Archive pour juillet, 2010

Quand passent les cigognes à Hunawihr …

Mettre de l’eau dans son vin est d’un point de vue gustatif une aberration. Suivre une route des vins par temps de pluie est touristiquement une déception à moins que dame Ciconia vous accorde ses faveurs. Là où je vous emmène aujourd’hui, l’hospitalité n’est pas un vain mot. Ainsi, si j’en crois la légende, sainte Hune, patronne de la localité, pour remplacer la récolte perdue une année de disette, transforma miraculeusement l’eau de la fontaine en vin … d’Alsace bien évidemment.

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En effet, je me trouve à Hunawihr, un demi millier d’habitants, accroché à un coteau au milieu des vignes, à quelques battements d’ailes de cigogne au nord de Colmar. Bien que classé parmi les plus beaux villages de France, il souffre de la célébrité touristique de ses voisins Riquewihr et Ribeauvillé. À défaut d’attirer autant de cars de touristes, il se venge discrètement car la photographie de sa fière église surgissant des vignobles s’affiche dans presque tous les guides, ouvrages et calendriers dédiés à l’Alsace.

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En ce jour bruineux (ne vous fiez pas aux photos, je possède des archives !), je viens faire ma provision de Pinot gris et de Gewurztraminer vieilles vignes, qui égayeront bientôt ma table francilienne. Les viticulteurs ne manquent évidemment pas mais j’ai mes habitudes au domaine Sipp-Mack vers le haut du village. Laura, la sympathique maîtresse des lieux, nous accueille pour une dégustation dans le caveau à proximité des grands foudres en chêne et leurs robinets sculptés où vieillissent les délicieux nectars. Californienne diplômée en Viticulture et Œnologie de l’université de Californie à Davis, elle mit le grappin (de raisin) sur Jacques le fils de la maison en stage aux Etats-Unis. Venant de Davis, il est somme toute logique qu’il y ait si peu de la coupe de Riesling aux lèvres !

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Mais d’abord, à l’entrée du village, je fais un brin de causette avec dame Ciconia ciconia. Même si vous n’êtes guère expert en Histoire naturelle, vous devinez peut-être dans ses atours blanc et noir, la cigogne blanche, l’emblématique oiseau, fierté de l’Alsace.

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Le comte de Buffon que vous connaissez bien désormais (voir billet Le héron du 12 mars 2009 et La petite fille et les dinosaures du 17 juin 2010) la décrit avec justesse : « Amie de l’homme, elle en partage le séjour et même le domaine ; elle pêche dans nos rivières, chasse jusque dans nos jardins, se place au milieu des villes, sans s’effrayer de leur tumulte, et partout hôte respecté et bien venu, elle paye par des services le tribut qu’elle doit à la société ». En l’occurrence ici, appartenant au parc aux cigognes voisin, elle est détachée, à la saison estivale, avec quelques congénères à l’office de tourisme de la commune pour le plus grand bonheur des visiteurs.

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Buffon signalait leur retour de migration vers « le 8 ou 10 mai en Allemagne ; elles devancent ce temps dans nos provinces ; elles précèdent les hirondelles et elles viennent en suisse dans le mois d’avril ; elles arrivent en Alsace au mois de mars, et même dès la fin de février ; leur retour est partout d’un agréable augure, et leur apparition annonce le printemps ». Aujourd’hui, ça tient plus de la Toussaint ! Je souris : devant la maison du potier, une réplique en bois de l’échassier pourtant pas charognard veille sur quelques cadavres de bouteilles de vins du cru.

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Je pense immédiatement au pauvre goupil de la fable fort marri de ne pouvoir plonger son museau dans le col effilé des flacons :

« …A l’heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Trouva le dîner cuit à point :
Bon appétit surtout ; Renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit, pour l’embarrasser,
En un vase à long col et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;
Mais le museau du sire était d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille. »

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Quoique guère charitable envers compère le Renard, je ne crains pas même mésaventure en me dirigeant vers la Wistub Suzel, une chaleureuse auberge au centre du village. Près de l’entrée coule une harmonieuse fontaine du XVIIème siècle constituée d’une auge principale sculptée et de deux bassins secondaires recueillant le trop-plein de la vasque. Autrefois, elle servait d’abreuvoir au bétail et les habitants venaient y puiser leur eau.

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À côté du vieux poêle alsacien en faïence, je m’y réjouis d’une délicieuse tourte au Munster, le fromage de la vallée proche d’une vingtaine de kilomètres.

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Rassasié, je m’engage dans la ruelle pentue qui mène à l’église consacrée à saint Jacques le Majeur. Une cigogne démarre d’un toit voisin. Je me penche ; personne en dessous. Ici, la légende affirme que si une cigogne vole en rase-mottes au-dessus d’une jeune femme, elle attendra un bébé dans l’année.
L’église en grès rose comme suspendue dans l’océan de vignes, est entourée curieusement d’un cimetière fortifié. L’enceinte de forme octogonale possède un bastion percé de meurtrières à chacun de ses angles. À défaut de remparts, ces fortifications dont certains éléments laissent penser qu’elles existaient au XIIème siècle, servaient de refuge aux habitants du village en cas de danger.
Sur le clocher, les élégantes aiguilles de l’horloge décorées de grappes et feuilles de vigne dorées rappellent la vocation viticole du village comme d’ailleurs quelques motifs des vitraux.

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Avec l’introduction de la Réforme, l’église est vouée au culte protestant à partir de 1537. Comme un certain nombre d’édifices religieux en Alsace, elle est placée depuis 1687 sous le régime du simultaneum en servant à la fois aux catholiques et protestants ; un bel exemple de cohabitation qui mériterait d’être étendu à d’autres religions, utopie quand tu nous tiens !

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Tandis que je contemple le vaste panorama, je repère juste en contrebas une cigogne cherchant pitance dans les vignes le long du mur fortifié. Pour le clin d’œil, j’aurais aimé qu’il s’agisse d’un spécimen de ciconia episcopus, la cigogne épiscopale. Malheureusement, cet autre représentant de la famille des Ciconiidés, de plumage majoritairement noir comme l’était autrefois l’habit des clercs, vit en Afrique et en Asie. Notre cigogne alsacienne, entièrement blanche à l’exception de rémiges primaires et secondaires noires, rencontre sans doute sa cousine exotique lors de son hivernage sur le continent africain.

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En effet, c’est à l’origine, un oiseau migrateur qui s’envole aux premiers frimas lorsque la nourriture commence à manquer, pour effectuer en groupes de plusieurs dizaines d’individus, un périple par étapes journalières de 200 à 400 kilomètres jusqu’au Sahel via l’Espagne et le détroit de Gibraltar. Avec son envergure de près de deux mètres, la cigogne est une véritable experte du vol à voile. Elle pratique le vol plané entre les thermiques, ces courants d’air ascendants qu’elle repère grâce à l’élévation d’insectes ou de brins de paille. Heureux animal qui ignore les rigueurs de l’hiver et goûte à longueur d’année à deux étés !
Elle tend à se sédentariser cependant avec les temps plus cléments et l’existence de collectivités comme justement à Hunawihr où elle est choyée comme une cigogne en pâte !
Avec ses longues pattes, elle fréquente essentiellement les marais peu profonds et les rieds, les prairies humides du Rhin et de ses affluents. Carnivore, elle se nourrit de batraciens, d’insectes, de vers, de rongeurs tels musaraignes, mulots et campagnols, de petits reptiles comme des lézards et des couleuvres, voire d’oisillons. Peu délicate, elle s’invite même près des tables de pique-nique pour grappiller ce que lui tendent les touristes amusés. Comme certains rapaces, elle mange ses victimes avec les os, les poils et les plumes puis recrache les restes non assimilables sous forme de pelotes sèches.

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Dans sa quête sur la terre mouillée au milieu des vignes, elle macule son long bec rouge, effilé comme un poignard, qui atteint une vingtaine de centimètres. Malgré cela, elle demeure craquante avec ses yeux foncés bordés d’une coloration noire qui dégouline comme un rimmel qui fout le camp !

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D’ailleurs, elle craque, elle craquette même, elle claquette, glottore puisque c’est ainsi qu’on définit son cri. Peu démonstrative, elle entrechoque ses deux mandibules émettant quelques sons gutturaux bien en accord avec le dialecte alsacien.
Je l’abandonne pour déambuler dans les rues du village. Les couleurs éclatantes et le fleurissement des maisons de vignerons à colombages et de leurs cours font oublier le temps maussade. L’utilisation de pigments rouge sang de bœuf, vert amande, jaune safran, bleu pervenche apporte un petit air de maisons de poupée. De ci delà, des blasons sculptés témoignent de leur construction entre le 16ème et 18ème siècle.

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Une plaque rappelle qu’ici vivait encore récemment Gaston Peter, vigneron, ouvrier, syndicaliste engagé et aussi un poète qui fut sujet de baccalauréat en classe de langue et culture régionales.
Dans la ville basse, à proximité du lavoir, une autre cigogne retarde mon départ en rôdant autour de ma voiture. Nullement effrayée devant le coffre ouvert, elle semble inspecter les cartons de vins que j’emporte de ma visite.

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Buffon qui n’était guère tendre avec le héron, attribue à la cigogne des vertus morales comme « la tempérance, la fidélité conjugale, la piété filiale et paternelle ; elle nourrit très longtemps ses petits et ne les quitte pas qu’elle ne leur voie assez de force pour se défendre et se pourvoir d’eux-mêmes ; quand ils commencent à voleter hors du nid et à s’essayer dans les airs, elle les porte sur ses ailes ; on l’a vue donner des marques d’attachement et de reconnaissance pour les lieux et les hôtes qui l’ont reçue. On assure l’avoir entendu claqueter en passant devant les portes comme pour avertir de son retour, et faire en partant un semblable signe d’adieu ». Sans attendre d’elle pareille manifestation de sympathie, j’en profite cependant pour lui tirer un dernier portrait.

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Selon une légende moldave, une bande de cigognes aurait sauvé de la disette, la population locale assiégée par les Turcs dans une forteresse, en leur jetant des grappes de raisin tenues en leur bec ; comme quoi cigogne et vignes font bon ménage.

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La Fontaine mit également en évidence la serviabilité de la cigogne envers un loup quelque peu ingrat :

« … Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe ; elle accourt.
Voilà l’Opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l’os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
« Votre salaire ? dit le Loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ? ce n’est pas encor beaucoup
D’avoir de mon gosier retiré votre cou ?… »

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Animal fétiche des Alsaciens qu’on retrouve en peluches ou comme motif de décorations sur les poteries régionales, il est aussi dans la légende, censé apporter les bébés humains emmitouflés dans un linge tenu par le bec. On raconte même aux enfants que pour qu’ils aient un petit frère ou une petite sœur, ils doivent déposer un sucre sur le bord de la fenêtre ; alors, comme le corbeau de Jean de La Fontaine, la cigogne lâche son colis lorsqu’elle se saisit de la friandise.

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L’homme dans son inconscience n’a guère eu de reconnaissance envers leurs ambassadrices qui égayent les toits de leurs villages. Électrocutées par les lignes à haute tension, en manque de nourriture avec l’assèchement des marais, empoisonnées par les pesticides qu’elles ingèrent en consommant insectes et rongeurs, l’espèce connut un déclin désastreux il y a une trentaine d’années. Ainsi, en 1974, on ne comptait plus qu’une dizaine de couples de cigognes blanches en Alsace. Lors de l’alerte de grippe aviaire de 2005, certains élus, moins empressés à débusquer les niches fiscales, ont réclamé abusivement la destruction des nids proches des habitations. Heureusement, des ornithologues se sont mobilisés pour réimplanter et sédentariser le populaire échassier comme ici à Hunawihr où on dénombre actuellement plus de deux cents individus.
C’est l’heure de la séparation. Sans doute, nous reverrons-nous lors d’une prochaine commande de vin car la cigogne blanche possède une espérance de vie de près d’une vingtaine d’années, surtout quand elle ne migre plus.
Malgré le sale crachin, je mets le cap sur Munster tout proche, histoire d’acquérir quelques exemplaires du fameux fromage fermier à pâte molle et au lait cru. Agrémentés de cumin et accompagnés d’un gewürztraminer ou d’un pinot blanc, ils raviront prochainement mon palais ! Quelle n’est pas mon heureuse surprise : juchées dans leurs nids, sur les toits des édifices tout autour de la place du Marché, une trentaine de stars ailées contemplent avec satisfaction mon goût sûr pour les produits de leur terroir !

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J’aperçois même quelques cigogneaux douillettement blottis auprès de leurs parents au fond du nid. Un peu comme avec le loup de la fable, les adultes les nourrissent par régurgitation. Le premier vol plané est prévu à l’âge de 55 à 60 jours.

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S’il fallait encore une preuve de l’attachement de la cigogne blanche à l’Alsace, savez-vous qu’elles reviennent de migration aux alentours de la saint Valentin pour se reproduire ? « Elles semblent n’arriver que pour se livrer aux tendres émotions que la saison (printemps) inspire » écrivait poétiquement Buffon. Voilà des demoiselles originaires de pays au-delà de la Méditerranée qu’on ne pourra pas soupçonner de ne pas être de « vraies françaises », n’en déplaise à messieurs Besson et Hortefeux !

Publié dans:Leçons de choses, Ma Douce France |on 12 juillet, 2010 |5 Commentaires »

Promenade au pays de la Guerre des boutons

Je suspends la relation de mes pérégrinations dans l’est de la France pour tenir ma promesse en conclusion de mon article du 9 avril 2010. Amusante coïncidence, je quitte le champ de la bataille de sans-culottes à Valmy pour découvrir celui plus réjouissant d’un autre combat cul nu, les lieux de tournage de La guerre des boutons, le film d’Yves Robert.

« Si j’aurais su, j’aurais v’nu plus tôt ! » Vous vous souvenez peut-être que dans mon désir de vous faire plaisir en photographiant la petite école de Longeverne, j’avais rencontré un romancier qui a fait son bureau de la salle de classe où Lebrac, La Crique, les frères Gibus, Camus, Gambette et leurs camarades, à défaut d’études studieuses, fomentaient leurs batailles avec « ceux de Velrans ». Le choix de David Ramolet est moins cocasse qu’il n’y paraît : en effet, le héros de son premier roman Si j’aurais su … a comme obsession le film La guerre des boutons d’après le livre de Louis Pergaud et, parce que cette œuvre le ramène à son enfance oubliée, il décide un jour pour retrouver ses racines de revenir dans sa Beauce natale, très près de là où Yves Robert tourna l’essentiel de son film durant l’été 1961. « Je sais très bien pourquoi j’ai écrit ce roman ! C’était pour te rencontrer ! » Au-delà de sa chaleureuse dédicace, dans son inconscient, David espérait depuis trois ans l’instant surréaliste où, à la manière de P’tit Gibus, se glisserait dans l’encoignure de la porte, la trogne d’un aussi fou que lui, prêt à partager la même passion pour ce trésor cinématographique immortalisant l’enfance. Ainsi rendez-vous fut fixé, presque comme un symbole de joie et de liberté enfantines, le jour des grandes vacances à Armenonville-les-Gâtineaux, en Eure-et-Loir.

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La plaine beauceronne est riche même si les gâtines signifiaient autrefois des terres médiocres. Le village se blottit au fond d’un modeste vallon. Je me gare devant l’ancienne école devenue une annexe de la mairie. Ca sent bon la campagne profonde ! En face, la rue du Village qui portera peut-être un jour le nom d’Yves Robert, n’a pas tellement changé depuis cinquante ans.

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Sans doute, est-elle plus coquette ; les massifs d’hortensias et de rosiers égayent les fermes restaurées en résidences secondaires, les monospaces succèdent aux chevaux et moutons. J’ai bien appris ma leçon, d’un coup d’œil je reconstruis le décor naturel du film : à droite la maison de Lebrac jouxtant l’église puis le café tabac, plus loin sur la gauche la cabine téléphonique et la maison du traître Bacaillé.

J’imagine tous les libres enfants de Longeverne sautillant autour de moi dans la cour de l’école pour me mener dans la classe jusqu’à David, le nouveau maître des lieux. Il m’attend visiblement heureux comme moi de l’enthousiasmante journée qui s’annonce. À l’issue de notre première rencontre, j’avais filé immédiatement dans une librairie de Rambouillet me procurer son roman ; quant à lui, dare-dare il consulta mon billet sur mon blog. Son fils, alors qu’il n’avait guère plus de deux ans, demanda à ce qu’on lui passe la cassette vidéo du film. Je suggérai la projection du dévédé à ma petite fille vers ses huit ans. Cette histoire les éblouit.

« Jérémy tourne la tête de chaque côté, se veut discret au point d’attirer l’attention des passants devant ce comportement inhabituel et, à la dérobée, sort de la poche de son pardessus une boîte grise en carton pleine de boutons de toutes formes, couleurs et tailles. Très vite, il répand sur le devant de la tombe la totalité du butin ». De la fiction à la réalité, cet hommage original rendu par le personnage principal de son roman, ce sont les boutons que David déposa effectivement, le samedi 4 décembre 2004, sur la tombe d’Yves Robert au cimetière Montparnasse et que j’ai photographiés cinq ans plus tard. À l’évidence, nous sommes des fous sinon à lier du moins alliés dans notre plongée en enfance !Plouf, ça commence fort ! En guise de mise en bouche, David étale sur une table une collection de photographies de plateau du film. À trois lieues à la ronde d’Armenonville, il passe pour le « monsieur de la Guerre des boutons » depuis qu’il vadrouille en quête de témoignages et documents. Il ménage ses effets. Après quelques plans du film qui me sont familiers, il me présente quelques raretés : ici un paysan fournit quelques conseils à un des acteurs pour mener correctement le troupeau de brebis dans la rue du village ; là en pleine action, c’est le bûcheron abattant le chêne dans lequel s’est réfugié Lebrac ; maintenant c’est l’équipe technique autour d’Yves Robert qui tourne une séquence de la cabane reconstituée dans la grange de la propriété du réalisateur ; puis voilà une émouvante photo de famille de fin de tournage.

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David me tend encore un agrandissement couleur d’un portrait d’Yves Robert : « tiens c’est cadeau ! » Moment d’émotion vite réprimé ; dépêchons-nous car il faut être de retour à midi, une autre surprise m’attend. Avec David comme copilote, en route vers les décors naturels de La guerre des boutons !

À proximité d’Oudreville, il me propose de me garer sur le bas-côté. Je cite quelques lignes de son roman : « Les couleurs passent. Le ciel devient gris. L’image est fixe. Rien n’a commencé. C’est un tableau champêtre, une scène en noir et blanc de la vie rurale du début des années 60. Il faut attendre la fin du générique pour que la séquence prenne vie. La musique s’arrête. Silence. Des gazouillis d’oiseaux renforcent la tranquillité de l’instant. Un tracteur laboure une parcelle de terre. Un envol de perdreaux vient trahir l’embellie. Deux gosses en culottes courtes et béret foncent vers le laboureur en agitant des tickets de tombola : « Monsieur ! Monsieur ! Vous voulez-t-y des timbres tuberculeux ? C’est contre les tuberculeux ! C’est pour le cancer … » »

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Le temps s’est suspendu ; je reste immobile devant la vaste plaine, tout y est encore, les bosquets, l’arbre isolé, les toits d’une ferme dans le lointain. Un bruissement d’herbes derrière moi, c’est peut-être les frères Gibus qui dévalent le talus ; non c’est juste David qui s’agite pour tenter de repérer précisément l’emplacement de la caméra. Les premières anecdotes fusent : ce sont les chasseurs du coin qui furent contents, en effet à chaque prise de la séquence, une nouvelle compagnie de perdrix était lâchée !

-Ce n’est pas sur la crête là-bas que le curé passe en vélo ? 

-Sais-tu qu’il était interprété par François Boyer, le dialoguiste du film ? 

C’est reparti pour notre rallye touristique sur les champs de la bataille aux confins de la Beauce. Un dos d’âne, un pré, une courbe, un mur, David associe immédiatement la scène du film correspondant à l’endroit. Un film d’Yves Robert peut en cacher un autre : « Dans ce champ, fut tournée une séquence d’Alexandre le bienheureux. Ici, habite Victor Lanoux, un des acteurs d’Un éléphant ça trompe énormément ; là c’est chez Pierre Richard, le grand blond à la chaussure noire » ! Me voilà en pays de connaissance, à Saint-Hilarion, en lisière de bois, rue du Moulin neuf, le long de l’ancienne propriété d’Yves Robert. Elle fut vendue à la mort de l’artiste. L’entrée a changé et désormais un porche cossu cache la cour du moulin de la Guéville du nom de la rivière qui y coule et de la maison de production d’Yves Robert et son épouse Danièle Delorme. Cette fois, c’est David qui m’envie d’avoir fréquenté le cinéaste et d’avoir été invité ici chez lui. Me reviennent en mémoire ces rencontres enrichissantes à l’occasion d’actions scolaires autour de La gloire de mon père et de La guerre des boutons. Yves Robert a joué (en partie) à La guerre des boutons en face de chez lui sous des frondaisons qu’il arpenta souvent lors de ses promenades. Nous laissons la voiture pour nous enfoncer à pied dans la forêt. Bientôt, nous passons sous un vieux pont de chemin de fer.

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Nul besoin d’explication : je m’attends à voir d’un côté, Nestor le facteur en vélo s’affaler dans des branchages en travers du chemin, et de l’autre  surgir une volée de garnements de Velrans, à la grande colère des frères Gibus bien en peine de placer leurs « timbres tuberculeux » ! « Nestor, c’est un Longeverne ! », « Voleur de facteur ! », « Un facteur, c’est à l’Etat d’abord ! ». Et les premières injures fusent, « Les Longevernes sont des couilles molles ! ». Ainsi, fut déclarée la guerre entre les deux villages voisins.

Chemin faisant, la conversation dévie sur le cyclisme, départ du Tour de France après-demain oblige (presque). Pour être exact, David Ramolet est encore plus fou de vélo que moi, ce n’est rien de l’écrire. Vous pensez bien que je ne vais pas réfréner sa volubilité.

Libre arbitre de l’écrivain, dans Si j’aurais su …, à ma grande joie, il trouve le moyen de mettre en scène une brève de comptoir entre son héros et le patron de l’hôtel où il prend pension : « Me provoque pas ! Parce que … alors là ! Dix-huit ans de cyclisme ! Dix ans de professionnel. Premier du tour de Corrèze, pareil sur le circuit des Mines, victoire au Redon-Redon, deux années de suite première place aux boucles de la Mayenne, vainqueur au tour du Gévaudan, troisième de Colmar-Strasbourg, trois étapes au circuit berrichon avec échappée solitaire de cent dix kilomètres … vainqueur du Paris-Camembert … » Du dialogue moulé à la louche comme j’adore ! Juste une chose David, tu as oublié la ronde de Seignelay et le grand Prix de la Soierie à Charlieu !!! Je te taquine mais un jour, je te raconterai comment, à l’instar de l’adulte sur les  traces de La guerre des boutons, j’ai plongé mon nez dans le Bol d’Or des Monédières grâce un professeur corrézien rencontré à Mexico ! Ce pourrait être le point de départ de ton futur roman autour du vélo.

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Nous voici aux deux chemins ! « Lebrac ? Lebrac ? », c’est là que P’tit Gibus, nu comme un ver, l’épée dans une main, son zizi caché dans l’autre, a perdu le reste de la bande … « Ah ben mon vieux, si j’aurais su, j’aurais pas venu ! »

David me révèle que la proposition de tourner un épisode de guerre dans le plus simple appareil déclencha chez les gamins une mutinerie autrement plus réjouissante et efficace que celle fomentée récemment au fond d’un autobus par nos footballeurs. Autant étaient-ils d’accord pour se vautrer joyeusement dans la gadoue du chemin, autant furent-ils réticents pour tourner à poil. Après moult négociations, ils exigèrent donc qu’aucune personne du sexe féminin ne soit présente au moment de la scène, et plus encore qu’Yves Robert derrière la caméra soit aussi complètement nu ! Bacaillé ne put pas crier en la circonstance : « C’est pas juste ! Vive le roi et à bas la République ! »

Nous pressons le pas jusqu’à l’étang de la Malmaison. Une flore aquatique envahissante empêche de reconnaître le lieu de la pêche aux grenouilles. Qu’à cela ne tienne, rebroussons chemin, midi va sonner bientôt. Une surprise m’attend à l’école. D’autres décors défilent sous mes yeux : « Tu reconnais ? Le retour quand ils capturent le renard ! » Soudain, dans la traversée d’un village, David gesticule. Je pile, il descend en hâte et accourt vers le véhicule en face : c’est ma surprise ! Nul besoin de présentations ! Dans l’instant, je reconnais Guignard le bigle, l’enfant qui crie au cœur de la bataille : « Mes lunettes les gars, vous z’avez pas vu mes lunettes ? » Un plan américain de trois secondes pour l’éternité !

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David a eu la délicieuse idée d’inviter Daniel Tuffier à partager notre déjeuner. Un demi-siècle plus tard, un léger embonpoint arrondit sa taille. Comme mimerait La Crique, le poil lui a poussé au menton et plus encore puisque une barbe poivre et sel lui mange les joues. Mais le même regard enfantin et malicieux pétille derrière les lunettes.

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Daniel, avec humour, se décrit comme un Longeverne habitant à Velrans ! En effet, il est passé géographiquement dans le camp ennemi en s’installant non loin d’ici à Orphin, le Velrans du film où fut tourné notamment, rappelez-vous, le tagage nocturne des murs de la mairie-école « Tous les Velrans sont des peigne-culs » pendant que P’tit Gibus trouve que « c’est bon la goutte » !

Il fait chaud, heureusement l’aimable serveuse nous ravitaille régulièrement en carafes d’eau fraîche pour étancher nos gosiers asséchés par la conversation à bâtons rompus. « Alors, raconte Daniel … ! » Pour une fois que c’est drôle les souvenirs de guerre ! Durant deux heures, l’ancien combattant évoque le bon vieux temps où « ils mettaient vraiment sur la gueule aux Velrans » ! Car, la guerre des boutons, ils ne l’ont pas jouée, ils l’ont vécue ! Pire même, il y avait des querelles intestines entre les gamins de Paris, les vedettes du film choisies sur casting, et les figurants de Saint-Hilarion et des alentours. Les Longevernes des champs étaient bien décidés à montrer aux Parisiens qu’ils n’étaient pas des couilles molles, non mais ! Il y avait même un faux-jeton parmi les gosses qui rapportait tout à Yves Robert et son équipe ; il semblerait que son  rôle dans le film ne fut donc pas de composition … ! L’enseignant que je fus, devine toute la patience et la diplomatie des « francs-camarades », les moniteurs qui encadraient les enfants hors des moments de tournage, dans le campement installé au moulin d’Yves Robert. Lebrac affirmait que « dans la vie, le chef, c’est celui qu’a le plus grand zizi ». Excusez, je n’ai pas vérifié auprès de Daniel mais le môme de Saint-Hilarion dont la maman aux maigres ressources ne voulait pas par pudeur qu’il participât au film, s’imposa vite comme un leader et même comme un des chouchous du cinéaste. Le soir, tandis que les copains mangeaient à la cantine sous la tente, il fut plusieurs fois invité à la table du moulin en compagnie des acteurs adultes. Et longtemps après que le film soit sorti sur les écrans, alors qu’il rentrait sur Paris, Yves prit souvent en voiture Daniel sur le chemin de l’école.

Les souvenirs s’égrènent encore et encore : « Et la fois qu’Yves Robert suivant le car qui nous emmenait sur le lieu de tournage, s’enfonça avec sa Vedette dans le champ de maïs à côté pour passer devant ; et la fois qu’on fit semblant de mettre le feu à l’église d’Armenonville en brûlant l’herbe coupée par le cantonnier… » Je connais déjà certaines de ces anecdotes pour les avoir lues dans le roman de David. Dans les yeux et le cœur de Daniel, on sent qu’il y a un avant et un après-guerre ; même ses résultats scolaires furent meilleurs grâce à un instituteur humaniste de la même veine que celui du film, et beaucoup moins réac que le père Simon du roman de Pergaud.

« J’ai traversé, e accent aigu participe passé, le village pour continuer, er infinitif, mon chemin ». Sont-ce les tourments de la grammaire française qui en sont la cause, P’tit Gibus en proie à la colique, sort en catastrophe de la salle de classe laissant apparaître plein écran, Guignard alias Daniel, assis au rang derrière.

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Le tableau n’existe plus mais David et moi, sans nous concerter, proposons à Daniel de prendre la place de P’tit Gibus pour la photo souvenir. Cinquante ans plus tard, il glisse à son tour sa bouille malicieuse dans la même encoignure de porte : « Eh M’sieur, il y a combien de gros mots qui commencent par C … ? Le plus grand gros mot qui commence par C ? »

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Devant la grille de l’ancienne école, c’est le moment de la séparation avec Daniel Tuffier. David, intenable, va et vient sur la chaussée, cherchant à comprendre le pourquoi du comment d’un faux raccord dans le mouvement lors de la séquence du corbillard ; c’est toute la magie du cinéma. Pendant ce temps, Daniel s’est volatilisé ; nous le retrouvons dans le lavoir attenant à l’école. Il nous explique comment avec les camarades du film, il trafiqua la planche provoquant la chute dans le ruisseau, des lavandières, des battoirs et du linge.

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C’est là que la Marie-Tintin apporte le trésor de guerre. Et cinquante après, je découvre moi aussi un pactole dans l’herbe : quatre euros, le premier don à la future association des amis du film d’Yves Robert ! Car comme Saint-Sévère célèbre le Jour de Fête de Jacques Tati, Armenonville-les-Gâtineaux doit passer à la postérité en tant que village de La guerre des boutons !

L’après-midi avance (trop) vite. Avec David, j’ai repris mon voyage au centre du film en direction de l’étang de Guiperreux. Nous nous frayons un passage entre les roseaux pour accéder à la rive de « l’étang parapluie » ainsi surnommé en souvenir de ce plan poétique où le pébroc retourné glisse sur l’onde tel un cygne.

Il est trop tard pour pousser jusqu’à Velrans, je veux dire Orphin. On y reviendra ensemble, c’est certain. Pour trinquer à l’amitié et à cette mémorable journée, David m’invite dans un improbable café épicerie, un vrai rade d’antan avec ses tables en zinc et ses bancs, le billard au centre de la pièce, ses vieilles réclames aux murs, un véritable décor de film aussi.

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Je sais qu’ici, il imagine au comptoir Gabin et Belmondo dans Un singe en hiver racontant Blondin sur des dialogues d’Audiard. À mon tour de t’offrir une surprise David, pour te remercier. Regarde qui est là : Jean Gabin dans Rue des prairies, deux ans avant notre « guerre » préférée, vieux briscard des vélodromes, jouant les Toto Gérardin ou Daniel Morelon !

http://www.dailymotion.com/video/x59zud

Ivresse des mots ! Allez, je te ramène à ton bureau, pardon « ton école » !
-732 ?
-Charles Martel arrête les arabes à Poitiers !
-1515 ?
-Marignan !
-Juillet 1961 ?
-Yves Robert tourne La guerre des boutons !
-Oui mais encore ?
-… ?
-Anquetil, mon idole, gagne le Tour de France en portant le maillot jaune du début à la fin !

Et dire que maintenant qu’on est grand, on est toujours des gosses !!!
P.S. Chers lecteurs, à l’heure où j’écris ces lignes, David Ramolet baguenaude entre Montargis et Gueugnon avec ses compagnons du Tour de France. J’en profite donc pour vous souffler au creux de l’oreille que si vous voulez lire un roman généreux et sensible au cœur de l’enfance, procurez-vous Si j’aurais su… aux éditions du Petit Pavé ! Un hommage au goût de vivre !

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Le grand « footoir » (suite et j’espère fin!)

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Je croyais qu’on en avait fini avec le grand « footoir » déclenché par le rappel d’Anelka à Chelsea, dans le même quartier de Londres où, à quelques heures près, notre président rendait hommage au général de Gaulle à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de son appel du 18 juin refusant la capitulation de la France contre l’envahisseur nazi. Imaginons que Lloris et Mandanda, nos gardiens de but, fussent aussi insolents, nous aurions eu droit au rappel des deux goals !!! (voir billet du 24 juin 2010)
Au lieu de cela, l’honteuse farce s’est poursuivie avec l’audition des terroristes Domenech et Escalette à l’Assemblée nationale. Quelles pitoyables images tournées furtivement entre deux portes et relayées en ouverture des journaux télévisés !
Loin de la solennité de l’hémicycle, une salle exiguë aux murs jaunâtres, la lumière artificielle des néons, un désordre indescriptible de tables et de chaises, le tumulte des humiliateurs, les patrons, les petits chefs, les chefs de l’État, des parlementaires qui immortalisent le moment avec les mêmes portables dont ils fustigent l’utilisation scandaleuse quand ils se font piéger, le crépitement des flashes des journalistes éblouissant les deux accusés comme hébétés devant l’ampleur de l’événement … De quel crime sont-ils accusés ? Que faisait-il là Jean-François Copé, futur candidat à la présidence … de la fédération française de football ?! Je vous jure, j’ai cru revenir à cet instant, le 25 décembre 1989 avec les images en quasi direct du procès expéditif du couple Ceauşescu rendu par un tribunal d’exception auto-proclamé ! Domenech et Escalette, disparaissant par une porte dérobée, n’échapperont pas à la mort … médiatique.
« Hé, les mecs ! Secouez-vous ! Pleurez pas comme ça ! C’est que du foot ! Juste un jeu ! Un jeu où qu’on donne des coups de pied dans la baballe ! C’est pas juin 40, quand même ! Les chars des Boches ne sont pas à Paris ; ils ont bien tort d’ailleurs, les Boches. Tel qu’elle a le moral, la France, ils fonçaient jusqu’à Biarritz en cueillant des cerises, mais bon tant pis. » Pour compléter l’incitation de Cavanna dans sa chronique de Charlie Hebdo, à garder raison, oui mais ils vont peut-être gagner la Coupe du Monde, les Allemands.
Et maintenant, vive les vacances ! D’ailleurs, le « Pas d’Escalette » pour moi, c’est lorsqu’ au bout du plateau du Larzac, je plonge vers la « grande bleue » !

Publié dans:Non classé |on 6 juillet, 2010 |2 Commentaires »

Va mal, VALMY, Va bien!

Je sais mes compatriotes souvent fâchés avec l’Histoire de France. Ont-ils conscience, par exemple, lorsqu’ils flânent à Paris, le long du canal Saint-Martin, sur le pavé des quais de Valmy et Jemmapes, que leur marche vers la place de la République prend un petit air d’allégorie ? En effet, nos vieux manuels d’histoire affirmaient que la fameuse bataille de Valmy, survenue le 20 septembre 1792, constituait l’élément fondateur de la République née le lendemain suite au vote unanime des députés de la Convention pour l’abolition de la royauté en France. Sur le piédestal de la statue de la République trônant sur la place éponyme, douze hauts-reliefs en bronze décrivent une chronologie des évènements majeurs de son histoire dont la victoire de Valmy.

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Même Goethe, le grand écrivain allemand, présent sur le champ de bataille aux côtés du duc de Weimar, rapporte dans son ouvrage Campagne de France qu’il avait déclaré ce soir-là : « De ce lieu, de ce jour, commence une ère nouvelle de l’histoire universelle, et vous pourrez dire : j’y étais ». Voilà en somme une lettre de mon moulin écrite avant la naissance d’Alphonse Daudet.
Ce moulin est visible depuis l’autoroute A4 à hauteur de l’aire de repos de Valmy. Ses ailes ainsi qu’un mémorial se détachent à l’horizon sur la ligne de crête d’une molle colline. Hommage d’un hussard noir de la République aux soldats grognards, le professeur d’histoire et le militaire qui sommeillaient dans mon père, me conduisirent dans mon enfance vers ce pèlerinage républicain (lire dans Portraits de famille, Michel Coffin, mon père). La situation géographique du lieu convient aussi à une halte à l’heure de midi lorsque je rends visite à mes attaches fraternelles alsaciennes. C’est dire que je ne voyage pas ici en terre inconnue et, une fois de plus, je mets mon clignotant pour prendre la sortie Sainte-Menehould, capitale gastronomique du pied de cochon. Il suffit alors d’emprunter sur une dizaine de kilomètres la voie de la Liberté, une route commémorant la victoire des alliés et la libération de la France lors de la seconde guerre mondiale.

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L’itinéraire suivi par la 3ème armée américaine commandée par le général Patton, depuis Utah Beach en Normandie jusqu’à Bastogne en Belgique, est matérialisé par des bornes kilométriques dont le modèle original est l’œuvre du sculpteur François Cogné. Il représente une torche, symbole de la liberté, sortant des flots, symbole du débarquement des troupes alliées.
L’histoire est un éternel recommencement et au nom de la liberté, une bataille peut en cacher une autre. Ce midi, pour pasticher Brassens, celle que je préfère, c’est la bataille de Valmy ! J’y suis, Valmy est une petite bourgade de la Marne, aux confins de l’Argonne, sur ce qu’on appelait dans mes livres d’école, le plateau de la Champagne pouilleuse non pas parce qu’elle était rongée par la vermine mais pour sa pauvreté et sa nudité dues à son sol calcaire. Les temps ont bien changé et avec la généralisation de la culture sous engrais, les moutons ont cédé la place à de riches terres agricoles. Le village comme beaucoup d’autres dans la Lorraine proche, s’enroule le long d’une rue principale au pied du mont de la Lune, sans doute un lambeau de butte témoin et de relief de cuesta comme vous l’apprîtes en classe de quatrième. Je me souviens d’un valeureux professeur d’École Normale qui, après relevé sur carte IGN des courbes de niveaux, nous demandait à l’aide de ciseaux, clous et marteau, de matérialiser à échelle réduite ce type de relief, en l’occurrence, celle de la côte de Bar. J’ai retrouvé cette maquette avec émotion, trente-cinq ans plus tard lors du déménagement du grenier familial. Je m’égare quoique si j’en crois Yves Lacoste, le talentueux fondateur de la revue Hérodote, la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre ! Alors montons au front !

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Le temps de me hisser vers le site de la bataille, je vous trace un tableau des forces en présence, en somme la composition des équipes pour employer un langage sportif de mise en cette période de Coupe du Monde « footoir » ! Après la fuite de Louis XVI à Varennes le 20 juin 1791, les monarques d’Europe se sentent ébranlés dans leur existence et craignent une contagion révolutionnaire illustrée par une pétition des députés Jacobins demandant la déchéance du roi et la proclamation d’une république en France. Le 27 août 1791, par la déclaration signée à Pillnitz, la Prusse et l’Autriche menacent la France d’une intervention armée. À Paris, les députés girondins (rien à voir avec le club de football quoique ce groupe politique de la révolution française, soit nommé ainsi parce que composé de plusieurs députés de la région bordelaise !), derrière Brissot, plaident pour la guerre ; selon eux, il faut prendre de court la contre-révolution pour obliger le Roi à choisir son camp et libérer les peuples opprimés d’Europe. Le 20 avril 1792, malgré une rude opposition, notamment celle de Robespierre, l’Assemblée déclare la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie » mais la guerre tourne très vite au fiasco, au point qu’à l’été, l’invasion du territoire paraît inévitable. Le 11 juillet, dans le fracas des armes, les députés déclarent « la Patrie en danger » et organisent la levée des volontaires. Dans la peur d’une attaque prussienne sur Paris avec la complicité du roi pour restaurer son autorité, les sans-culottes se soulèvent et le 10 août, la monarchie est renversée. C’est alors au nom d’une République qui ne dit pas encore son nom, et de sa liberté que le peuple en armes va faire face au péril extérieur. Le 18 août, une armée de 150 000 hommes, autrichiens et prussiens, entre en France. Face à eux, l’armée française est complètement désorganisée par le départ des officiers issus de la noblesse. Le duc de Brunswick, à la tête des troupes prussiennes, prend Longwy le 23 août puis Verdun le 3 septembre, ce qui lui ouvre la route de Paris. Les généraux Dumouriez et Kellermann, fraîchement nommés, arment alors des volontaires, des sans culottes à la hâte auprès de soldats professionnels pour enrayer la progression prussienne. Nous voici donc le 20 septembre 1792, à sept heures du matin ; il pleut à verse et la brume enveloppe le moulin de Valmy. Aujourd’hui, le temps est aussi à la grisaille mais je vous rassure, je possède quelques photographies prises en une autre occasion plus ensoleillée.

 

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« …Ils avançaient nu pieds et vêtus de haillons
Marchaient en rangs serrés criant vive la nation
Prêts à donner leurs vies pour que la liberté
Puisse enfin devenir une réalité
De Versailles aux Tuileries du Champ-de-Mars à Varennes
Ils avaient aboli les passe-droits et les chaînes
Quand ils virent se dresser le moulin de Valmy
Comme la proue d’un navire sur la mer démontée… »

Quoique puisse chanter Isabelle Aubret, nos valeureux sans-culottes virent surtout la carcasse fumante du moulin. En effet, lors de la bataille, le général Kellermann ordonna qu’il fût brûlé pour des raisons stratégiques. Visible à des kilomètres à la ronde, il constituait une cible parfaite pour l’artillerie prussienne.
Brave moulin, aussi solide que la République, contre vents et tempêtes, il a ressuscité trois fois et sa silhouette harmonieuse figure sur timbres et tableaux.

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Il fut d’abord reconstruit puis abandonné en 1832 à cause de sa piètre rentabilité. En 1939, une souscription fut ouverte et un nouveau moulin, transféré d’Attiches dans le Nord, fut inauguré en 1947. Las, la tempête du 26 décembre 1999 lui fut fatale. Il a retrouvé vie en 2005 grâce à une entreprise de Villeneuve d’Ascq qui l’a fabriqué dans ses ateliers dans l’esprit de l’architecture champenoise d’origine : son pivot de trois tonnes est demi-taillé dans un tronc de chêne de 300 ans provenant de la forêt d’Orléans. En parfait état de marche, ses ailes tournent au vent les jours de fête.

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J’arpente les champs de blé réveillés par le rouge sang des coquelicots. « Pour aimer les coquelicots et n’aimer qu’ça, faut être idiot ». Vous le savez (voir billet Le coquelicot du 16 juillet 2008), comme Mouloudji, j’ai un goût particulier pour cette fleur, héroïne du poème In Flanders Fields, qui fane au champ d’honneur.

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La quiétude de la fin de matinée contraste avec le vacarme qui régnait sur le plateau champenois il y a un peu plus de deux siècles. Malgré tout, la réputation du lieu lui colle à la peau et cinq militaires en tenue de combat, armés de redoutables engins, devisent au pied du moulin. En prêtant l’oreille, il apparaît que l’officier fait passer une batterie de tests d’ordre stratégique.

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Contrairement aux images d’Épinal ancrées dans la mémoire collective, ne suis-je pas en train de fouler le champ sans bataille de Valmy ? En effet, quel étrange combat s’effectuant à front renversé que celui imaginé par les généraux français : Dumouriez et Kellermann campent à une lieue de Sainte-Menehould regardant en direction de Paris qu’ils doivent défendre tandis que les Prussiens tournent le dos à une ville qu’ils envisagent de conquérir !

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cliquer sur la photo pour l’agrandir

Mes incompétences en stratégie militaire étant sans doute encore plus flagrantes que celles de Raymond Domenech en matière de gestion et tactique footballistiques, je m’en remets aux historiens qui décortiquent la bataille depuis 218 ans. Et comme pour l’affaire Anelka, les journalistes n’étaient pas dans le vestiaire de l’équipe de France, les historiens actuels n’étaient pas à Valmy ! Goethe pourrait nous fournir quelques renseignements intéressants s’il n’était pas mort en 1832 !
Donc selon l’Histoire officielle telle qu’on me l’enseigna dans ma jeunesse, ce 20 septembre 1792, le brouillard épais se dissipe un peu vers sept heures du matin. L’artillerie commence alors à tirer de part et d’autre et le feu est nourri sans être vraiment meurtrier pour aucun parti. Vers dix heures, Kellermann, placé au centre de la ligne, étudie les manœuvres de l’ennemi lorsque son cheval est tué sous lui d’un coup de canon. Presque dans le même temps, des obus éclatent au milieu du dépôt de munitions et font sauter deux caissons d’artillerie, blessant beaucoup de monde alentour et entraînant le repli des conducteurs des munitions. Faute de celles-ci, l’infanterie française opère alors un mouvement de recul. Vers onze heures, voulant battre le fer tant qu’il est chaud, le duc de Brunswick fait redoubler le feu de ses batteries. C’est alors que, considérant que la meilleure défense, c’est l’attaque (avec ou sans Ribéry !), Kellermann ordonne d’avancer. Il dispose son armée en colonnes par bataillon et quand elles sont formées, il leur adresse cette courte harangue : « Camarades, voilà le moment de la victoire ; laissons avancer l’ennemi sans tirer un seul coup de fusil, et chargeons-le à la baïonnette ! »

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Les courageux soldats français débordant de culot bien que sans-culottes, répondent à l’exhortation de leur chef au cri de Vive la nation que reprend Kellermann lui-même en mettant son chapeau au bout de son sabre. En un instant, tous les chapeaux sont sur les baïonnettes et les trente mille soldats de la Révolution, entonnant La Marseillaise, baïonnettes dressées, en colonnes d’attaque, marchent sur l’envahisseur décontenancé qui, bientôt, bat en retraite ! Vingt mille boulets sont tout de même échangés en une douzaine d’heures et la canonnade fait en tout et pour tout moins de 500 victimes (de trop !), 300 dans les rangs français et 184 chez les Prussiens.

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Le temps de vous conter la version officielle de la bataille, je me retrouve devant le mémorial commémorant le succès du général François-Christophe Kellermann qui fut par la suite élevé à la dignité de maréchal d’Empire en 1804 et obtint le titre de duc de Valmy en 1818 … comme quoi défendre de la République donne ses titres de noblesse !

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La statue en bronze représente le héros brandissant son sabre dans la main droite et son tricorne à panache tricolore dans la gauche. Sur une des faces de la stèle est gravée la célèbre phrase de Goethe. La prononça-t-il prophétiquement au soir de la bataille ? En effet, elle est extraite de sa Campagne de France écrite trente ans plus tard !
Une batterie de canons garde le monument. Étrangement, ils sont made in England et le général Pichegru et ses hommes les récupérèrent sur des navires hollandais lors de la bataille du Helder (Pays-Bas) en 1795. L’armée française était en fait équipée du tout nouveau canon Gribeauval, du nom de son concepteur, robuste et mobile. Il pouvait tirer avec précision deux ou trois obus à la minute jusqu’à une distance de 1800 mètres.

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À quelques pas, se trouve un obélisque de pierre. Il renferme dans une boîte en plomb le cœur du général qui souhaitait reposer au milieu de ses braves soldats.

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Les restes de sa dépouille se trouvent au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Les batailles de Valmy et de Marengo à laquelle se distingua son fils, sont mentionnées sur le monument.

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À l’entrée de l’allée plantée de sapins menant au mémorial, une chapelle en briques renferme les cendres de la princesse de Ginetti arrière petite-fille de Kellermann et bienfaitrice de la commune. Un croissant de lune figure sur un blason au fronton, peut-être en souvenir des combats sur la hauteur de la Lune qu’on appela pendant longtemps la bataille de la Lune.

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À l’écart de la légende de la victoire de la sans-culotterie et du monde des campagnes sur la meilleure armée d’Europe, du succès de l’armée forgée par la Révolution sur celle de l’Ancien Régime, de nombreux historiens proposent des lectures iconoclastes de la bataille réduite par exemple par la revue Hérodote à une modeste canonnade. Les propos même de Goethe plaident en ce sens : «…Ainsi s’était passée cette journée. Les Français n’avaient pas bougé. Kellermann seul était allé occuper une position moins incommode. On retira nos gens du feu, et ce fut comme si rien ne s’était passé. La plus grande consternation se répandit dans l’armée. Le matin encore, on ne parlait que d’embrocher et de manger les Français en bloc. Moi-même j’avais été attiré dans cette dangereuse aventure par la confiance absolue que m’inspiraient notre armée et le duc de Brunswick. Or, maintenant, chacun s’en allait, marchant devant lui rêveur, on évitait de se regarder, et quand les yeux se croisaient, on se répandait en jurements et en malédictions. A la nuit tombante, le hasard avait réuni un cercle au centre duquel on ne put même pas, comme d’habitude, allumer un feu. La plupart restaient silencieux, quelques-uns causaient, mais, à vrai dire, personne n’était en état de réfléchir ni de porter un jugement. ». On s’interroge sur la victoire trop facile, sur le peu d’entrain des Prussiens bien qu ‘ils possédassent la meilleure armée d’Europe et sur la manière dont ils battirent en retraite sans être poursuivis. On connut les Allemands plus teigneux avec l’infâme Schumacher à leur tête, en 1982 à Séville quand ils nous terrassèrent en demi-finale de Coupe du Monde ! Pardonnez mes références irrévérencieuses ; elles n’ont pour but que de vous faire sourire et d’ailleurs, les journalistes sportifs n’empruntent-ils pas souvent au langage guerrier dans leurs dithyrambes.
Me croiriez-vous si je vous disais qu’une chiasse carabinée serait une des causes de la fuite sans résistance de l’armée prussienne à Valmy ? Septembre 1792 fut un mois pourri et les pluies transforment les routes en torrents de boue. L’intendance ne suit pas et les troupes austro-prussiennes restent une semaine sans couchage ni ravitaillement. Les soldats, crottés, épuisés, affamés, se rabattent sur ce qu’ils peuvent trouver, quelques pommes de terre, des mirabelles en Lorraine, des grappes de raisins dans les vignobles champenois. La Fontaine, le fabuliste de Château-Thierry qui n’est distant que de 150 kilomètres, aurait souri à cet épisode des raisins verts. Bref, la dysenterie décime les rangs prussiens et d’épouvantables coliques en font des … sans-culottes d’un autre genre !
L’hypothèse d’une tractation financière est également avancée. Je sais bien qu’une enveloppe bourrée de billets enterrée dans un jardin servit au truquage d’un match de football entre l’Olympique de Marseille et Valenciennes mais de là à penser qu’il y eut corruption à Valmy … Et pourtant, on prétend que le duc de Brunswick, joueur fanatique criblé de dettes, aurait été acheté par Danton avec les diamants de la couronne royale de France curieusement volés quatre jours plus tôt. Il est troublant que dans l’inventaire de la succession de Brunswick, dressé après sa mort survenue en 1806 figuraient la Toison d’Or, un diamant bleu et quelques autres pierres provenant effectivement du trésor royal français.
On a envisagé aussi que des appartenances franc-maçonniques auraient facilité des arrangements clandestins entre le duc Charles de Brunswick, Danton maçon de la Loge des neuf sœurs et le général Dumouriez haut dignitaire du Grand Orient.
Tout cela devrait faire l’objet d’expositions et de conférences dans le musée et le futur centre d’interprétation historique du site de la bataille de Valmy qui ouvriront leurs portes en 2011 en contrebas du moulin. Les divergences portent sur l’événement lui-même et non pas sur son importance. Si Valmy ne fut pas une grande bataille d’un point de vue militaire, il est indiscutable qu’elle constitue symboliquement une authentique victoire de la France et de la Révolution, la première grande victoire des armées de la nouvelle République française.
En redescendant dans le village, je m’arrête quelques instants devant la statue de Francisco de Miranda, un militaire vénézuélien qui, arrivé en France en mars 1792, fut nommé sur les conseils de Danton, brigadier dans l’armée de la Meuse commandée par Dumouriez et « mit son épée au service de la France, sa seconde patrie » à la bataille de Valmy.

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Il est inscrit aussi sur la pierre que la « France et le Venezuela voient en Francisco de Miranda un symbole de leur union intellectuelle et de leur indestructible amitié ». Cela ne parut pas aussi limpide entre les présidents Chàvez et Sarkozy au moment de l’affaire Ingrid Betancourt.
De l’autre côté de la chaussée, se trouve un buste du général Simon Bolivar qui reprit l’œuvre de libération de l’Amérique du sud entreprise par Miranda, et affranchit le Venezuela de la domination espagnole.

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Les deux hommes ne semblaient pas être les meilleurs amis du monde car après que Miranda eût signé un armistice en 1812 avec l’ennemi, Bolivar, considérant cela comme un acte de trahison, le fit arrêter et le livra aux Espagnols qui l’emprisonnèrent à Cadix jusqu’à sa mort.
Du beau monde participa à la bataille de Valmy. Outre Goethe dans le camp ennemi, on relevait la présence dans les rangs français de Pierre Choderlos de Laclos, officier militaire chargé de l’organisation du camp de Châlons, inventeur de l’obus et écrivain du chef-d’oeuvre romanesque Les liaisons dangereuses ainsi que celle du lieutenant-général Louis-Philippe d’Orléans, duc de Chartres, qui deviendra Louis-Philippe 1er, roi des Français (et non pas roi de France) en 1830 sous la Monarchie de Juillet. C’est peu après son avènement que le quai Louis XVIII longeant le canal Saint-Martin à Paris, fut rebaptisé … quai de Valmy !
On notera la discrétion des hommages au général Charles-François Dumouriez. Il eût pu prétendre à la même aura que Kellermann d’autant que son armée brilla au mois de novembre suivant en vainquant les Autrichiens à Jemappes en Belgique. Mais ses ambitions personnelles le conduisirent à lever son armée contre la Convention puis ayant échoué dans son coup de poker, à passer à l’ennemi. Il mena alors une vie de proscrit en Angleterre jusqu’à sa mort.
Saut dans le temps, Bolivar contemple de l’autre côté du monument aux morts, un des chars américains M47 de la 3ème armée du général Patton qui libéra Valmy le 30 août 1944.

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Treize heures : il y a 218 ans, les sans-culottes effectuaient leur avancée victorieuse ; il est temps de passer à table au Kellermann, le seul restaurant du village. Pour trinquer à l’an 1 de la République (ainsi Danton proposa dès le lendemain de la bataille, de dater désormais tous les actes publics), je commande un canon … de Valmy, en l’occurrence une canette de bière locale !

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En fin d’après-midi, après un bon bout de route sur la voie de la Liberté via Verdun puis Gravelotte (où il ne pleuvait pas comme en 1870 !) j’atteins Strasbourg, ville natale de Kellermann ! Sur la place Broglie, dans une attitude moins exaltée qu’à Valmy, il nous salue avec son tricorne.

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Je cite encore Goethe dans sa Campagne de France : « Ils s’étaient approchés en silence de nous, quand d’un coup leur musique entonna la marche des Marseillais. Ce Te Deum révolutionnaire a toujours quelque chose de triste, comme d’un pressentiment, quelle que soit l’ardeur avec laquelle on le chante ; mais cette fois-ci, ils le prirent dans un tempo très mesuré, en suivant le pas lent des chevaux. C’était saisissant et terrible. »
Ce chant des Marseillais n’est autre que La Marseillaise, écrite dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 par Rouget de Lisle, en garnison alors à Strasbourg, pour l’armée du Rhin suite à la déclaration de guerre de la France à l’Autriche. Elle devient notre hymne national le 14 juillet 1795. Un monument le célèbre de l’autre côté de la place Broglie.

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Victor Hugo évoqua Waterloo morne plaine le 18 juin 1818 ; aujourd’hui, c’était Valmy colline inspirée le 20 septembre 1792 ou la naissance de la République pour les Nuls ! Et pour pasticher la publicité sur la prise de la pastille Valda, on aurait pu clamer trois ans après l’assaut de la Bastille, « Va mal, VALMY, Va bien« !

Publié dans:Coups de coeur, Ma Douce France |on 1 juillet, 2010 |5 Commentaires »

valentin10 |
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