Archive pour le 22 octobre, 2009

Mots à maux de Jean-Louis Murat à Mano Solo (2)

Changement complet d’univers, je quitte le pays arverne pour retrouver le Paris de Mano Solo.

« … Se battre des dix doigts
Pour le rêve d’une peau de satin
N’a pas d’égal dans l’univers
Au moins faisons le bien
D’une vie entière inutile
Il n’y aura eu que l’amour qui brille
Ou p’tet bien
Mes p’tites chansons de merde
Pour qu’on y croie encore. »

Ces quelques mots tirés de son tout dernier album résument bien l’œuvre de Mano : la maladie, l’amour, la maladie d’amour, les thèmes récurrents de ses très grandes chansons !
Je commence par dissiper un malentendu pour ceux qui ne le connaissent pas ou croient le connaître, car combien de fois ai-je dû corriger des personnes qui, à cause d’une homophonie voisine, le confondaient avec Manu Chao !
Mano Solo de son vrai nom Emmanuel Cabut, est le fils du célèbre dessinateur Cabu, un des fameux trublions de Hara-Kiri et Charlie Hebdo, et d’Isabelle, cofondatrice de La Gueule ouverte, excellent journal écologique malheureusement disparu. Sa filiation lui inculqua le sens de l’engagement militant, l’esprit de lutte et de révolte, à défaut de l’aider à briguer quelque poste à la tête d’un établissement public d’aménagement du quartier de La Défense … d’ailleurs, ses lieux de prédilection sont plutôt Paris Boulevards, Barbès Clichy, Pont d’Austerlitz ou Pantin. Quoique âme bien née, sa vie a été un sacré combat … la défonce plutôt que La Défense !
Peut-être, était-ce lui, à l’aube des années 1980, qui répétait avec ses copains du groupe punk Les Chihuahuas dans la cave de Charlie Hebdo rue des Trois Portes, rendant problématique la prise de son de notre film à l’étage supérieur.
En 1993, Mano sort son premier album en solo, La marmaille nue :

« A 15 ans du matin,
j’ai pris par un drôle de chemin,
des épines plein les bras,
je me suis troué la peau mille fois.
A 18 ans du matin,
j’étais dans un sale pétrin,
je vends du poing, de la chignole,
de la cambriole, du vol des bagnoles.
Ca fait du temps maintenant,
inexorablement,
passe le temps qui tue les enfants.
A 18 ans du soir,
j’ai perdu la mémoire…
A 20 ans du matin,
j’ai vraiment connu l’amour
qui devait rimer avec toujours,
il a rimé avec hier… »

Sans commentaires ! Mano nous arrache les larmes ; avec ses mots directs, coupants comme une serpe, de sa voix rauque et éraillée, sur une musique métissée rock jazzy latino, il nous crie son très mal être. La maladie lui ronge le sang … et peut-être un peu de reconnaissance de son immense talent.
En effet, une certaine presse lui a taillé depuis, un costard de cracheur de son sida, en prenant même la température de chaque album pour cerner l’évolution de la maladie. Il est de tristes journaleux qui furent presque à regretter Les années sombres lorsque le répit du fléau donna une couleur d’apaisement à des opus postérieurs.
« Et Paris étale ses boulevards, devant mes yeux qui broient toujours la même histoire, d’attendre qu’il se mette à pleuvoir pour lever la tête et pour pouvoir pleurer. Paris étale ses boulevards, pour tous ses fils bâtards, qui sont nés quelque part entre le désir, la mort et l’ennui. Paris étale ses boulevards et ses tours de Babel en carton qui renferment leurs milliers de solitudes glacées. »
On a envie d’accompagner Mano dans ses errances à travers Paris, le long des boulevards, au bord du canal, et de l’écouter au comptoir d’un bistrot de Pigalle, crier sa maladie ou la douleur de perdre celle qu’il aime :

« … Et je sais que c’est en vain, y a plus que des villes
Sans fleuve, des pays sans femme et sans chien,
Y a plus que des ports sans voile et des métros sans bouche
J’ai oublié ton numéro
Mais pas celui qu’on faisait tous les deux
J’aurais beau chercher une voix sans traverses
Un chemin sans l’enfer
J’aurais beau courir plus vite que mon corps
Et trouver une mort sans cimetière
J’aurais beau chercher des journées sans remords
Et des boules sans qui-est-ce ?
J’aurais beau lutter sans forces
Et abandonner avec violence
Je sais que c’est en vain
Depuis toi je n’aime rien. »

Il y a urgence, Mano ne s’embarrasse pas de rimes, ce qui n’exclut pas, bien au contraire, une prose très travaillée, empreinte d’une profonde poésie. Je me souviens qu’en ce temps de tempête intérieure, il avait jeté sa gourme envers Francis Cabrel et sa poésie à l’eau de rose ; il s’en excusa par la suite. Il est vrai qu’au ciel les étoiles ne parlent pas de Mano entre elles !

« Y en avait des fées autour de mon berceau, y en avait des fées et des salauds.
Et tout ce beau monde s’est battu pour moi, et j’ai tout pris, les bons sorts, le mauvais sang. Ils ont donné tout en même temps à ce petit corps, maladresse et talent. »

Même dans la noirceur de ses chansons, transpire une tendresse à fleur de peau qui rappelle celle de Renaud, aimera-t-il ma référence ? :

« Te souviens-tu de cet enfant et de ses yeux qui lui mangeaient le visage.
Te souviens-tu des deux dents de devant volées dans la nuit par toute une bande de souris…
…Te souviens-tu de cet enfant, quand son auréole s’allumait d’un sourire, dans la cour d’école voyant sa mère venir, quand la tête entre deux mamelles il disait « Maman, t’es la plus belle ».
Je me souviens de rien, Maman, plus j’avance et moins je me retourne.
Tu sais pour tout ça j’ai pas le temps, tout s’efface et la roue tourne.

Heureusement, parfois, « son appétit grandit de découvrir la vie » :

« Il y a sûrement des pays qui valent le coup
Il y a sûrement des routes qui mènent un peu partout
Il y a sûrement des enfants rebondissant sur le ventre des éléphants
Il y a sûrement des moutons que l’on compte à reculons… »

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C’est avec cette comptine d’espoir et de paix sur un air de reggae que Mano inaugurait ses concerts lorsque je le vis sur scène ; un souvenir exceptionnel que le spectacle de ce garçon fragile, malingre dont on craint que la voix ne se brise dans les aigus, débordant d’énergie à défendre ses chansons de combat pour lutter contre la déprime ! Et miracle, vous sortez de là avec une pêche d’enfer !
« Dans la musique qui m’emporte et qui me prend dans ses bras. La musique qui me réchauffe la tripe et qui pleure avec moi. »
Comme dirait un chanteur aux gros biceps, « la musique est un cri qui vient de l’intérieur », même loin du fond des entrailles chez Mano Solo. Elle sublime souvent ses textes. On retrouve dans le piano et le bandonéon plaintif de ses tangos, la véritable âme de cette danse née dans ls quartiers interlopes de Buenos Aires. Très variée, elle prend parfois des couleurs latinos ou de jazz manouche à la Django Reinhardt ou emprunte encore aux percussions africaines.
L’une de ses plus belle réussites fut sa relecture du tango de Barbès Clichy (des Années sombres) en la salsa incandescente de Barrio Barbés. Vous ne pouvez pas ne pas entrer en piste !

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Comme vous ne pouvez pas ne pas brandir le poing quand sur des chœurs rappelant ceux de l’Armée rouge, il vous invite à la lutte :

« Travail, famille, Sarkozy
C’est la compassion pour les nantis
Mais si t’as rien à offrir
Prépare toi à souffrir au rendez-vous
Du MEDEF au fond d’un trou
Il a des planches et même des clous
T’as intérêt à tenir debout
Car si demain tu sers à rien
On va te j’ter comme un chien
Pour que tu puisses une fois dans la rue
Epouvantail aux mains tendues, effrayer les salariés
Fermer ta gueule et pas bouger
Un soir, dans le vent,
Je rejoindrai les partisans de ceux qui ont de l’amour pour la vie
Un soir, dans la nuit,
Il suffira d’un instant
Pour comprendre la force d’être unis… »

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Car, outre d’être un chanteur enragé, Mano est un chanteur engagé ! Cela doit réjouir ses parents et leur rappeler les luttes sur le plateau du Larzac dans les années 1970.
Quittant sa maison de disques, il auto produisit même son avant-dernier album avec une souscription sur internet, avec un succès mitigé malheureusement.
Il ne peut y avoir de mauvaise cuvée chez le si sincère Mano Solo et son dernier cru est gouleyant. Après quinze ans d’errances, il dit « Rentrer au port » :

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 « Depuis que j’ai la chance chaque matin d’être l’homme le plus riche du monde dans tout ce que je lis dans ton sourire, je me sens si bien qu’il m’est possible de t’aimer de vraiment le partager comme ce rayon de lumière qui nous rend tous les deux fiers. »

« L’âme cavalière », il serait amoureux d’une jolie écuyère du cirque équestre Zingaro auquel il rend un tendre hommage sur un fond de chœurs cosaques, dans Les chevaux d’Aubervilliers.

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J’oubliais, quand ils ne chantent pas, Mano Solo comme Jean-Louis Murat, peignent et écrivent des poèmes et des romans, avec talent. De vrais et grands artistes !

 

Publié dans:Coups de coeur |on 22 octobre, 2009 |Pas de commentaires »

Mots à maux de Jean-Louis Murat à Mano Solo (1)

La semaine dernière, ma meilleure façon d’errer (pour reprendre les mots de l’un d’eux) fut de dénicher chez Virgin, les dernières livraisons de Jean-Louis Murat et Mano Solo, deux artistes majeurs dans le paysage musical français dont les opus prennent place, immanquablement, dans ma discothèque.
Bien que n’ayant aucune prédisposition particulière pour la chronique musicale, j’ai envie de vous faire l’article afin d’affirmer haut et fort leur grand talent qui les installe comme les dignes héritiers des Ferré, Brel, Higelin et Renaud.
Il est possible que ces deux écorchés vifs, c’est ainsi qu’on nous les présente souvent, n’apprécient pas plus que cela les filiations que je leur accorde mais j’assume. Je les choisis à dessein pour vous montrer que « c’est du lourd » mais avant tout ils sont Murat et Solo, deux grands de la chanson française, insuffisamment connus et reconnus.
Coup de projecteur d’abord sur Jean-Louis Bergheaud qui tire son nom de scène de Murat-le-Quaire, petit village d’Auvergne, où il passa une partie de sa jeunesse dans la ferme isolée de ses grands-parents. Son âme de troubadour et ses origines en ont vite fait le « Dylan auvergnat », on aime bien plaquer des étiquettes, cela rassure !
Depuis près de trois décennies qu’il traîne ses guêtres, notre barde qui l’air de rien, approche de la soixantaine, sort un nouvel album bon an mal an. On pourrait supposer un certain bâclage dans son inspiration foisonnante et lui coller une étiquette supplémentaire d’ « éjaculateur précoce de la chanson française » ! Ce de quoi l’artiste se défend avec humour en confiant « qu’il éjacule au bon moment avec toute une préparation avant » !
Et lorsqu’il n’est pas en veine personnelle, il se réapproprie des poèmes de Madame Deshoulières, femme de lettres dans le XVIIème siècle des Précieuses, dont il déniche par un pur hasard une édition des œuvres aux puces de Clermont-Ferrand. En duo avec l’actrice Isabelle Huppert, accompagné de clavecin, viole de gambe, luth mais aussi guitares, basse et batterie, notre troubadour tient salon de musique dans un château d’Auvergne. Sublime !

« Lorsqu’un amant, l’exemple est tout pareil,
Fait voir désirs à qui pudeur s’oppose,
Si l’on ne fuit, l’amour est un soleil,
Point n’en doutez par qui fleur est éclose.
Alors en bref on voit s’évanouir
Transports et soins, par qui fille peu fine
Présume d’elle et se laisse éblouir.
Méprise succède à l’amour qui décline,
De rose alors ne reste que l’épine… »

Trois siècles plus tard plus tard, Nougaro nous rimait :

« …J’aime la vie quand elle rime à quelque chose
J’aime les épines quand elles riment avec la rose
Rimons rimons belle dame
Rimons rimons jusqu’à l’âme
Et que ma poésie
Rime à ta peau aussi… »

Dans son album 1829, Murat met en musique onze textes de Pierre-Jean de Béranger, un des plus grands chansonniers de la première moitié du XIXème siècle, un « poète national » comme est écrit sur sa tombe au cimetière du Père-Lachaise. Ses poèmes libéraux et patriotiques furent admirés par Stendhal et Mallarmé mais sa notoriété déclina vite suivant en cela sa prédiction que son œuvre sombrerait après sa mort. Il a fallu que Murat le sorte des oubliettes en 2005 ; Béranger, un des opposants libéraux les plus virulents sous la Restauration, crie son anticléricalisme avec son Pape musulman:

« Jadis voyageant pour Rome,
Un pape né sous le froc,
Pris sur mer, fut, le pauvre homme, Mené captif à Maroc,
D’abord il tempête, il sacre,
Reniant Dieu bel et bien.
Saint-Père, lui dit son diacre,
Vous vous damnez comme un chien…

… En vrai corsaire il s’équipe ;
Pour le croissant il combat,
Prend le sorbet et la pipe ;
Dans un harem il s’ébat,
Près des femmes qu’il capture
Voyez donc ce grand vaurien !
Saint-Père, quelle imposture !
Vous vous damnez comme un chien … »

Quelle modernité !

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Plus récemment encore, Murat cueille quelques Fleurs du Mal de Baudelaire mises en musique par Léo Ferré, à la demande de Matthieu Ferré qui le considère comme le fils spirituel de son père, le grand Léo.

« Que m’importe que tu sois sage ?
Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage ;
L’orage rajeunit les fleurs … »

« Me mettre en bouche les textes de Baudelaire, ça fait pas de mal. J’ai pas suivi d’études, c’est ma manière d’en faire » dit-il !
Je vous rassure, Murat ne fait pas qu’emprunter à d’autres, aussi talentueux soient-ils ; « la poésie est mon mode d’expression, j’ai toujours été de ces garçons chiants qui écrivent des poèmes aux filles
Chacun de ses albums me procure les mêmes sensations ; à la première écoute, il m’inspire une certaine réticence, presque un étrange ennui et puis … peu à peu, la suavité de la voix et la poésie des mots exhalant toutes leurs saveurs, finissent par m’enchanter.
Il déroute en nous emmenant, à chacune de ses livraisons, dans de nouvelles atmosphères musicales et littéraires. Ainsi, dans Bird on a poire, il nous brode la romance d’une américaine et d’un français qu’elle rencontre lors d’un voyage dans l’hexagone :

« Voudrais-tu chanter
Moine babillard
Faire l’éloge de ta folie
Ce petit grain d’encens
Sur le cochon
De mille façons
L’amour nous met
Le cœur en émoi en moi
De mille façons
L’amour nous va …
…Petite luge glisse viens,
Sur le blanc manteau de moi
Petite luge pars de très haut
Petite luge glisse viens
Sur le blanc manteau du sommet… »

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Jouisseur impénitent, il fricote aussi avec Lilith, la femme fatale, la face cachée du désir, explorant les chagrins et les pulsions :

« V’là la bouche de l’enfer
On en connaît un rayon
On peut plus nous la refaire
On en connaît un rayon
Il t’arrache les bruyères
Et tu connais même pas son nom
Croix de bois
Croix de fer
C’est le cri du papillon… »

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Une autre fois, il endosse les habits de Tristan pour conter avec mélancolie, ses passions amoureuses sans doute difficiles avec son Yseult à lui :

« Dans un tout d’asphodèle
Dans un ramage d’or
Tournent tournent mille lèvres
Qui me parlent de mort
Tarentule nouvelle
À moi Reine des prés
Dans la chose isocèle
Je ne fais que passer… »

« Le changement d’herbage réjouit les veaux », Murat applique la sage parole des paysans de son pays pour nous entraîner dans d’autres ambiances et univers. Après quelques semaines en villégiature du côté de Taormina, il retrouve ses Puys :

Dernier nuage
Aperçu sur l’Aiguiller
Derniers feux
Dernière étoile
S’enfuyant vers le Fohet
Dernier vœu
Dernière plainte
Dernière grêle sur les blés
Dernier frisson
Aux dernières réveillées
Accueille-moi paysage
Accueille mon vœu
Fais de moi un paysage
Un nuage aux cieux
Tourne au virage… »

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Le pays de Murat est souvent présent dans ses chansons :

« … Ils collent des plumes
Ont des tonnes d’amertume
Crient Orang-Outang
Dent de la Rancune
Il n’y a plus de plumes… »

« … Quand l’éclat mauve délétère
N’éclaire plus ma vie
Je vais dormir dans la bruyère
Au Mont Sans-Souci... »

« … Je la revois tenant
mes ailes
entre Rocher de l’Aigle
et Eau salée
tiens … le voleur de rhubarbe … »

On n’en finit pas de relever ces références toponymiques dont il aime saupoudrer ses vers, non pour défendre je ne sais quel esprit régionaliste primaire, mais pour les nourrir d’une poésie supplémentaire et les ancrer dans une réalité vécue.
Ses musiques sont très variées selon les albums, résolument rock parfois, embellies de cordes et violons en d’autres occasions, ou encore avec un retour aux sources de la country comme dans Mustango et le dernier opus enregistré à Nashville.
À une époque, il les parsemait de gazouillis d’oiseaux, d’aboiements de chiens de ferme, de meuglements de vaches de Salers, de grésillements de pluie qui tombe, qu’il enregistrait avec son petit magnétophone DAT au cours de ses promenades.
Sans qu’il soit un auteur véritablement autobiographique, les chansons de Murat surgissent même inconsciemment de sa précaire enfance campagnarde et de ses douleurs affectives. Il enchante ses maux avec son « âme de berger ». Gaspard des montagnes et les cinéastes Maurice Pialat, le garçù, et Robert Bresson, le janséniste de la mise en scène, sortent des mêmes puys.
Murat, c’est aussi un poète galant ou courtois empruntant au style et au vocabulaire de ces époques. Ainsi, son Almanach amoureux :

« … Des fleurs que mars verra
Peu de fruits on mangera
Vent ou pluie
Que chacun veille bien sur lui
Si au jour d’Annonciation
Hirondelles, belles saisons
Gare aux vergers
S’il y neige
Oh mon aimée.
Viens le gentil mois d’avril
Sous son manteau de grésil
Avril le doux est bien le pire de tous
Fleur marsière
Ne tient guère
Fleur d’avril
Tient par un fil
Avril le doux est bien le pire de tous … »

Murat, c’est même un poète libertin, sensuel ou un « licencieux poétique » dont les anodines métaphores masquent des atmosphères torrides. Il reconnaît volontiers que le col de la Croix Morand est le col de l’utérus. Il tricote un joli madrigal autour de la Mousse noire. Et que dire de La Tige d’or dans son nouvel album :

« … Qui m’a fait cette chose
Giclante à ton gré
Qui par les rues
Souvent étroites
À ton lilas
Traversait tes silences
En simple soldat
Que fait cette tige
D’or dans ton glacier … »

Ses rimes nous mettent aux anges :

«… Nous voici lieutenant
C’est la sortie d’un bal
Brillante de cyprine
Dans son juste milieu
On trouve sa mortelle
Les lèvres distendues
Salive que nos mots
On veut se mettre aux anges… »

Le bonhomme si délicat dans ses chansons, devient souvent un ours mal léché lors de ses passages à la télévision où il manie une provocation proche des frasques gainsbourgiennes.
En concert, dans la lignée d’un Higelin, c’est selon son humeur ; elle était quelque peu maussade lors de celui auquel il me fut donné d’assister. L’animal est un peu lunatique et il vaut mieux ne pas trop lui casser les pieds sous peine de le voir quitter la scène derechef.
Il semblait s’ennuyer ferme. Il se plaignit du froid dans la salle et s’enroula dans une longue écharpe. Il s’arrêta en plein milieu de l’interprétation du Col de la Croix Morand, trouvant la pente à gravir, trop rude ce soir-là ! Qu’à cela ne tienne, il décida de descendre le col et en conséquence de chanter les couplets dans l’ordre inverse ! L’amateur de vélo savourait !!! Et puis, il y eut quelques fulgurances et le bougre joue formidablement bien de sa guitare.

« Chanter est ma façon d’aimer
Mon cœur est sorti de la ronde
Chanter est ma façon d’errer … »

Contrairement à ce qu’il affirme dans son dernier opus, Le cours ordinaire des choses, je ne suis pas persuadé qu’il nous aimât beaucoup lors de ce récital. Qu’importe, au final, en total inconditionnel, je sortis de là heureux.
Je l’adore et je suis prêt à enfiler un pantalon de velours, chausser des bottes et repartir seul sur les sentiers muratiens sans craindre les ronces et le chiendent. Lors de ma dernière promenade, j’ai croisé une Lady of Orcival et Ginette Ramade qui ont rejoint dans la galerie de portraits, Jeanne la rousse, Perce-neige, La fille du fossoyeur et Le voleur de rhubarbe.
Chers lecteurs, je ne saurais vous recommander un album plus qu’un autre et il ne peut exister de best of de l’ami Jean-Louis. Chez Murat comme dans le cochon, tout est bon, comme on dit en Auvergne !


Publié dans:Coups de coeur |on 22 octobre, 2009 |6 Commentaires »

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