Archive pour le 15 juin, 2011

6 juin 2011, mon débarquement en Normandie … Opération Prévert!

« En sortant de l’école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés
tout autour de la terre
dans un wagon doré.
Tout autour de la terre
nous avons rencontré
la mer qui se promenait
avec tous ses coquillages
ses îles parfumées
et puis ses beaux naufrages
et ses saumons fumés..
. »

L’autre lundi, en sortant de Bretagne, j’ai rencontré, aussi, la mer qui se promenait avec ses moules et ses huîtres, mais également des soldats de la seconde guerre mondiale, et même Prévert lui-même ! À défaut d’un raton laveur, un bel inventaire, tout de même !
Sur le chemin du retour, après ma virée traditionnelle sur la côte d’émeraude, comme souvent à cette époque, je souhaitais montrer à ma compagne, le berceau de ma famille maternelle, la presqu’île du Cotentin avec ses paysages variés, la Hague au nord-ouest, le val de Saire au nord-est, et le Plain au centre.
Donc, une fois franchi le Couesnon qui, au grand désespoir des Bretons, a mis le Mont-Saint-Michel en Normandie, je mets le cap vers le Nord à travers les prairies grasses du bocage, propices à l’élevage bovin et la production d’un beurre délicieux.
Le Plain fut, avec le Bessin proche, le théâtre dramatique des opérations qui permirent en 1944 la libération de notre pays. Justement, surgit, à l’horizon, le gris clocher de Sainte-Mère-Église, monument devenu mythique depuis qu’un parachutiste américain y resta suspendu au matin du 6 juin 1944. Surprise, le village est bouclé. Pour cause de marché peut-être ? Non, où ai-je la tête, mais c’est bien sûr, nous sommes justement le 6 juin 2011 et la région commémore le 67ème anniversaire du débarquement des forces alliées sur les plages normandes.

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Nul besoin de cours de stratégie militaire, je contourne le bourg, et par une petite ruelle, je rejoins rapidement à pied le centre du village où règne une animation inhabituelle. En débouchant au coin de la rue du Général De Gaulle, j’entre immédiatement dans le vif du sujet ou presque.

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Devant un magasin d’antiquités militaires et son store banne de circonstance, je tombe nez à nez avec quatre soldats casqués, le fusil en bandoulière, en goguette ou en (grande) vadrouille. À en juger par leur dégaine décontractée, sauf le respect que je leur dois, on pourrait imaginer, au premier coup d’œil, qu’ils appartiennent à la 7ème compagnie des nanars de Robert Lamoureux, ou que ce sont des compères de Bourvil et De Funès dans l’immense succès de Gérard Oury. Rappelez-vous, pendant l’occupation allemande, le bombardier de trois aviateurs britanniques est abattu par la Flak au-dessus de Paris. Ses occupants sautent alors en parachute et atterrissent l’un dans le zoo de Vincennes, le second sur la passerelle d’un peintre en bâtiment interprété par Bourvil, et le troisième à l’Opéra Garnier chez le chef d’orchestre Stanislas Lefort alias Louis De Funès.

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Un peu plus loin, Jacques Tati aurait apprécié ce plan cocasse, et Monsieur Hulot aurait demandé du feu aux militaires en uniforme américain trinquant à la terrasse du café de la Libération.
Comme référence cinématographique, il est plus sérieux et exact d’évoquer Le Jour le plus long, le film américain à grand spectacle de Darryl Zanuck, réalisé en 1962. En effet, bien que les scènes du débarquement des troupes alliées fussent tournées en Haute-Corse, sur la plage de Saleccia, dans le désert des Agriates, Sainte-Mère-Église a acquis la célébrité dans le monde entier pour la fameuse séquence où le parachutiste John Steele reste pendu au clocher de l’église.
Rappel de l’épisode réel : dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, lors du parachutage des troupes sur la zone de Sainte-Mère-Église au cours de l’Opération Albany et Boston, John Steele, poussé par le vent, ne pouvant plus maîtriser son parachute, atterrit finalement sur le clocher de l’église, aux alentours de 4heures du matin. Tandis qu’autour de lui, la bataille fait rage et que les cloches continuent à sonner le toscin, il se balance et tente de se libérer de son parachute à l’aide de son couteau qu’il laisse malheureusement tomber. Il reçoit une balle perdue dans le pied, c‘est alors qu’il décide de faire le mort afin d’éviter de servir de cible à l’ennemi. Après plus de deux heures dans cette délicate posture, un soldat allemand du nom de Rudolf May vient le décrocher. John est alors soigné et fait prisonnier. Il s’évade trois jours après, rejoint les lignes alliées puis est transféré vers un hôpital en Angleterre. Il reviendra de nombreuses fois dans le petit village de la Manche. Décédé en 1969, son vœu d’être inhumé en terre normande ne sera pas exaucé.
Il y eut probablement beaucoup d’autres actes de bravoure et d’héroïsme à l’occasion de ces opérations de débarquement, mais l’Histoire a retenu cette petite histoire popularisée par la production hollywoodienne de Zanuck, portée par une somptueuse brochette d’acteurs, les américains John Wayne, Henry Fonda, Richard Burton, Robert Mitchum, le britannique Sean Connery, l’allemand Curd Jürgens, et côté français, Arletty, Bourvil, Georges Wilson, Fernand Ledoux, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud. Ce film, le premier à évoquer le débarquement en Normandie, connut malgré ses nombreuses erreurs historiques un immense succès avec plus de onze millions de spectateurs et quelques Oscars. Peut-être, est-ce de cette représentation d’un épisode de guerre que naquit l’expression parachute doré honteusement accordé dans notre société libérale !

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photographie tirée du site http://www.letyrosemiophile.com/, un site remarquable sur les étiquettes de boîtes de fromages et particulièrement de camembert.

De nos jours, une auberge, au centre du village, porte le nom du héros involontaire et surtout, un mannequin emberlificoté dans son parachute, semblable à celui utilisé dans le film, demeure suspendu au clocher. Au-delà du devoir de mémoire, que ne fait-on pas pour attirer les badauds (j’en fais partie !) et les marchands du temple. D’ailleurs, dans un article du quotidien Ouest-France, les commerçants se réjouissent de la fréquentation massive des touristes.
Ce lundi matin, cependant, l’émotion est vive quelques mètres au-dessous du pantin accroché à une gargouille. Sur le parvis de l’église, un attroupement réunit curieusement un bataillon de soldats américains et un peloton de près de 400 cyclotouristes britanniques, américains, canadiens et français.
Vous connaissez ma curiosité dès que des maillots et des vélos apparaissent dans mon champ de vision. À l’aide de mon anglais approximatif, je découvre que les randonneurs ont débarqué le matin même, en provenance de Portsmouth, pour participer à la Big Battlefield Bike Ride qui s’achèvera six jours plus tard, via les voies de la Liberté, au pied de l’Arc de Triomphe à Paris.

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Cette manifestation sportive est organisée par l’association caritative britannique Help for Heroes qui, à travers ces cérémonies du souvenir, collecte de l’argent pour aider les militaires blessés en Afghanistan et en Irak, et leurs familles. Certains qui y ont perdu des membres, sont d’ailleurs assis au premier rang, et participent même à la randonnée sur de drôles de machines à manivelles sophistiquées.
C’est l’occasion aussi pour eux de rencontrer d’autres combattants vétérans et d’échanger, non sans humour parfois, leurs histoires finalement assez similaires. Au spectacle de quelques scènes fraternelles, ma gorge se noue. Dans ma naïveté confondante, je m’interroge, faut-il qu’il y ait la guerre pour connaître l’amitié ou l’amour ?

« Si les Ricains n’étaient pas là
Vous seriez tous en Germanie
À parler de je ne sais quoi,
À saluer je ne sais qui.
Bien sûr les années ont passé.
Les fusils ont changé de mains.
Est-ce une raison pour oublier
Qu’un jour on en a eu besoin ?
Un gars venu de Géorgie
Qui se foutait pas mal de toi
Est v’nu mourir en Normandie,
Un matin où tu n’y étais pas.
Bien sûr les années ont passé.
On est devenu des copains.
À l’amicale du fusillé ... »

Je m’inquiète, c’est le deuxième billet consécutif dans lequel je cite Michel Sardou, je n’ai pourtant pas été contaminé par sa maladie d’amour ! Son allusion à la Libération de 1944 par les forces alliées sortit en 1967 alors que la France venait de quitter l’OTAN et que la guerre du Vietnam provoquait une vague d’antiaméricanisme. Le général De Gaulle déconseilla sa diffusion sur les ondes.

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Auprès des cyclotouristes, des militaires, en théorie, américains, écoutent au garde-à-vous, l’allocution du prêtre de la paroisse puis la sonnerie aux morts exécutée à la cornemuse par un bagpiper écossais. Plus ou moins jeunes, plus ou moins authentiques peut-être aussi, peu importe, le visage grimé au noir de charbon, ils portent les uniformes d’époque des 82éme et 101éme divisions aéroportées de l’U.S Airborne désignées pour être parachutées dans les heures précédant l’offensive amphibie. C’était dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, le D .Day ou Jour J, annoncé à la BBC dans l’émission Ici Londres, par le célèbre message « Bercent mon cœur d’une langueur monotone » faisant suite à cet autre « Les sanglots longs des violons de l’automne ». Remarquez que le texte fait référence aux paroles de la chanson de Charles Trenet directement inspirée des vers de Verlaine, le fou chantant se contentant de remplacer blessent mon cœur par bercent !
De deux choses Lune, l’autre c’est le soleil écrivait Prévert. Mais avant que l’astre ne brille sur la terre de France, en cette nuit de clair de lune masqué par de noirs nuages, le largage des 13 000 parachutistes à bord de 1087 avions Douglas C-47 s’effectue dans une grande confusion. Subissant le feu nourri de la FLAK (défense anti-aérienne), plusieurs dizaines d’avions sont touchés, explosent en vol ou s’écrasent au sol. De nombreux parachutistes se retrouvent très loin de leurs objectifs. D’autres tombent dans les marais, s’y noyant parfois sous le poids de leur équipement. Malgré un nombre élevé de pertes (plus de 50% des effectifs), les troupes de l’US Airborne ont accompli l’essentiel de leurs missions. Le 6 juin 1944, à 4 heures 30 du matin, la bannière étoilée est accrochée sur la mairie de Sainte-Mère-Église.
Ce matin, en hommage, les soldats arborent fièrement sur leurs manches, les écussons brodés respectivement des lettres AA et de l’effigie de l’aigle hurlant des 82st et 101st Airborne Divisions. La veille, le traditionnel parachutage de 700 militaires au marais voisin de la Fière a été annulé pour cause de temps exécrable.
Un Français en uniforme me présente une plaque portant le nom et le numéro d’un soldat américain inhumé au cimetière de Colleville qu’il arbore en guise d’hommage, lors de chacune de ces manifestations. Il sort aussi de sa poche un couteau qui aurait été égaré sur la plage d’Utah Beach pendant les opérations de débarquement.

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La cérémonie se termine avec le passage en rase motte d’un Douglas C-47. L’après-midi, le sénateur américain John Kerry, ancien candidat démocrate à l’élection présidentielle de 2004, déposera une gerbe au pied du monument américain de la commune.
Le temps a passé. En 1984, François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl se recueillaient main dans la main devant l’ossuaire de Douaumont. Aujourd’hui, à chaque sommet des grands de ce monde, notre président embrasse sur les deux joues Angela Merkel. L’amitié franco-allemande n’est peut-être plus un vain mot. En tout cas, quelques représentants de l’armée allemande participent désormais aux cérémonies commémoratives du débarquement. Je croise même deux officiers russes très énigmatiques.

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Bientôt, jeeps et vélos s’égayent dans les rues du bourg, composant un tableau un peu surréaliste. À la terrasse d’un café, un soldat américain fait signer une carte d’état-major à un authentique vétéran de l’U.S Airborne. Il est bientôt midi, les chopes de bière s’entrechoquent fraternellement.
Pour ma part, j’improvise une très pacifique opération Val de Saire en direction de Barfleur, charmant port de pêche et de plaisance sur la côte orientale du Cotentin.

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Barfleur connut une certaine prospérité au Moyen-Âge comme en témoigne un médaillon scellé sur un rocher à l’entrée du port : « 1066 : sur le Mora, un barfleurais Étienne porta Guillaume en Angleterre ». Il s’agit bien de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, qui, une quinzaine de jours plus tard, vainc Harold à la bataille d’Hastings et s’empare de la couronne d’Angleterre. Ils sont forts tout de même ces Normands !
S’il en est un qui ne conserve pas un souvenir agréable de Barfleur, c’est Victor Hugo qui y fait un (trop) court séjour au cours de l’été 1836. Insistant pour passer une nuit en mer, il se voit opposer une fin de non-recevoir par le maire de la commune. Il s’ensuit un esclandre sur les quais qu’il relate dans une lettre à son épouse Adèle, sans mentionner évidemment qu’il était en compagnie de sa chère maîtresse Juliette Drouet :
« Je ne réponds pas qu’à neuf heures du soir, au moment de partir, sur le port même, vous ne trouverez point en travers de votre fantaisie Jocrisse maire de village, Jocrisse pacha enguirlandé d’un chiffon tricolore qui, nonobstant passeports, visas et autres paperasses officielles, vous prendra, selon le sexe, pour Madame la duchesse de Berry déguisée en homme ou pour Robespierre travesti en femme, et, son gendarme au poing, en présence d’une trentaine de pauvres serfs abrutis qu’il appelle ses administrés, vous interdira, quoi ? Le droit d’aller vous promener …Vous resterez là, stupéfait et indigné devant la force bête et triomphante, obligé de renoncer à votre droit, à votre plaisir, à votre embarcation si joyeusement soulevée par la houle, aux poissons et aux filets embrasés de phosphore, à cette nuit si belle, au coucher de la lune, au lever du soleil, spectacles si magnifiques en mer, à tout ce que vous aviez rêvé, arrangé et payé, sans autre consolation que de dire à ce visage de maire qu’il est un imbécile. Maigre dédommagement. Je déclare que j’ai trouvé un endroit de ce genre en Normandie, que cet endroit s’appelle Barfleur et que ce Barfleur est plus près de Constantinople que de Paris…. » Sacré Victor, un chaud lapin qui n’avait pas la langue et la plume dans sa poche (voir billet Mon alter Hugo à moi du 11 février 2010) !
Vu le temps encore incertain, je me réfugie à l’intérieur du café de France, une adresse que je vous recommande. L’accueil est sympathique, le service très efficace malgré l‘affluence, la cuisine simple et goûteuse, l’ambiance chaleureuse où se mêlent gens du cru et horsains, et ce qui ne gâte rien, les prix fort raisonnables. La chaîne Léon de Bruxelles devrait venir y faire un petit stage ! Je me laisserais bien tenter par la cassolette de raie au camembert mais finalement, je reste classique avec une douzaine d’huîtres, pas encore laiteuses, de Saint-Vaast-la-Hougue, le port voisin, et une copieuse marmite de moules à la normande, bon sang ne saurait mentir. Fleuron gastronomique local, la Blonde de Barfleur est une variété de moule sauvage pêchée au filet dans des zones privilégiées appelées gisements, comme pour les pierres précieuses. « Goutue » et charnue, bien que blonde, elle ne manque vraiment pas d’esprit dans l’assiette !
La panse pleine, je me glisse dans les ruelles bordées de solides maisons en granit. Dans l’une d’elles, en face de l’imposante église, vécut durant trois ans le peintre Paul Signac. Lors de mon week-end en enfer (voir billet du 15 avril 2011), et d’une visite au musée de la Piscine de Roubaix, j’eus l’occasion d’évoquer son projet de réaliser une suite d’aquarelles sur Les Ports de France, 40 de la Manche, 40 de l’océan et 20 de la Méditerranée. Évidemment, Barfleur n’a pas été oublié.

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Je rejoins le port d’échouage pour assister à la débarque des poissons et crustacés au retour des bateaux. Ici, vous ne risquez pas de trouver de « poissons carrés avec les yeux dans les coins » chers à Coluche et malheureusement aux écoliers de nombreuses cantines. En cette fin de printemps, bars, maquereaux, daurades royales, ruissellent de fraîcheur dans les casiers.

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Je compatis à la souffrance des tourteaux que les marins assomment vivants à coups de maillet, pour avoir eu le tort de s’être emmêlés les pinces dans les chaluts. Time is money, tout à l’heure, tout ce petit monde se retrouvera à la criée de Cherbourg.
Moi aussi d’ailleurs et comme le soleil a percé, les ombrelles remplaceraient volontiers les parapluies, objets cultes ici depuis qu’une histoire « en-chantée » de pépins survenant à deux amants sur fond de guerre d’Algérie, décrocha la Palme d’or au festival de Cannes 1964.
Transition cinématographique opportune, un port peut en cacher un autre : sur le Quai des brumes construit par le décorateur Alexandre Trauner (notez-le bien), Jean Gabin à Michèle Morgan, « T’as d’beaux yeux, tu sais », Morgan à Gabin « Embrassez-moi » puis « Embrasse-moi encore » !

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C’était en 1938, bien avant le débarquement ! Certes, nous ne sommes pas au Havre mais j’ai beaucoup mieux à vous offrir. Je descends dans la valleuse d’Omonville-la-Petite, dernier refuge de Jacques Prévert, l’auteur de ce dialogue inoubliable.

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On ne peut rejoindre sa propriété, au hameau du Val, qu’après une agréable marche d’une dizaine de minutes le long des talus fleuris. Les oiseaux gazouillent à tue-tête, sans doute reconnaissants que le poète ait brossé leur portrait hors de la cage :

« Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau
. »

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Il aimait les ports et détestait la guerre. Rappelez-vous Barbara chantée par Yves Montand, Mouloudji ou les Frères Jacques :

« … Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-la
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de meme
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-la
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras .
.. »

Et soudain, en écho aux bombardements de la ville de Brest par l’aviation allemande, en août 1944 :

« Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abîmé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien..
. »

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Me voilà devant sa maison. Seule, une plaque discrète à l’entrée du jardin confirme que je suis devant ce petit nid qui respire la poésie : « Dans ma maison vous viendrez / D’ailleurs ce n’est pas ma maison / Je ne sais pas à qui elle est / Je suis entré comme ça un jour / Il n’y avait personne ... (recueil Paroles).

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Au rez-de-chaussée, Des bêtes ..., une exposition temporaire associant les touchantes photographies animalières d’Ylla et les textes de Prévert, conjugue le regard des deux artistes sur la condition animale et en creux, la condition humaine.

« L’unijambiste de 14-18
demande la charité
(c’est un demi-bipède)
un multipède passe devant sans s’arrêter
un alexandrin à douze pieds
etc etc
»

Et encore :

« À Vaugirard des bipèdes
assassinent des quadrupèdes
devant la porte des abattoirs
un solipède regarde
trotter un multipède
»

À l’étage, en haut de l’escalier à droite, quelques travaux peut-être moins connus de l’artiste pluridisciplinaire sont exposés dans deux anciennes chambres. À la fin de sa vie, notamment, alors qu’il n’écrit plus, Prévert réalise de nombreux collages à partir d’images et de publicités détournées.

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Amoureux du Paris populaire d’avant-guerre qu’il sillonne avec ses amis photographes, Doisneau, Izis, Brassaï, Willy Ronis Man Ray entre autres, il utilise leurs clichés pour créer des assemblages poétiques. Souvent, il chine aux Puces et dans les foires à la ferraille, il court les bouquinistes sur les quais de Seine, récupère des pages de magazines de luxe et de journaux, des reproductions de toiles célèbres du Louvre. « Quand on ne sait pas dessiner, on peut faire des images avec de la colle et des ciseaux, et c’est pareil qu’un texte, ça dit la même chose. Ce que je prends, c’est dans les poubelles, les choses méprisées ou désaccordées. Moi, je trouve ça très joli. » dit-il. Son ami Picasso lui confie, en découvrant ses collages : « Tu ne sais pas peindre, mais pourtant tu es peintre ».
Les arbres sont-ils des hommes comme les autres ? On peut l’imaginer en admirant, dans la pièce voisine, des jeux de correspondance entre des gravures d’arbres de Georges Ribemont-Dessaignes et des textes du poète :
« En argot, les hommes appellent les oreilles des feuilles c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique.
Mais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancien.
Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains.
Les arbres parlent arbre
Comme les enfants parlent enfant …
»
Et encore :

« Jadis
les arbres

étaient des gens comme nous

Mais plus solides

plus heureux

plus amoureux peut-être

plus sages

C’est tout. »

Sur le palier, je savoure La méningerie, un bref poème au faux air de comptine qui, derrière le jeu de mot, cache un véritable réquisitoire contre les apprentis sorciers. À méditer plus que jamais !

« Dressages
Dompteurs
de cœurs
et de cerveaux,
pollueurs
de la plus belle eau
du plus bel âge,
ils font sauter dans leurs cerceaux
les enfants sauvages
»

Me voici dans l’atelier. « C’est joli une chambre toute blanche avec des grandes fenêtres sur la mer, hein ? » disait Michèle Morgan dans le film Remorques ; vous devinez qui en était le dialoguiste !

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Jacques Prévert passait le plus clair de son temps dans cet ancien grenier aménagé. Souvent, il travaillait debout devant sa table, face à la fenêtre, en admirant son jardin. Maintenant, inspirés par le lieu, des écoliers y travaillent assis lors d’ateliers d’écriture. Les enfants adorent Prévert. Il sait les mettre dans sa poche. Il connaît leur fraîcheur d’esprit et leur malice. Ainsi, plutôt que les ennuyeux apprentissages de dates en Histoire, il préfère railler les belles familles royales : « … Louis XVIII et plus personne plus rien … Qu’est-ce que c’est que ces gens-là qui ne sont pas foutus de compter jusqu’à vingt ? »

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Je quitte à regret ce petit bout du monde, camp retranché de la poésie. Je redescends vers le village par un sentier dédié au poète ; c’est par là, le long du ruisseau ! signale un écriteau.

« … Laissez les oiseaux à leur mère
Laissez les ruisseaux dans leur lit
Laissez les étoiles de mer
Sortir si ça leur plaît la nuit ... »

De-ci, de-là, le chemin, le long duquel foisonnent des rhubarbes aux feuilles géantes et vernissées, est balisé de ces citations qui contribuent au charme de la promenade.

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Prévert l’empruntait sans doute fréquemment pour retrouver les villageois qui l’avaient adopté. « Il éprouvait une réelle amitié pour ceux qui ne l’ont pas lu. Car ils lui parlaient de leur vie à eux. Pas de la sienne. »
Le 11 avril 1977, lundi de Pâques, Jacques Prévert, malade d’avoir trop la clope aux lèvres, s’est envolé de sa maison d’Omonville-la-Petite. Il est enterré au cimetière du village, dans une tombe toute simple surmontée d’une pierre de clos caractéristique du bocage de la Hague.
Parmi les galets déposés par des admirateurs, je retiens celui sur lequel une certaine Caro s’est souvenue en sortant de l’école : « Merci pour vos beaux poèmes ».

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Je me recueille sur une autre tombe, en retrait, juste derrière, celle de l’inséparable ami et voisin, Alexandre Trauner. C’est lui qui invita Prévert à le rejoindre et s’installer à Omonville.
Hongrois, émigré à Paris à l’âge de vingt-six ans, Trauner est l’un des plus grands chefs décorateurs, sinon le plus grand, de l’histoire du cinéma français. Le décor si réaliste d’Hôtel du Nord, c’est lui qui le construisit en studio bien qu’il existât réellement le long du canal Saint-Martin. Il était évidemment impossible de bloquer la circulation pendant plusieurs semaines de tournage. En témoignage de son extraordinaire talent ou quand la fiction dépasse la réalité, beaucoup de touristes, soixante-dix après, rejouent la fameuse scène sur la passerelle au-dessus du canal avec en arrière-plan le faux vrai hôtel classé, désormais, monument historique. « Atmosphère, atmosphère ... » quand tu nous tiens ! La célèbre réplique appartient à Henri Jeanson.

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La complicité et l’amitié liant Trauner et Prévert purent s’exercer dans plusieurs chefs-d’œuvre du cinéma, l’un comme décorateur génie du trompe-l’oeil, l’autre comme virtuose du dialogue.
Arletty disant « C’est tellement simple, l’amour » dans Les enfants du paradis, c’est Prévert. Louis Jouvet et Michel Simon dans Drôle de drame, « Moi, j’ai dit bizarre… bizarre ? Comme c’est étrange…Pourquoi aurais-je dit bizarre… bizarre… », c’est encore Prévert. Arletty encore dans Le jour se lève, « Vous avouerez qu’il faut avoir de l’eau dans le gaz et des papillons dans le compteur pour être resté trois ans avec un type pareil », c’est toujours Prévert. Et à chaque fois, les personnages qui ont en bouche ses dialogues, évoluent dans les décors de l’ami Alexandre.

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À Omonville-la-Petite et la discrète, a-t-on vraiment conscience qu’y reposent deux grands noms de l’âge d’or du cinéma ?

« Devant la porte de l’usine
le travailleur soudain s’arrête
le beau temps l’a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond
souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l’oeil
familièrement
Dis donc camarade soleil
tu ne trouves pas
que c’est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ? »

Réflexion savoureuse en ce temps de « raffarinades » sur le lundi de Pentecôte chômé, et de travaux d’intérêt général en contrepartie d’un RSA !
Je profite du soleil retrouvé pour descendre jusqu’à Port-Racine, surnommé « le plus petit port de France ».

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Prévert effectuait souvent cette promenade en passant par le sentier côtier des douaniers. D’une superficie de 800 mètres carrés, niché dans l’anse Saint-Martin, Port-Racine tient son nom de François-Médard Racine, un capitaine corsaire, qui le construisit en 1813 pour mettre à l’abri son navire L’Embuscade entre deux attaques de bateaux anglais. Quelques kilomètres encore et j’atteins Auderville, la commune du cap de la Hague, à la pointe nord-ouest du Cotentin. J’adore ce paysage de bocage avec ses chemins creux et ses parcelles bordées de murets de granit. Le romancier Didier Decoin, habitué du lieu, en parle comme « un conte aux pages de bruyères serties dans une reliure de granit ». Cinéma quand tu me tiens … Auderville, ça signifie d’abord pour moi Paul dans sa vie, un magnifique documentaire, sorti en 2006, que je regarde régulièrement en dévédé.

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Paul Bedel va avoir alors soixante-quinze ans. Vieux garçon, il vit à la ferme avec ses deux sœurs elles-mêmes célibataires. Paysan, pêcheur, bedeau même à l’occasion, son territoire, c’est le cap de la Hague avec ses vents imprévisibles, son granit rugueux, son horizon immense. Cette année, tous les trois, ils raccrochent. Paul a résisté aux sirènes de la modernité … Images sublimes d’une véritable ode à la nature !
Je n’ai pas le temps de rencontrer Paul, j’espère qu’il vit encore. J’adore ce personnage « vrai ». À défaut, je descends au « bout du monde », au minuscule port de Goury situé juste en face de l’île anglo-normande d’Aurigny.
Le Passage de la Déroute, le Raz Blanchard un des courants de marée les plus puissants d’Europe, indiquent l’impétuosité des flots et la difficulté de la navigation. Une croix commémore le naufrage du sous-marin le Vendémiaire, coulé, le 8 juin 1912, par cinquante mètres de fond avec vingt-quatre hommes d’équipage.

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Heureusement, aujourd’hui, le temps clément autorise la balade vers le phare tandis que les bateaux dorment paisiblement à l’échouage.
Il est encore trop tôt pour dîner à l’unique auberge du port. C’est dommage, j’aurais aimé, comme le dit encore Didier Decoin avec talent, « être un de ces poètes qui se plaisent à faire rimer leur repas avec l’état de la mer : « Qui, les jours de vagues folles, choisissent le bar fraîchement capturé dans les remous. Qui s’enchantent d’associer le bleu des homards au temps bleu. Qui lorsque le raz blanchard est vert de rage, dégustent l’émeraude de quelques huîtres calfeutrées dans la nacre de leur petite mer si paisible (elle !) et si goûteuse. Qui en automne, ne jurent que par la soupe de poissons dont la rousseur s’accorde aux couleurs de la lande. Qui, par vent de grande froidure, se réconfortent d’un chaleureux gigot des agneaux bien laineux de notre Hague.... » Cela sert d’être Prix Goncourt, j’en salive rien que de l’écrire !
Pourtant à quelques centaines de mètres de là, je pourrais avoir l’appétit coupé par le site AREVA, premier centre mondial de recyclage des combustibles usés provenant des réacteurs nucléaires, infiniment plus redoutable pour les terriens que le Raz Blanchard pour les marins.
Ainsi va la vie malgré les hypocrites cris d’orfraie de nos gouvernants ! Qu’en pense Nathalie Kosciuko-Morizet, notre ministre de l’écologie et du développement durable, qui prend souvent ses quartiers d’été du côté de Sainte-Mère-Église ? Ainsi va la vie Familiale selon Prévert :

« La mère fait du tricot
Le fils fait la guerre
Elle trouve ça tout naturel la mère
Et le père qu’est-ce qu’il fait le père?
Il fait des affaires
Sa femme fait du tricot
Son fils la guerre
Lui des affaires
Il trouve ça tout naturel le père
Et le fils et le fils
Qu’est-ce qu’il trouve le fils?
Il ne trouve absolument rien le fils
Le fils sa mère fait du tricot son père des affaires lui la guerre
Quand il aura fini la guerre
Il fera des affaires avec son père
La guerre continue la mère continue elle tricote
Le père continue il fait des affaires
Le fils est tué il ne continue plus
Le père et la mère vont au cimetière
Ils trouvent ça naturel le père et la mère
La vie continue la vie avec le tricot la guerre les affaires
Les affaires la guerre le tricot la guerre
Les affaires les affaires et les affaires
La vie avec le cimetière. »

C’est mon jour le plus long ! Sur le chemin du retour, avant de quitter la péninsule cotentine, en ce jour anniversaire, j’effectue encore une courte halte à Utah Beach, la plage la plus à l’ouest des cinq du débarquement du 6 juin 1944. Là encore, la maréchaussée m’en interdit l’accès mais, la science militaire innée ( !), je contourne l’obstacle et me retrouve à proximité d’un bunker auprès d’une voiture Citroën noire, traction-avant, étoile blanche des Alliés peinte sur les portières, en tout point comparable à celles des F.F.I, ces groupements militaires de la Résistance intérieure française qui jouèrent un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement.

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Un musée et plusieurs monuments perpétuent le souvenir de tous les hommes, notamment ceux de la 4ème division d’infanterie américaine, qui prirent d’assaut la plage, à l’aube du 6 juin. Faute de temps encore, je m’intéresse au seul mémorial dédié à l’U.S Navy en Europe.

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Face à la mer, sur un socle en forme de pentagone, sont représentés symboliquement trois personnages, un officier, un matelot et un soldat d’unité de combat. Sur les flancs du monument, sont gravés les noms des bateaux ayant participé à l’opération Neptune. En cette fin d’après-midi, séquence légèrement surréaliste, quatre hommes et deux femmes, en uniforme militaire, chabadabada, dessinent dans une jeep, d’étonnantes figures sur le sable de la page déserte.

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Allez, mon repli stratégique vers Paris est ordonné ! Je croise et je double plus de véhicules militaires que d’automobiles actuelles. À Sainte-Marie-du-Mont qui se dispute avec Sainte-Mère-Église, le titre de premier village de Normandie libéré, un campement est installé devant l’église.

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Un soldat fait même la tambouille dans une cuisine roulante de l’armée et ça sent drôlement bon ! Rien à voir avec la vraie ration K de corned-beef des G.I durant la guerre. Surnommée négativement singe, j’ignore encore pourquoi, cette viande de bœuf en conserve donna aussi son nom, plus récemment, à une opération militaire beaucoup moins sérieuse, menée par Jean Reno et Christian Clavier.
Je me surprends soudain d’avoir cultivé le paradoxe en associant presque involontairement la commémoration de faits militaires et la poésie de Jacques Prévert, lui qui détestait la guerre. Peut-être, faut-il l’expliquer par le devoir de mémoire que mon papa, longtemps président de l’association du Souvenir Français et profondément pacifiste, m’inculqua dans mon enfance.
Ce soir, la lune est claire. La preuve qu’elle est habitée, c’est qu’il y a de la lumière disait Francis Blanche ! De deux choses Lune, l’autre c’est le Soleil. Voyez quel soleil radieux, nous promet Jacques Prévert :

« …Dans la grande ombre
l’ombre du capital
l’ombre du profit
Sur ce paysage parfois un astre luit
un seul
le faux soleil
le soleil blême
le soleil couché
le soleil chien du capital
le vieux soleil de cuivre
le vieux soleil clairon
le vieux soleil ciboire
le vieux soleil fistule
le dégoûtant soleil du roi soleil
le soleil d’Austerlitz
le soleil de Verdun
le soleil fétiche
le soleil tricolore et incolore
l’astre des désastres
l’astre de la vacherie
l’astre de la tuerie
l’astre de la connerie
le soleil mort.
Et le paysage à moitié construit à moitié démoli
à moitié réveillé à moitié endormi
s’effondre dans la guerre le malheur et l’oubli
et puis il recommence une fois la guerre finie
il se rebâtit lui-même dans l’ombre
et le capital sourit
mais un jour le vrai soleil viendra
un vrai soleil dur qui réveillera le paysage trop mou
et les travailleurs sortiront
ils verront alors le soleil
le vrai le dur le rouge soleil de la révolution
et ils se compteront
et ils se comprendront
et ils verront leur nombre
et ils regarderont l’ombre
et ils riront
et ils s’avanceront
une dernière fois le capital voudra les empêcher de rire
ils le tueront
et ils l’enterreront dans la terre sous le paysage de misère
et le paysage de misère de profits de poussières et de charbon
ils le brûleront
ils le raseront
et ils en fabriqueront un autre en chantant
un paysage tout nouveau tout beau
un vrai paysage tout vivant
ils feront beaucoup de choses avec le soleil
et même ils changeront l’hiver en printemps. »

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