Bonne fête aux mamans!
Ce dimanche, c’est la fête des mamans, de toutes les mamans, de ma maman. C’est mot pour mot, l’ouverture de mon billet de l’an dernier, dans les mêmes circonstances. Je m’étais promis, à l’époque, d’évoquer cette année, ma maman qui est partie au paradis, il y a déjà une décennie. Je doute que le paradis existe mais … des fois qu’il existerait, je suis sûr qu’elle s’y trouve.
J’ai longuement parlé ici de mon papa, mais je ne vous entretiendrai pas encore de ma maman. Je voudrais tant que ce soit le plus beau billet à l’encre violette, je souhaiterais y faire passer tant de choses … et c’est tellement douloureux ! Promis, l’an prochain …
Alors donc, je fête encore les mamans en chansons. « On a tellement besoin de chansons quand il paraît qu’on a vingt ans » fredonnait mélancoliquement Jacques Brel. Et même aussi, lorsqu’on en a trois fois plus !
Et d’abord, j’en appelle justement au Grand Jacques avec un microsillon 45 tours (comme on disait en ce temps-là) paru en 1963.
Quatre titres dont Les bigotes, un succès immédiat, et Quand maman reviendra, une chanson qui restera très confidentielle et n’apparaîtra sur aucun disque 30 cm. Pas sûr que Jacques l’ait chantée en concert ! Pas certain non plus qu’il la considéra comme une œuvre majeure à le voir nous raconter (avec une légère mise en scène) comment naît une chanson, en l’occurrence celle-ci.
« Je n’ai pas réussi ce que je désirais réaliser à l’origine. J’ai voulu jouer au prolétaire et je ne le suis pas. J’ai voulu me glisser dans la peau d’un gars de vingt ans et je ne les ai plus. Chaque fois que je triche avec moi-même je vais droit à l’échec et, au fond, c’est bien fait pour moi. Voilà comment on rate une chanson. »
Et pourtant, cette chanson de la désespérance me toucha aussitôt. Un brin masochiste sans doute, je l’écoutais en boucle. Elle me prenait aux tripes même si je n’eus pas, enfant, à souffrir de l’absence d’êtres chers, et en particulier d’une maman.
« Quand ma maman reviendra
C’est mon papa qui sera content
Quand elle reviendra maman
Qui c’est qui sera content c’est moi
Elle reviendra comme chaque fois
A cheval sur un chagrin d’amour
Et pour mieux fêter son retour
Toute la sainte famille sera là
Et elle me rechantera les chansons
Les chansons que j’aimais tellement
On a tellement besoin de chansons
Quand il paraît qu’on a vingt ans
Quand mon frère il reviendra
C’est mon papa qui sera content
Quand il reviendra le Fernand
Qui c’est qui sera content c’est moi
Il reviendra de sa prison
Toujours à cheval sur ses principes
Il reviendra et toute l’équipe
L’accueillera sur le perron
Et il me racontera les histoires
Les histoires que j’aimais tellement
On a tellement besoin d’histoires
Quand il paraît qu’on a vingt ans
Quand ma soeur elle reviendra
C’est mon papa qui sera content
Quand reviendra la fille de maman
Qui c’est qui sera content c’est moi
Elle nous reviendra de Paris
Sur le cheval d’un prince charmant
Elle reviendra et toute la famille
L’accueillera en pleurant
Et elle me redonnera son sourire
Son sourire que j’aimais tellement
On a tellement besoin de sourires
Quand il paraît qu’on a vingt ans
Quand mon papa reviendra
C’est mon papa qui sera content
Quand il reviendra en gueulant
Qui c’est qui sera content: c’est moi
Il reviendra du bistrot du coin
À cheval sur une idée noire
Il reviendra que quand il sera noir
Que quand il en aura besoin
Et il me redonnera des soucis
Des soucis que j’aime pas tellement
Mais il paraît qu’il faut des soucis
Quand il paraît qu’on a vingt ans
Si ma maman revenait
Qu’est-ce qui serait content papa
Si ma maman revenait
Qui c’est qui serait content c’est moi. »
Les poissons, eux, ne semblent pas connaître de tels problèmes existentiels. Peut-être, nagent-ils dans leurs larmes, en tout cas, on ne les voit jamais pleurer. Et pour cause, leur maman est très gentille, à en croire Boby Lapointe, ce putain de moine et de Piscénois (habitant de Pézenas) comme disait Brassens. Pire même, selon le pote Renaud, ce sont encore les humains qui se plaignent que la mer est dégueulasse, les poissons baisent dedans !
« Si l’on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l’eau profonde
C’est que jamais quand ils sont polissons
Leur maman ne les gronde
Quand ils s’oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis
Elle reste muette
La maman des poissons elle est bien gentille !
Elle ne leur fait jamais la vie
Ne leur fait jamais de tartine
Ils mangent quand ils ont envie
Et quand ça a dîné ça r’dîne
La maman des poissons elle a l’oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l’aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l’aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille !
S’ils veulent prendre un petit vers
Elle les approuve de deux ouïes
Leur montrant comment sans ennuis
On les décroche de leur patère
La maman des poissons elle a l’oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l’aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l’aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille !
S’ils veulent être maquereaux
C’est pas elle qui les empêche
De s’faire des raies bleues sur le dos
Dans un banc à peinture fraîche
La maman des poissons elle a l’oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l’aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l’aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille !
J’en connais un qui s’est marié
A une grande raie publique
Il dit quand elle lui fait la nique
« Ah! qu’est-ce que tu me fais, ma raie ! »
La maman des poissons elle a l’oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l’aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l’aime bien avec du citron
Si l’on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l’eau profonde
C’est que jamais quand ils sont polissons
Leur maman ne les gronde
Quand ils s’oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes
Ou à cracher comme des pas polis
Elle reste muette
La maman des poissons elle est bien gentille ! »
Cette chanson tendre et hilarante réjouit les petits de 7 ans envieux de cette maman qui ne gronde jamais, ainsi que les grands de 77 qui découvrent de nouveaux calembours, à chaque écoute.
Elle est souvent enseignée à l’école primaire, plus ou moins intégralement. Car sous leur faux air de comptine, certains vers du regretté Boby sous-entendent quelque situation scabreuse. J’imagine l’embarras de la maîtresse si un élève malicieux (il y en a toujours au moins un près du radiateur !) lui demande ce qu’est faire la nique à une raie publique ! Ou encore la mine circonspecte de la maman si son rejeton, au retour de l’école, sollicite quelques éclaircissements sur ce couplet qui est finalement une sombre histoire de maquereau !
J’ai bien une autre explication avec notre petit monarque qui baise joyeusement la République tandis que son ex-futur successeur fait des galipettes avec une femme de ménage … !
Chanson à pleurer, chanson pour rire, entre tristesse et tendresse, entre drame et légèreté, c’est mon modeste hommage aux mamans, reines de ce dimanche … et de tous les autres jours. L’amour pour celles qui nous ont donné la vie est le plus beau cadeau que nous puissions leur offrir.

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Bonsoir,
Un sujet très original pour la fête de mères ! moi j’ai encore la mienne et espère la garder le plus longtemps possible. Brel est un grand artiste mais il n’est pas mon préféré. J’avais et j’ai toujours une préférence pour Ferrat.
Quant à Lapointe, j’ai mis dernièrement sur mon blog une vidéo du « papa de mon papa ». J’adore ses jeux de mots.
Très bonne soirée, bien amicalement.
Bonjour Jean-Michel,
Je viens régulièrement lire vos articles mais je suis souvent dérangée, appelée par des obligations et je ne prends pas le temps de rédiger un commentaire à votre intention. Aujourd’hui je promets de le faire car le retard s’accumule.
C’est en pensant à ma grand-mère maternelle que je me dis la même chose que vous : « Je doute que le paradis existe mais … des fois qu’il existerait, je suis sûr qu’elle s’y trouve. » Je mets toujours un peu d’espoir le long de mon chemin.
Quand je lis les paroles de la chanson de Brel, chanson qui vous prenait aux tripes, moi je vois une chanson pleine d’espoir : le rêve avec le « quand » vaut plus qu’avec un « si », mais ce n’est qu’un avis personnel. J’ai longtemps rêvé avec des si (je continue encore de temps en temps) car l’absence de mon père décédé avant ma naissance a longtemps pesé sur ma vie.
Grâce à vous, Jean-Michel, je suis retournée écouter un moment Bobby Lapointe, plusieurs titres pendant que j’y étais. J’ai l’art de me disperser…
Très bonne journée et à bientôt.