Mon Alter Hugo à moi
Y a t-il scène plus appropriée que celle d’un théâtre Gérard Philipe, en l’occurrence à Saint-Cyr l’École, pour assister à un spectacle autour de Victor Hugo ?
Le 23 février 1954, l’inoubliable acteur, après avoir été Rodrigue, Lorenzaccio, Prince de Hombourg sur les planches, Fanfan la Tulipe sur les écrans, crée Ruy Blas au T.N.P dirigé par Jean Vilar. Celui-ci, maltraité par une campagne hostile de la part de la presse de droite et du gouvernement, trouve dans la pièce de Hugo les ferments du théâtre populaire auquel il aspire, ni facile ni démagogique, « élitaire pour tous » dans la droite ligne de la conception qu’en donne justement Hugo : « Le théâtre est un creuset de civilisation. C’est un lieu de communion humaine. C’est au théâtre que se forme l’âme publique ».
Chaque soir, deux mille personnes, y compris des jeunes, accourent enthousiastes à Chaillot. Max Favalleli, critique théâtral avant d’être l’animateur bonhomme du jeu télévisé Des chiffres et des Lettres, écrit au soir de la première que Jean Vilar (en gilet rouge) et Gérard Philipe remportent pour Victor Hugo au XXème siècle la bataille de Ruy Blas !
Je me souviens des larmes de ma maman quand cinq ans plus tard, elle apprit le décès de l’artiste. Elle passa dans toutes les classes du collège qu’elle dirigeait pour annoncer aux jeunes élèves, la triste nouvelle. Il avait trente-six ans et symbolisait les rêves de toute une génération à travers ses espoirs, ses amours, ses souffrances et ses révoltes. J’ai retrouvé lors du déménagement de la maison familiale, des enregistrements sur disques vinyle de plusieurs de ses grands rôles, de ses lectures de poèmes de Villon et Hugo et, je n’étais pas oublié, du Petit Prince de Saint-Exupéry et de Pierre et le Loup ! … à propos, j’ai élucubré sur le loup lors de mon dernier billet du 3 février 2010 !!!
À parler du loup, on voit la queue des spectateurs, essentiellement fournis en cheveux gris, qui ont bravé le froid de ce dernier week-end de janvier pour rencontrer Mon alter Hugo, le pote littéraire d’un autre Gérard nommé Berliner. Ils semblent effectivement très copains au vu du clin d’œil complice que nous lance Totor en arrière-plan sur l’affiche.
Berliner, cela ne vous dit peut-être rien et pourtant, je suis persuadé que vous le connaissez. Il parada en tête des hits au début des années 1980 avec Louise, une chanson réaliste pourtant guère dans l’air du temps quoique le sujet soit intemporel, l’histoire d’une servante engrossée par son amant mort au front, et rangée au banc de l’infamie par une société bien pensante :
«… Ils sont partis vaille que vaille
Mourir quatre ans dans les tranchées.
Et l’on raconte leurs batailles
Dans le salon après le thé
Les lettres qu’attendait Louise
C’est le Bon Dieu qui les portait
La guerre qui séparait Louise
C’est le Bon Dieu qui la voyait
Un soir d’hiver sous la charpente
Dans son lit cage elle a tué
L’amour tout au fond de son ventre
Par une aiguille à tricoter… »
Fait divers misérable comme en évoqua souvent Victor Hugo dans ses combats contre la misère !
Instant d’émotion, presque de stupeur, le rideau s’entrouvre sur un Hugo rajeuni. Barbe carrée et cheveux poivre et sel, costume de velours noir, col de chemise en pointe, Gérard Berliner endosse étonnamment le personnage qu’il a découvert à son domicile de la place des Vosges à Paris, il y a une quinzaine d’années. Il nous narre d’ailleurs les circonstances de leur rencontre : « Je regardais un buste de Hugo sur son bureau. J’ai touché la barbe de la statue qui a bougé sur son socle. J’ai pris cela pour un signe du destin ; je me suis mis à lire tout Hugo » !Bien lui en prit!
Ainsi, nous connaissions (un peu) l’œuvre telle que nous l’enseignèrent nos valeureux professeurs d’antan, nous allons ce soir découvrir l’homme comme nous le promet l’affiche. Durant une heure et demie, Berliner, sur le ton de la confidence, traverse huit décennies de la vie de son illustre idole. Il nous familiarise avec ses passions, ses amours, ses peines, ses engagements, ses révoltes en jouant Hugo, en chantant du Hugo, en racontant Hugo .Avec beaucoup d’humilité, je prends conscience de ma méconnaissance hugolienne.
« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix… »
Pour l’instant, je connais d’autant mieux que je suis peut-être la seule personne dans la salle à m’enorgueillir d’être né le même jour de février qu’Hugo. Coluche racontait qu’entre le chapeau et le talent de Bob Dylan, le chanteur Danyel Gérard avait choisi le chapeau ; en ce qui me concerne, entre le jour de naissance et le génie de Hugo… c’est la faute à ma mère comme aurait dit Gavroche !
Victor est le fils de Joseph Léopold Hugo, général d’Empire, soldat de Joseph Bonaparte roi d’Espagne de 1808 à 1813. Il passe son enfance à Paris mais suit également son père selon ses affectations militaires. Ainsi en mars 1811, avec sa mère et ses frères, il le rejoint en Espagne. Il traverse les villages d’Hernani et de Torquemada, il visite Burgos et « sa cathédrale aux gothiques aiguilles » avec le fameux donneur d’eau bénite Papamoscas. Il entre au collège des Nobles, calle de Hortaleza à Madrid. Chaque matin, un nain bossu, prototype de Quasimodo, réveille les pensionnaires. On ne trouve aucune référence à Hélène Ségara Esmeralda (n.d.l.r !)
Le lendemain de son arrivée, il trouve sur la table de sa chambre, un dictionnaire espagnol et une grammaire. « Il faut que vous sachiez l’espagnol dans trois mois » ordonne sa mère ; il le parle après six semaines. « Beau pays dont la langue est faite pour ma voix. Étant enfant, je parlais mieux espagnol que français. C’est par la chute de l’Empereur, et en conséquence celle de Joseph, que mon père de général espagnol est devenu général français et que moi de futur poète espagnol, je suis devenu poète français . » Gérard Hugo ou Victor Berliner, je ne sais plus, mais qui sait tout sur son copain alter, nous dévoile l’œil égrillard qu’il écrivait en castillan pour une meilleure confidentialité, tous ses exploits amoureux dans son journal intime. Ainsi, à soixante-dix ans,, il note encore todas las tres après avoir reçu à tour de rôle trois jeunes comédiennes en mal de … rôle !. Car on ne l’imaginerait pas comme cela mais derrière l’air patelin du grand homme, se cache un chaud lapin. En voici, les prémices platoniques :
« Dans cette Espagne que j’aime,
Au point du jour, au printemps,
Quand je n’existais pas même,
Pepita – j’avais huit ans –
Me disait : – Fils, je me nomme
Pepa ; mon père est marquis. –
Moi, je me croyais un homme,
Étant en pays conquis… »
Ah Pepita, la fille du marquis de Monte Hermosa !
«… Moi huit ans, elle le double;
En m’appelant son mari,
Elle m’emplissait de trouble….
Rameaux de mai fleuri !
Elle aimait un capitaine;
J’ai compris plus tard pourquoi,
Tout en l’aimant, la hautaine
N’était douce que pour moi.
Elle attisait son martyre
Avec moi, pour l’embraser,
Lui refusait un sourire
Et me donnait un baiser… »
Elle a donc seize ans et permet à Victor quelques largesses pour attiser la jalousie de son amoureux de capitaine. C’est sa première bataille d’Hernani ! Curieusement, Hugo passe moins d’un an en Espagne qui pourtant occupe un espace important dans son œuvre future. Un accord de guitare flamenca !
Sur le chemin du retour tumultueux, le jeune Victor voit à Burgos son premier condamné à mort, hébété de terreur sur un âne, mené jusqu’à l’échafaud par une procession de pénitents. En 1812, au bras de sa maman dans les rues de Paris, il lit affiché sur une colonne, l’avis d’exécution de son parrain et probable amant de sa mère, Victor Fanneau de Lahorie qui, condamné au bannissement pour complot royaliste, s’était réfugié dans la chapelle du couvent des Feuillantines, ce « vert paradis » près du Panthéon où vécurent Sophie Hugo et ses enfants. Adolescent, il assiste au spectacle gore d’une exécution en place de Grève qu’il évoquera dans Le dernier jour d’un condamné : « Le lourd triangle de fer se détache avec peine, tombe en cahotant dans ses rainures, et, voici l’horrible qui commence, entame l’homme sans le tuer. L’homme pousse un cri affreux. Le bourreau, déconcerté, relève le couperet et le laisse retomber. Le couperet mord le cou du patient une seconde fois, mais ne le tranche pas. Le patient hurle, la foule aussi. Le bourreau rehisse encore le couperet, espérant mieux du troisième coup. Point. Le troisième coup fait jaillir un troisième ruisseau de sang de la nuque du condamné, mais ne fait pas tomber la tête. Abrégeons. Le couteau remonta et retomba cinq fois , cinq fois il entama le condamné, cinq fois le condamné hurla sous le coup et secoua sa tête vivante en criant grâce ! … Mais vous n’êtes pas au bout. Le supplicié se voyant seul sur l’échafaud, s’était redressé sur la planche, et là, debout, effroyable, ruisselant de sang, soutenant sa tête à demi coupée qui pendait sur son épaule, il demandait avec de faibles cris qu’on vint le détacher… C’est en ce moment là qu’un valet du bourreau, jeune homme de vingt ans, monte sur l’échafaud, dit au patient de se retourner pour qu’il le délie, et, profitant de la posture du mourant qui se livrait à lui sans défiance, saute sur son dos et se met à lui couper péniblement ce qui lui restait de cou avec je ne sais quel couteau de boucher. Cela s’est fait. Cela s’est vu. Oui. » Massacre à la tronçonneuse façon Guillotin! Toute sa vie, Hugo mènera avec ferveur un incessant combat contre la peine de mort : « Messieurs, il se coupe trop de têtes par an en France. Puisque vous êtes en train de faire des économies, faites-en là-dessus. Puisque vous êtes en verve de suppressions, supprimez le bourreau. Avec la solde de vos quatre-vingts bourreaux, vous paierez six cents maîtres d’école. »
Un bureau avec une bougie et une plume d’oie constitue l’unique élément scénique. On ne sait pas grand chose sur les premiers écrits de Hugo. Il semble être autodidacte, s’initie seul à la technique des vers, connaît le latin à dix ans. Le gamin ne manque pas d’ambition ; dès quatorze ans, il consigne sur un cahier d’écolier : « Je veux être Chateaubriand ou rien . » Plus tard, il adoptera comme devise Ego Hugo qui traduit son immense orgueil.
Dès 1809 puis au retour d’Espagne, il a pour inséparable compagne de jeux Adèle Foucher, la fille du propriétaire de leur habitation aux Feuillantines. En 1819, ils s’avouent leur flamme l’un pour l’autre et cent cinquante lettres plus tard, ils se marient le 12 octobre 1823. Parvenu vierge au mariage, le fougueux Victor honore neuf fois son épouse lors de leur nuit de noces. Murmures admiratifs du public féminin dans la salle ! Vrai ou faux, allez savoir car nos deux lascars, Hugo comme Berliner, un peu cabotins, aiment se la péter ! Ce qui est certain, c’est qu’Hugo jouit d’une virilité exceptionnelle qu’il justifie de manière machiste et humoristique dans une note de 1823 : « L’homme a reçu de la nature une clef avec laquelle il remonte sa femme toutes les vingt-quatre heures ». Ce ne sont pas bien évidemment ses performances amoureuses qui lui valent d’être décoré à vingt-trois ans de la Légion d’honneur, ordre créé le 19 mai 1802 par le Premier consul Bonaparte. Et en 1849, à l’Assemblée Nationale, il fera éclater de rire la majorité réactionnaire en déclarant que le droit de l’homme avait pour corollaire le droit de la femme et le droit de l’enfant ! Il devient bientôt l’idole d’une jeune génération et le chef de file du courant du romantisme en créant avec l’écrivain et critique Sainte-Beuve, le Cénacle, groupe littéraire dont les réunions se tiennent dans son domicile de la rue Notre-Dame-des-Champs. S’y retrouvent notamment Balzac, Musset, Vigny , Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Gérard de Nerval, le peintre Delacroix, Mérimée l’auteur de la célèbre dictée. Ils fourbissent leurs armes pour la prochaine bataille d’Hernani, cette célèbre querelle qui oppose lors de la création de la pièce de Hugo, les défenseurs d’un théâtre classique avec notamment les règles des unités de temps, de lieu et d’action, et les nouveaux romantiques briseurs de ces canons.
L’alter d’Hugo, à croire qu’il fût présent, nous narre avec volubilité et délectation la première du 25 février 1830. Dès treize heures, les partisans de Hugo font les cent pas devant le Théâtre-Français. Parmi eux figure Théophile Gautier, l’auteur du Capitaine Fracasse, revêtu d’un gilet rouge flamboyant comme la muleta du torero prêt à exciter les grisâtres partisans du théâtre classique, rouge comme sera le gilet de Jean Vilar, cent vingt-quatre ans plus tard au TNP. Quatre heures avant le début de la représentation, ils forcent les portes de la salle et trompent leur attente en consommant moult victuailles et bouteilles, affalés sur les fauteuils. Ce soir-là, pour des raisons strictement personnelles, l’actrice jouant Doña Sol remplace le fameux vers « Vous êtes mon lion superbe et généreux » par un « Vous êtes, monseigneur, superbe et généreux ». « Le lion relève le vers et monseigneur l’aplatit … J’aime mieux être sifflé pour un bon vers qu’applaudi pour un méchant » dira Hugo. Ses adversaires l’attendent au coin de la longue tirade de Don Gomez mais le roublard Victor leur cloue le bec en abrégeant la galerie de portraits des ancêtres par un « J’en passe et des meilleures » devenu légendaire. La claque du parterre l’emporte sur les perruques des tribunes. Les ovations fusent, Victor Hugo est porté en triomphe jusque chez lui. La recette est de 5 134 francs alors que la veille, Phèdre n’avait rapporté que 450 francs. Les lendemains sont plus tristes et au fil des représentations, la tendance s’inverse en faveur des classiques. Les théâtres de boulevard en viennent à brocarder l’œuvre avec des parodies telles que Harnali ou la Contrainte par cor ! Bientôt les combats se déplacent dans la rue avec les Trois Glorieuses de la Révolution de Juillet. N’oublions pas malgré tout que l’année d’Hernani fut aussi celle de La Symphonie fantastique de Berlioz et Le Rouge et le Noir de Stendhal, un bon millésime pour les Romantiques !
Retour aux histoires d’alcôves, le public en est toujours friand ! Le vigoureux Victor demeure fidèle à son épouse une dizaine d’années puis Adèle, lasse des trop grandes ardeurs de son mari, refuse la chambre commune après la naissance de leur cinquième enfant. Elle cède bientôt aux avances du « grand ami » Sainte-Beuve surnommé par la suite Sainte Bave ( !) dont elle devient la maîtresse.
Victor qui fraie, beau et célèbre dans le milieu du théâtre, se console vite et le 2 janvier 1833, il s’arrête un instant devant la façade du théâtre de la Porte Saint-Martin où une jeune actrice Juliette Drouet débute dans sa pièce Lucrèce Borgia dans le rôle de la princesse Negroni. C’est le coup de foudre. Ancienne maîtresse du sculpteur James Pradier qui la choisit comme modèle de la statue de la ville de Strasbourg place de la Concorde, Julienne Gauvain, c’est son véritable nom, abandonne sa carrière artistique pour se consacrer corps et âme à son « Toto » durant cinquante ans. Ils s’écriront des dizaines de milliers de lettres, vous lisez bien !!!
« Le 26 février 1802, je suis né à la vie. Le 17 février 1833, je suis né au bonheur dans tes bras. La première date, ce n’est que la vie, la seconde, c’est l’amour. Aimer c’est plus que vivre ». Enthousiasme absolu : « Je suis la barque errante et vous êtes la voile » ! Il est un chapitre des Misérables intitulé en clin d’œil le « 16 février 1833 » dans lequel Hugo évoque la nuit de noces de Cosette et de Marius !
Pochoir passage Brady Paris Xème
Instants de profonde émotion, sur la scène plongée dans une semi pénombre, Gérard Berliner, d’une voix poignante, chante (presque) le poème que tout le monde espérait sans doute :
« Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne
Je partirai vois-tu, je sais que tu m’attends
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit
Aimer c’est plus que vivre Aimer c’est plus que vivre
Laissez moi lui parler, incliné sur ses restes
Le soir quand tout se tait
Comme si dans la nuit rouvrant ses yeux célestes
Cet ange m’écoutait !
Aimer c’est plus que vivre Aimer c’est plus que vivre… »
Subtilement, il a mêlé les vers de deux poèmes des Contemplations, Demain dès l’aube et À Villequier, dédiés à la mort de sa fille Léopoldine survenue le 4 septembre 1843. Léopoldine et Charles Vacquerie, mariés depuis six mois, se rendent en canot sur la Seine chez le notaire de Caudebec-en-Caux lorsqu’un violent coup de vent fait chavirer la barque… Ils se noient.
Victor Hugo n’a connaissance du drame que cinq jours plus tard, en lisant le journal Le Siècle dans un café près de Rochefort. Le lendemain, il poste de Saumur, une lettre à sa femme Adèle : « Il me tarde de pleurer avec toi et avec mes trois pauvres enfants bien-aimés. Ma Dédé chérie, aie du courage, et vous trois. Je vais arriver. Nous allons pleurer ensemble, mes pauvres bien-aimés. A tout à l’heure, mon Adèle chérie. Que ces affreux coups, du moins, resserrent et rapprochent nos coeurs qui s’aiment ».
La section IV des Contemplations est le livre de ce deuil où Hugo, outre sa non acceptation de la mort, ne cesse d’interroger Dieu quant au sens du drame qu’il vient de vivre. « Qui sait si tout n’est pas un pourrissoir immense ». Émotion personnelle, ces poèmes de souffrance sont devenus un peu miens depuis que mon père s’en est allé. Il adorait Victor Hugo et, par sa ferveur, il savait faire partager à ses collégiens l’amour d’un père pour sa fille que le fleuve proche de chez nous, lui avait enlevée.
« …Hélas! laissez les pleurs couler de ma paupière,
Puisque vous avez fait les hommes pour cela!
Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre
Et dire à mon enfant (mon papa) : Sens-tu que je suis là?… »
« Aimer c’est plus que vivre », Berliner reprend en leitmotiv ce qu’Hugo écrivait à sa Juliette, dix ans avant la noyade de sa fille. À rapprocher peut-être de ce qu’il lut Le 5 février 1843 en l‘église de Villequier lors du mariage de Léopoldine :
« Aime celui qui t’aime, et sois heureuse en lui.
— Adieu! — sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre!
Va, mon enfant béni, d’une famille à l’autre.
Emporte le bonheur et laisse-nous l’ennui!… »
Vous voyez que des sentiments profonds d’amour l’unissaient à « ses » femmes malgré sa réputation méritée de coureur impénitent de jupons. Le chanteur comédien transporte le public des larmes aux rires ; voilà notre petit père Hugo surpris par un mari jaloux, mauvais peintre de surcroît, en flagrant délit d’adultère avec sa femme Léonie Biard, une jeunette de vingt-cinq ans, en « conversation criminelle » consigne le commissaire de police ! La pauvre Léonie est jetée en prison car, en ce temps-là, au nom de l’inégalité des sexes, les femmes qui trompaient leur mari, étaient emprisonnées directement, les hommes non ! Quant à Hugo, il répond au commissaire qui l’invite à le suivre pour vérifier son identité : « Mais enfin Monsieur, vous n’y pensez pas ; je suis Victor Hugo, Pair de France, donc inviolable ! » L’affaire se règle bientôt à l’amiable avec l’achat par l’écrivain d’une « croûte » au cocu !
La mort de sa fille l’éclaire et Hugo sent que finalement, les honneurs, la gloire et l’argent n’ont pas grande importance. Il commence une carrière parlementaire en avril 1845 lorsqu’il est nommé Pair de France par le roi Louis-Philippe. Il entre à la chambre haute du Parlement en tant que vicomte Hugo, membre de l’Institut. Il a été élu, en effet, à l’Académie Française en 1841, réalisant ainsi son rêve d’enfance. Chateaubriand lui écrit : « Je m’en vais, Monsieur, et vous venez ». Lors de la Révolution de 1848, il prend la défense de la monarchie. À la proclamation de la Seconde République, il refuse le poste de ministre de l’Instruction publique que lui propose Lamartine au sein du gouvernement provisoire. Il entre à la chambre des députés après les élections complémentaires de mai 1848. Il y siège avec la droite conservatrice et soutient la candidature de Louis Napoléon Bonaparte à l’élection présidentielle de 1848. Curieux parcours à cent quatre-vingt degrés que celui de Victor Hugo au sein de l’hémicycle ! Il commence sur les bancs de droite avec les royalistes pour finir à l’opposé avec les socialistes.
Miracle de la sonorisation, la voix puissante de Berliner monte dans les travées du théâtre. Hugo nous harangue :
« Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.
Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! Oui, cela est possible ! Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas le fait, le devoir n’est pas rempli. La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au moyen âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Messieurs, songez-y, c’est l’anarchie qui ouvre des abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère ! »
Depuis quatre ans, il a entamé l’écriture des Misérables.
Le 15 janvier 1850, lors de la discussion du projet de loi sur l’enseignement, Hugo monte encore à la tribune : « Messieurs, toute question a son idéal. Pour moi, l’idéal de cette question de l’enseignement, le voici : l’instruction gratuite et obligatoire. Obligatoire au premier degré, gratuite à tous les degrés. L’instruction primaire obligatoire, c’est le droit de l’enfant qui, ne vous trompez pas est plus sacré encore que le droit du père et qui se confond avec le droit de l’État. Voici donc, selon moi, l’idéal de la question : L’instruction gratuite et obligatoire dans la mesure que je viens de marquer. Un immense enseignement public donné et réglé par l’État, partant de l’école de village et montant de degré en degré jusqu’au, Collège de France, plus haut encore, jusqu’à l’Institut de France. Les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences ; partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu’il y ait un livre ! Pas une commune sans une école, pas une ville sans un collège, pas un chef-lieu sans une faculté ». Ce soir, aucun mouvement de foule réprobateur n’interrompt l’orateur, le public applaudit à l’issue de chaque extrait de discours.
« Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Petersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie.
Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne…
Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. – Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que l’Assemblée législative est à la France !
Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être!
Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique, les États-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu ! » Un instant d’hésitation, nous sommes bien au congrès de la Paix qui se réunit à Paris en août 1849 !
Et souvenez-vous le 15 septembre 1848 devant l’Assemblée constituante : « Vous venez de consacrer l’inviolabilité du domicile, nous vous demandons de consacrer une inviolabilité plus haute et plus sainte encore, l’inviolabilité de la vie humaine. Messieurs, une constitution, et surtout une constitution faite par la France et pour la France, est nécessairement un pas dans la civilisation. Si elle n’est point un pas dans la civilisation, elle n’est rien. Eh bien, songez-y, qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie.. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare la civilisation règne. Messieurs, ce sont là des faits incontestables. L’adoucissement de la pénalité est un grand et sérieux progrès. Le XVIIIème siècle, c’est là une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le XIXème siècle abolira la peine de mort. Vous ne l’abolirez pas peut-être aujourd’hui ; mais n’en doutez pas, demain vous l’abolirez, ou vos successeurs l’aboliront… Vous venez de consacrer la première pensée du peuple, vous avez renversé le trône. Maintenant consacrez l’autre, renversez l’échafaud ».
Les spectateurs sont bluffés : ovations pour Berliner, admiration pour Hugo ! Il faut avouer qu’avec des députés comme Lamartine et Hugo, les joutes parlementaires étaient d’une autre tenue que nos médiocres débats actuels sur la question de l’identité nationale.
Traqué pour être entré en résistance armée contre le coup d’état de décembre 1851 de Louis Napoléon Bonaparte, Victor Hugo sous la fausse identité de Jacques Firmin Lanvin ouvrier typographe, quitte Paris le 11 décembre par le train de vingt heures à destination de Bruxelles.
Il est contraint à un exil de dix-neuf années, d’abord en Belgique puis dans les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey.
Il se lâche dans un pamphlet cinglant contre « Napo-le-petit » : « Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien. Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l’Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.
L’homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue ! » Sourires et stupéfaction dans le public ! Ce portrait vous rappelle quelqu’un ? Houlà, vous risquez de graves ennuis comme dirait Fred à Omar dans leur Service après vente des émissions sur Canal +.
L’ouvrage ne sera publié que bien plus tard mais Alexandre Dumas raconte qu’il entre en France clandestinement à l’intérieur des bustes du Prince-président. À Jersey, Hugo se prend de passion pour la nouvelle technologie de la photographie inventée vingt-cinq ans plus tôt par Nicéphore Niepce. Il installe dans la serre de son domicile, un atelier où il développe ses fameux daguerréotypes, épreuves sur papier salé. Il aime se mettre en scène, en poète solitaire, les cheveux longs, ou en proscrit sur le fameux rocher éponyme. Le grand Félix Nadar lui rendra hommage plus tard en immortalisant sa dépouille apaisée sur son lit.
À Guernesey, Juliette, installée en face de chez lui, poursuit sa correspondance prolifique dans l’attente du « petit festival » du soir : « Si ce n’est pas toi c’est donc ton… gilet de flanelle accroché à ta fenêtre auquel j’ai envoyé mes tendres regards » ou « Je viens de vous saluer dans votre grand uniforme d’Adam et je dois avouer que cette tenue vous va bien ». Elle relit les épreuves des Misérables. Est-ce un mal pour un bien mais l’exil offre à Hugo un temps considérable pour se consacrer à l’écriture. Outre Les Châtiments infligés au petit Napo, il achève Les Contemplations, La Légende des siècles et donc Les Misérables. Il écrit à son éditeur « Ma conviction est que ce livre sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon œuvre ». Le roman paraît en 1862 en l’absence de son auteur toujours reclus sur son îlot, « s’il n’en reste qu’un je serai celui-là » ! À l’image aujourd’hui de chaque nouvelle aventure d’Harry Potter, les cinq tomes des Misérables sont publiés à grand renfort de publicité avec des morceaux choisis dans la presse, les personnages exposés dans les vitrines. Le succès est phénoménal, les queues s’allongent devant les librairies, les ouvriers cotisent vingt sous chacun dans les fabriques pour acquérir un exemplaire qu’ils se passent de main en main.
Sur son rocher, Hugo n’abandonne pas ses combats politiques : « Une monnaie continentale, à double base métallique et fiduciaire, ayant pour point d’appui le capital Europe tout entier et pour moteur l’activité libre de deux cents millions d’hommes, cette monnaie, une, remplacerait et résorberait toutes les absurdes variétés monétaires d’aujourd’hui, effigies de princes, figures des misères, variétés qui sont autant de causes d’appauvrissement ».
Il les poursuit à son retour d’exil en 1870 après la reddition de l’empereur à Sedan. Il résiste avec les Parisiens assiégés ; on fabrique trois canons avec la recette des lectures publiques des Châtiments. Il devient sénateur en 1876. Il se bat pour l’amnistie des communards : « Quand d’un côté on dit : l’amnistie rassure, de l’autre on répond : l’amnistie inquiète ; à ceux qui disent : l’amnistie est une question française, on répond : l’amnistie n’est qu’une question parisienne ; à ceux qui disent : l’amnistie est demandée par les villes, on réplique : l’amnistie est repoussée par les campagnes. Qu’est-ce que tout cela ? Ce sont des assertions. Et je dis à mes contradicteurs : les nôtres valent les vôtres. Nos affirmations ne prouvent pas plus contre vos négations que vos négations ne prouvent contre nos affirmations. Laissons de côté les mots et voyons les choses. Allons au fait. L’amnistie est-elle juste ? Oui ou non ».
En août 1876, en pleine guerre serbo-turque, il reparle de ses chers États-Unis d’Europe : « Il devient nécessaire d’appeler l’attention des gouvernements européens sur un fait tellement petit, à ce qu’il paraît, que les gouvernements semblent ne point l’apercevoir. Ce fait, le voici: on assassine un peuple. Où? En Europe. Ce fait a-t-il des témoins? Un témoin, le monde entier. Les gouvernements le voient-ils? Non. Les nations ont au-dessus d’elles quelque chose qui est en dessous d’elles, les gouvernements. A de certains moments, ce contresens éclate: la civilisation est dans les peuples, la barbarie est dans les gouvernants. Cette barbarie est-elle voulue? Non. Elle est simplement professionnelle. Ce que le genre humain sait, les gouvernements l’ignorent. Cela tient à ce que les gouvernements ne voient rien qu’à travers cette myopie, la raison d’Etat; le genre humain regarde avec un autre œil, la conscience. Nous allons étonner les gouvernements européens en leur apprenant une chose, c’est que les crimes sont des crimes, c’est qu’il n’est pas plus permis à un gouvernement qu’à un individu d’être un assassin, c’est que l’Europe est solidaire, c’est que tout ce qui se fait en Europe est fait par l’Europe, c’est que, s’il existe un gouvernement bête fauve, il doit être traité en bête fauve; c’est qu’à l’heure qu’il est, tout près de nous, là, sous nos yeux, on massacre, on incendie, on pille, on extermine, on égorge les pères et les mères, on vend les petites filles et les petits garçons … Ce qui se passe en Serbie démontre la nécessité des Etats-Unis d’Europe. Qu’aux gouvernements désunis succèdent les peuples unis. Finissons-en avec les empires meurtriers. Muselons les fanatismes et les despotismes. Brisons les glaives valets des superstitions et les dogmes qui ont le sabre au poing. Plus de guerres, plus de massacres, plus de carnages; libre pensée, libre échange; fraternité. Est-ce donc si difficile, la paix? La République d’Europe, la Fédération continentale, il n’y a pas d’autre réalité politique que celle-là. ».
En son âge avancé, Victor Hugo cultive L’art d’être grand-père : « Je prendrai par la main les deux petits enfants … Je n’ai point d’autre affaire ici-bas que d’aimer ». Mais le coquin ne perd pas sa verdeur et, à quatre-vingts ans, lorsque son petit-fils lui demande « Pépé, que veux-tu pour Noël ? », il lui répond : « La bonne » !!!
Il passe les dernières années de sa vie à Paris dans un hôtel particulier de l’ancienne avenue d’Eyleau rebaptisée à son nom de son vivant. Ainsi, lui adresse-t-on son courrier à « Monsieur Victor Hugo en son avenue à Paris » ! Aujourd’hui, à l’angle de l’avenue Henri-Martin, vous pouvez l’admirer avec ses muses, statufié par Rodin.
« J’ai bien assez vécu, puisque dans mes douleurs
Je marche, sans trouver de bras qui me secourent,
Puisque je ris à peine aux enfants qui m’entourent,
Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs…
… J’ai fait ce que j’ai pu; j’ai servi, j’ai veillé,
Et j’ai vu bien souvent qu’on riait de ma peine.
Je me suis étonné d’être un objet de haine,
Ayant beaucoup souffert et beaucoup travaillé….
…O seigneur! ouvrez-moi les portes de la nuit
Afin que je m’en aille et que je disparaisse! »
Berliner traîne sa lassitude sur la scène. La « divine » actrice Sarah Bernhardt écrit aux proches de Hugo : « Je vous en supplie, un mot qui me rassure sur notre divin poète. En désespérance ». Elle avait triomphé quelques années auparavant dans le rôle de Doña Maria de Neubourg, la reine d’Espagne de Ruy Blas. On dit que l’insatiable Victor aurait succombé à ses charmes…
Victor Hugo décède le 22 mai 1885. Il avait consigné dans son testament : « Je donne cinquante mille francs-or aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les Églises. Je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu ». Le 31 mai, son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe. On estime à plus de deux millions de personnes, la foule qui se presse le lendemain au passage du convoi funèbre vers le Panthéon.
Le comédien chanteur répugne à quitter son alter Hugo ainsi. Il l’imagine revenant sur la terre de France un jour de 2010 : l’école y est gratuite et obligatoire depuis 1882, les femmes possèdent le droit de vote depuis 1946, la peine de mort y est abolie en 1981, les Etats-Unis d’Europe existent avec leur monnaie unique, et nous avons même un Sarko le petit qui, parce qu’elle le fit souffrir, rayerait volontiers la princesse de Clèves des programmes scolaires ! Tant que ce n’est pas Victor Hugo !
Hugo le visionnaire, l’universel, ne peut se satisfaire de cela et, toujours plein d’idéaux, les bras tendus, il nous harangue pour d’autres combats à mener sur la planète.
Durant de longues minutes, les spectateurs applaudissent chaleureusement Gérard Berliner visiblement ému, encore tout habité par son personnage. Ils ont sans doute reconnu en lui le professeur de lettres dont ils rêvaient du temps de leurs humanités. S’il passe par chez vous, allez suivre son cours magistral ! Quant à moi, je vais revisiter avec curiosité Victor Hugo dans le texte !
Vifs remerciements aux fidèles lectrices pour leur contribution photographique à Villequier et Bruxelles.
Le lendemain de la publication de mon billet, je tombe curieusement sur cette couverture de revue municipale. Notre cher Victor se gratte la tête. Récupération politique abusive ou pas ? Effectivement, quelques jours avant sa mort, Hugo écrivit « Aimer, c’est agir ».Mais le slogan « agir, c’est aimer » prend-il le même sens?!
