Saudade ! Cesaria Evora s’est tue.

Une grande voix s’est tue. La chanteuse capverdienne Cesária Évora s’est éteinte hier à l’âge de soixante-dix ans, après avoir mis fin à sa carrière en septembre dernier. Elle était surnommée la Diva aux pieds nus à cause de son habitude de chanter sans chaussures en soutien aux sans abris, aux femmes et aux enfants de son pays. Elle venait des bas-fonds et avait chanté longtemps pour un verre d’alcool dans les bars malfamés du port de Mindelo, la capitale de l’île de São Vicente. C’est il y a une vingtaine d’années seulement qu’avec son allure de mamie mal fagotée, elle découvrit la gloire planétaire.
Bernard Lavilliers qui avait enregistré avec elle, a évoqué joliment sa mémoire : « Ce n’était pas une voix traficotée qui ferait du blues parce que c’est la mode. Ça me rend triste de ne plus la voir. De pouvoir rigoler avec elle dans un bar qui s’appelait l’Embuscade, où l’on sortait à 6 heures du matin après avoir joué de la musique cap-verdienne à la guitare toute la nuit en buvant du cognac. Elle avait beaucoup d’humour et draguait les garçons. On a dansé ensemble dans le dix-huitième arrondissement. Elle me disait en portugais « tu peux me serrer plus fort, les vieilles, ça s’accroche pas » ! »
Même en ce jour de deuil et malgré le propos de Sodade, son succès emblématique, vous aurez envie de vous balancer avec elle sur le rythme de la morna, une musique typique du Cap-Vert qu’elle popularisa dans le monde entier. C’est le plus bel hommage que nous puissions lui rendre.
Sodade est une chanson politique liée à l’exil. Le titre, en créole capverdien, rappelle la célèbre saudade portugaise et brésilienne, une tristesse empreinte de nostalgie lorsqu’une personne est coupée de son passé ou éloignée de son pays. L’origine portugaise de la saudade serait associée aux premières conquêtes en Afrique. C’est avec ce mot que les colons exprimaient leurs sentiments envers la distante patrie.
Le Cap-Vert est un pays insulaire de l’océan Atlantique au large de l’Afrique. Colonie portugaise à partir de 1456, il accéda à l’indépendance en 1975. La population a subi de nombreuses famines. Malgré l’aide alimentaire, le Cap-Vert demeure une terre d’émigration, notamment vers l’archipel de Sao Tomé et Principe.
Ainsi, Sodade traite de la séparation entre deux personnes qui s’aiment. L’une est restée à São Nicolau, une île du Cap-Vert, l’autre s’en est allée pour São Tomé, au coeur du golfe de Guinée :

« Quem mostro’bo
Ess caminho longe?
Quem mostro’bo
Ess caminho longe?
Ess caminho Pa São Tomé
Sodade sodade sodade
Dess nha terra d’São Nicolau
Si bô t’screvê’me
M’ta screvê’be
Si bô t’squecê’me
M’ta squecê’be
Até dia
Ke bô volta
Sodade sodade sodade
Dess nha terra d’São Nicolau »

Traduction française :

« Qui t’a montré
Ce long chemin
Qui t’a montré
Ce long chemin
Ce chemin pour São Tomé?
Sodade Sodade Sodade
De ma terre de São Nicolau
Si tu m’écris
Je t’écrirai
Si tu m’oublies
Je t’oublierai
Jusqu’au jour
De ton retour
Sodade Sodade Sodade
De ma terre de São Nicolau »

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Publié dans : Coups de coeur |le 18 décembre, 2011 |1 Commentaire »

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 23 décembre, 2011 à 7:53 clara65 écrit:

    Bonjour Jean-Michel,
    Ta nouvelle présentation est mieux que l’autre !
    Le monde a perdu là une très bonne chanteuse, emblématique en plus d’une population modeste et souvent oubliée.
    Je te souhaite un merveilleux Noël !
    Pensées bien amicales.

    Répondre

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