Allez « TOUS AU LARZAC », un film de Christian Rouaud
Un lundi soir, vers 19 heures, place Clichy, au pied de la butte Montmartre ! Quelques brebis mâchonnant une fleur des champs s’affichent sur les kiosques de presse et les abribus. L’œil goguenard, elles observent un agent de police s’époumonant à siffler pour régler la circulation de plus en plus problématique autour de la statue du maréchal d’Empire Bon Adrien Jeannot de Moncey. Il faut dire qu’elles ont une certaine expérience, question de foutre la merde avec les flics et les militaires ! D’ailleurs, elles sont justement là pour vous la faire partager en assurant la promotion du film documentaire Tous au Larzac.
Malgré la pollution urbaine, un air vivifiant en provenance du Causse me régénère déjà spirituellement. Dans quelques minutes, j’assisterai dans un cinéma militant joliment baptisé Cinéma des Cinéastes, à la projection d’un film militant Tous au Larzac, la toute dernière œuvre d’un réalisateur militant, Christian Rouaud.
Christian, ne vous offusquez pas de ma familiarité, c’est d’abord un copain de (presque) trente ans (Putain 30 ans, comme le temps passe !) et un compagnon de route. Alors qu’il exerçait comme professeur de Lettres dans cette banlieue Sud-Est que raconta magnifiquement le romancier René Fallet, sa passion pour les images me le fit rencontrer au stage audiovisuel de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud. Tandis que je participai à l’aventure chez Charlie-Hebdo (voir billet du 23 décembre 2010), son atelier commit Tout ça c’est du cinéma !, un film de réflexion sur les images qui laissait peut-être entrevoir son goût pour le cinéma du réel. Sache Christian qu’en bon gardien du temple, je dois en posséder la matrice au fond d’un carton !
Suite à cela, Christian devint responsable de formation et de production audiovisuelles au sein de l’Éducation Nationale. Dans ce cadre, outre la réalisation de films à destination des professeurs et des élèves, il participa à divers projets socioculturels, tels un circuit interne de télévision à la prison de Fresnes et la création de l’association APTE (Audiovisuel Pour Tous dans l’Éducation) qu’il présida cinq années durant. C’est d’ailleurs dans cette dernière structure que nous fîmes plus amplement connaissance, et que je découvris son savoir-faire, son savoir être et son militantisme déjà rôdé notamment dans les luttes qu’il relate aujourd’hui.
En parfaite amitié, et sur le ton de la plaisanterie, je le chambre parfois en évoquant un festival de vidéo scolaire en Bourgogne, au début des années 1990, au palmarès duquel je lui raflai sous le nez le grand prix ! Le jury, toujours souverain, avait préféré mes Voyages dans La gloire de mon père de Pagnol à ses Allez les petits, un reportage sur une initiation au rugby en école maternelle. Cela dit, jolis prémices, son petit film respirait déjà la gaieté des luttes quand bien même elles ne fussent que sportives et enfantines en la circonstance !
Allez, je redeviens sérieux ! Christian se trouva vite à l’étroit dans son costume d’enseignant cinéaste. Bridé comme beaucoup d’entre nous, par une hiérarchie plus encline déjà à ce qu’on assure sa communication en images, il choisit courageusement de se mettre en disponibilité pour vivre ses rêves. Plus difficile au départ, fut-il d’en vivre…
Christian aime écouter, filmer et nous faire aimer les gens qu’il aime. Et dans le choix de ses sujets, il ne craint pas de déranger les « bonnes consciences ». Ainsi La bonne longueur de jambes raconte le rapport de Patrick et Nathalie, un couple de personnes de petite taille, avec un autiste dont Patrick est le tuteur. Dans L’homme dévisagé, il évoque le parcours d’un pompier, brûlé au troisième degré dans l’exercice de son métier, et défiguré. À la suite de cet accident, naît une rencontre avec un photographe de la brigade dont il devient le modèle durant sa reconstruction : un film poignant mais gai aussi qui pose la question de l’image et de l’image de soi.
Avec Paysan et rebelle, il brosse un portrait de Bernard Lambert (Tin tin tin ajouterait Renaud, le chanteur énervant !), un paysan de la Loire-Atlantique, député démocrate chrétien à 27 ans, figure emblématique des luttes paysannes dans l’Ouest au cours des années 1970, et penseur d’un syndicalisme agricole alternatif qui aboutira à la Confédération paysanne de José Bové.
En 2007, il s’intéresse, cette fois, à la grève ouvrière de l’usine horlogère LIP de Besançon et l’organisation autogérée de l’entreprise. Son Lip, l’imagination au pouvoir (quel superbe titre pour déjà un magnifique film !) avec le dirigeant syndical Charles Piaget en tête, lui vaut d’être nommé à la cérémonie des Césars 2008 dans la catégorie documentaire, en (bonne) compagnie de Barbet Schroeder, Nicolas Philibert et Gilles de Maistre, excusez du peu.
Ce soir, avec l’avant-première de Tous au Larzac, Christian Rouaud nous offre le dernier volet de sa trilogie consacrée aux luttes qui secouèrent la France d’après mai 1968. Conclusion somme toute naturelle tant les combats des ouvriers comtois et des paysans caussenards, contemporains et parfois mêlés, n’avaient pas manqué d’interpeller à l’époque le jeune militant gauchisant du PSU.
Ça fait plaisir de retrouver plein de têtes connues attendant devant le cinéma. Je ne parle pas là de Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, présente à titre privé, mais d’anciens compagnons de route que la vie et la retraite ont parfois éloignés. Les cheveux ont blanchi, disparu même chez certains, mais on lit dans les regards le bonheur d’assister à la consécration annoncée d’un ami talentueux. En effet, le journal Le Monde avait publié au printemps un excellent article à l’occasion de la projection hors compétition du film au festival de Cannes. Quant à l’hebdomadaire Télérama, dès juillet, il plaçait la sortie du documentaire comme un des évènements culturels de la rentrée.
Dans une brève introduction, Christian présente les protagonistes du film, il se surprend même dire avec justesse les acteurs, qui s’alignent avec lui devant l’écran. Leurs noms ne s’inscrivent pas régulièrement en tête d’affiche au fronton des cinémas et pourtant, dans quelques minutes, ils crèveront l’écran. Et, sans doute pour ceux qui ne connaissent pas les lieux, il cite un dixième personnage omniprésent d’une beauté à couper le souffle: le PAYSAGE ! Vous savez, fidèles lecteurs, qu’il prêche là un convaincu. En effet, je ne manque jamais quand je rejoins des attaches familiales languedociennes, de m’écarter quelques heures de l’autoroute A9 pour rendre visite à cet acteur fascinant (voir billets du 14 mai 2008 et 5 mai 2009). C’est vrai que ces terres désolées et chargées d’histoire fabriquent de l’imaginaire.
Avec Calmos, un film iconoclaste, Bertrand Blier envoyait Marielle et Rochefort exténués par l’hystérie féministe des années 1970, sur le Causse Méjean. Plus sérieusement, Christian Rouaud, pour nous faire réfléchir en ce temps de crise, nous emmène trepidos vers les grands espaces d’un autre causse, balayés par le vent d’une formidable révolte.
Ça commence fort comme dans un road movie ou un western : dans le ciel azur, un vautour fauve tournoie observant un homme qui court à petites foulées, perdu dans l’immensité aride du causse. Ce sexagénaire à la barbe blanche possède un faux air de Denis Hopper vieillissant, réalisateur et acteur de Easy rider, la moto en moins. Une vertigineuse échappée vers une boucle du Tarn et Millau nous rappelle que ce Far West est français. Le jogger, c’est Léon Maillé, un paysan caussenard « pur porc » comme il dit malicieusement. « Avant j’étais normal, je votais à droite et j’allais à la messe. Ça a changé depuis.»
Christian Rouaud aborde le documentaire comme une fiction. Il y a des méchants, par ordre d’entrée en scène, Michel Debré, ministre des Armées, sans son entonnoir (!) et André Fanton, son pitoyable secrétaire d’état : « Il y a quand même (sur le Larzac) quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyenâgeusement et qu’il est nécessaire d’exproprier (sic) ».
Quitte à livrer absolument des références cinématographiques, avec un peu d’imagination, on citerait Les 7 Mercenaires de John Sturges dans lequel un petit village de paysans est régulièrement pillé par une horde de bandidos. Encore qu’il faille remplacer les cow-boys et les chevaux par des brebis et des tracteurs, mais bon … Marco Ferreri situa bien sa parodie de western Touche pas à la femme blanche dans le trou des anciennes halles Baltard au centre de Paris !
Ici, tout ça n’est pas du cinéma (!!!) … quoique Léon Maillé acheta très vite une caméra Super 8 pour enregistrer au quotidien le combat de dix longues années, oui dix ans, mené d’abord par les 103 paysans en colère qui signèrent en 1972, le serment solennel de ne jamais vendre leurs terres face au projet d’extension du camp militaire de 3 000 à 17 000 hectares.
Quel crève-cœur probablement mais aussi quel bel exemple de liberté du documentariste, Christian Rouaud s’interdit de puiser trop largement dans ces archives d’une inestimable richesse, prenant le parti de privilégier la parole des protagonistes, trente ans plus tard, pour montrer aussi, au-delà des faits, comment la lutte a changé leur vie et modifié leur perception du monde. Comme il le confiera lors de la discussion à la fin de la projection, il s’est autorisé aussi à retravailler ces images, en les recadrant, en les accélérant ou les ralentissant, en les passant en noir et blanc parfois, pour leur donner plus un statut dramaturgique que de preuve.
Objectif atteint : nous tremblons par exemple pour la vie de ces femmes de paysans qui s’allongent sur la route devant les chars de l’armée, à l’heure du ramassage scolaire. Nous sursautons même lorsqu’un des engins force le passage. Notre cœur bat fort également pour ces trois gamins du hameau de La Blaquière qui marchent vers un tank l’obligeant à reculer, ou comment des gosses de la terre vainquent le monstre de fer ! Comme déjà constaté dans le film sur les LIP, Christian maîtrise l’art (en bon pédagogue qu’il fut ?) de faire parler les gens, de les écouter aussi, et ensuite de retravailler ce matériau verbal (un merci sans doute au fiston Fabrice) pour élaborer un récit fluide et captivant. Émouvants, truculents, savoureux avec leur accent aveyronnais, tout en restant humbles, chacun à leur manière, ils ont l’éloquence de leur camarade de résistance José Bové rompu aux joutes oratoires. Les noms de ces guérilleros ne vous diront peut-être rien, alors il me plait de vous les citer en guise d’hommage : Pierre et Christiane Burguière, Marizette Tardier, Pierre Bonnefous, Michel Courtin, Christian Roqueirol, Michèle Vincent, et donc Léon Maillé et José Bové. Certains sont nés paysans. D’autres le sont devenus. L’un d’entre eux est prêtre. Pour avoir vécu au plus près le long combat qui les opposa à l’État entre 1970 et 1981, ce sont les porte-parole de tout le peuple du Larzac.
De haut en bas: Léon Maillé, Pierre Burguière, José Bové et Michèle Vincent
Ils furent alors rejoints par des dizaines de milliers de sympathisants de tout poil issus de toute une génération contestatrice qui n’avait pas supporté que mai 68 s’achevât comme cela, et qui s’engagea donc dans les grandes luttes de l’époque autour de l’avortement, du nucléaire, de l’écologie, un concept neuf. Je me souviens des numéros de Charlie Hebdo et de La Gueule ouverte.
C’est un sacré melting-pot qui apporta son soutien à la cause du … causse traditionnellement catholique et conservateur : pacifistes, partisans de la lutte armée dans la lignée de Che Guevara, maoïstes, anarchistes, hippies, objecteurs de conscience, mais aussi des ouvriers de LIP et ailleurs, des notables, des fromagers de Roquefort, la gauche classique … ! Comme dans tout bon western, il y a même des Indiens de la tribu Hopi d’Amérique du Nord ! Léon Maillé en rit encore : « C’est complètement bordélique mais ça marche » ! Les comités Larzac essaimèrent dans toute la France. Tout cela ne cessera pas de s’engueuler pendant dix ans mais au final, la décision appartiendra toujours aux paysans locaux.
Raconter dix ans de lutte en deux heures, c’est le pari impossible que ne tente pas de relever Christian Rouaud. Il fait au contraire volontairement de nombreuses impasses s’attachant plutôt, à travers quelques moments-clefs, à construire une montée dramatique de la narration. Il y parvient, avec beaucoup de subtilité, en tenant en haleine le spectateur entre rires et larmes.
Car comme il dit, la lutte est gaie. Comme à Guignol, le public se bidonne par exemple quand un des témoins raconte comment les paysans ridiculisent les militaires en les accompagnant et en révélant leurs planques au cours des exercices d’entraînement. On s’esclaffe devant la remarque malicieuse et la mimique de Pierre Burguière : « On s’est aperçu que les brebis étaient une arme extraordinaire parce que nous on sait comment la prendre une brebis, mais les flics …. » !
Peu charitablement, on rit encore à la vision de jeunots chevelus, sans qualification professionnelle, bien embarrassés avec leur truelle ou leur scie lors de la construction « sauvage » de la bergerie de La Blaquière. Au final, les bâtisseurs de cette « cathédrale » réussiront dans leur entreprise. Et j’ai la chair de poule quand Christian leur rend hommage en construisant une séquence « inspirée » pleine de foi avec la découverte de l’architecture voûtée. L’Agnus Dei au service de la brebis du Larzac !
Je frémis par contre rétrospectivement quand un des témoins, la gorge encore nouée vingt-cinq ans plus tard, évoque le plastiquage criminel (jamais élucidé) de la ferme du couple Guiraud tandis qu’ils dormaient avec leurs sept enfants. Qu’elle est émouvante et admirable, Marie-Rose Guiraud, cette modeste paysanne, prenant la parole devant des milliers de manifestants : « Monsieur Debré nous a parlé d’hectares, de routes, d’eau, d’aérodrome. Il n’a pas eu de paroles pour les gens, les hommes, pour les femmes, pour les vieillards, pour les bergers, pour les enfants … L’argent, l’argent, ils n’ont que ce mot à la bouche ! » Ces propos ne sont-ils pas cruellement toujours d’actualité ?
Quant à Auguste Guiraud, son mari, je l’ai reconnu sur les images d’archives : c’est le berger à l’accent aussi savoureusement rocailleux que les terres de son pays, qui m’entretint auprès de son troupeau, un après-midi brûlant de juillet 1981, de son espérance de connaître enfin le dénouement heureux de la lutte avec l’élection récente du président « Mittterrrrrand »( !).
Émouvantes encore et exaltantes sont les images en couleurs de Tous (ceux qui étaient) au Larzac, ces impressionnantes vagues humaines colorées qui déferlaient vers le Rajal del Guorp (le Rocher du corbeau), composant là un Woodstock français. À chacun de mes passages, je me recueille quelques instants devant cette zone de rochers dolomitiques en bordure ouest de la route nationale 9. J’envie tous ces anonymes qui vécurent ces rassemblements mémorables. J’imagine Graeme Allwright, sous la nuit étoilée, improvisant à la guitare :
« Et tu sais mon vieux, moi aussi
J’aime le Roquefort, oh oh Valery,(Giscard d’Estaing ndlr)
Tu m’fais d’la peine et à mes amis
C’est peut-être un geste symbolique
Tes canons et pas du beurre
La conclusion est très logique
C’est pourquoi j’ai peur
Pour valoriser le travail manuel
Oh donne-nous l’exemple
Ne chasse pas ces pauvres travailleurs
Qui ont bâti le temple... »
En pèlerinage sur le lieu, Michel Courtin en frissonne encore.
Mon propos n’est évidemment pas de vous raconter tout le film mais bien de susciter votre envie, Debré ou de force, de courir (voir) Tous au Larzac.
À l’issue de la projection, la salle applaudit longuement pendant le défilement du générique. Les ovations scandent le retour dans la salle du réalisateur et de la majorité des « acteurs » pour un riche moment de rencontre. Tandis que les crépitements de mains se prolongent plusieurs minutes encore, j’avoue que, discrètement, j’ai passé un doigt sous mes lunettes pour empêcher que quelques larmes ne coulent sur mes joues.
Elles traduisent confusément plein de sentiments mêlés. D’abord, une joie profonde et sincère pour l’ami Christian assouvissant enfin pleinement la passion qui l’animait déjà quand je fis sa connaissance ; j’espère vivement que ce n’est pas un aboutissement.
Ensuite, tant pis, j’ose malgré tout, une admiration pour les acteurs … de la lutte même s’ils se défendent d’être des mythes ou des légendes. Ils ne peuvent y échapper, les westerns, fussent-ils paysans, en ont toujours générés ! Et en tout cas, une profonde reconnaissance pour les valeurs citoyennes qu’ils incarnent et véhiculent et dont ils nous enrichissent. C’est fou, on a envie de devenir leur ami ! Comme la cardabelle, la plante emblématique de leur pays, ils ont la particularité de capter la lumière et de s’ouvrir … à nous !
Ils sont tous beaux. Comme les enfants de La Guerre des boutons d’Yves Robert (lire billet du 3 octobre 2011) les paysans de la guerre des moutons ont des vraies gueules d’acteurs ! Je ne souhaite pas les dissocier dans l’éloge. Ce soir, j’ai cependant un regard particulier, au propre comme au figuré, pour Marizette Tarlier. Son beau visage, sa voix et son énergie ne trahissent pas ses 78 printemps. Dans la lutte, elle fut toujours aux côtés de son mari Guy, aujourd’hui décédé, un des stratèges du mouvement au point d’être surnommé le « préfet du Larzac ». Une séquence émouvante devant sa sépulture au cimetière de Saint-Martin du Larzac le rend vivant dans le film. En 1976, Marizette, pour s’être introduite dans le bureau des acquisitions financières à l’intérieur même du camp militaire de La Cavalerie, et avoir détruit une partie des dossiers d’achats, passa une quinzaine de jours en prison !
Comme les ouvriers de LIP, les « 103 » installèrent l’imagination au pouvoir. Durant dix ans, dans leur face à face quotidien avec l’armée et les forces de l’ordre, ils inventèrent des formes d’action astucieuses, souvent drôles, toujours non violentes : des jeûnes (des élus retournèrent même leur assiette lors d’un banquet à Rodez présidé par le président de la République Giscard d’Estaing !), le renvoi de leurs livrets militaires, la construction sans permis de la bergerie de La Blaquière, l’objection fiscale par le retrait des 3 % du montant de l’impôt affectés à l’armée et son reversement à l’association pour le promotion de l’agriculture sur le Larzac, une moisson en soutien au Tiers Monde affamé, le labour du champ d’un « spéculateur présumé » (Faites labour pas la guerre !), les célèbres marches du Larzac à Paris avec des brebis et des tracteurs, les rassemblements du Rajal …
Quelques-uns de ces hauts-faits de lutte s’affichent ce soir dans les couloirs du cinéma. Et puisque José Bové me glisse à l’oreille avec humour, « allez-y, il n’y a pas de droit à l’image », je vous en fais profiter.
Au stand dans le hall, je me procure Le Larzac s’affiche (édition du Seuil), un « beau livre » de Solveig Letort qui rassemble une centaine d’affiches témoins d’une formidable aventure humaine. En préface, Stéphane Hessel s’y « indigne » : « Pour la terre qui fait vivre, contre les armes qui tuent. La résonance universelle de ce qui est ainsi affirmé dans ce lieu singulier. L’ambiance prophétique qu’on y ressent quant à l’humanité à promouvoir. Oui, l’expérience des luttes du Larzac joue un rôle très particulier dans notre mémoire. C’est comme si elle nous incitait à aborder avec plus de confiance et de détermination les défis vécus comme graves ».
C’est évidemment le message essentiel de Tous au Larzac. Ce film n’a pas de vocation passéiste mais au contraire, il s’ancre dans la terrible réalité du présent. Puisse cette histoire de moutons nous nourrir pour regarder notre monde d’aujourd’hui et de demain, et nous aider à ne pas subir l’inacceptable ; bref, nous rendre moins con … et moins mouton !!!
Dans le concert de louanges qui accompagnent la sortie du film, des critiques, Bertrand Tavernier aussi, font référence à John Ford. Pour ma part, Tous au Larzac a des accents de Milagro, le premier film de Robert Redford en tant que réalisateur, qui narre les épisodes tragi-comiques, autour d’un champ de haricots, du combat des paysans d’un village mexicain contre des promoteurs immobiliers américains. Avec ça, Christian, si tu ne rafles pas cette fois la compression de César … !
Ma conclusion appartient à une jeune spectatrice intervenant au micro : « Je suis née en 1990, je n’ai pas connu le Larzac. Je ne suis pas fille de paysans. Mes parents étaient communistes (elle le répètera trois fois, je la rassure, ce n’est pas une tare ! ndlr). Je vous remercie pour la magnifique leçon de courage et de citoyenneté que vous m’avez enseignée ce soir ».
Soirée magique … Pour la toute petite histoire, un des bonus du film en somme, j’ai fait la connaissance de Michèle Vincent, la dame très aimable qui, il y a quelques années, m’ouvrit sa maison, l’ancienne petite école de Saint-Martin, et me fit la monnaie pour que je puisse acheter Gardarem lo Larzac, le journal du Larzac solidaire (lire billet du 14 mai 2008). Ce problème d’appoint ne se posera plus car j’ai rempli mon bulletin d’abonnement mais … j’aurai peut-être malgré tout envie de la déranger lors d’une de mes futures escapades sur le Causse !
Je vous recommande l’ouvrage GARDAREM! Chronique du Larzac en lutte de Christiane Burguière, éditions Privat

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Pourquoi personne, absolument personne, dans leurs commentaires journalistiques à la radio en France, ne parle du but inavoué de V.G.E. quant à l’utilisation militarisée ultime des dits 14 000 hectares sur le plateau ?
Bonjour,
Je ne comprends pas votre question: s’agit-il des journalistes de l’époque ou d’aujourd’hui?
Le but de l’extension était de pouvoir tirer plus loin sans sortir du camp et les arguments politiques bidons étaient la création d’emplois et le développement économique de la région.
À part cela, j’ignore le but inavoué de Giscard. Mais, je serais heureux que vous me le révéliez.
Bien cordialement.
je viens de lire un billet de Février 2011. J’ai aimé comme toi le film documentaire tous au Larzac. C’était très poignant et je connais bien le Larzac et la Cavalerie.
Bon week end
Joce