Èvaluation
Aujourd’hui, en principe, ce ne sera pas un jour comme les autres, dans toutes les écoles primaires de France.
Nos chères têtes blondes, aussi intelligentes que les brunes ou les rousses, je les rassure, des classes de Cours Moyen 2ème année, subiront les tests d’évaluation que le directeur de l’Enseignement scolaire présente comme « le thermomètre permanent de la performance et la photographie à un moment donné de notre école tout en faisant apparaître les élèves en grande difficulté » !
« Manger, mangeable, mangue, mangeur, mangouste, immangeable, barrez les intrus », tel est l’exercice 16 de « L’évaluation nationale des acquis des élèves en CM2 » ! Cela me fait penser à un sketch de Desproges : « métastase, Schwartzenberg, chimiothérapie, avenir, quel est l’étranger ? »… il en donnait une réponse à la hauteur de sa noire ironie, « plus cancéreux que moi, tu meurs ! ».
J’aurais tendance à éliminer mangue et mangouste quoique notre suricate, récent héros sur les écrans, soit un carnassier possédant un certain appétit pour les reptiles et que la mangue fraîche se laisse aussi déguster volontiers. J’en déduis que les indésirables sont les mots qui ne sont pas de la même famille, ne serait-il pas mieux de le préciser dans la consigne ? « Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement ! ».
Bref, pas de mauvais esprit, à travers une batterie d’exercices de ce type, les professeurs seront censés mieux connaître le niveau des enfants en français et mathématiques et leur aptitude à suivre prochainement les cours du collège. J’emploie le mot batterie volontairement en référence aux élevages industriels de volailles ; devrons-nous bientôt avoir des écoliers nourris aux instructions officielles transgéniques de l’Inspection ? Ne pourrions-nous pas les élever un peu plus en plein air en donnant aux activités sportives la place qui leur revient ? Et que fait-on de la sensibilité artistique qu’on peut déceler chez certains ?
Pauvres gamins qui, avec la fraîcheur de leur dizaine d’années, sont déjà mis sur le marché du rendement et de la concurrence, et affrontent leur petit baccalauréat blanc ! J’en frémis.
Il était un temps où les valeureux enseignants n’avaient nul besoin de ces béquilles ministérielles, et appréhendaient parfaitement par eux-mêmes, le niveau de leurs élèves et le soutien qu’il était nécessaire de leur apporter.
Comble de l’inorganisation, les livrets d’évaluations sont consultables sur internet depuis quelques jours suite à leur publication par des enseignants contestataires de la réforme que veut leur imposer leur ministre de tutelle. Certaines langues trop vite déliées, qualifieront sans discernement ces « agitateurs » de terroristes prenant parents et élèves en otages … c’est fou ce que notre pays compte de terroristes en périodes de conflits sociaux !
Certaines familles, nageant comme un poisson dans les eaux troubles de la débrouillardise ont fait bachoter (sic) leurs enfants, la semaine passée ; d’autres orphelines du progrès numérique, n’avaient pas ce problème de conscience à succomber ou pas à la tentation; la maman d’une petite fille que j’adore, n’a pas voulu céder aux sirènes magouilleuses…
Ce coup de gueule est un coup de cœur pour cette petite fille noyée dans une école qui perd ses repères.
Peut-être faut-il introduire « le thermomètre permanent de la performance » à la place qui lui revenait avant le thermomètre médical électronique !
