Mano Solo est rentré au port … sans voiles

La vie est belle ce dimanche matin dans mon pays : une marmaille chaudement emmitouflée rebondit en luge sur le ventre enneigé des éléphants que sont les buttes artificielles du parc voisin.
Ce dimanche soir, à l’heure où ces enfants vont se coucher, le présentateur du journal télévisé annonce laconiquement la mort du chanteur Mano Solo. Il fut beaucoup plus loquace, il y a quelques jours, à propos des disques vertébraux de Johnny. Je pleure. Pas belle la vie, na !

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«… Et je sais que c’est en vain que je dévore la route
Pour chaque soir étaler mes croûtes.
Mais tu n’es pas dans la salle
C’est sur une autre scène
Que tu déballes tes oripeaux et ton pipeau
Et je sais que c’est en vain, y a plus que des villes
Sans fleuve, des pays sans femme et sans chien
Y a plus que des ports sans voiles et des métros sans bouches…

C’était en 1995, au temps de son album Les Années sombres dans la foulée des Nuits fauves film culte de l’époque. De sa voix éraillée, poignante, vibrante, Mano criait la révolte d’une génération en proie à la détresse due au virus du sida dont il était atteint lui-même..
Puis il tailla sa route durant quinze années gris foncé ou gris clair selon que le crabe qui le rongeait, en pinçait plus ou moins pour lui.
Ignoblement, quelques journalistes trouvaient ses chansons moins efficaces lorsque la maladie lui laissait quelque répit. Qu’écriront-ils maintenant ?
Cher lecteur, je vous propose de lire ou relire mes mots à maux (2) du 22 octobre 2009 consacrés exclusivement à ce sublime écorché vif de la chanson.
Miracle et talent de cet artiste poète qui chantait l’amour et la mort avec une telle rage de vivre que lors de ses concerts, le public heureux guinchait sur ses musiques endiablées aux accents latino, manouche, africain ou musette.
On avait envie de l’accompagner dans ses errances au bord du canal Saint-Martin, rue Botzaris vers le parc des Buttes-Chaumont ou sur les boulevards de Paris, entre Barbès et Clichy, le nez dans le caniveau, c’est la faute à Mano !
Comme Renaud, il chantait avec tendresse les enfants, les fées, les mamans, les évincés de la société tels « les habitants du feu rouge ».

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« …Moi tu vois avant d’crever
J’voudrais laisser couler
D’la morve d’un petit nez
Un p’tit sourire
Un p’tit bout d’éternité … »

Putain de sida qui ne lui aura pas donné cette joie !
« Dis-moi qu’un oiseau viendra me rassurer de son indifférence. Tout va bien me dira-t-il, il est juste grand temps de pourrir … »
Comme il le chantait dans son dernier album, Mano est rentré au port … malheureusement sans voiles. L’âme et le corps enfin apaisés, trouve là où tu es, « des pays qui valent le coup avec des moutons qu’on compte à reculons et des serpents charmeurs militants pour l’abolition de la souffrance ».
Quant à nous, faisons bientôt notre petit grand soir, « travail, famille, Sarkozy, c’est la compassion pour les nantis » : « Un soir dans le vent, je rejoindrai les partisans de ceux qui ont de l’amour pour la vie ; un soir dans la nuit, il suffira d’un instant pour comprendre la force d’être unis ».
Effectivement, « la vie c’est pas du gâteau ». Mano n’a jamais eu la fève, ni ne fut jamais roi mais, prince des ténèbres sidaïques, il demeurera un prince de la chanson. Bashung, Mano Solo, Renaud mort-vivant de l’alcool, arrêtez le massacre !

Publié dans : Coups de coeur |le 11 janvier, 2010 |2 Commentaires »

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2 Commentaires Commenter.

  1. le 12 janvier, 2010 à 11:24 maesv écrit:

    Adieu petit frère qui s’est trop tôt planté des épines dans la peau, j’ ai commis les mêmes erreurs de détresse dans une autre jeunesse … Si pour moi la visite dans l’ envers du décor c’est resté côté jardin … pour toi cela a tourné bien court … quoique 25 ans avec ce noeud si coulant autour du cou, c’est bien long à supporter … tu as su te battre avec courage et dignité… Restent tes mots, ta très belle mouture de maux, un peu de poésie aux muselés qui se sentent écoutés grâce à ta musique …

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  2. le 4 février, 2012 à 14:40 Armelle Rubens-Gilet écrit:

    merci Jean-Michel de m’avoir ouvert un autre horizon! En effet, je ne connaissais de Mano Solo, que ce que les médias en diffusaient… donc bien peu (je suis de la génération Capdevielle, Couture, Murat…) j’arrive trop tard malheureusement, mais j’écoute maintenant, après vous avoir lu, et je découvre de beaux textes et un univers musical que j’aime bien par ailleurs. « La mort est dégueulasse ».

    Répondre

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