconte une révolte joyeuse et vous enseigne une passionnante leçon de citoyenneté et de militantisme, autrement enrichissante et épanouissante que les débats pitoyables de la campagne présidentielle.
« Ave Cesar Christian morituri te salutant » Nous attendrons quand même un peu avant de mourir pour saluer tes prochains documentaires.

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Les dangers du fromage avec la compagnie oPuS

Depuis plus de dix ans, la compagnie théâtrale oPuS (Office des Phabricants d’Univers Singuliers) explore les petits recoins de la vie. J’avais évoqué ici la conférence sur le collier de nouilles, un des incontournables cadeaux de fête des Mères (voir billet du 25 mai 2008), donnée dans le cadre de la salle de classe 1900 du musée de l’Éducation du Val d’Oise.
Elle souhaite cette fois sensibiliser la population aux dangers liés à la consommation de fromages au lait cru. Ainsi, la semaine dernière, les amateurs de produits laitiers de la ville de Maurepas et des alentours purent bénéficier d’une information … objective ?.

Les dangers du fromage avec la compagnie oPuS dans Coups de coeur Dangersfromageaffichebisblog

Alors que selon ses dires, nos savoureux fromages  dans le collimateur des technocrates de Bruxelles seront interdits en 2013 selon les accords de Schengen, un vacataire de la brigade de l’O.R.A (Observatoire des Risques Alimentaires) créée en 1971 par le préfet Roger Feuillat, part donc en croisade contre le lait cru dans le cadre du Grenelle de la santé publique.
Parce qu’en mai 1968, des accords sociaux très importants furent signés au ministère du Travail situé rue de Grenelle à Paris, c’est désormais une habitude très française de nommer Grenelle toute réflexion sur un sujet brûlant de société réunissant représentants du gouvernement, syndicats et organisations patronales, comme si l’on voulait lui coller une étiquette de sérieux et de démocratie participative. Attention aux appellations frauduleuses … comme pour les fromages !
Pour avoir déjà subi les frasques de la compagnie oPuS, je renifle la supercherie. Même s’il ne faut plus s’étonner de rien avec notre gouvernement aux abois à quelques semaines d’une élection présidentielle, je suis surpris qu’il manifeste autant d’intérêt pour nos fromages fermiers. Préoccupé à séduire un électorat d’extrême droite, il s’attache plutôt à régler brutalement des problèmes d’immigration autrement épineux.
Justement, et si nos fromages devenaient un enjeu et un symbole d’une certaine identité française ? En effet, qu’ils soient persillés, à croûtes fleuries ou lavées, pâtes pressées ou cuites, ils constituent un sacré melting-pot, appartiennent à des terroirs et possèdent des identités très marquées.
Quarante-quatre d’entre eux s’enorgueillissent d’une appellation d’origine protégée (AOP) délivrée par l’Union Européenne depuis 1992. Ce label témoigne de la qualité du produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent répondre à des critères très précis.
Eh oui, ma bonne dame, tout fout le camp dans notre douce France : ne voilà-t-il pas que des fromages à la mine « pâte…ibulaire mais presque », comme aurait dit Coluche, viennent tartiner le pain des bons français ! Ainsi, traînent dans les rayons des supermarchés, des camemberts de Lorraine et des coulommiers de Mayenne ! Il serait bon qu’ils soient reconduits aux frontières de leur territoire.
Faut-il que je sois accro au fromage pour me surprendre à envisager quelques mesures dignes de messieurs Besson, Hortefeux et Guéant ! Tant qu’à me rallier à une plume droitière, je préfère citer Céline dans Mort à crédit : « Le petit Robert portait sa musette. Elle était sérieusement chargée, avec trois camemberts, et des « vivants » que tout le monde en faisait la remarque... » De toute manière, comme déclara le général de Gaulle, lors d’une conférence de presse, comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 365 variétés de fromages ?
Je m’enflamme malgré le froid polaire qui sévit ce soir-là. Allez, je reviens à de meilleurs sentiments en picorant quelques mini cubes de gruyère arrosés d’un verre de Saumur Champigny, au buffet installé par l’équipe d’animation dans le hall de l’Espace Albert Camus.
Dès mon entrée dans la salle, je soupçonne un certain amateurisme chez le conférencier en détaillant son matériel de projection : un projecteur de diapositives Kodak Carousel sur une fragile tablette ainsi qu’un écran sur pied vaguement bancal. Ça me rappelle les cours au bon temps des prémices de l’outil audiovisuel dans l’éducation nationale !
Cela dit, le sympathique monsieur Grappin alias Jacques Bourdeaux, ne manque pas de pédagogie et alpague immédiatement son auditoire en croyant reconnaître au second rang un spectateur déjà présent la veille à Étampes ! Ouf, je viens d’échapper de justesse au rôle de faire-valoir ou de tête de turc (au fait, puis-je encore employer cette expression avec la nouvelle loi promulguée autour du génocide arménien ?) ! Tête de moine serait d’ailleurs plus de circonstance car le conférencier associe le visage rubicond et la tonsure de mon voisin au portrait jovial d’un de ces ecclésiastiques qui décorent certaines boîtes de fromage.

Coulommiersmoineblog dans Leçons de choses

C’est le prétexte pour stigmatiser les méthodes de communication des produits laitiers qui surfent sur une vague de confiance des consommateurs grâce à ce genre de personnage auquel on donnerait le bon dieu sans confession. La bonhomie des grands-pères est également très porteuse et absout par avance la gourmandise des plus jeunes. Je possède les critères pour embrasser une carrière de mannequin chez Lanquetot !

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Ce que je craignais ne manque pas de se produire; alors que monsieur Grappin saisit le panier du Carousel Kodak, toutes les diapositives glissent par terre. Du vécu je vous dis, nombre de professeurs ont connu pareille mésaventure pour n’avoir pas vérifié la position du disque métallique de la partie inférieure ! Qu’à cela ne tienne, après avoir constaté qu’une quantité non négligeable d’institutrices garnissait les gradins (c’est mardi soir !), le conférencier sollicite l’une d’elles pour ramasser les diapos et … les reclasser, puis invite le reste du public à chantonner quelques ritournelles bien connues comme « les produits laitiers, nos amis pour la vie » et « donne-nous un peu de ton fromage, Belle des champs » ! Voilà comment on déculpabilise (ou on intoxique ?) le consommateur de fromage.
Le très convaincant monsieur Grappin me fait découvrir bientôt des pans de l’Histoire de France qu’on m’avait cachés volontairement ou pas. Ainsi, Jeanne d’Arc, la petite bergère martyre, aurait été soudoyée par les grandes familles d’éleveurs de l’époque pour relancer la consommation du fromage de brebis et faire barrage aux fromages anglais comme le cheddar. On sait que cela s’acheva par une gigantesque fondue sur la place du Vieux-Marché à Rouen.
De même, ce ne serait nullement un hasard si les troupes alliées décidèrent de débarquer en Normandie, le 6 juin 1944, à quelques dizaines de kilomètres du triangle des Bermudes du fromage formé par le camembert, le livarot et le pont-l’évêque.

fromage-Jeanne-dArcblog dans Recettes et produits

Camembertdebarquementblog

Tandis que l’enseignante serviable s’applique à remettre les diapos dans l’ordre et à l’endroit, le bonimenteur, nullement décontenancé, poursuit sa démonstration avec la projection d’un second panier. Nouveau gag, sa femme apparaît sur la première photo qui n’a pas lieu de se trouver là. Plus tard, on découvrira même subrepticement une diapositive du code de la route, égarée par son voisin de bureau de la Prévention routière ! Encore du vécu : j’ai possédé à une époque une collection de diapos oubliées par les professeurs dans le projecteur en fin de séance.
L’exposé sur les dangers liés à la consommation du fromage, s’articule autour de quatre axes : le premier très connu évoque la surcharge pondérale, le second un peu moins concerne les risques bactériologiques et la surcalcification, le troisième obscur explique le danger fractal, quant au dernier, il est carrément insoupçonné avec la menace transalpine.
Je ne développe pas le problème de la prise de poids qui me vaut d’être brimé ou bridé par ma compagne avec la présentation du plateau de fromages lors d’un seul repas quotidien.

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Plus intéressante mais plus inquiétante aussi, est la partie traitant des risques bactériologiques. Monsieur Grappin, images effrayantes à l’appui, nous fait frémir en projetant des coupes de bactéries microscopiques grossies considérablement. Connaissez-vous, par exemple, le vermisseau de Meudon et pire encore, le monstrueux ténia du Saint-Nectaire ? Le spécimen présenté sur l’écran, extrait en 1992 des viscères d’un retraité auvergnat, mesure 396 mètres. Pour s’en débarrasser, on a recours à une bonne vieille recette de grand-mère en concoctant une mixture à base de bouquet garni, aromates et quelques gouttes de Ricqlès. En effet, l’individu indésirable adore les odeurs mentholées. Quand la soupe parvient à ébullition, le malade se penche sur le chaudron et le parasite gêneur, enivré par les effluves de menthe, met la tête dehors. Il suffit alors de tirer avec beaucoup de patience.
Quelle aubaine pour les instituteurs et les professeurs des écoles, présents dans la salle, le conférencier leur suggère de soumettre prochainement à leurs élèves, en lieu et place des exercices de baignoires qui fuient et de trains qui se croisent, le problème suivant : « Combien de temps un ténia du Saint-Nectaire, long de 396 mètres, mettra-t-il pour sortir de l’Auvergnat sachant qu’il progresse à une vitesse de 5 centimètres par minute ? »
Je n’ose pas interrompre monsieur Grappin pour l’avertir d’un autre danger quasi homonyme qui nous guette, à savoir le Nain Sectaire coupable de nombreux cas de sarkonellose. Mais les derniers sondages laissent espérer qu’il est en voie d’éradication grâce au fromage de Hollande !

Nain-sectaireblog

Avec beaucoup d’aplomb, mêlant les contrevérités pseudo scientifiques à ses redoutables vues de l’esprit, le conférencier nous informe maintenant de la surcalcification déclenchée par une absorption abusive de fromage. En effet, à la différence des autres aliments, le calcium contenu dans le fromage s’étalerait en couches successives à la surface des os, entraînant à la longue, le grippage du squelette, une sorte de rhumatisme du fromage en somme. Il est un os très sensible à ce phénomène. Il s’agit de l’os hyoïde, parfois appelé os lingual, le seul qui ne soit pas articulé aux autres os du squelette. Il se trouve au-dessus du larynx dans la partie antérieure du cou, au-dessous de la base de la langue.
Vous pouvez vérifier, il existe réellement. Ce qui est peut-être moins exact, c’est que les personnes affectées d’une surcalcification de l’os hyoïde, possèderaient des voix chevrotantes dont certaines sauraient d’ailleurs tirer parti. Ainsi, démonstration imparable à l’appui, monsieur Grappin se lance dans une hilarante parodie de Marcel Mouloudji, chanteur franco kabyle élevé au lait de chèvre. « Un jour tu verrasComme un p’tit coquelicot … », au-delà de la plaisanterie, surgit un tendre hommage à ce grand monsieur de la chanson dont je vous entretiendrai un jour.
Ce sacré conférencier n’a de cesse de mettre le grappin sur tous nos défauts alimentaires. Ainsi, il met encore en évidence l’existence à l’intérieur de notre corps, d’une molécule dite inhibiteur de répulsion, qui fait que lorsqu’on nous met en présence d’un plateau de fromages à l’occasion de banquets ou repas de famille, on en prend même si l’on n’a plus faim. Et, a posteriori, il révèle que la petite collation d’avant spectacle constituait un test d’appétence tout à fait concluant.
Plus savant encore, il met en exergue la « fractale », une théorie créée par Benoît Mandelbrot qui désigne des objets dont la structure est invariante quel que soit le changement d’échelle. Les objets fractals peuvent être envisagés comme des structures gigognes en tout point. Après vérification, la thèse et son auteur sont encore parfaitement exacts. Appliquée au fromage, la fractale induit que les roux et les rousses ne doivent pas consommer de Rouy, ce fromage carré de Bourgogne au lait de vache, à la croûte très orangée provenant du colorant, le roucou. Le Rouy fait rouiller !
La maladie du Bleu de Bresse produirait des symptômes analogues. En effet, compte tenu de la qualité médiocre de leur spécialité fromagère, les Bressans, vivant en autarcie, consomment 80 % de leur production de bleu, ce qui explique leur complexion persillée de penicillium roqueforti.

BleudeBresseblog

Tiens, une institutrice consciencieuse et tenace, sans doute de l’ancienne génération, lève la main. Elle a résolu le problème du ténia du Saint-Nectaire ; il faut cinq jours et demi pour qu’il soit expulsé complètement !
Depuis longtemps déjà, une complicité s’est instaurée entre les spectateurs et le conférencier. Il va en jouer de plus en plus, notamment pour prévenir maintenant de la menace transalpine. La Suisse avec ses verts pâturages et son peuple boute-en-train, travailleur et honnête, serait la bactérie de l’Europe en matière de fromage. Pour plaider la cause de mes quelques lecteurs valaisans (il y en a car je repère leurs visites sur le gestionnaire d’administration de mon blog), je me permets de préciser qu’à partir de la guerre de Trente Ans (1618-1648), le Gruyère devint un article d’exportation très recherché et l’on peut considérer le dix-huitième siècle comme l’âge d’or de la fabrication du fromage dans les Alpes suisses. Peine perdue, on reproche justement à la Suisse d’avoir été la première à enfreindre les règles protectionnistes.
Avec une mauvaise foi réjouissante, monsieur Grappin jette sa gourme sur nos voisins helvétiques en leur reprochant l’invention du petit-suisse qui est pourtant un fromage frais, non salé, de Normandie, plus précisément de mon berceau natal du Pays de Bray.
Si on cherche la petite bête dans un trou de gruyère (ce qui est insoluble car c’est l’emmental qui possède des trous, pas le gruyère !), il est vrai que le petit cylindre crémeux possède un soupçon d’Helvétie car Charles Gervais reprit un vieux procédé utilisé depuis le Moyen Âge dans le canton de Vaud et que les premiers ouvriers de sa fromagerie étaient des Suisses.
Cela dit, le petit-suisse, symbole de pureté et de candeur, soulignerait la part la plus sombre de l’imagination guerrière des enfants. En effet, très tôt, nos chères têtes blondes n’auraient qu’une hâte à la cantine : attendre que l’assistante de l’école maternelle ait le dos tourné pour pouvoir tordre une petite cuiller et la placer sur le bord de l’assiette, afin de catapulter le petit-suisse sur un camarade. J’ajoute que ces vertus guerrières perdurent longtemps car je me souviens d’homériques batailles aux petits-suisses lorsque j’étais pensionnaire au lycée Corneille de Rouen. Heureusement, c’était un temps où nous portions encore des blouses !
Après avoir présenté une arme rudimentaire construite à partir d’une râpe à fromage et une spatule pour retourner les crêpes, monsieur Grappin réquisitionne un spectateur pour effectuer une démonstration de lancer, non sans avoir auparavant distribué quelques protections en plastique au public placé dans la ligne de tir.
Avant que ne s’achève sa conférence, il nous fait part de son projet de représailles contre la patrie de Guillaume Tell et, à cette intention, il a acquis sur eBay trente-deux arbalètes ayant appartenu à l’équipe helvétique de biathlon des Jeux Olympiques de 1968. Vingt personnes se seraient déjà portées volontaires lors de précédentes causeries, douze places sont donc encore disponibles pour l’expédition qui se déroulerait courant avril au départ de Thonon-les-Bains. Avis aux amateurs ! À peine, notre gouvernement envisage-t-il le retrait de nos forces militaires en Afghanistan, que nous repartons déjà en campagne au-delà des Alpes.
Sabotage de la part des organisateurs ! Malgré ses recommandations, le conférencier nous invite à regret à rejoindre le fond de la scène … autour d’un magnifique buffet de fromages français d’appellation d’origine. La molécule inhibitrice de répulsion fonctionne efficacement. Il est évidemment hors de question, en dépit de l’heure tardive, de ne pas goûter à quelques-uns des plus beaux fleurons de notre production fromagère, choisis par la maison Chahbani réputée pour son étal sur les marchés de Maurepas et Boulogne.

MrChahbaniblog

Sympathique trappiste (habitant de Trappes), monsieur Chahbani mérite autant de considération que Djamel Debbouze, Omar Sy et Nicolas Anelka, autres célébrités de la cité de la banlieue ouest qui ont fait l’objet d’un excellent documentaire diffusé, cette semaine, sur Canal +. Ses fromages superbement affinés font honneur à la production laitière française. Pour mon bon plaisir, il dénicha autrefois quelques petits trésors méconnus comme la fourme de Montbrison et le bleu de Gex ainsi qu’en saison, le fameux brocciu corse pour cuisiner le fiadone. Il fut un temps où, après mes achats, nous partagions un petit verre de blanc sec au comptoir de chez Mimile.
Vous aurez compris que malgré son brillant exposé, monsieur Grappin n’a pas convaincu l’assemblée en majorité acquise aux délices du lait cru. Conscient de son imposture, il ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour participer à la dégustation en notre compagnie.
Finalement, la farce pataphysique et apéritive, qu’il interprète avec talent, paradoxalement suscite l’envie de s’engager dans une autre guéguerre intestine beaucoup plus sérieuse, afin de pourfendre la dictature des grands groupes industriels laitiers favorables à l’utilisation de lait thermisé (chauffé entre 40 et 72° C) ou pasteurisé permettant une longue conservation.

Pont-L'eveque Conquérant blog

Une seconde bataille de Normandie a été remportée récemment car la coopérative Isigny-Sainte-Mère et le groupe Lactalis ont capitulé et ont accepté d’utiliser à nouveau le lait cru pour revenir dans le giron de l’AOC Camembert de Normandie.
Fichue molécule, le lendemain matin, je me suis rendu au marché pour faire emplette de savoureux fromages au lait cru. Sont-ce les effets de la « bonne » parole dispensée par monsieur Grappin ou la température largement négative, grrr ou brrr … monsieur Chahbani n’avait pas dressé son étal ! Heureusement, il était de retour ce samedi. Et pour mettre du baume au cœur de mes amis suisses, j’avais l’intention de me payer une tranche d’un fromage d’exception : l’Étivaz AOC, un grand cru des Alpes Vaudoises fabriqué à partir du lait cru exclusif du troupeau du chalet. En commerçant consciencieux, il me le déconseilla à cause d’un affinage encore insuffisant. Je me suis replié donc sur un magnifique Gaperon, un fromage auvergnat … sans ténia!
Vous avez compris ? Courez vite  écouter Jacques Bourdeaux de la compagnie théâtrale oPuS s’il passe dans votre région. Un régal au troisième degré ! Par contre, ne prenez pas à la lettre les allégations farfelues de monsieur Grappin, pseudo homme de science. Dégustez nos admirables fromages fermiers au lait cru d’appellation d’origine. Un pur délice au premier degré qui peut vous emporter au septième ciel!

Ardoisefromageblog

Certaines illustrations sont tirées de Tout un Fromage, un blog de référence sur le fromage :
http://www.unfromage.com/
Remerciements à Mr Chahbani fromager affineur au marché Escudier de Boulogne (mardi, vendredi et dimanche) et marché de Maurepas (mercredi et samedi)

Comment BIC pluma Sergent-Major …

Vous pensez peut-être que le rédacteur d’un blog intitulé À l’encre violette se paye votre bille en écrivant un billet sur la célèbre pointe Bic qui vient de fêter son soixantième anniversaire.

BIC à l'encrevioletteblog

Qu’on le veuille ou non, elle appartient à notre patrimoine même si mes lecteurs les plus anciens et moi-même regrettent le doux crissement de la plume Sergent-Major et les pleins et les déliés tracés sur la page de cahier à grands carreaux.
Elle marque quelque part le début d’une nouvelle ère industrielle. Le romancier et sociologue italien Umberto Eco, auteur du roman Le nom de la Rose, déclara même que, « né volontairement laid et devenu beau parce que pratique, économique, indestructible, organique, le Bic Cristal est le seul exemple de socialisme réalisé qui ait annulé le droit de propriété et toute distinction sociale » ! La solution à la lutte des classes se trouve parfois au bout des doigts ; un savoureux clin d’œil en cette période d’élection présidentielle qui met en compétition des candidats sans imagination, rivalisant de promesses de gascons pour changer notre quotidien!
Pour la beauté du geste et pour combler les nostalgiques de la plume métallique, j’ai puisé quelques documents dans les archives familiales, souvenirs d’une époque où l’écriture au sens calligraphique du terme réclamait un long apprentissage qui s’étendait de l’école maternelle jusqu’au cours moyen avec la formation des lettres, leur alignement sur les lignes du cahier et la prise d’une posture selon les recommandations des hygiénistes.
Quel bonheur, j’ai mis la main sur une publication jaunie de la librairie Fernand Nathan : Mémento Pratique d’Écriture, Modèles et Guide pour la Cursive, l’Écriture droite, la Ronde, la Bâtarde, la Gothique, etc. Lisez avec attention les principes généraux de la cursive et les conditions à observer pour bien l’écrire ; trois pages surréalistes qui plongeraient les têtes blondes d’aujourd’hui dans le même abîme de perplexité que vous, lorsque vous vous confrontez à leur dextérité sur les écrans tactiles des portables !

Comment BIC pluma Sergent-Major ... dans Coups de coeur Ecriturecursiveblog1bis

Ecriturecursiveblog2 dans Ma Douce France

Ecriturecursiveblog3

Il fut un temps, avant l’ère de la dactylographie, où une belle écriture manuelle était à la base de la gestion de l’administration et des entreprises, et ne devait donc prêter à aucune équivoque en matière de lisibilité. On disait d’un tel travaillant dans un bureau, qu’il « était dans les écritures », l’expression resta longtemps en usage. Au niveau de la valeur morale et professionnelle, la personne qui « écrivait bien », était quelqu’un de forcément ordonné, soigneux, élégant même.
Les conseils ci-dessus n’empêchèrent cependant pas des débuts de scoliose et des myopies précoces chez de nombreux écoliers coincés entre leur banc et leur pupitre.
Un chapitre est consacré aux écritures dites de fantaisie, employées en cartographie, géométrie et architecture. Je n’ai relevé aucune trace d’une écriture destinée aux futurs médecins dont le déchiffrage des ordonnances relève souvent des hiéroglyphes.
Manière insidieuse d’apprendre les divisions administratives de la France de l’époque, le livret suggère comme exercices, d’écrire les vingt chefs-lieux des régions militaires, les cinq ports militaires, les dix-sept académies, et les vingt-sept cours d’appel (c’était bien avant que Rachida Dati effectue sa réforme de la justice) !
Savez-vous que les instituteurs reçurent des instructions encourageant l’utilisation de la plume sergent-major dont le nom devint synonyme de victoire après la restitution de l’Alsace et la Lorraine en 1919. Les boîtes illustrées de scènes de batailles (Valmy et mort de Turenne par exemple) à la gloire des armées françaises, contribuèrent au succès commercial de cette plume de légende.
Pour que vous ne considériez pas mes propos comme simple ironie, je vous donne à lire aussi une « rédaction », comme on disait en ce temps-là, choisie par ma professeur de maman pour ses élèves de cinquième du cours complémentaire. Le sujet était de rédiger une fable à la manière de, probablement, Jean de la Fontaine. Son auteur, en bonne normande du Pays de Bray qu’elle était, l’intitula La livre de beurre et la jatte de crème. Elle s’appelait de son nom de jeune fille Odile Grimbert, née le 25 novembre 1934. Qui sait, par le miracle d’internet, retrouvera-t-elle ici un émouvant souvenir de collégienne. Pour tordre le cou à quelque commentaire restrictif, je précise que ce devoir n’était nullement exceptionnel et que j’en possède une trentaine, réunie dans un livre d’or de l’année 1947. Beau florilège, chère maman !

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Corollaire inévitable de ce qu’on désigne par facilité comme le sens inéluctable du progrès, l’adoption de la plume métallique au détriment de la plume d’oie connut les mêmes réticences que sa désertion ensuite pour le stylo à bille. Ainsi, Victor Hugo, né en 1802 (vous vous souvenez Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte, déjà Napoléon perçait sous Bonaparte ...) fut jusqu’à sa mort un inconditionnel de la plume d’oie, « celle qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre » selon ses propres mots. On relève aussi dans une correspondance de Flaubert datant de 1865: « Prends garde! tu es sur une pente! Tu as déjà abandonné les plumes d’oie pour les plumes de fer, ce qui est le fait d’une âme faible ».
Dois-je craindre alors les foudres de Michel Houellebecq en tapant plus que de raison sur les touches de mon clavier d’ordinateur ?
Je fus un de ces écoliers décrits par Cavanna dans un texte d’accompagnement d’un livre de photographies de Robert Doisneau : « Nous autres, les grands, on écrit à l’encre, avec de la vraie encre. Nous trempons nos plumes sergent-major dans le petit encrier de faïence blanche en forme de pot de fleur enfoncé dans le trou de la table étudié pour. La table est de chêne massif et trapu, on y grave son nom au canif ou, si l’on est un vrai dur de dur, au Laguiole ou à l’Opinel, prestigieuses lames de voyous à cran d’arrêt ou à virole tournante qui vous classent tout de suite un type très haut dans l’échelle des valeurs sociales. » Pour être honnête, je n’ai jamais joué du surin, au contraire même, j’essayais de choisir le pupitre en meilleur état possible !
J’appartiens donc à cette race, en voie d’extinction, d’élèves qui s’appliquaient à appuyer sur la plume en descendant pour obtenir un plein, et inversement à effleurer le papier en remontant pour réaliser un délié étroit.
Au temps de ma communale, j’ignorais qu’un individu d’origine italienne fomentait un complot, un crime même lésant sa majesté la plume métallique. Le coupable Marcel Bich, directeur de production de la société des Encres Stephens depuis 1937, avait créé en 1944, au 18 impasse des Cailloux à Clichy, la société PPA (Porte-plumes, Porte-mines et Accessoires) qui fabriquait en sous-traitance des pièces détachées d’articles d’écriture.
L’américain Lewis Edson Waterman fut le concepteur du premier véritable stylo, apocope de stylographe. Il s’agissait d’un stylo à réservoir d’encre qui permettait, en principe, d’écrire longtemps sans se réapprovisionner en encre. La légende dit que son prototype refusa d’écrire et fuit même lors de la signature d’un important contrat. Furieux, Waterman se replongea alors avec ténacité dans les lois de capillarité avant de breveter son invention baptisée le Regular en 1884.
Le principe de la bille fut établi par l’anglais John Loud dès 1888 : une bille d’acier encadrée de deux sphères pour la maintenir en place, s’imbibant d’encre au contact d’un tampon à ressort. Cependant, subsistait un problème d’encre trop liquide. Peu pugnace, Loud abandonna son projet.
Il fallut attendre 1938 pour qu’un hongrois, László Biró, journaliste mais également peintre, sculpteur et hypnotiseur, constatât que l’encre d’imprimerie des journaux séchait rapidement en laissant le papier sec et sans tache. Avec son frère György, chimiste, il conçut alors un nouveau dispositif formé d’une bille qui, en roulant librement dans une alvéole, entraînait l’encre de la cartouche pour l’appliquer sur le papier. Ils déposèrent un brevet puis … chassés par les lois antijuives sévissant en Hongrie, ils émigrèrent bientôt en Argentine. Ils y créèrent en 1943 la société des stylos Biro.
Comme souvent, la guerre favorise les avancées technologiques. Ainsi, la Royal Air Force britannique adopta le Birome, le stylo bille des frères Biró, pour ses performances en altitude dans les cabines mal pressurisées.
La guerre économique battait déjà son plein : tandis qu’Eversharp, un fabricant américain de portemines s’associait avec Eberhard-Faber pour exploiter une licence de fabrication du Birome, un autre homme d’affaires fonda en 1945 la Reynolds International Pen Company et devança les détenteurs légitimes des droits, en lançant une copie pirate à prix inférieur sous le nom de Reynolds Rocket qui allait connaître un grand succès aux Etats-Unis puis au Royaume-Uni et en Europe continentale.
Dénigrant les produits de Milton Reynolds, Marcel Bich négocia le brevet du stylo à bille avec László Biró qui avait hispanisé son nom en Lisandro José.
Comment fabriquer une bille techniquement parfaite et l’enchâsser pour qu’il n’y ait ni fuite, ni pâté ? Après deux ans de recherche sur des tours d’horlogerie suisses capables de travailler au centième de millimètre, la bille miracle sortit des ateliers de Clichy en 1951.
Ainsi naît le BIC Cristal, en apparence d’une extrême simplicité, mais en réalité, un concentré de technologie d’un poids total de 5,8 grammes : une bille en carbure de tungstène de 1 mm de diamètre contrôlée à 100% sur sa sphéricité et sa résistance, une pointe en laiton avec sertissage de la bille au micron près, un capuchon en polypropylène assorti à la couleur de l’encre, un corps à six faces pour une bonne prise en main et fragmentant le reflet de la lumière à la manière d’un cristal, de 8,3 mm de diamètre et 14,7 cm de longueur, en plastique transparent pour observer la quantité d’encre restant, un trou équilibrant la pression entre l’intérieur et l’extérieur du corps. Il est conçu pour écrire le plus longtemps possible équivalent à une distance d’environ deux kilomètres.
« La main humaine cherche le moindre effort, la bille la libérera et pourra courir au rythme de la pensée ». Dix mille BIC Cristal sont vendus quotidiennement la première année … plusieurs millions aujourd’hui, plus de cent milliards d’exemplaires au total !
Pour que la marque BIC soit prononçable dans toutes les langues, le baron Bich atrophie son nom d’un coup de h. Pour la promotion de son produit, il fait appel au célèbre affichiste Raymond Savignac qui popularise le slogan « Elle court, elle court, la pointe BIC ».

SavignacBicblog

La marque s’invite dans la caravane publicitaire du Tour de France. En 1956, elle force même insidieusement les portes des écoles avec la distribution de buvards publicitaires signés Jean Effel. « N’écrivez pas à la diable… écrivez à la BIC ! ». « Résultat faux… mais écrit avec la vraie pointe BIC » pondère un vieil instituteur plus bienveillant avec son élève qu’à l’accoutumée.

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Pauvres écoliers naïfs que nous étions, nous ne maîtrisions pas encore la culture pub et ignorant ce qui se tramait dans notre dos, nous continuions à nous échiner sur les pleins et les déliés à l’encre violette.
En 1960, le baron anticipant l’ouverture du juteux marché scolaire commande, cette fois, à Savignac de dessiner un petit écolier en culotte courte, pull-over et cravate, la tête en forme de bille, cachant (pas trop !) son stylo derrière son dos avec la mention « approuvé dans les écoles ».
Face à une telle pression médiatique, le ministère de l’Éducation Nationale finit par capituler en publiant la circulaire 65-338 du 3 septembre 1965 sur l’apprentissage de l’écriture :
« Il convient de constater que, de nos jours, on utilise couramment une écriture cursive qui ne nécessite à aucun moment une pression différenciée de la main. Les traits ont une largeur uniforme et sont tracés d’un mouvement continu.
Il n’y a donc pas lieu d’interdire les instruments à réservoir d’encre, ni même les crayons bille qui procurent des avantages de commodité pratique, à condition qu’ils soient bien choisis, et qu’ils permettent sans effort excessif des doigts, du poignet et de l’avant-bras, d’obtenir progressivement une écriture liée, régulière et assez rapide.
Les maîtres veilleront toutefois au bon emploi de ces divers types d’instruments et feront apprendre les graphies correspondant à leur bon usage. »
Quinze ans après son lancement officiel, le BIC entrait à l’école. Dans le combat entre tradition et modernité, la pointe venait de terrasser la plume comme un symbole de la projection dans une nouvelle ère, celle du jetable et de la vitesse.
Pour Ornella Perrugi la valeureuse institutrice de Une si belle école, le roman de Christian Signol (voir billet Lectures d’en France du 16 janvier 2012), c’en était fini des démêlés avec le maire du village au sujet des fournitures à acheter et du cruel dilemme : plumes Sergent-Major ou Baignol et Farjon ?

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Ce fut sans doute aussi la fin d’un calvaire pour l’écolier dont je vous présente ci-dessus la copie tirée de Chère École, un bel ouvrage empreint de nostalgie et de tendresse. Je souris devant mon clavier car, absorbé dans mes pensées et peut-être inconsciemment contaminé par la crise économique actuelle, j’avais orthographié l’adjectif placé derrière ouvrage comme le fameux emprunt russe de 1906 ! Vous imaginez les dégâts au temps d’avant le stylo à bille quand l’écriture constituait encore un critère de sélection. Adieu pâtés, ratures et coulures avec le correcteur d’orthographe numérique !
Très probablement, le remplacement de la plume par la bille s’avéra une libération pour la grande majorité des élèves de la communale même si, maintenant que leurs cheveux grisonnent, ils en gardent une certaine nostalgie. Avec le temps, tout s’en va … même les colères et les pleurs des pages raturées déchirées par le maître et des lignes à recopier en punition.
Comme dans toute guerre même technologique, la victoire de la bille entraîna quelque dommage collatéral susceptible de nuire à la bonne harmonie des cours. En effet, les écoliers eurent vite fait de profiter que le capuchon et la cartouche d’encre fussent amovibles pour transformer le stylo en une redoutable arme de chahut, une sarbacane projetant de fines boulettes de papier mâché.
Mes souvenirs s’embrument un peu, mais il me semble que la pointe BIC présentait malgré tout certains défauts. L’encre fuyait parfois, salissant les phalanges ou souillant la blouse lorsqu’on rangeait le stylo, à la manière de l’épicier, dans la poche sur la poitrine.
Combien aussi de capuchons furent perdus voire ingérés lorsque l’élève perplexe mâchouillait l’extrémité de son stylo, en proie à d’épineux problèmes de trains qui se croisaient et de robinets qui fuyaient !
Nos technocrates ont résolu ces questions de manière péremptoire, en prônant l’ultra sécuritaire. Ils interdisent par exemple les bancs de pierre et certaines essences d’arbres dans les cours de récréation ; sait-on jamais, nos enfants turbulents pourraient se fracasser le crâne ou avaler des baies toxiques ! Ils n’ont pas vécu les merveilleuses journées d’hiver d’antan avec les batailles rangées de boules de neige et les longues glissades dans la cour improvisée en patinoire. Et que je sache, les accidents scolaires n’étaient pas plus nombreux.
Un argument imparable déclencha rapidement chez moi une sympathie évidente pour la pointe BIC. En effet, dès 1967, « elle court, elle court … à vélo » !!! Je risque d’être intarissable sur le sujet quitte à irriter mes lecteurs rébarbatifs à la chose pédalante.

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Donc cette année-là, le baron Bich, poursuivant ses campagnes publicitaires tout azimut, investit dans le sport en créant une équipe de cyclisme professionnel sur route. Il choisit comme leader, Jacques Anquetil, le plus grand coureur de l’époque et … l’idole de ma jeunesse (voir billets des 15 avril 2009, 22 août 2009, 1er et 15 octobre 2009).
Âgé de 34 ans, mon champion normand était alors à l’automne de sa carrière. Quintuple vainqueur du Tour de France, deux fois victorieux sur le Tour d’Italie, neuf fois premier du Grand Prix des Nations véritable championnat du monde contre la montre, auteur d’un doublé légendaire Critérium du Dauphiné Libéré et Bordeaux-Paris en quarante-huit heures, il n’avait plus rien à prouver à quiconque sinon vis-à-vis de lui-même.
Ainsi, l’idée d’un dernier défi germa dans son esprit : battre à nouveau le mythique record de l’heure sur piste, celui-là même qu’il avait ravi à Fausto Coppi en 1956 avant que son grand rival Roger Rivière ne l’en dépossédât deux ans plus tard.
En guise d’entraînement, comme les grands showmen, il effectua une répétition générale, devant les caméras de l’Eurovision, le dimanche 24 septembre 1967, au vélodrome de Besançon, dans la capitale de l’horlogerie, un symbole quand il s’agit d’une tentative contre le temps. Il parcourut 45,775 kilomètres dans l’heure, exploit déjà remarquable sur une piste en ciment non abritée du vent.
Trois jours plus tard, il se remit en selle sur la piste étalon du Vigorelli à Milan pour couvrir cette fois 47,493 kilomètres, soit 146 mètres de mieux que Rivière et surtout, 1,334 kilomètre de plus que son propre record établi onze ans plus tôt.

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Le journaliste Maurice Vidal écrivit dans son éditorial du Miroir du Cyclisme : « Je ne pouvais rien imaginer de plus ennuyeux qu’un cycliste tournant seul, sur une piste, pendant soixante minutes. À ma grande surprise, j’ai été conquis et je me suis passionné d’un bout à l’autre de l’entreprise ». Et quelques lignes plus loin : « Ce coureur possède la plus belle plastique qu’ait sans doute connue l’histoire du sport cycliste et probablement même l’histoire du sport. Anquetil, c’est Ladoumègue, c’est Pelé, c’est Jean Dauger : ce que le geste sportif peut offrir de plus beau. Pour la plus grande gloire de ce sport qui nous est cher, Anquetil ennoblit une monture qui, sous de moins nobles éperons, peut paraître si lourde à mouvoir. Il la fait oublier, il l’intègre à sa silhouette. Anquetil, comme Coppi, est un centaure. C’est la perfection dans les lignes, que l’effort ne déplace que selon une dynamique harmonieuse ».
Je suppose qu’à travers ces éloges sur la plastique du champion, même involontairement il y eut un retour sur investissement pour l’objet en plastique de la société BIC. Chers lecteurs férus de vélo, il y en a, ne me demandez pas si la machine du champion était équipée de tubes Reynolds! Construite par André Jeunet, elle était légère comme une plume en ne pesant que 6,400 kg.
Malgré tout, il y eut, en la circonstance, sinon un Bic, du moins un hic ! En effet, le record ne fut jamais homologué car Jacques Anquetil ne satisfit pas aux désirs du docteur de service qui souhaitait recueillir ses urines dans une éprouvette !

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Mon billet n’est pas une tribune pour traiter le fléau de ce qu’on appelait encore alors le doping. De plus, il ne faut pas compter sur moi pour discréditer le champion. La seule réponse appartient à Anquetil qui venait d’améliorer sa performance après onze ans de folle prodigalité sur toutes les routes d’Europe, et de démontrer son exceptionnelle longévité.
Un autre cycliste de renom écrivit les très riches heures du baron Bich. Ainsi, le champion espagnol Luis Ocaña remporta le Tour de France 1973, revêtu de la tunique orange.

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Bic apocope de bicyclette, leur aventure commune est finalement presque naturelle quitte à trahir la mémoire de l’écrivain René Fallet qui démontra dans un savoureux petit livre l’incongruité de confondre le vélo de course et l’engin utilitaire du facteur.
Je cesse ici ma digression vélocipédique. Si mon compte est bon et la publicité non mensongère, 24 pointes BIC me seraient nécessaires pour écrire sur une distance égale au record d’Anquetil !
Hors le cyclisme, le baron Bich releva d’autres défis sportifs en tentant de ramener en France la célèbre Coupe de l’America de yachting. « Encore heureux qu’il ait fait beau / Et qu’la Marie-Joseph soit un bon bateau ... » chantaient les Frères Jacques ; les voiliers France du baron connurent moins de réussite que le drakkar normand Anquetil !
La société BIC diversifia peu à peu ses activités. Ainsi, en 1972, elle choisit pour cœur de cible les fumeurs en commercialisant son premier briquet, toujours avec la même philosophie de l’objet de grande consommation, jetable, renouvelable à l’identique et à l’infini, facile d’utilisation, et d’un prix modique.
En 1975, elle s’intéressa aux hommes et aux ex-écoliers dont la barbe avait poussé au menton, en leur proposant son premier rasoir toujours jetable. Récemment, elle lança le BIC Phone, un téléphone prêt à l’emploi avec une heure de communication.
Le BIC Cristal figure aujourd’hui dans les collections permanentes du musée d’Art Moderne de New York et du Centre Georges Pompidou à Paris.
En vous contant cette belle saga publicitaire, mon but n’était pas de départager les nostalgiques de la plume et les modernistes de la bille. Comme un passage de témoin, la marque Sergent-Major fut absorbée (plumée?) par la société BIC en 1979.
Au temps des hussards noirs de la République, il était répandu de trouver dans une élégante écriture à la plume, la promesse d’une personne intelligente et instruite. Clin d’œil de dérision mais peut-être aussi hommage à son ancêtre, BIC réalisa, il y a quelques années, une hilarante série de spots publicitaires mettant en scène des pseudo candidats à l’oral du baccalauréat. Je ne certifierai pas que la fiction rejoint la réalité quoique … Mais j’ai découvert qu’entre Jules César et Vercingétorix, à Alésia, ce fut aussi une histoire de plume !!!

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Publié dans:Coups de coeur, Ma Douce France |on 2 février, 2012 |9 Commentaires »

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