Plaisir des sens giratoires et des ronds-points
Entre l’absurde et le bon sens, !l y a la place d’un rond-point ou plus exactement d’un carrefour giratoire En effet, certains puristes de la langue, tournant un peu en rond, distinguent une subtile nuance terminologique entre l’un et l’autre, tout serait dans le mouvement et la forme.
Bref, le « carrefour à giration » est né en 1906 dans l’esprit d’ Eugène Hénard, alors inspecteur des travaux de la ville de Paris, comme solution face à la multiplication des véhicules rendant la circulation dangereuse sur les places parisiennes. Ainsi, lui doit-on, dans la capitale, l’aménagement de la place de l’Etoile autour de l’Arc de Triomphe, et de la place de la Nation. Les conflits routiers se concentrant essentiellement au milieu des carrefours, il eut l’idée d’empêcher les voitures de passer à cet endroit en y mettant un obstacle … le terre-plein central venait de naître. Ce type d’ouvrage, à cette époque, est une chaussée à sens unique dont les deux extrémités se rejoignent formant un anneau. Les véhicules l’empruntent tous dans le même sens inverse des aiguilles d’une montre, dans les pays avec la circulation à droite comme chez nous. De même, selon le principe de la priorité à droite, la priorité appartient aux conducteurs pénétrant dans le carrefour.
Devant l’affluence grandissante du parc automobile développant les embouteillages et malheureusement aussi les accidents, la France adopta en 1984, le principe, décidé dix ans plus tôt dans le canton de Vaud en Suisse, selon lequel la priorité appartient désormais aux véhicules déjà engagés dans le carrefour et non plus à ceux qui l’abordent, et cela quelle que soit l’importance des voies y débouchant. Grâce à un certain Monsieur Oudart, on passait du temps de la giration à l’ère du giratoire ! « On avance, on avance, c’est une évidence, on n’a pas assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens » … ou alors, elle est chère !!!
Ainsi, depuis bientôt un quart de siècle, fleurit ce type d’aménagement dans toutes nos villes et même nos villages. On en recense aujourd’hui plus de dix-huit mille dans l’hexagone. Vous avez l’occasion de les admirer au mois de juillet lorsque vous suivez à la télévision, la retransmission des étapes du Tour de France. La caméra dans l’hélicoptère, vous permet de voir le long serpent multicolore du peloton des coureurs engloutissant les îlots directionnels. Le sens giratoire est une véritable aubaine pour les maires en mal d’imagination pour améliorer la qualité de vie dans leur commune, et pour les entreprises de travaux publics. Certains esprits (des empêcheurs de tourner en rond ?) établissent même un rapport entre un accroissement très significatif des chantiers en période de campagne électorale et le financement des partis politiques !
Le rond-point, alerte centenaire, est devenu un objet « incontournable » (sinon par la droite !) du paysage urbain, un enjeu aussi et une source de querelles entre responsables de la sécurité routière et urbanistes. Dans ma ville qui commence à ne plus être nouvelle, ils ont poussé comme des champignons. Ainsi, là où, il y a une vingtaine d’années, on comptait deux carrefours giratoires à chaque bout de la voie routière la plus proche de mon domicile, on en dénombre six aujourd’hui. Il est vrai qu’un motocycliste fut contrôlé auparavant à 165 Km/h ! L’un d’eux, manifestement trop étroit, interdisait au car de ramassage d’accéder à l’impasse de l’école. Perdant le nord, son conducteur, en roulant dessus, endommagea l’aiguille de la boussole en pierre qui décorait le terre-plein. Bientôt, le problème fut résolu par la fermeture définitive de l’établissement scolaire pour cause d’incendie. La manœuvre délictueuse de ce bus m’offre l’occasion de distinguer le giratoire « plein » de celui « vide » où le terre-plein central est franchissable par les véhicules encombrants. On parle alors de « mini-giratoire » dont l’efficacité est contestable tant certains s’ingénient alors à couper les trajectoires pour ne pas perdre de vitesse. Quant au disque « plein », il est souvent lieu de création d’espaces paysagers ou d’expositions artistiques plus ou moins heureux. Qui n’a pas remarqué ces barques échouées au milieu des carrefours des villages littoraux ? De nombreuses répliques de la célèbre Statue de la Liberté de Bartholdi se dressent, souvent sans justification, sur nos ronds-points, notamment une d’une douzaine de mètres, dans une zone industrielle, à l’entrée de Colmar. L’une des plus cocasses, située à Barentin, petite ville normande près de Rouen, est une copie en polyester érigée pour le tournage du film Le Cerveau avec Jean-Paul Belmondo (fils de sculpteur) et Bourvil.
Dans ma commune, le thème animalier semble très prisé. À proximité de la route nationale 10, une statue équestre en bronze garde l’entrée sud.
Sa présence se comprend à l’évidence puisqu’en arrière-plan de ce fier chevalier templier brandissant la bannière, se dresse la chapelle de la Villedieu, vestige de la Commanderie fondée vers 1180 par les moines soldats de l’Ordre du Temple.
Située sur un des chemins de Saint-Jacques de Compostelle, elle servait de lieu d’accueil pour les pèlerins et de bastion pour les protéger.
Aujourd’hui, d’autres Templiers d’Elancourt, chevaliers des temps modernes, défendent fièrement les couleurs de la ville dans le championnat de France de football américain !
À quelques centaines de mètres de là, d’autres seigneurs, ceux-ci de la savane, veillent au cœur administratif de la ville.
Malaisé d’expliquer la présence ici de huit majestueux lions sinon qu’ils viennent peut-être boire au jet d’eau symbolisant l’ancien lieu-dit des 7 Mares du temps pas si lointain où le plateau était encore couvert de terrains agricoles et de friches. Il est vrai aussi que quelques bandes rivales troublant le calme du voisinage, donnent parfois un caractère de jungle au quartier !
Dans la perspective, le carrefour des 4 arbres a été rebaptisé du nom d’une ville italienne jumelée. Il faut beaucoup d’imagination pour retrouver dans la composition paysagère, l’élégance des collines toscanes dont on dit que c’est un artiste qui les a dessinées ! On me rétorquera que Cassina de Pecchi appartient à la province de Milan !
Transition italienne, après la géographie, l’histoire ; au rond-point suivant, trois oies semblent prêtes à donner l’alerte à toute nouvelle invasion gauloise, souvenez-vous des oies sacrées du Capitole et de l’épisode du « sac de Rome » par nos irréductibles guerriers emmenée par Brennus, vers 390 avant Jésus-Christ !
Fans de rugby, attention au contre sens (dangereux à un rond-point), le bouclier de Brennus brandi, place du Capitole, par les joueurs du Stade Toulousain au lendemain d’un titre de champion de France, doit son nom à son artiste créateur Charles Brennus et n’a donc aucun lien avec l’arme de protection de notre chef gaulois. Je soupçonne un élevage industriel de ces volailles en bronze car j’en ai retrouvé dans la même posture dans une commune voisine. Malgré son manque d’originalité, l’une d’elles fut dérobée récemment … le confit parut sans doute indigeste au cambrioleur car l’animal retrouva bientôt ses congénères.
Non loin de là, deux oursons s’étreignent joyeusement à l’écart des vives querelles concernant leur réimplantation dans les montagnes pyrénéennes.
Encore quelques dizaines de mètres, et, nous plongeons à l’ère du néolithique avec quelques mini mégalithes qui se dressent au centre de la chaussée. Mon imagination fertile me renvoie l’image de l’étrange site circulaire de Stonehenge dans la campagne anglaise près de Salisbury. Qui sait si dans quelques centaines d’années, des chercheurs n’échafauderont pas quelque thèse pour percer le mystère de ces pierres schisteuses levées ? A moins qu’un écrivain n’accouche la version d’un Da Vinci Code d’Elancourt !
Il faut constater un engouement renaissant pour l’art topiaire qui consiste à sculpter des plantes vivantes. Déjà en faveur dans la Rome et la Grèce antique, il connut un vif succès dans les jardins anglais des XVII et XVIIIes siècles. Ces sculptures végétales nécessitent beaucoup d’entretien de la part des jardiniers municipaux.
Est-ce par nostalgie du passé rural de la commune, quelques mises en scènes agricoles ont investi les terre-pleins. Avez-vous noté le goût prononcé des citadins à exposer des instruments aratoires dans leurs jardins ou sur leurs pelouses ? Auraient-ils la même nostalgie s’ils avaient dû les manier durant de longues années de dur labeur ?
Ici, mené par un paysan en fer forgé, un cheval se composant de dix mille plants, tire un vrai chariot de bois.
Là, une fermière parée de ses atours végétaux, garde deux vaches en résine paissant dans un enclos. A une époque, quelques poules en plâtre picoraient à ses pieds. Elles ont disparu sans que ce vol ait le moindre rapport avec le coq jeté par des indépendantistes corses dans la piscine de Christian Clavier !
Cette scène peut surprendre car dans la campagne qui commence à quelques dizaines de mètres de là, on peut contempler réellement semblable tableau champêtre.
Nos deux bovins, ici, n’ont rien de francilien puisqu’ils possèdent une robe noire et blanche de la race Holstein ou frisonne Pie Noire. On est loin cependant du mauvais goût d’un rond-point de la banlieue rouennaise où broutent quelques vaches violettes et blanches de la race Milka! Je sais bien que le chocolat rendait fou certain artiste génial …
Juste à côté, des chevaux … vapeur sous le capot d’un modèle type traction avant d’autrefois, ont fini leur course au milieu d’un massif de fleurs. Faut-il y voir une métaphore de la « voiture verte » du futur ? …
Cette satanée automobile qui, victime de son succès, non seulement, nous inflige cette nouvelle architecture urbaine mais se pliant parfois en quatre quatre, pollue aussi les bucoliques ronds-points de chasse au cœur des forêts domaniales, les véritables ancêtres du sujet qui m’a préoccupé ce jour.
Par ici la sortie ! De rond-point en sens giratoire, je vous ai promené quelques instants à la ronde de chez moi. J’espère que vous n’avez pas la tête qui tourne, ce ne serait guère urbain de ma part !
Vous pouvez laisser une réponse.
Bonjour,
Comme je venais de recevoir une invitation courriel pour la prochaine Fête d’Automne à venir découvrir le stand de la mairie de Elancourt installé au rond point Cassina de Pecchi – oui, je travaille à la radio SENSATIONS, anciennement RADIO TRIANGLE – je ne me souvenais plus très bien de l’emplacement exact de celui-ci ; et pourtant j’habite la commune, mais il y en tellement !
Donc j’ai cherché sur la toile « rond point Cassina de Pecchi à Elancourt » et j’ai trouvé l’adresse de votre site.
Après une pause-lecture rafraîchissante, je me suis décidé à vous poster ce message sans grande utilité première sinon celle de vous dire que vous m’avez fait passer un agréable moment.
J’irai rencontrer les élus de notre chère commune comme je le fais dans le cadre de mes petites activités journalistiques, et aussi en tant que élancourtois – je suis curieux, maladie professionnelle – mais en gardant à l’esprit cette divertissante digression sur la grande et petite histoire des ronds points, et ceux de Elancourt en particulier.
Facéties du GPS Google! Je suis agréablement surpris que les autoroutes de l’information vous aient conduit à mon blog et dans le dédale des ronds-points de « notre » commune.
Heureux que ma sinueuse promenade vous ait diverti!
Avec mes remerciements, bien cordialement.
Bonjour.
J’ai un blog sur les ronds-points.
Si vous avez des photos, je suis preneur.
http://trobenet.canalblog.com
Les envoyer en pièce jointe avec le nom de la ville.
Cordialement.
Jean-Louis.