Archive pour mars, 2010

Engageons le printemps avec Jean Ferrat!

Je célèbre ici régulièrement l’arrivée du printemps. L’hiver fut-il si neigeux et glacial pour que mon inspiration en hibernation n’eût rien envisagé cette année ?
Et puis, la lumière m’est venue d’un poète qui s’est éteint la semaine dernière. Comme je le redoutais, le concert d’éloges audiovisuels a fait relâche dès le lendemain des obsèques de Jean Ferrat. Ironiquement, l’expression anglaise prime time employée pour désigner les émissions de télévision de début de soirée, tire son origine du latin primus tempus. À défaut d’en être encore la vedette, c’est donc l’occasion de ne pas « enterrer » trop vite l’ami Jean.
Au-delà de la renaissance de la nature, le printemps fut souvent la saison de l’éclosion des idées et des révoltes. Rappelez-vous la Révolution des Œillets et des évènements d’avril 1974 qui entraînèrent la chute de la dictature salazariste au Portugal, le Printemps de Prague et la tentative d’un « socialisme à visage humain » par le réformateur Alexander Dubcëk, les mères de la plaza de Mayo de Buenos-Aires qui, depuis avril 1977, défilent chaque semaine en mémoire de leurs enfants disparus sous la dictature des généraux.
En mars 1969, Jean Ferrat s’inspira de mai 1968 pour écrire sa vision du printemps de manière engagée comme il sait si bien le faire :


« Au printemps de quoi rêvais-tu?
Vieux monde clos comme une orange,
Faites que quelque chose change,
Et l’on croisait des inconnus
Riant aux anges
Au printemps de quoi rêvais-tu?

 

Au printemps de quoi riais-tu?
Jeune homme bleu de l’innocence,
Tout a couleur de l’espérance,
Que l’on se batte dans la rue
Ou qu’on y danse,
Au printemps de quoi riais-tu?

 

Au printemps de quoi rêvais-tu?
Poing levé des vieilles batailles,
Et qui sait pour quelles semailles,
Quand la grève épousant la rue
Bat la muraille,
Au printemps de quoi rêvais-tu?

 

Au printemps de quoi doutais-tu?
Mon amour que rien ne rassure
Il est victoire qui ne dure,
Que le temps d’un Ave, pas plus
Ou d’un parjure,
Au printemps de quoi doutais-tu?

 

Au printemps de quoi rêves-tu?
D’une autre fin à la romance,
Au bout du temps qui se balance,
Un chant à peine interrompu
D’autres s’élancent,
Au printemps de quoi rêves-tu?

 

D’un printemps ininterrompu «
Sa chanson fut bien évidemment censurée à la télévision ! Elle résonne dans nos consciences le jour du printemps et à la veille d’une élection.

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Comme il n’y a pas de printemps sans fleurs, écoutez aussi La petite fleur qui tombe qu’il sema avec Henri Gougaud :
« La petite fleur qui tombe
Pourrait faire un bruit de bombe
Ecoutez écoutez
La petite fleur profane
Celle qui jamais ne fane
Place de la Liberté

 

Les deux pieds dans Paris le front dans l’avenir
La main tendue à qui voulait bien la tenir
Je fus heureux je vous le jure
Les chansons crépitaient à chaque coin de rue
Et moi frappé au cœur d’une rose perdue
J’en garde encore une blessure

 

La petite fleur qui tombe
Pourrait faire un bruit de bombe
Ecoutez écoutez
La petite fleur profane
Celle qui jamais ne fane
Place de la Liberté

 

Aujourd’hui que l’hiver a séparé nos mains
Je vais obstinément sur le même chemin
Entre la rage et la tendresse
Dans Paris aux murs gris jusqu’au-dessus des toits
Une petite fleur me dit rappelle-toi
Ne me laisse pas en détresse

 

La petite fleur qui tombe
Pourrait faire un bruit de bombe
Ecoutez écoutez
La petite fleur profane
Celle qui jamais ne fane
Place de la Liberté »

Que ce bouquet de rimes aide à égayer notre printemps tout neuf !

Publié dans:Almanach |on 20 mars, 2010 |Pas de commentaires »

Une corde s’est brisée au doigt du guitariste! Mon hommage à Jean Ferrat

  Quelques mots d’une chanson
Que c’est beau, c’est beau la vie
Un oiseau qui fait la roue
Sur un arbre déjà roux
Et son cri par-dessus tout
Que c’est beau, c’est beau la vie
Tout ce qui tremble et palpite
Tout ce qui lutte et se bat
Tout ce que j’ai cru trop vite
À jamais perdu pour moi
Pouvoir encore regarder
Pouvoir encore écouter
Et surtout pouvoir chanter
Que c’est beau, c’est beau la vie… »

Même si le poète a toujours raison, la vie est parfois chienne, ainsi ces jours-ci avec la disparition de Jean Ferrat qui a rejoint au paradis ses compagnons de poésie Brassens, Brel, Ferré et Nougaro. La nouvelle ne m’a pas surpris car j’avais eu connaissance de la santé chancelante de l’artiste lors d’une exposition en son hommage à la maison Elsa Triolet-Aragon de Saint-Arnoult-en-Yvelines. Comme un signe, je n’avais d’ailleurs pu la visiter car elle fut inexplicablement démontée trois jours avant la date prévue … Jean des encres, Jean des sources, quel superbe titre pour évoquer l’artiste et l’homme !
Chamboulement des programmes, hommages en prime time, retransmission en direct de ses obsèques, je suis étonné du déferlement médiatique pour saluer sa mémoire en décalage complet avec le silence que lui imposa fréquemment la télévision, en somme pour le ressusciter après l’avoir autrefois enterré artistiquement. Je veux croire que seule la sincérité présidait à cette litanie d’hommages et je ne retiendrai que la complicité et l’affection profondément émouvantes de ses amis de longtemps à l’occasion de l’ultime voyage sur la petite place de la Résistance du village d’Antraigues, un joli nom qui sied parfaitement au chanteur engagé.
Depuis samedi, j’ai ressorti mes disques vinyle ; à défaut de platine pour les réécouter, j’ai mis les CD de substitution tout en contemplant avec mélancolie les belles pochettes des microsillons de ma jeunesse … et l’écume des souvenirs remonte en ma mémoire comme par enchantement.

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Printemps 1962 ! C’est le temps des yéyés, le temps de Salut les copains, des chemises à fleurs, des cheveux longs et des idées courtes comme s’invectivent Johnny et Antoine que les opticiens n’ont pas encore réunis ! Les radios martèlent ce qu’elles pensent devenir les tubes de l’été et parmi ceux-ci, une superbe chanson d’amour fredonnée par un quasi inconnu en cravate et complet veston :

« La mer sans arrêt
Roulait ses galets
Les cheveux défaits
Ils se regardaient
Dans l’odeur des pins
Du sable et du thym
Qui baignait la plage
Ils se regardaient
Tous deux sans parler
Comme s’ils buvaient l’eau de leurs visages
Et c’était comme si tout recommençait
La même innocence les faisait trembler
Devant le merveilleux
Le miraculeux
Voyage de l’amour… »

Cet été-là, sur mon tourne-disques, la mer charria des tonnes de galets et précoce, j’accomplis un nombre incalculable de fois le « miraculeux voyage de l’amour » de ces Deux enfants au soleil. Je ne sais si Ferrat puisa son inspiration sur les rivages encore peu encombrés de la Côte d’Azur du côté de Saint-Jean-Cap-Ferrat, du moins il y avait trouvé son pseudonyme d’artiste.
Je fus séduit aussi, en tout bien tout honneur, par sa Môme qui, dans sa banlieue parisienne ne goûtait pas au farniente de la Méditerranée :

« …Mais ma môme elle a vingt-cinq berges
Et j’crois bien qu’la Saint’Vierge
Des églises
N’a pas plus d’amour dans les yeux
Et ne sourit pas mieux
Quoi qu’on dise… »

Une jolie chanson mêlant sentiments amoureux et commentaire social et politique :

« Ma môme, ell’ joue pas les starlettes
Ell’ met pas des lunettes
De soleil
Ell’ pos’ pas pour les magazines
Ell’ travaille en usine
A Créteil… »

Le bonheur n’appartenait pas qu’à ceux qu’on n’appelait pas encore les people !
Et puis, il y avait une chanson qui m’intriguait :

« Les guitares jouent des sérénades
Que j’entends sonner comme un tocsin
Mais jamais je n’atteindrai Grenade
Bien que j’en sache le chemin
Dans ta voix
Galopaient des cavaliers
Et les gitans étonnés
Levaient leurs yeux de bronze et d’or
Si ta voix se brisa
Voilà plus de vingt ans qu’elle résonne encore
Federico García… »

Mon père m’expliqua cet hymne au poète assassiné par la Guardia civil de Franco. Il me rappela les jardins du Generalife et de l’Alhambra où, bambin insouciant, je sautillais entre les jets d’eau, ivre d’une liberté tant opprimée durant la guerre d’Espagne.
Voilà comment à travers sa voix chaude chantant l’amour et certaines idées politiques, je devins durant presque un demi siècle, inconditionnel de Ferrat !
Un an plus tard, parut un album plus anecdotique. Je souris aujourd’hui en y retrouvant une chanson populaire voire populiste pour laquelle j’avais alors un certain béguin :

« …Les petits bistrots
Qui n’ont pas d’juk’-box
Seul’ment la radio
Pour suivre la boxe
Les petits bistrots
Où j’ai des amis
Robert et Jojo
Et Simone aussi
La patronne est à la cuisine
Le patron derrière son comptoir
On parle du Tour et du Racing
Devant un rouge ou un p’tit noir… »

Fidèles lecteurs, vous avez compris pourquoi, même si de nos jours les conversations sur le zinc tourneraient malheureusement plutôt vers les comportements imbéciles des supporters du PSG et les affaires « stupéfiantes » qui gangrènent le cyclisme.

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Puis vint l’album de la consécration récompensé par le grand prix international du disque de l’académie Charles Cros, celui sur un swing jazzy de « Quatre cents enfants noirs/Dans un journal du soir/et leurs pauvres sourires/Ces quatre cents visages/À la première page/m’empêchent de dormir…», celui de C’est beau la vie cité en ouverture de ce billet, celui de l’hommage affectueux À Brassens :

« …Entre tes dents juste un brin d’herbe
La magie du mot et du verbe
Pour tout décor
Même quand tu parles de fesses
Et qu’elles riment avec confesse
Ou pire encor
Bardot peut aligner les siennes
Cette façon d’montrer les tiennes
N’me déplaît pas
Et puisque les dames en raffolent
On n’peut pas dire qu’elles soient folles
Deo gratias… »

Et surtout celui de Nuit et brouillard ! En pleine vague yéyé, comme il le signe au verso de la pochette, « l’important c’est d’être heureux, dire ce que l’on croit vrai, chanter ce que l’on aime et qu’importe les moyens je twisterais les mots s’il fallait les twister » pour qu’un jour les enfants sachent que …

« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent
Ils se croyaient des hommes, n’étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu’une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été… »

Coup de tonnerre sur le microcosme de la variété, à contre-courant de la chanson de consommation, entre Chaussettes noires et Chats sauvages, dans la foulée du film d’Alain Resnais dont il reprend le titre, il accomplit son devoir de mémoire des camps de concentration d’où ne revint jamais son père Mnacha Tenenbaum déporté à Auschwitz.
Entre le « point de détail » ignominieux d’un leader politique d’extrême droite et les récentes évocations de la grande rafle du Vel’d’Hiv’ en passant par Shoah le film documentaire fleuve de Claude Lanzmann, l’extermination massive des Juifs d’Europe dans les camps nazis semble une tache noire de l’Histoire acquise aujourd’hui aux yeux de (presque) tous. En 1963, il n’en était pas de même pour le directeur de l’ORTF (la Radio-France actuelle) qui déconseillait fortement la diffusion sur les antennes du poignant hommage de Ferrat. Heureusement, sur les radios périphériques, même aux heures de grande écoute, le public lui réserva un triomphe et au rythme saccadé des lugubres tambours, effectua souvent le voyage vers l’horreur dans les « wagons plombés ».

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J’attendis alors fébrilement chaque nouvel opus de l’artiste et en 1965, il nous envoie une carte postale douce-amère d’Ardèche, sa nouvelle terre d’adoption :

« Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?… »

Entre Farrebique et Biquefarre, les deux merveilleux films de Georges Rouquier réalisés à quarante ans d’intervalle dans une modeste ferme du Rouergue, avant que l’écologie ne soit un concept douteusement politisé, Ferrat nous entretient du douloureux exode rural avec poésie, tendresse mais aussi clairvoyance. Cela nous interpelle, enfants du baby boom qui avons souvent dans nos familles des grands-parents paysans. Curieusement, lors d’une promenade il y a près d’un an au hameau de Navacelles niché au fond du célèbre cirque, non loin finalement de ses Cévennes ardéchoises, assis au soleil sur un muret de pierres sèches, je repensais à ces valeureux paysans qui quittaient un à un leur pays. Aujourd’hui, La Montagne est étudiée dans les collèges pour évoquer une paysannerie disparue au profit d’un progrès factice, le formica et le ciné ainsi que le poulet aux hormones ! Elle n’a peut-être jamais été aussi belle que lors des obsèques de son auteur, reprise à cappella par une foule émue.

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Dans le même album, figurait un poème emblématique de Ferrat extrait de Prose du bonheur et d’Elsa dans Le Roman inachevé de Louis Aragon :

« Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement
J’ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j’ai vu désormais le monde à ta façon
J’ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J’ai tout appris de toi jusqu’au sens du frisson … »

Cette année-là, j’allais voir La vieille dame indigne, un excellent film de René Allio, le futur réalisateur des Camisards, pour lequel Jean Ferrat créa une chanson originale :

« …Une odeur de café qui fume
Et voilà tout son univers
Les enfants jouent, le mari fume
Les jours s’écoulent à l’envers
A peine voit-on ses enfants naître
Qu’il faut déjà les embrasser
Et l’on n’étend plus aux fenêtres
Qu’une jeunesse à repasser
Faut-il pleurer, faut-il en rire
Fait-elle envie ou bien pitié
Je n’ai pas le cœur à le dire
On ne voit pas le temps passer… »

Ce tendre raccourci de la vie qui passe vite intégra au début de l’année 1966 un album dans lequel Ferrat ne chantait pas pour passer le temps au contraire de Ferré ! De retour, les tambours roulèrent cette fois pour célébrer l’insurrection des marins du célèbre cuirassé Potemkine durant la révolution de 1905.

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Malgré sa précaution d’usage, « m’en voudrez-vous beaucoup », la censure ne le rata pas et la radio et la télévision gaulliennes l’interdirent sur leurs antennes. Qu’importe, nous l’écoutions en boucle sur notre Teppaz et il caracola en tête des hits parades des radios périphériques.
Et en bonus, jusqu’à l’été de la Saint-Martin, grâce à Ferrat, nous nous gaussâmes à l’envi du sabre et du goupillon :

« …On ne sait plus aujourd’hui à qui faire la guerre
Ça brise le moral de la génération
C’est pourquoi les crédits que la paix nous libère
Il est juste qu’il aillent comme consolation
Au sabre et au goupillon
L’un jouant du clairon l’autre de l’harmonium
Ils instruiront ainsi selon la tradition
Des cracks en Sambre et Meuse des forts en Te Deum
Qui nous donneront encore bien des satisfactions
Du sabre et du goupillon… »

À ceux qui estiment peut-être mes exaltations démesurées en notre époque d’indifférence, de violence et de profit où l’on peut dire tout et surtout n’importe quoi, qu’ils sachent qu’en ce temps là de règne gaulliste, il n’y avait qu’ « une voix de la France » et que les espaces de libre expression étaient rares. Alors, comprenez que nous respirions à grands poumons les grands airs de liberté que soufflait Ferrat ! Chacun de ses brûlots constituait un moment de fraternité qui nous laissait espérer en un monde meilleur, une société plus juste. Mai 68 se profilait à l’horizon, les grands soirs et les petits matins

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Auparavant, Jean Ferrat partit à Cuba et au Mexique … en touriste !!! L’écrivain et médiologue Régis Debray qui suivait Che Guevara en Bolivie, était capturé puis incarcéré quatre ans par les forces gouvernementales l’accusant de collusion avec la CIA. Ferrat en revint avec un vrai look de guerillero, les cheveux plus longs, le visage barré de superbes bacchantes, et évidemment dans sa besace quelques chansons couleur locale :

« …Je rencontre un vieux nègre aux yeux de bois brûlant
Assis devant la mer, grain de café torride
Le front dans le soleil il me montre en riant
Là-bas, les côtes de Floride
Cuba, Cuba, Cuba sí
Cuba, Cuba sí
Cuba, Cuba, Cuba sí
Cuba, Cuba… sí… »

Outre de nous donner à réfléchir comme à son habitude, l’ami Jean nous invitait à nous trémousser sur les rythmes latinos de cha cha cha, conga et danzòn … ou comment ne pas danser idiot !. Le consensuel, comme on dit aujourd’hui, À Santiago de Cuba passa en boucle à la radio. Il était par contre d’autres petites merveilles que réprouvait la morale gaullienne :

« …Elle jette bas sa chemise
Elle est nue comme une cerise
Un rayon de soleil l’inonde
Elle est la plus belle du monde
Au point du jour
La radio donne des nouvelles
Quelque part la vie n’est pas belle
Des bombes crient dans le lointain
Défense de voir le matin
Au point du jour… »

Tandis que Gainsbourg susurrait 69 année érotique, Ferrat revint sur les évènements du mois de mai précédent :

« …Au printemps de quoi rêvais-tu?
Poing levé des vieilles batailles
Et qui sait pour quelles semailles
Quand la grève épousant la rue
Bat la muraille
Au printemps de quoi rêvais-tu? »

Il nous brossa aussi le tableau de (Sa) France à lui, évidemment censurée par les « godillots » du Général ! Cela aurait pu inaugurer le récent débat minable sur l’identité nationale.

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Aujourd’hui, on n’interdit plus mais certain récupère abusivement et honteusement dans sa campagne présidentielle, Victor Hugo, Jean Jaurès, Léon Blum et Guy Moquet !
Ainsi avec ses disques, Jean Ferrat m’accompagna à l’aube des seventies. Cela ne me suffit plus, je voulus le voir sur scène. Au sommet de sa popularité, il donna en février 1970 une série de douze récitals au Palais des sports de Paris, une enceinte traditionnellement destinée aux combats de boxe et de catch ainsi qu’aux concerts du rocker Johnny Hallyday. Tandis que j’écris, des kyrielles d’images et de sons me reviennent en mémoire avec une étonnante précision : un soir d’hiver glacial, la porte de Versailles embouteillée par les cars déversant leurs flots de jeunes (et moins jeunes) en provenance des banlieues « rouges » sous l’œil guère amène de bataillons de CRS, méfions-nous, les flics sont partout prévenait alors l’ami Jean, Pompidou avait succédé à De Gaulle, rien n’avait changé ! À l’intérieur, l’ambiance relevait beaucoup plus du meeting politique que d’un spectacle de music-hall. Je ne sais si la sono était pourrie mais nous n’entendions Ferrat que très indistinctement ; qu’importe, la foule tout acquise à son idole fredonnait avec elle et plus encore, explosait en des salves d’acclamations et de hurlements approbateurs au détour de chaque couplet révolutionnaire !

« …Fils de bourgeois ordinaires
Fils de Dieu sait qui
Vous mettez les pieds sur terre
Tout vous est acquis
Surtout le droit de vous taire
Pour parler au nom
De la jeunesse ouvrière
Pauvres petits c…
De la jeunesse ouvrière
Pauvres petits cons … »

Les poings se levaient pendant Camarade condamnant l’intervention soviétique dans Prague en août 1968 :

« …C’est un nom terrible Camarade
C’est un nom terrible à dire
Quand, le temps d’une mascarade
Il ne fait plus que frémir
Que venez-vous faire Camarade
Que venez-vous faire ici
Ce fut à cinq heures dans Prague
Que le mois d’août s’obscurcit… »

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Lorsque Francesca Solleville chanta Ma France lors des obsèques sur la place d’Antraigues, j’ai retrouvé par instants ces élans collectifs de manière plus retenue bien sûr compte tenu des circonstances.
Malgré l’acoustique plus qu’inconfortable, le concert du palais des sports demeure un moment inoubliable de fraternité, de liesse, de romantisme même, qui peut surprendre les plus jeunes d’entre nous qui n’ont d’image de Ferrat que surtout celle d’un monsieur au beau visage de patriarche blanchi sous le harnais des luttes et des combats, délicieusement poli, calme, tendre, chantant merveilleusement bien les vers de Louis Aragon (chanson « Devine »).

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Ce clip fut d’ailleurs tourné dans la propriété d’Aragon et Elsa Triolet à Saint-Arnoult-en-Yvelines, un ancien moulin à eau entouré de bois et traversé par la petit rivière de la Rémarde.
Vous comprenez pourquoi bien qu’il se fût installé dans une semi retraite, ses refrains intemporels continuèrent de jalonner ma vie. Jean Ferrat s’en est allé discrètement la veille du premier tour des élections régionales qui ont marqué un net retour des troupes de l’homme du sinistre « point de détail ».

« …Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d’Éluard s’envolent des colombes
Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu’il est temps que le malheur succombe
Ma France… »

Pour espérer en la vie et l’homme, il me reste les encres de Jean et je me promets bientôt d’aller au pays de ses sources voir combien sa montagne est belle.
Tout de même, tu aurais pu vivre encore un peu pour notre bonheur, pour notre lumière

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Publié dans:Coups de coeur |on 19 mars, 2010 |4 Commentaires »

Le beau vélo de Ravel ou le départ de Paris-Nice 2010

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Cela fait quelques semaines que je ne vous ai pas entretenu de vélo. Au risque d’agacer quelques lecteurs réfractaires de France, de Belgique et de Navarre, je profite donc pour combler cette lacune, du départ de la course cycliste Paris-Nice à quelques kilomètres de chez moi, précisément à Montfort-l’Amaury, une petite ville des Yvelines chargée d’histoire où vécut de 1921 à 1937 le compositeur Maurice Ravel. Nourri à la verve littéraire d’Antoine Blondin qui exerça entre autre l’art du calembour et la profession de suiveur du Tour de France durant vingt-huit ans, le titre de ma chronique s’impose d’emblée à mon esprit : Le beau vélo de Ravel ! Quelle ne fut pas ma déception lorsque en parcourant la Toile, je constatai que mon jeu de mots était déjà l’apanage outre-Quiévrain d’un rassemblement de cyclotouristes et d’une émission de radio, consolation c’est l’occasion d’employer mon expression adorée synonyme de Belgique ! Certes également, quelques joyeux drilles originaires d’un village proche de Montfort ont puisé à la même source en créant un excellent groupe musical Les Blérots de R.A.V.E.L., ce sigle signifiant Renouveau Artistique Volontairement Élaboré par des Losers ! Il est un autre blaireau surnom du quintuple vainqueur du Tour Bernard Hinault présent justement dans le comité d’organisation de ce Paris-Nice qui draine une populace turbulente vers la petite cité bourgeoise d’ordinaire bien sage. « 1 Faux ou intox », une pancarte signale que la fanfare municipale interprètera ce dimanche matin … le beau vélo de Ravel ! Encre violette reverra donc sa copie question originalité !

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Avant le début des hostilités, j’arpente les pittoresques rues pavées du village. Certains commerçants ont décoré leur vitrine. Ainsi, la fleuriste, je préfère le féminin ( !), y a disposé maillot, bicyclette et vieux magazines.

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Il fut un temps bien révolu où le vainqueur recevait, outre un baiser de la miss locale rougissante, un bouquet de glaïeuls qu’il offrait le soir à l’épouse, la fiancée ou la petite amie. Aujourd’hui, sponsors obligent, la casquette bien vissée sur le crâne, il brandit la peluche de la mascotte d’une grande banque ou une assiette décorée aux armes de la ville étape ! Vu le peu d’attention qu’ils lui accordaient, je me suis souvent demandé si les vainqueurs du Tour de France savaient la valeur de la porcelaine de Sèvres dont il leur était fait cadeau à l’arrivée sur les Champs Élysées. Qui sait si chez certains, elle n’a pas trouvé asile au fond d’un grenier !

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Opération course contre le chronomètre et semaine du jaune chez le bijoutier qui offre un tee-shirt bouton d’or à chaque client acheteur d’une montre Festina … à l’insu de son plein gré ? pour reprendre le système de défense d’un ancien coureur de la marque suisse accusé de dopage. À l’origine, de la création de la course en 1933 jusqu’en 1939, le leader portait un maillot azur et or évoquant la « grande bleue », la Méditerranée, et le soleil niçois. L’organisation optera pour un paletot vert en 1946, jaune à liseré orange en 1951 puis blanc à partir de 1955. C’est cette tunique immaculée que revêtirent à plusieurs reprises Anquetil, Poulidor et Merckx. Foin des traditions, depuis 2008, suite au rachat de la course par la société organisatrice du Tour de France, le premier du classement général porte une tenue jaune en tout point identique à celle du leader de la « grande boucle ». C’est ce qu’on appelle probablement la lisibilité commerciale !

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L’Atelier Bouteille, sympathique cave et bar à vins ainsi que galerie d’art, fête l’événement avec une exposition Le vélo & le vin dont l’affiche suggère un itinéraire enivrant pour une prochaine édition de Paris-Nice à en juger les villes étapes : Chablis dans l’Yonne, Gevrey-Chambertin et Meursault en Côte d’Or, Crozes ou Tain dans la Drôme pour promouvoir le vignoble de l’Hermitage, Châteauneuf-du-Pape en Vaucluse et enfin Bandol dans le Var ; on aurait pu y ajouter Juliénas cru de Beaujolais qui accueillit effectivement une fois la course. Nul doute que ce tracé eût transporté d’aise Antoine Blondin et René Fallet et que le soir après les arrivées, ces deux amoureux de la dive bouteille et du vélo auraient chaleureusement célébré l’amitié omniprésente dans leurs romans autour de quelques « verres de contact ».

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« J’ai connu une polonaise qui en prenait au petit déjeuner »(Les Tontons flingueurs)

Peut-être même eussent-ils évoqué le premier critérium des Gentlemen organisé par Blondin en 1972 dans son village de Linards en Limousin. En cyclisme, les gentlemen sont des amateurs de vélo, de tous âges, que l’on associe pour une compétition amicale, à un coureur en activité. En cette occasion, Fallet tout heureux d’infliger un camouflet à Georges Brassens qui affirmait inlassablement qu’il ne serait jamais un gentleman, fut associé à Raymond Poulidor. Boudiné dans sa tenue de champion du monde, ce sont les termes employés par le journaliste de La Montagne qui couvrait l’épreuve, l’auteur du Beaujolais nouveau est arrivé, asphyxié dès le premier raidillon, ne dut son salut qu’à des poussettes incessantes du toujours aussi brave Poulidor. Quant à Blondin qui avouait malicieusement « qu’il écrivait beaucoup moins que ceux qui écrivent mais buvait beaucoup plus que ceux qui boivent », il ne vit pas un seul vélo de cette journée copieusement arrosée et « ne connut de rayons que ceux de son soleil intérieur ». En guise de quoi, quelques mois plus tard, Fallet eut le front d’écrire dans sa chronique du quotidien l’Aurore au lendemain du magistral succès de Poulidor dans Paris-Nice que, s’il avait battu le grand Eddy Merckx au sommet du col d’Èze, c’était peut-être à Linards dans sa roue, qu’il avait forgé sa victoire !
Est-ce pour éliminer tous ces excès, la cité gardoise de Vergèze où jaillit la source Perrier, fut régulièrement ville étape dans les années 1950-60. Fausto Coppi, Louison Bobet deux fois, Jacques Anquetil à quatre reprises, y remportèrent la course contre la montre.

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De là à conclure qu’ils gagnèrent selon l’expression consacrée, « à l’eau claire », il y a un pas que je ne franchirai pas ; à ce propos, lors de la dernière décennie, une certaine malédiction liée au dopage a frappé Paris-Nice et parmi les coureurs qui l’ont épinglé à leur palmarès, on relève les noms de l’italien Dario Frigo, du belge Franck Vandenbroucke, du kazakh Vinokourov et de l’américain Floyd Landis qui ont beaucoup plus défrayé la chronique dans la rubrique faits divers que pour leurs exploits sportifs, le coureur d’outre-quiévrain (j’ai osé une seconde fois, comique de répétition !) en a même perdu la vie il y a quelques mois !
En 1963, se déroula une curieuse étape de la soif entre Vergèze Source Perrier (c’est fou non ?) et Margnat village, une charmante cité de la banlieue marseillaise où se trouve l’entreprise de la famille Margnat championne du gros rouge qui tache. Le « magnat » du vin embouteillé dans du plastique, investissait alors dans le cyclisme et sponsorisait l’équipe Margnat-Paloma dont les plus beaux fleurons furent « l’aigle de Tolède » Federico Bahamontès et le « lévrier landais » André Darrigade. Superbe coup publicitaire, mensonger cependant car ce vin de table (ou de sous les ponts) favorisait sans doute plus un abandon pour ennuis gastriques qu’une chevauchée dans les cols alpins et pyrénéens ou un sprint étourdissant ! En l’occurrence, il eut fallu inverser le sens de l’étape pour nettoyer l’estomac avec l’eau aux petites bulles ! En tout cas, à la grande satisfaction de son patron, Darrigade l’emporta au pied des calanques.
Depuis, beaucoup d’eau a couru dans les collines au milieu des lauriers roses : la famille Margnat « négociant en vins de France » a fait fortune, Kiravi, Vieux Papes, La Villageoise, des noms à faire rêver tous les pochtrons, c’est eux ! Mais en proie à quelques difficultés financières (c’est toujours ce qu’on avance !), elle a mis la clé sous la porte de son entreprise Legré-Mante, la seule usine française d’acide tartrique. Fabriqué à partir de résidus de moûts de raisins pressés des caves coopératives, issu d’un procédé impliquant acides sulfurique et chlorhydrique, soude et autre chlorate, l’acide tartrique est ensuite utilisé pour acidifier jus de fruits et sodas (chez Perrier ?), stabiliser le goût et la couleur des petits pois en conserve, rendre effervescents les comprimés de Sanofi, retarder la prise des ciments et polir ou nettoyer les métaux !!! Vous comprendrez que je reprenne volontiers en chœur avec Mireille Mathieu Margnat Paloma … adieu !
Jusque dans les années 1950, Paris-Nice suivait approximativement la route Nationale 7, « la route des vacances qui traverse la Bourgogne et la Provence, qui fait de Paris un p’tit faubourg de Valence et la banlieue d’ Saint-Paul de Vence » comme le chantait Charles Trenet, avec quelques infidélités vers la vallée du Rhône pour des raisons économiques, on l’a vu avec Perrier, et stratégiques de course. Ainsi, la course a fait étape près de soixante fois à Saint-Étienne, longtemps capitale industrielle du cycle et bien située avec la présence voisine du sélectif col de la République. Pour l’intérêt sportif de l’épreuve et ses retombées financières, il fallut toujours plus de « pain et de jeux », et alors que les massifs montagneux étaient souvent évités à sa création, les ascensions prirent de plus en plus d’importance : le mont d’Or cher à Giono au-dessus de Manosque, le mont Faron en surplomb de Toulon, le « géant de Provence » le terrible mont Ventoux, la montagne de Lure et le col d’Èze. C’est avec une course contre la montre dans cette dernière difficulté entre Nice et Monaco que s’acheva la course à vingt-neuf reprises : l’irlandais Sean Kelly, recordman des victoires finales, y forgea ses sept succès, Eddy Merckx les trois siens avant de s’incliner par deux fois face à un « quadragêneur » le vétéran Raymond Poulidor qui se consolait là des tourments que lui avait infligés son éternel rival Jacques Anquetil, nous en reparlerons.
Avec ces itinéraires de moins en moins directs, on aurait pu reprendre la savoureuse remarque de Jean Alavoine dit Gars Jean, un des forçats de la route des années d’après la première guerre mondiale loués par le reporter Albert Londres : « Pour aller de Toulon à Nice, on passe par Menton. Cela peut vous surprendre. C’est ainsi. On ne trouve jamais de chemins assez longs. On ajouta, aujourd’hui, cent kilomètres à la ligne droite. Ce n’est plus un tour de France, c’est un “tour de cochon”. » Vous n’ignorez pas que tous les chemins mènent à Rome même ceux qui conduisent de Paris à Nice ! Ainsi, en 1959, la course se prolongea jusque dans la capitale italienne ! Dernière curiosité « touristique », l’organisateur Jean Leulliot eut l’idée de longer la Méditerranée par si j’ose dire sa « rive droite » : ainsi, en 1963, 1965 et 1966, les coureurs par avion et les suiveurs, matériel et caravane par ferry, rejoignirent … Ô Corse île d’amour ! Plusieurs étapes se déroulèrent dans ces lieux enchanteurs, le long des frais rivages et dans le maquis sauvage loués par Tino Rossi !
En 1966, y souffla même un vent de folie sur le cyclisme hexagonal. Pendant une semaine, ce fut quasiment « l’affaire du siècle » et la France fut à nouveau coupée en deux par une ligne de démarcation avec d’un côté, les « poulidoristes » acharnés accusant Jacques Anquetil de tous les péchés, et de l’autre, les « anquetilistes » fervents reconnaissant en Poulidor, un hypocrite et un pleurnichard. Bien que ne possédant que peu de détails sur ce qui se passait à un millier de kilomètres de chez moi, vous vous doutez fidèles lecteurs dans quel camp je me rangeai. Quand on est anquetiliste, c’est comme lorsqu’on est de gauche, à moins de s’appeler Besson, on y est pour la vie !

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Bref, un climat explosif, une ambiance de complot et de vendetta, très « couleurs locales » finalement, pesèrent sur la course. Pour être tout à fait exact, le règlement de compte s’effectua sur le continent mais les germes de la rébellion poussèrent entre Bastia et Île Rousse. En matinée, Anquetil, archi favori de la course, attaqué de toutes parts dans les cols de Teghime et San Stefano, batailla ferme et puisa tant dans ses ressources pour maintenir le contact avec ses adversaires qu’il paya la note dans la course contre la montre de l’après-midi, un exercice où il était réputé invincible : une fois n’est pas coutume, il termina second à une trentaine de secondes de … Poulidor lequel endossait le maillot blanc de leader. Le limousin surgit sur la jolie place de l’Île Rousse dans une liesse indescriptible ; enfin, le « pauvre » détrônait le riche, ras le bol de l’hégémonie de « Jacques le Conquérant », et deux ans après le duel au-dessous du volcan du Puy-de-Dôme lors du Tour de France 1964, Poulidor obtenait enfin sa revanche car les deux dernières étapes sur le continent n’étaient que simple formalité. C’eut été probablement vrai avec un autre adversaire qu’Anquetil lequel, mortifié par les manifestations de joie hystérique que lui rapporta son épouse, rumina immédiatement sa vengeance. Il servirait le plat encore chaud quarante-huit heures plus tard, entre Antibes et Nice. Adoptant une tactique de harcèlement habituellement employée par les adversaires d’Anquetil, son directeur sportif Raphaël Géminiani ordonna à toute l’équipe : « Il faut flinguer à tout-va dans les cent premiers kilomètres, je ne veux pas de tire-au-flanc. Quand vous serez cuits, vous aurez terminé votre boulot. À Jacques de conclure ! »

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Ce qui fut dit, fut appliqué avec sans doute quelque excès de zèle ; les « tueurs à gage » de l’équipe Ford France d’Anquetil entrèrent en action , les spadassins de l’équipe Mercier B.P répondirent du tac au tac trouvant même quelques alliés pétroleurs dans la formation Peugeot British Petroleum. Pour ne pas être en reste, le clan Anquetil recruta quelques « italiens » férus de « combinaziones » ; il y eut quelques poussettes de part et d’autre quoique le jury des commissaires de course ne notifia ni irrégularité ni infraction. Les deux héros se retrouvèrent seuls pour un ultime duel au soleil de la côte d’azur dans la montée de la sévère côte de la Tourette. Saoulée de coups suite aux multiples assauts du loup Anquetil, la « brave Blanchette » Poulidor rendit l’âme et les armes. Alors, inexorablement, « l’idole de ma jeunesse » disparut de la vue du pauvre Raymond voué une fois encore à la seconde place.

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C’eut été un simple épisode de la légende des cycles si Poulidor profondément meurtri et écoeuré n’avait déclaré peu après l’arrivée devant les caméras de la télévision « Maintenant je sais qu’Anquetil est le patron du cyclisme », mettant ainsi le feu aux poudres ; une phrase maladroite que le public interpréta comme « Anquetil gagne ses courses en les achetant », ce que ne pensait évidemment pas Poulidor qui connaissait trop l’honnêteté et la valeur sportive de son rival.
« L’affaire » enfla jusqu’à la démesure, tout le monde s’en mêla ; des coureurs et des suiveurs qui ignoraient sur la ligne d’arrivée à peu près tout de ce qui avait pu se passer, devinrent vingt-quatre heures plus tard accusateurs ou témoins. Géminiani fournit sa part de vérité en publiant une lettre de Émile Mercier, patron de l’équipe de Poulidor, demandant à Jacques Anquetil l’autorisation de construire les cycles … Anquetil lequel avait refusé ayant donné sa préférence à un autre constructeur stéphanois ! Tout doucement, les passions se calmèrent. Anquetil et Poulidor acceptèrent d’entrer dans un comité d’honneur chargé de la création d’une fédération internationale des cyclistes professionnels ! Quant à la revue mensuelle Miroir du Cyclisme, elle publia en guise d’éditorial le texte intégral d’un poème de Victor Hugo, j’insiste bien, intégral( !) et si vous y retrouvez un nom connu, sachez que c’est aussi celui d’un historien du XVIIIème siècle prénommé Louis-Pierre :

Savoir garder la mesure
Un homme raisonnable était là. J’écoutais.
Il disait :
« Quand j’entends trop de cris, je me tais.
Toute indignation qui persiste me pèse.
Bouder, c’est long. Il faut à la fin qu’on s’apaise.
Tacite, mes amis, ne vaut pas Anquetil.
De ce qu’un homme a fait des crimes, s’ensuit-il
Que je doive être, moi qui parle, un imbécile ?
Quoi donc ! être un Hampden singe, un Brutus fossile !
Renoncer sous ce prince à faire mon chemin.
Et lui montrer le poing quand il me tend la main !
Cela n’est pas pratique. Et puis, est-ce bien juste ?
Toujours jeter Octave à la tête d’Auguste !
Raisonnons. Je comprends vos cris, votre fureur.
Tant qu’il fut vanupieds, mais il est empereur.
Cela suffit. Me vais-je armer contre un empire ?
Être méchant, c’est mal ; être absurde, c’est pire.
En politique, -oyez ma devise, ô passants !-
Parti de l’ordre ; en art, école du bon sens.
Eau trouble ?pourquoi pas ? Eau trouble, bonne pêche,
Ah ! citoyen, tu veux gronder ? qui t’en empêche ?
« Sentine, ignominie, empire abject », voilà
Tes façons vis-à-vis Cesar Caligula.
Que sert d’exagérer ? Pourquoi monter les têtes ?
J’ai pour loi d’adoucir toujours les épithètes.
« Égout ! opprobre ! » Soit. Braille. Moi, j’ai du goût.
Je vois une piscine où tu vois un égout.
L’opprobre me convient si l’opprobre est guéable.
Quoi ! je serais bourru, moi, pour t’être agréable !
Non pas, fais si tu veux le métier de Caton.
On se fâche tout rouge. Après ? qu’y gagne-t-on ?
Femme, on est un peu laide ; homme, on semble un peu bête.
Quoi ! dans un calme plat, se faire une tempête
Pour soi tout seul ! Grincer, toner ! toujours avoir
L’air d’un affreux ciel gris qui ne sait que pleuvoir !
C’est niais.
De ceci, messieurs, va-t-on conclure
Que pour moi le vainqueur n’a pas une fêlure,
Que je l’accepte en bloc, et que je ne sais point
Trouver entre qui hurle et qui flatte le joint ?

Victor Hugo

Étonnant non ? comme aurait dit le docteur Cyclopède cher à Pierre Desproges, de retrouver là Octave Poulidor et Auguste Anquetil !
Ce matin, il faut gratter le pare-brise des voitures dans la campagne des Yvelines et le mercure grimpe péniblement à zéro degré ce qui n’est pas le moindre des paradoxes d’une épreuve qui possède comme pseudonyme « la course au soleil ».

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On peut justifier cette appellation guère contrôlée, on va le voir, de plusieurs manières. À l’origine, Paris-Nice était une course de retrouvailles avec le soleil printanier de la Provence et la Côte d’Azur pour parfaire sa condition physique dans la perspective des premières classiques en particulier Milan-San Remo disputé à la saint Joseph. Elle succédait aux camps d’entraînement basés dans des hôtels luxueux sur les rivages méditerranéens du côté des Issambres, Saint-Aygulf et Juan-les-Pins. Les champions vêtus de pulls et de hautes chaussettes de laine effectuaient quotidiennement une sortie sur les routes de l’arrière-pays embaumant le mimosa et encore peu encombrées par la circulation automobile. Le soir, à table, c’était parfois l’occasion pour les leaders de chaque équipe de se livrer à une guéguerre psychologique ; ainsi Anquetil prit un malin plaisir à narguer son aîné Louison Bobet et son régime ascétique en dégustant moules marinières et poule faisane arrosées au champagne.

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Au fil du temps, Paris-Nice devint une épreuve très convoitée que tout champion rêvait d’inscrire à son palmarès et pour cela, la préparait en s’alignant auparavant dans d’autres courses à étapes comme les tours de Sardaigne et d’Andalousie. Aujourd’hui, à l’époque des jets et de la mondialisation, les mollets blancs comme un cachet d’aspirine sont passés de mode et les coursiers reviennent bronzés et affûtés du tour Down Under en Australie et du tour du Qatar !
Course à la recherche d’un soleil souvent parcimonieux, Paris-Nice s’est aussi forgé une légende sous la pluie et la neige notamment entre Forez et Pilat malgré la proximité du « chaudron vert » du stade Geoffroy Guichard. En 1939, 67 coureurs abandonnèrent lors de l’étape Nevers-Saint Étienne disputée sous une tempête de neige. Roger Lapébie frigorifié se réfugia dans une ferme où il avala un bol d’eau chaude. En 1962, la neige capricieuse tomba sur les derniers partants de l’étape contre la montre Terrenoire-Saint Étienne freinant l’archi favori Jacques Anquetil qui dut s’incliner devant le breton Jo Velly, un excellent spécialiste de l’effort solitaire au demeurant.

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À deux reprises, en 1939 et 1962, la neige fit le bonheur des habitants de la petite cité ardéchoise d’Andance qui assistèrent au départ improvisé de l’étape pour cause d’impraticabilité du col de la République. Inversement, elle fit le malheur des cantalous de Chavignac qui en 1995, ne virent jamais arriver le peloton bloqué par les congères. En 1960, les inondations faillirent compromettre l’arrivée sur la promenade des Anglais ; la route Manosque-Nice étant coupée par les eaux, des autocars acheminèrent les coureurs jusqu’à Fréjus. En 1961, poussé par un mistral très violent, le marseillais Jean Anastasi parcourut les 218 kilomètres entre Saint Étienne et Avignon à la moyenne horaire de 44,923 km, ce qui lui valut de détenir durant plusieurs années le « ruban jaune » de la route, une distinction créée par Henri Desgrange pour honorer le coureur détenteur du record de vitesse des courses de plus de 200 kilomètres. Les multiples anecdotes météorologiques qui émaillent l’épreuve plutôt que de la condamner pour usurpation d’identité, en font sa légende !
En ce jour ensoleillé mais glacial, il est bientôt l’heure pour les 176 seigneurs sur leurs destriers à pédales de prendre d’assaut les vestiges de la citadelle de Montfort et de se départager dans un tournoi contre la montre sur un circuit de huit kilomètres tracé dans la forêt de Rambouillet voisine. Arc-boutés sur leurs drôles de machines, ils ne prennent pas le temps d’admirer les propriétés cossues aujourd’hui sises sur le domaine que le prince Robert fils de Hugues Capet reçut en apanage en 989. En 996, le prince devint le roi Robert II second de la dynastie des Capétiens plus connu sous le surnom surprenant de Robert le Pieux quand on sait qu’après s’être séparé de son épouse Rozala d’Italie, il frôla l’excommunication en vivant en concubinage avec Berthe de Bourgogne avant finalement de se marier en secondes noces avec la sulfureuse Constance d’Arles. Pour se protéger de toute malveillance, il fortifia son domaine en édifiant deux points de défense, l’un près d’Épernon, l’autre sur une butte à la sortie de la paroisse de Méré, en surplomb de la voie romaine menant de Beauvais à Chartres qui en ce jour, est la chaussée azuréenne reliant Paris à Nice. Outre le château fort, se créa une châtellenie comprenant une vingtaine de paroisses et une partie de la forêt, confiée à Guillaume de Hainaut. Du mariage de celui-ci avec la Dame de Nogent d’Espernon et Montfort, naquit en l’an mil Amaury 1er qui fit construire les remparts dont quelques vestiges sont encore visibles aujourd’hui. La seigneurie de Montfort-l’Amaury fut érigée en comté à la fin du XIIème siècle au profit de Simon IV figure principale de la célèbre croisade des Albigeois. Les Anglais détruisirent le château fort au cours de la guerre de Cent Ans. Par le mariage en 1292 de Yolande de Montfort, veuve du roi d’Écosse, avec Arthur II de Bretagne, le comté de Montfort lia pour deux siècles son destin avec le duché de Bretagne lui donnant six ducs et sa dernière souveraine, la célèbre duchesse Anne. Double reine de France, par ses mariages avec Charles VIII puis Louis XII, Anne passa cinq des trente-six années de sa courte vie, à Montfort-l‘Amaury durant lesquelles elle fit ériger le donjon dont les ruines dominent encore fièrement la ville ainsi que la monumentale église Saint-Pierre et ses remarquables gargouilles sculptées.

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Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu pas venir à proximité de la ligne d’arrivée un soldat protégé par sa cotte de maille moyenâgeuse et un supporter de Christophe Le Mevel homme lige de La Française des Jeux, enveloppé dans le Gwenn-ha-Du, le drapeau breton à la blanche hermine. Envisagent-ils de venger l’armée commandée par le maréchal de Rieux vaincue lors de la « guerre folle », à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier le 28 juillet 1488 signifiant la fin de l’indépendance de la Bretagne dont un tag sur un mur de la place du village semble nostalgique ?

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L’histoire est un éternel recommencement et sous la bannière blanche, jaune et noire du clan Columbia, porteur du dossard quarante-six, Maxime Monfort de la province de Liège se prépare à combattre sur les terres de ses ancêtres. Il en fera le tour en onze minutes et trente secondes en traversant notamment la clairière de Grosrouvre essartée par les moines au Moyen Âge, et le fief du Chêne Rogneux qui, depuis Guérin en 1230, est cité souvent comme ayant cour de justice au lieu-dit La Cour de l’Orme.
Pour tordre le cou au proverbe « mauvais ouvrier ne trouve jamais bon outil » remontant justement au XIIIème siècle, les mécaniciens s’affairent autour des vélocipèdes, véritables bijoux de technologie ne possédant qu’un vague rapport avec les grands bis et draisiennes exposés tout près de là.

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J’erre dans le quartier des coureurs, une longue allée bordée de cars pullman customisés aux couleurs des équipes engagées. Au temps révolu des cycles Alcyon, La Perle, Stella, Dilecta, Bertin, Mercier de mon enfance, succède l’ère de la mondialisation et des grands groupes bancaires, la Saxo Bank danoise, la Rabobank néerlandaise, la Caisse d’Épargne espagnole, de la téléphonie avec la RadioShack américaine et Bouygues Télécom, du consortium Astana du nom de la capitale du Kazakhstan, de Vacansoleil leader européen des hébergements de luxe sur des campings haut de gamme. Comme pour les sociétés écrans et les paradis fiscaux, rien ne filtre derrière les vitres opaques des camions, des paradis artificiels et autres potions magiques concoctés à l’abri des regards inquisiteurs. Les coureurs se transforment en hommes sandwiches et le moindre centimètre carré de textile est mis à profit pour promouvoir les sponsors.

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En guise d’échauffement, ils enfourchent leurs engins futuristes fixés à des home trainers. Sans même un geste de sympathie pour le jeune public qui les observe, harnachés de fils d’oreillettes et de cardiofréquencemètre, les yeux rivés sur le cadran du computer installé sur le guidon, nos robots moulinent inlassablement juste distraits par la sonnerie de leur i-phone et la musique de leur i-pod, le boléro de Ravel ?

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Au bout d’une demi-heure, en sueur, ils se faufilent jusqu’au podium pour prendre un à un le départ échelonné de minute en minute. Faut-il s’en réjouir, toute cette mécanique de précision n’est pas infaillible ainsi l’italien Napolitano malgré plusieurs appels des commissaires de course, s’élance avec trois minutes de retard sur l’horaire prévu ; de même Alberto Contador, le vainqueur des deux derniers tours de France, se plaint auprès de son directeur sportif que son oreillette ne fonctionne pas. En désespoir de cause, il effectue trois signes de croix pour conjurer la mala suerte.

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C’est en voulant effectuer un réglage radio de ce type d’appareil auditif que le kazakh Andreï Kivilev fut victime d’une chute mortelle près de Saint-Étienne lors de Paris-Nice 2003. Suite à cet accident dramatique, l’Union Cycliste Internationale imposa le port du casque dans toutes les courses professionnelles. Tristes coureurs déshumanisés soumis aux vociférations dans les oreilles de leurs directeurs sportifs leur indiquant les stratégies de course voire les exhortant à apparaître aux premiers rangs du peloton à l’heure de la prise d’antenne des chaînes de télévisions !
Durant trois heures, un speaker intarissable décline la longue litanie des palmarès des concurrents qui se présentent un à un au sommet de la rampe de lancement. Je constate que ma culture vélocipédique s’appauvrit.

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5, 4, 3, 2, 1, top ! Le coureur se dresse sur les pédales et surgit de l’immense cadran de montre que représente le podium. Un véhicule, le toit bardé de roues et de cadres, débouche de la rue adjacente et lui emboîte la pédalée. Sécurité oblige, une centaine de mètres plus loin, une cohorte de motards de la gendarmerie nationale se positionne pour ouvrir la route, c’est ce qu’on appelle probablement un signe avant-coureur !

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C’est parti à fond la grosse caisse et tambour battant sur un rythme beaucoup plus élevé que le tempo di bolero moderato assai (temps de boléro très modéré) consigné par Ravel dans ses notes d’interprétation de son chef-d’oeuvre. Peu après le départ en fanfare, sur la chaussée pavée, les roues pleines ou lenticulaires des beaux vélos font caisse de résonance rappelant le bruit effrayant des chariots de nos aïeux.

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C’est en 1928, à deux cents mètres de là, que Maurice Ravel composa son boléro à la demande de son amie et mécène Ida Rubinstein qui souhaitait un ballet de caractère espagnol. Embarrassé et perplexe, il envisagea alors une œuvre expérimentale « sans forme proprement dite, sans développement, sans modulation ou presque ». Ravel ne sachant pas composer « à la minute », écrivit dans l’urgence, un thème d’une minute à répéter dix-huit fois sur un rythme quasi immuable … ou quand le dilettantisme devient du génie !

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S’il pouvait descendre aujourd’hui depuis sa propriété du Belvédère par la sente en escaliers, Ravel serait peut-être fasciné par la haute technologie numérique omniprésente chez la gente cycliste. L’ordinateur constituerait probablement une aide précieuse à celui que certains n’hésitent pas à considérer comme le père du sample moderne.
Course au soleil certes mais pas à la chaleur et la bise glaciale qui s’engouffre dans les ruelles, oblige à taper du pied sur un vague rythme de boléro.
Au sommet de la côte de Boursoufle comptant pour le classement du meilleur grimpeur, les coureurs s’enfoncent sous les frondaisons de cette forêt de Rambouillet que Ravel aima par-dessus tout. Il la parcourut en tous sens, sensible à ses arbres, ses senteurs, ses chants d’oiseaux. C’est là que « le poète et magicien a cueilli la baguette dont il a animé un monde artificiel et merveilleux, le monde des sortilèges ».

Le beau vélo de Ravel ou le départ de Paris-Nice 2010 dans Coups de coeur parisnicecycloblog

La justice de la cour de l’Orme a rendu sa sentence. Les coureurs sont allés plus vite que la musique ; ils ont accompli les 2 lieues qui les ramènent au bout de la rue Maurice Ravel, en onze minutes, soit un peu plus qu’un demi boléro ! Aux dix premières places, on retrouve cinq espagnols. De la Rapsodie espagnole à Alborada del gracioso en passant par le Boléro, la lumière et la chaleur de l’Espagne furent pour Ravel une source inépuisable d’inspiration. Le soleil et la froidure de la cité de Ravel ont souri aux coursiers ibériques. Quant au vainqueur, il s’appelle Lars Boom comme l’explosion des percussions dans le final de l’œuvre musicale la plus populaire au monde.
Le lendemain, les coureurs de Paris-Nice prendront la route du sud à Saint-Arnoult-en-Yvelines au pays da-ga d’Aragon (Louis de son prénom) et … Castille comme ajouteraient Boby Lapointe et Alberto Contador !
Chers lecteurs, vous avez bien compris que je suis nostalgique des balades des coureurs du temps jadis et pour vous remercier de m’avoir accompagné patiemment dans mes élucubrations vélocipédiques, je vous offre la savoureuse interprétation du Boléro par Jacques Villeret.

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Les amoureux du cyclisme peuvent aussi consulter les billets suivants :
Le Tour de France, Tours de mon enfance (9 juillet 2008)
Les cols buissonniers en Pyrénées :le Menté et le Portet d’Aspet (3 avril 2008)
La Revancharde 2008 (24 juillet 2008)
La Cipale (Paris XIIeme) (1 octobre 2008)
Le cyclo-cross, une partie de campagne (21 janvier 2009)
Jacques Anquetil, l’idole de ma jeunesse (15 avril 2009)
Jacques Anquetil, l’idole de ma jeunesse (suite) (22 août 2009)
Une photo, vieille photo, de ma jeunesse (1 octobre 2009)
Encore des photos, vieilles photos de ma jeunesse (9 octobre 2009)

Publié dans:Coups de coeur |on 11 mars, 2010 |1 Commentaire »

Ouvrez, ouvrez la cage au Doisneau …!

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Première surprise, une étonnante queue de visiteurs s’allonge sur le trottoir de la modeste rue Debouis dans le quartier Montparnasse. Ils attendent pour admirer un drôle d’oiseau poète, le Doisneau de Paris et sa banlieue qui a fui la cage d’escalier de la fondation Henri Cartier-Bresson pour s’envoler et se poser sur les cimaises des galeries.

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Robert Doisneau par Henri Cartier-Bresson

Jacques Prévert, maître dans l’art de faire le portrait d’un oiseau, vous apprîtes sans doute sa comptine mode d’emploi, écrivait au sujet de ce Doisneau-là que « lorsqu’il travaille à la sauvette, c’est avec un humour fraternel et sans aucun complexe qu’il dispose son miroir aux alouettes, sa piègerie de braconnier, et c’est toujours à l’imparfait de l’objectif qu’il conjugue le verbe photographier ». Il en est ainsi lorsqu’il nous montre trois cages vides sur un étal de marché de la place Lépine avec une pancarte « J’achète tous les oiseaux » !
Dernier pied de nez à la vie, ironiquement, il s’envola au paradis le premier avril de l’an 1994, nous léguant ses fragments d’éternité en noir et blanc. Juliette Gréco vous a poétiquement chanté que les oiseaux et les poissons s’aiment d’amour tendre…
Au sein du courant des photographes humanistes qui ont en commun un intérêt pour l’être humain dans sa vie quotidienne, Robert Doisneau prend place aux côtés d’Henri Cartier-Bresson, Brassaï, Édouard Boubat, Willy Ronis, Izis, Claude Batho, Jean Dieuzaide entre autres. Lors des obsèques de Doisneau, Cartier-Bresson jeta dans la tombe de son copain une moitié de pomme, puis croqua l’autre dans un geste de communion profane. Aujourd’hui, il l’accueille dans sa fondation posthume qui assure la conservation et l’exposition de son œuvre.

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À travers une centaine de beaux tirages d’époque puisés en majorité dans la maison familiale de Montrouge, l’exposition « Robert Doisneau, du métier à l’œuvre » prétend apporter un éclairage plus grave et profond que ne laissent injustement supposer ses célèbres clichés d’amoureux romantiques, d’enfants espiègles et malicieux, de rues et bistrots pittoresques.
La sincérité de Doisneau et son goût pour la photographie instantanée, « les centièmes de seconde qui font trois secondes d’éternité », en prirent un petit coup dans l’aile à l’occasion d’une médiocre polémique sur le caractère posé du célèbre Baiser de l’Hôtel de Ville. Ce cliché pris en 1950, dans le cadre d’un reportage pour le magazine Life, met en scène deux comédiens qui avaient l’habitude de se retrouver au café Le Vilars à deux pas des cours de théâtre Simon et qui, à la demande du photographe, acceptèrent de s’embrasser au milieu de la foule des passants. Trente-cinq ans plus tard, la belle icône d’amour devient une sale histoire de fric lorsqu’elle est diffusée en posters et cartes postales à des millions d’exemplaires à travers le monde. La jeune fille bien moins angélique réclame alors des dommages et intérêts à Robert Doisneau pour usurpation d’identité et d’amour tandis que son compagnon qui ne l’est plus depuis fort longtemps, se refuse à tout marchandage. Le tribunal de grande instance de Paris déboutera la plaignante ainsi que deux autres personnes qui se reconnaissaient comme étant les célèbres amoureux. En 2004, la dame vénale vendra aux enchères le tirage original que Doisneau lui avait offert à l’époque pour la coquette somme de 155 000 euros. Curieux exemple d’humanisme pour une photo … « humaniste » !
Je ne sais ce qu’en pense là-haut dans le ciel, l’ami Doisneau, un monsieur charmant d’une exquise gentillesse et d’une touchante modestie dont j’ai retrouvé, égarée dans un de ses nombreux ouvrages que je possède, la transcription dactylographiée d’un entretien qu’il avait accordé à des enseignants en formation à l’image. Ses propos en date du 25 mai 1983 à Sèvres prennent une résonance particulière aujourd’hui. À la question basique pourquoi et pour qui il photographiait, étonnamment il avoua n’y avoir réfléchi que très peu de temps auparavant : « J’ai trouvé une explication. La première c’est une lutte contre la mort. On n’est pas assez idiot ou assez croyant pour croire à une vie éternelle avec des ailes dans le dos et en disparaissant ; on aime bien que cette disparition ne soit pas brusque mais comme au cinéma, un fondu … Charlot qui s’en va sur la route. Alors, c’est peut-être pour laisser une trace … d’un univers qu’on a aimé, de gens qu’on a aimés. Et puis, il y a autre chose quand on se sent vraiment très faible dans un décor qui n’est pas très tendre, celui de la banlieue, on aime se faire des complices. Faire rire ou émouvoir avec des images, c’est se faire des complices, une petite bande. La photographie m’a aidé à réaliser ces deux choses là, ce besoin de survivance et le besoin d’être entouré. »
Cet après-midi, seize ans après sa mort, ses complices déambulent au coude à coude pour contempler « son petit théâtre » comme il se plaisait à appeler ses magnifiques clichés « du bon vieux temps ».
Avant toute autre considération, il est juste de louer la remarquable qualité technique des épreuves et de rendre hommage aux travailleurs de l’ombre et de la chambre noire qui avec virtuosité tirent la quintessence des émotions artistiques du photographe. Pour avoir effectué longtemps le développement et le tirage de mes négatifs dans les laboratoires de fortune que constituèrent la cave de la maison familiale puis ma salle de bains, je saisis le talent nécessaire pour révéler toute la palette de gris de la photographie noir et blanc, ainsi pour bien dégager la fumée des cheminées d’une usine, un jour de grisaille, en arrière-plan d’une partie de football improvisée sur un vague terrain de Choisy-le-Roi.

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Football, Choisy-le-roi, 1945

Tandis que la couleur serait plutôt la fanfare, pour Doisneau, « le noir et blanc, c’est son petit air de flûtiau. Cela a l’humilité du dessin par rapport à la peinture ; souvent les carnets de croquis d’un grand peintre disent beaucoup plus sur lui, sur ses intentions, sur ses recherches que la grande tartine terminée ».
Une « couleur » charbonneuse est ici présente dans de nombreux clichés créant une atmosphère plus austère qu’à l’accoutumée. Ainsi, comme pour lui donner le ton, l’exposition s’ouvre avec Les pavés, la première photo de Doisneau réalisée en 1929. Il n’est alors qu’un photographe du dimanche, travaillant en semaine dans un petit service photo de l’atelier Ullmann spécialisé dans la publicité des produits pharmaceutiques. « Un type timide comme je l’étais, commence par photographier des matières, surtout des objets patinés dans la rue … Ensuite il essaie de photographier des choses qui bougent, mais les adultes sont intimidants, alors il photographie les gosses ».
À défaut des célèbres images réjouissantes et attendrissantes des mioches qui s’égayent après un coup de sonnette furtif sous une porte cochère ou de l’écolier au dernier rang de la classe qui zyeute désespérément la pendule et l’heure de la fin des cours, les enfants ne sont cependant pas absents. Il en est cinq qui ont investi La voiture fondue, vieille carcasse abandonnée d’un tacot d’antan. Deux sont juchés sur le capot, l’air bravache tels des libérateurs d’une banlieue occupée. Deux autres à l’arrière, plus jeunes, suivent sagement la manœuvre virtuelle de leur aîné au volant ; photo ancienne qui fait surgir une actualité aujourd’hui souvent brûlante. En 1945, la mode n’est pas aux véhicules incendiés les soirs d’émeute ou la nuit du nouvel an.

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La voiture fondue, 1944

Dans mon enfance, j’eus ma « voiture fondue », la majestueuse Citroën Rosalie noire de mes parents qui, après encore quelques années de bons et loyaux services chez mon oncle, finit ses jours dans la cour de la ferme de ma grand-mère. Imaginez, mon cousin et moi possédions une vraie auto pour suivre des routes aussi imaginaires qu’enchantées ! Plus tard, Rosalie devint une réserve de grains pour les poules picorant sur le tas de fumier proche. Étonnant destin d’une photographie qui, soixante-six ans plus tard, déclenche analyses sociologiques et introspections psychologiques. Je me souviens de la jolie dédicace de Doisneau sur la page de garde de son livre  Les doigts pleins d’encre avec la complicité de Cavanna : »Pour les derniers de la classe et les premiers dans la rue« . Chez Doisneau, fils de la banlieue parisienne, la vie est tendre de l’autre côté du périph’ qui n’existait pas encore. Nul besoin de playstation ou de console Nintendo, le terrain vague devient d’aventures voire même savane pour les gamins de Jeux africains, qui armés de matériaux de récup’ se rêvent en guerriers massaïs. Les pacifiques jeux de gendarmes et voleurs ont laissé place de nos jours à des violents affrontements entre jeunes et forces de l’ordre. La jungle est au bout de la rue.

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Jeux africains, 1945

Dans Camouflage, les titis parisiens du plateau Beaubourg jouent à la guerre et baladent joyeusement un landau transformé en tank de verdure. Vie violence comme le chantait Nougaro, aujourd’hui, les enfants de Kaboul ou de la bande de Gaza la font en direct à l’heure des journaux télévisés.
« J’ai pensé qu’en montrant des images de guerre, l’abomination et la désolation on allait vraiment dégoûter les humains à tout jamais de cette espèce d’absurdité … pas du tout ! Ça sert au contraire à faire accepter l’absurdité, le malheur, ça vous rend familier au cadavre. Les photos messages, ce n’est pas mon truc ! » Jacques Prévert racontait qu’un jour, dans les petites montagnes des Alpes-Maritimes, du côté d’Entrevaux, Robert Doisneau en reportage accompagnait un berger, ses moutons et ses chiens lorsqu’un camion éventra le troupeau et tua les deux chiens. Que croyez-vous qu’il fit ? Plutôt que prendre des photos, il consola le berger. Ainsi était « le môme Doisneau » ! Pour lui, l’enfant de la guerre, c’est L’enfant papillon, un bambin né durant la guerre, au beau visage qui accroche la lumière, marchant dans la boue et les gravats d’une banlieue en ruines. Sa fille dit de ce cliché qu’il résume ce qu’était Doisneau, un tendre poète qui savait sans en avoir l’air, traduire l’état de la société.
Étonnante allégorie, c’est un Cheval tombé sur le pavé verglacé, l’ultime photo de l’exposition, qui pour lui symbolise le mieux Paris écrasé sous la botte nazie : « Paris sous l’Occupation, c’était l’humiliation. Il fallait descendre du trottoir pour laisser passer le superbe officier allemand, montrer sa carte d’identité ou ouvrir sa valise à n’importe quel coin de rue ». En est-on si éloigné avec les contrôles incessants à l’égard de certaines communautés ?

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Le cheval tombé, Paris, 1942

L’actualité remonte encore cruellement à la surface avec une série de photographies de clochards. À l’époque, l’abbé Pierre fondait Emmaüs, aujourd’hui les Enfants de Don Quichotte ont pris le relais sur les bouches d’égout. À la différence de ceux rejetés à leur corps défendant par une société impitoyable qui les appelle hypocritement et trop pudiquement Sans Domicile Fixe (ah le politiquement correct !), le monde de la cloche était alors constitué de vieux qui avaient souvent choisi leur condition. À l’image de monsieur et madame Garafino, Le couple de la Râpée, ils sont dignes devant l’objectif. Coco, accoudé au comptoir du zinc, avec son chapeau melon et son rictus de pochtron, tient presque du clown triste. Au regard attendrissant que l’on lançait aux clodos d’antan, ont succédé des œillades gênées.

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Coco, Paris, 1952

Les petits bistrots avec leurs gueules d’atmosphère que Doisneau nous présentait avec humour et tendresse dans son ouvrage Le Vin des rues, ne sont pas oubliés. Je souris devant la devanture du café Broyant à Gentilly, un jour de neige, et son slogan peint « Assurance contre la soif ». Même si je n’en comprends pas la légende, je m’attarde devant La poule au gibier : une arrière-salle de café, un poêle, un billard, instants de détente d’une clientèle exclusivement masculine après une journée de labeur. L’œil du spectateur circule dans l’image glissant d’un personnage à l’autre. Chacun est absorbé dans sa rêverie ou ses préoccupations. Ca respire une chaleureuse convivialité qu’aujourd’hui on croit trouver à travers ses « amis » virtuels de Facebook ou d’artificielles fêtes des voisins!

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La poule au gibier, Montrouge, 1945

Que de petits chefs-d’œuvre de tendresse et de sensibilité : Les bouchers mélomanes, ces forts des halles aux tabliers ensanglantés oubliant leur petit blanc pour prêter une oreille attentive à Pierrette  d’Orient, une accordéoniste au nom synonyme d’évasion ; Le mimosa du comptoir, un rayon de soleil entre un couple dont la vie en est avare ; La stricte intimité de deux mariés se dirigeant vers un café restaurant à la façade lépreuse, un jour dont on dit que c’est le plus beau de leur vie ; Le nez au carreau, délicieux instantané de trois fillettes dans un décor d’adultes, le café du coin de la rue Pajol à Paris. Cela pourrait être glauque, en fait la poésie irradie. Lors de mes promenades, j’aime humer le parfum vieillot des derniers bistrots de quartier où des habitués refont le monde à la manière des Blondin, Audiard et Doisneau !

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Les bouchers mélomanes, Pierrette d’Orient à La Villette, Paris, 1953

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La stricte intimité, Montrouge, 1945

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Le nez au carreau, rue Pajol Paris, 1953

« La rue, disait Doisneau, je la trouve comme une espèce d’abri. On trouve des matériaux soumis aux intempéries et au passage des hommes qui me semblent avoir beaucoup plus de noblesse et de richesse ; le tronc d’un bec de gaz repeint trente fois avec les dégoulinures de peinture, c’est chargé de temps, d’histoire, ça a souffert. J’aime bien les gens qui ont aussi sur leur peau les traces du temps qui a passé et des intempéries et de leurs soucis et de leurs problèmes … J’ai photographié en banlieue des personnages avec une sorte de tendresse. Dans ce décor absurde et agressif que je souhaitais voir disparaître, les petits bonshommes et les petites bonnes femmes étaient par contraste particulièrement tendres. »
Doisneau arpenta ce décor de long en large, de Choisy-le-Roi à Nogent, d’Issy-les-Moulineaux à Boulogne-Billancourt où il travailla chez Renault pendant cinq ans, de Cachan à Gentilly où il naquit en 1912 et dont on voit le rideau brodé de sa chambre. Peu de gens se sont intéressés à cette géographie suburbaine dans l’immédiat après-guerre. Notre pêcheur d’images y glana toujours un trésor qui rend la réalité moins tristement quotidienne : ainsi un chasseur à l’affût avec son chien à proximité des gazomètres de La Courneuve, un lancer de tracts par un cycliste tel un envol de colombes, un enfant enjambant un talus comme suspendu dans le ciel de La poterne des peupliers, l’enseigne Au Bon coin d’un café perdu au bord du sinistre canal à Saint-Denis, des jardins ouvriers dans les fossés du fort d’Ivry, Arcueil et ses loupiotes by night avec au loin la ville lumière scintillante, une joyeuse farandole pour fêter les vingt ans de Josette au pied des barres de Gentilly… À nous donner envie de fureter sur eBay pour acquérir La Banlieue de Paris parue en 1949 avec des textes de Blaise Cendrars dont on dit que c’est le chef-d’oeuvre de Doisneau ! Un exemplaire est exposé dans une vitrine sécurisée au milieu de la salle non loin de la fameuse photographie Le vélo de Tati dont je fis ma carte de bonne année pour vous souhaiter mes vœux. Au-delà de ce portrait de commande, il est indéniable qu’on retrouve une complicité artistique entre le cinéaste et le photographe, la minutie du détail ou du gag entre l’instantané et la scène posée. Souvenez-vous du film Mon Oncle (rappelez-vous aussi mon billet Mon Oncle … et mon oncle ! du 19 mai 2009) ; les garnements facétieux dans le terrain d’aventures qui sifflent pour détourner l’attention et la marche d’une vieille dame vers le bec de gaz appartiennent au même univers banlieusard de l’après-guerre que celui de Doisneau.
L’heure passe ; malgré l’affluence, je me faufile pour profiter encore un instant de quelques unes de ces photographies qui ont fait école car comme on dit devant un tableau de chemin creux, c’est un Vlaminck, on reconnaît aujourd’hui entre cent clichés, un Doisneau ! Retrouvez ou découvrez vite ce photographe poète qui sut dégriser avec tendresse la réalité noire de sa banlieue. À son insu, sans qu’il eût fait de son métier une mission, il a fait œuvre de documentariste.

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Quant à moi, à la sortie, j’ai conjugué à ma façon le plus-que-parfait de l’objectif en me recueillant au cimetière Montparnasse voisin sur les tombes de deux autres seigneurs de la photographie, Brassaï un autre humaniste et le surréaliste Man Ray.

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