« Approchez, messieurs-dames, s’il vous plaît, et si les suiveurs veulent bien me suivre, nous allons continuer la visite d’une grande étape alpestre de la seconde moitié du XXe siècle … »
Chers lecteurs, en cette époque de la transhumance cycliste de juillet qu’est le Tour de France, accompagnons l’ami Antoine Blondin pour visiter le col d’Izoard tel que j’eus le bonheur de le connaître dès mon enfance à travers la lecture des pages sépia de Miroir-Sprint et But&Club au fond du grenier de la maison familiale (voir billet du 9 juillet 2008 « Le Tour de France, Tours de mon enfance ») avant de le découvrir réellement en ce mois de juin.
N’en déplaise aux ignorants de la chose vélocipédique, l’Izoard a construit sa réputation de col alpestre de légende, outre par son décor grandiose, sur son rôle de « juge de paix » du Tour de France tant il est vrai qu’antan, le mythique maillot jaune se gagna souvent sur ses pentes.
Situé dans le département des Hautes-Alpes, le col d’Izoard met en communication la vallée du Queyras où coule le Guil au sud, et celle du Briançonnais et les gorges de la Cerveyrette au nord.
« Suivez le Guil ! … Cette forteresse que vous apercevez au-dessus de votre tête, c’est Mont-Dauphin, comme dit à peu près le général de Gaulle, lorsqu’il parle de son premier ministre, Michel Debré. »
Honorable pratiquant du commentaire de texte tel que me l’enseigna mon regretté professeur de père, je replace l’écrit dans son contexte !
Blondin rédige sa chronique lors du Tour de France 1960 au cours duquel, vous ne l’ignorez plus chers lecteurs assidus, le grand favori Roger Rivière acheva sa carrière au fond d’un ravin cévenol, et les rescapés de l’épreuve stoppèrent quelques minutes dans la traversée de Colombey-les-deux-églises pour saluer le président de la République Charles de Gaulle (voir billet du 23 juin 2009 Du Méjean à l’Aigoual par le col de Perjuret).
Devant le spectacle d’une course devenue insipide, le génial écrivain, toujours inspiré, nous emmène dans un superbe musée en plein air.
Mont-Dauphin, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, est une place forte fondée par Vauban en 1693 afin de verrouiller l’accès des vallées de la Durance et du Guil suite à l’envahissement, un an plus tôt, durant la guerre de la ligue d’Augsbourg, de la vallée du Queyras par Victor-Amédée II duc de Savoie et prince du Piémont.
Son nom fait référence au Grand Dauphin, le fils aîné du roi de France Louis XIV ainsi qu’à la province du Dauphiné où elle se trouve.
« À vos pieds, ce torrent lumineux, c’est le Guil. Il va nous servir de Guil conducteur. Si vous vous retournez sur le Guil, vous pouvez admirer, accroché au flanc de la muraille, un tableau de la situation en noir et en coureurs, généralement considéré comme un chef-d’œuvre des maîtres de l’école de Vars », le col de Vars relie au sud, le Queyras à la vallée de l’Ubaye et Barcelonnette (ndlr) .
« De très récentes observations ont toutefois semé le doute dans l’esprit de certains érudits : nous serions en présence d’une contrefaçon remarquablement imitée. Le noir y serait, mais les coureurs seraient un peu passés … avancez, je vous prie, car nous pénétrons dans un passage entièrement d’époque où rien n’a été refait sinon l’équipe de France, mais il n’est pas recommandé de la visiter, ses espérances tombent en ruines », depuis la chute de son leader Rivière.
« … Ici, en vous penchant, vous pouvez remarquer une chute attribuée à Van Est le Jeune de l’Ecole hollandaise ». Il existait un Wim Van Est le Vieux qui, cascadeur involontaire du cirque du Litor dans les Pyrénées, effectua une cabriole impressionnante dans un précipice du col du Soulor.
Cinquante ans plus tard, une importante colonie de cyclotouristes néerlandais circule dans le profond défilé. La route sinueuse et étroite qui emprunte quatre tunnels creusés dans le rocher, surplombe en corniche le lit du Guil. Un chauffeur de car, pour épater ses passagers, actionne son klaxon dont l’écho se faufile étonnamment entre les murailles de pierres.
À hauteur du barrage hydroélectrique de la Maison du Roy, le vacarme des eaux encore furieuses en cette fin de printemps, est assourdissant. Non loin dans ce hameau, une auberge est tenue depuis quatre siècles par la même famille Bérard. La légende rapporte, pour justifier l’appellation du lieu, que Louis XIII, se rendant à Briançon, s’y serait arrêté et que l’aubergiste lui aurait servi des œufs ; en récompense, le roi lui aurait accordé une sauvegarde avec une réduction de la taille et l’exemption de corvée à condition de fournir à bon prix le gîte et le couvert aux soldats de la garnison de Château-Queyras.
Ici commence la combe du Queyras.
« Nous sommes maintenant au cœur du Queyras, dont les maisons s’effondrent sous les éboulis quand elles ne s’écroulent pas d’elles-mêmes. Rien n’y pousse sauf des coureurs qu’on pousse et qui produisent des amendes. Il y a deux sortes de coureurs, les grands à qui on jette la première bière et les petits qui viennent beaucoup plus tard et à qui l’indigène offre spontanément un tuteur naturel qui l’aide à s’élever. Les petits poussés donnent les plus belles amendes, jusqu’à 50 nouveaux Francs à la belle saison. Pour en finir avec les petits poussés, il suffit de considérer leur retard pour comprendre qu’ils n’ont pas chaussé les bottes de sept lieues, et d’embrasser le paysage pour savoir que, s’ils ont semé des cailloux pour retrouver leur chemin au milieu de ces avalanches de pierres, on n’est pas près de les revoir : la géologie leur a dérobé leurs points de repère … »
Le soleil au zénith de midi, insinue ses rayons dans le canyon lui donnant un air beaucoup moins austère.
Au fond, l’horizon est barré par les verts alpages et les dernières neiges du massif du Monte Viso culminant à 3 841 mètres. Dans la haute vallée de l’autre côté, naît le Pô, le plus long fleuve d’Italie.
Ce n’est pas vraiment une montée mais un lancinant faux plat qui dure plusieurs kilomètres pour se hisser vers le verrou glaciaire. Je contemple une dernière fois le torrent à proximité d’un modeste oratoire qui marque le sommet du col de l’Ange Gardien sous les ailes protectrices duquel se réfugièrent sans doute les plus grands coureurs cyclistes.
Bientôt dans notre champ de vision apparaît sur son piton rocheux, Château-Queyras, un fort médiéval que Vauban modernisa en fière citadelle, imprenable bastion par l’envahisseur savoyard. À propos, savez-vous que notre cher président Sarkozy envisage de réorganiser les unités militaires basées dans ces régions frontalières dans l’attente d’une (très) hypothétique invasion de nos voisins italiens ? On se croirait dans le Désert des Tartares … nous en reparlerons !
Nous n’atteignons pas Ville-Vieille car quelques centaines de mètres en aval, la départementale 902 tourne en épingle à cheveux vers le nord. Sans vouloir saper le moral des cyclistes de ce mercredi, le col d’Izoard commence vraiment et il reste seize kilomètres pour atteindre le sommet.
« Si vous voulez bien continuer, nous pénétrons ici sur le plateau où ont été tournées quelques-unes des plus belles séquences de Bobet s’en va t-en guerre, morceaux de bravoure, charges héroïques en Izoard et gants blancs… »
C’est, en effet, ici, dans cette vallée guil-lerette que le champion français Louison Bobet déclencha, avec infiniment de panache, ses grandes manœuvres de conquête de la toison d’or lors des campagnes de 1953 et 1954. C’était le temps d’une sélection (presque) naturelle où nous ne risquions pas de voir tous les équipiers survitaminés d’une même équipe mener bon train autour de leur chef de file !
Pourtant, nous n’avons pas l’impression d’être dans un col avec ses lacets. La route large mais à la pente traîtresse, se glisse presque rectiligne entre un chapelet de lambeaux de hameaux de la commune d’Arvieux : Les Moulins, Le Pasquier, Les Maisons, ces noms, comme tirés d’une poésie enfantine, me sont familiers tant ils ont jalonné la vaste épopée contée par les journalistes sportifs.
Dans cette contrée, les histoires de fées et de revenants sont légion. Les anciens du Pasquier, racontaient à la veillée, que les « fayettes », les petites fées, dansaient la nuit avant de faire la lessive et que les morts se relevaient et, vêtus de noir, ils chantaient en procession, laissant derrière eux une forte odeur de suie. Qui sait si parmi eux, ne se cachaient pas la fameuse sorcière aux dents vertes et l’homme au marteau à l’origine de tant de défaillances mémorables de cyclistes dans les parages !
Le fond de vallée relativement large, dispose d’étendues planes adaptées à la culture des céréales et aux prairies de fauche. Y cascade un petit torrent aux eaux claires, l’Aigue d’Arvieux aussi nommée avec originalité La Rivière sur les cartes modernes.
Bientôt, apparaît au bout d’une longue ligne droite à la déclivité sournoise, le village d’Arvieux et son église Saint-Laurent, dans un décor de carte postale. En raison de l’ensoleillement des deux versants, la vallée d’Arvieux est baptisée « val d’azur ».
Pour l’heure, c’est le contrôle de ravitaillement avec dans la musette, une salade du berger servie à la terrasse ombragée du restaurant au nom mythique de « Casse déserte ». Aujourd’hui, c’est « Casse croûte copieux » !
Rassasié, j’admire le style italianisant des dernières maisons à arcades typiques du Queyras. Orientées plein sud, elles possèdent deux niveaux avec le logis et l’étable en rez-de-chaussée, et des combles abritant de vastes réserves de fourrage.
Ici ou là, qui sait être curieux repère un vieux cadran solaire, un four à pain ou une fontaine à laquelle les cyclistes remplissent leurs bidons.
Une fromagerie artisanale, tenue par Ramon Caballe, un vrai nom de grimpeur espagnol ( !), propose de la tomme de l’Izoard, de l’Arvidan, du bleu du Queyras, fleurons de l’activité pastorale sur les alpages alentours.
Au hameau suivant de La Chalp, la coopérative des jouets du Queyras témoigne de la présence abondante sur les pentes, du pin de montagne dit à crochets et du pin cembro, et de la tradition ancestrale des gens du coin de travailler le bois.
Toujours tout droit mais ça monte de plus en plus ! Voici Brunissard, le dernier hameau de la vallée !
Les anciens contaient l’histoire d’une vieille paysanne battant son beurre. Alors qu’elle s’apprêtait à jeter le petit-lait, elle fut interpellée par une fée costumée de fleurs qui lui suggéra de le conserver et de le faire bouillir avec de l’oseille amère des prés pour obtenir la « jounca », une exquise crème de fromage.
Ici, dans ce jardin naturel jouissant d’un ensoleillement privilégié, les fleurs sauvages alpines et méditerranéennes se côtoient harmonieusement en de délicates taches impressionnistes.
Métaphoriquement, c’est précisément là que les maîtres des lieux Bobet, Coppi, Thevenet, Merckx composèrent leurs plus beaux tableaux et leurs bouquets de vainqueurs.
Il ne leur restait plus qu’à apporter quelques touches supplémentaires sur une route tortillant enfin au milieu d’une végétation rabougrie de mélèzes avant d’exposer leurs chefs d’œuvre tout là-haut sur les cimaises du musée :
« Nous débouchons dans la Casse Déserte, véritable musée du cyclisme, devenue aujourd’hui la « classe déserte ». Vous pourrez bientôt vous y recueillir devant la stèle dédiée à Fausto Coppi. Mais qui donc comprendra que ce monument est destiné à associer un homme à un champ de bataille ? Tel que vous le voyez, vous devez avoir plutôt l’impression que Coppi a donné son nom à un boulevard, comme Félix Faure, comme Bonne-Nouvelle, un boulevard qui est d’ailleurs aujourd’hui le boulevard des Italiens. »
Propos talentueux mais désabusés et acerbes d’Antoine Blondin pour fustiger, en cette année 1960, l’ascension du col escamotée par un peloton sous l’emprise d’une cohorte d’italiens Nencini, Battistini et Massignan !
Oublions cet épiphénomène de course : « Séquence Casse déserte, deuxième prise, moteur ! »
Rien ne laisse présager du spectacle futur ; je monte au milieu d’un clair feuillu offrant quelques superbes panoramas vers le « val d’azur » lorsque, brutalement, au détour d’un virage à droite, je bascule dans un autre univers désolé de crêtes rocheuses, d’éboulis et de vertigineux ravins où ne poussent que de rares sapins faméliques : la Casse Déserte, nom étrange qui nourrit mon imaginaire d’enfant.
J’y suis ! Je marche enfin sur la lune … enfin, ce que je crois l’être tant le site grandiose apparaît lunaire. Il faudrait demander à Armstrong, Neil de son prénom, le premier homme à y avoir posé le pied.
On appelle cargneules ces pitons ruiniformes de couleur orangée et à la texture criblée de cavités.
Au cours de la formation des Alpes, les couches calcaires reposant au fond de « l’océan alpin », la Téthys, datant du Trias (250 millions d’années) et du Crétacé (140 millions d’années) se sont inversées. En glissant l’une sur l’autre il y a 40 millions d’années, ces calcaires ont été broyés donnant naissance à ces roches peu compactées et friables. Sous l’effet des eaux riches en sulfate, l’érosion différentielle affectant les roches, a donné naissance à ce mélange d’éboulis et de crêtes
« It’s a wonderful world », je suis d’accord avec toi, Louis Armstrong. Vas-y, souffle dans ta trompette, les renommées de Bobet et Coppi !
Est-ce un signe, les dieux du cyclisme n’ont jamais glorifié ici le dénommé Lance, troisième de la lignée Armstrong ?
La chaussée, curieusement, descend à cet endroit de l’ascension, comme pour permettre aux cyclistes de suspendre leur effort et jouir pleinement du paysage. Elle est revêtue d’un excellent enrobé qui ne ressemble en rien au chemin poussiéreux et caillouteux d’il y a un demi siècle.
J’arpente à pied cette scène de théâtre rocailleuse où furent récités quelques morceaux d’anthologie de la légende des cycles. Je me souviens de la légende d’une photo: Dans la Casse déserte, insensible au drame géologique qui se joue autour de lui, Louison fonce vers Briançon et la victoire.
Voici ce qu’écrivait, le 10 juin 1949 dans la nuit, le grand Dino Buzzati, spécialiste du … Désert des Tartares, alors qu’il suivait pour le compte du journal le Corriere della Sera, la fabuleuse étape Cuneo-Pinerolo du Giro d’Italie disputée sur un parcours de cinq cols alpins frontaliers scellant la réconciliation de deux peuples ennemis quelques années auparavant : « Lorsque aujourd’hui, dans l’ascension des terribles pentes de l’Izoard, nous avons vu Bartali se lancer seul à la poursuite, à grands coups de pédales, souillé par la boue, les commissures des lèvres abaissées par un rictus exprimant toute la souffrance de son corps et de son âme -Coppi était déjà passé depuis un bon moment, et désormais il était en train de gravir les ultimes rampes du col- , a resurgi en nous, trente ans après, un sentiment que nous n’avons jamais oublié. Il y a trente ans, veux-je dire, nous avons appris qu’Hector avait été tué par Achille. Une telle comparaison est-elle trop solennelle, trop glorieuse ? Non. À quoi servirait ce qu’il est convenu d’appeler les études classiques si les fragments qui nous restent à l’esprit ne faisaient pas partie de notre modeste existence ? …
… Vinrent les fantastiques gradins de l’Izoard, qui couperaient le souffle même à un aigle, et qui se terminent par un amphithéâtre désolé de gros rochers abrupts, avec des donjons de pierres jaunes, à l’aspect humain… »
C’est là que sous les coups de pédales d’Achille Coppi, Bartali vécut comme Hector, le drame d’un homme vaincu par les dieux !
Fausto le campionissimo réédita semblable exploit quelques semaines plus tard lors du Tour de France 1949, réussissant ainsi ce qu’aucun coureur n’était encore jamais parvenu à faire, remporter la même année les deux grands tours nationaux.
Pour cela et pour le reste de son œuvre, quelques mois après sa mort, une stèle en marbre blanc fut scellée sur une des cargneules de la Casse déserte auprès de laquelle je me recueille quelques instants. Au pied, dans un vase, de la terre apportée de Castellania, son village natal du Piémont où il repose !
Je me souviens d’un dessin de Pellos, un caricaturiste qui donnait aux cols du Tour, un visage humain rigolard au-dessus des coureurs insectes s’époumonant à les défier. La Casse Déserte s’était anamorphosée en un Fausto Coppi devant lequel s’inclinait un peloton groupé de « nains de la route ».
Je me souviens de la couverture du premier numéro du Miroir du Cyclisme pour commémorer la mort du champion italien : Coppi dans son maillot de l’équipe nationale italienne grimpant en danseuse les dernières rampes de l’Izoard lors d’une autre chevauchée solitaire dans le Tour de France 1951.
Je me souviens de Fausto, spectateur anonyme, photographiant Louison Bobet caracolant en solitaire lors de son premier Tour de France victorieux. Je me souviens de Bobet en danseuse.
À quelques mètres de là où fut pris ce cliché, Bobet, figé à son tour dans le marbre, a rejoint son glorieux paparazzo pour l’éternité.
Cet après-midi, cars du troisième âge, touristes étrangers et cyclistes déambulent sur le grand « boulevard des Italiens » ! Elle est révolue l’époque de la course Monaco-Paris en 1946, où le coureur Apo Lazaridès alors qu’il était échappé en solitaire avec plusieurs minutes d’avance, s’arrêta pour attendre le peloton. Pris d’une frayeur soudaine, il craignait les ours ! Bien que partant également de la principauté, les concurrents du prochain Tour ne devraient pas connaître pareille mésaventure.
Autrefois, l’Izoard faisait trembler. Ainsi, voici la légende de la photographie ci-dessus du Miroir des Sports à l’occasion du passage du belge Sylvère Maes, futur vainqueur du Tour de France 1939 :« Sylvère n’a pour compagnon sur la route caillouteuse traversant la sinistre Casse Déserte, ruine géologique. Dans cette désagrégation de la montagne, dans cet entraînement de pierres selon les lois de la pesanteur, dans cette fuite des éboulis vers le bas, dans cet arasement auquel résistent seules quelques roches moins friables, Sylvère et les autres coureurs passeront sans s’attarder, et plus pressés d’arriver à Briançon. Comment, en effet, être le témoin impassible de l’assaut gigantesque mené par les agents atmosphériques et l’érosion contre les cimes des Alpes ? »
Souvenirs, souvenirs ! Il est temps d’effectuer les dernières centaines de mètres abruptes pour parvenir au sommet qui culmine à 2 361 m.
Un mémorial y est édifié pour commémorer l’œuvre du général baron Bergé et des troupes de chasseurs alpins qui construisirent cette route stratégique entre 1893 et 1897. En face, un petit musée consacré au Tour de France est fermé mais soyez sans regret, je vous ai tout dit ou presque !
Maintenant, schuss vers Briançon, enfin … pas tout à fait car la route sinue dans un magnifique décor verdoyant de mélèzes.
Peu après le sommet, je passe devant un de ces refuges Napoléon créés en exécution du testament de Napoléon Ier en 1855 stipulant l’octroi d’une somme allouée aux provinces les plus éprouvées par les conflits de l’Empire. Le préfet des Hautes-Alpes décida d’affecter ces crédits à la construction de refuges sur les principaux cols du département afin de recueillir les voyageurs malheureux surpris par la nuit ou le mauvais temps.
Dans les virages, je me méfie des cyclistes qui empruntent à la montée, la piste cyclable juste matérialisée par une ligne de peinture … sur la gauche de la route, là où la déclivité est la moins forte ! Excellente initiative, lors de quelques matinées durant l’été, le col sera fermé aux automobilistes pour permettre aux cyclos de vivre leur passion et leurs rêves en toute sécurité.
Je regrette de ne pouvoir m’arrêter quelques minutes au minuscule hameau du Laus avec sa chapelle et ses anciens corps de fermes pleins de charme.
Voici Cervières ! Un jeune berger du cru porta longtemps, accrochée à la ceinture, la gourde en aluminium jetée dans cette descente par Gino Bartali, il y a soixante ans. Vit-il encore ? Où se cache cette relique ? J’eus longtemps dans un placard, un bidon La Vitelloise lancé par Felice Gimondi dans un talus du Pays de Bray !
Objet dérisoire d’une passion de jeunesse irréfléchie ! Lorsqu’on visite le col d’Izoard, on a tous en nous quelque chose du Tour de France ! À l’insu de votre plein gré, vous avez lu quelques morceaux de bravoure littéraire, révisité quelques pans d’histoire de l’Antiquité et la guerre de Troie à Napoléon 1er en passant par Louis XIV et le Dauphin, acquis quelques notions de géologie et de géographie de la France.
J’arrive à Briançon dominée par la vieille ville dite Gargouille, fortifiée par Vauban.
À chaque fois qu’on me parle de Vauban, je pense à Léo Ferré :
« Bagnard, au bagne de Vauban
Dans l’île de Ré
J’mange du pain noir et des murs blancs
Dans l’île de Ré
A la ville m’attend ma mignonne
Mais dans vingt ans
Pour elle je n’ serai plus personne
Merde à Vauban … »
Sinon, je vous promets de ne plus vous parler de vélo cette année. Quoique … !