SUEURS FROIDES à Dinard (Epilogue)
Dans un billet daté du 18 mai 2008, je vous avais fait part du vif émoi de la population de Dinard, suscité par la découverte du corps mutilé d’un homme dans la cour des services techniques de la ville.
A l’heure où les vacanciers affluent dans la charmante station balnéaire bretonne, l’inspecteur Harry Coffin et ses hommes, chargés de l’enquête, viennent de mettre fin au lourd suspense.
Leur travail de fins limiers qui, rapidement, privilégia la piste locale, s’est avéré payant. Il a débouché sur l’interpellation d’un suspect qui aurait, sans difficulté, reconnu les faits qui remontent à l’hiver 2003. Le coupable présumé, le sire Eole, semble familier des marins de la région pour son caractère imprévisible et ses fréquentes sautes d’humeur. C’est d’ailleurs l’une de ses crises de démence qui serait à l’origine du drame. Les enquêteurs n’écartent pas la possibilité de la complicité d’un certain Poséïdon, héritier d’une riche famille d’armateurs grecs qui, au-delà du crime, pourrait aussi avoir joué un rôle actif dans ce commerce illégal de statuettes dont il avait été fait état dés le début de l’affaire.
L’inspecteur Harry Coffin a bien voulu fournir quelques renseignements sur la personnalité assez trouble de la victime. Il s’agit de A.H, ressortissant britannique qui, accueilli par Lionel Ducos, un artiste nantais, aurait séjourné dans la cité bretonne à partir de 1992, à l’entrée de la plage de l’Ecluse, à proximité du cinéma Alizé et d’un magasin de souvenirs.
Etrangement, l’homme n’était pas inconnu des services de police. En effet, d’après des renseignements fournis par leurs collègues britanniques de Scotland Yard, il fut envoyé par son père, dès l’âge de quatre ou cinq ans, au commissariat de police de sa banlieue londonienne, avec une lettre. Le commissaire la lut et enferma l’enfant dans une cellule durant une dizaine de minutes, en lui disant : « Voilà ce qu’on fait aux petits garçons méchants. »
Doit-on voir dans cette aversion enfantine envers la police, son goût à l’âge adulte, confirmé par de très nombreux témoins, pour raconter des histoires effrayantes en présentant les policiers comme des incapables complètement à côté de la vérité ?
De son père épicier, il aurait hérité d’un amour immodéré pour la nourriture qui expliquerait son allure rondouillarde, presque boulimique. Un proche aurait témoigné que A.H n’avait jamais voulu qu’on cuisine un soufflé chez lui tant qu’il n’y eut pas de fourneau avec une porte en verre. Il y voyait là la nuance entre la surprise et le suspense car attendre quarante minutes pour savoir si le soufflé était réussi, lui était insupportable.
Autre pan de sa personnalité, la victime, obsédée par son physique ingrat, paradoxalement, avait un goût prononcé pour l’exhibitionnisme, ne perdant pas une occasion de se montrer, penchant très connu sous le nom de syndrome des « cameos ».
A.H semblait aussi posséder un humour très décalé, au demeurant naturel pour un britannique. Ainsi, l’attention des enquêteurs, en fouillant dans sa correspondance, a été retenue par un énigmatique courrier :
« Un très heureux ABCDEFGHIJKMNOPQRSTUVWXYZ. »
Les services graphologiques ont pu replacer la lettre dans son contexte et ont conclu que A.H souhaitait « un joyeux No L » à un collègue de travail, un certain Truffaut François.
Ainsi, s’achève ce sombre fait divers qui n’aurait sans doute pas laissé de marbre (ni de bronze, ni de résine de synthèse !), un célèbre homonyme de la victime, du moins par les initiales, un certain Alfred Hitchcock.
Chers amis lecteurs, je ne sais si, en la circonstance, la fiction rattrape la réalité ou inversement.
Ce fait divers surgit de mon imagination quand, lors d’une paisible promenade dans les hauts de Dinard, je découvris dans un terrain vague, la statue très abîmée du « maître du suspense » qui accueillait, il y a quelques années, ceux qui fréquentaient la plage de l’Ecluse.
Quand il créa le Festival du Cinéma britannique en 1990, il apparut évident à Thierry de la Fournière, de choisir Alfred Hitchcock, cinéaste britannique éminent, comme emblème de sa manifestation. Outre l’inauguration de cette stèle, le « Hitchcock d’Or » récompense le film lauréat. A la lecture du palmarès, on constate que l’ont reçu notamment « The Full Monty », « Billy Elliot », « La jeune fille à la perle » qui firent la carrière que l’on sait par la suite.
Spectateur assidu de ce festival, j’aurai l’occasion de vous en entretenir à l’occasion de la 19e édition qui se déroulera du 2 au 5 octobre 2008.
Je ne me permettrai pas d’évoquer ici, la carrière et le génie d’Alfred Hitchcock, de nombreux sites le font de manière très détaillée et talentueuse.
Juste deux souvenirs personnels ! Mes parents avaient sans doute perçu les qualités cinématographiques de Sir Alfred en me laissant regarder, dès mon enfance, l’anthologie policière et fantastique de « Alfred Hitchcock présente » dont il ne réalisa que quelques épisodes. Plus que pour « Aigle noir » et « Thierry la Fronde », je m’installais devant notre téléviseur avec la chaîne unique en noir et blanc, à l’apparition du célèbre générique durant lequel, au rythme de « La marche funèbre pour une marionnette » de Gounod », la silhouette ventrue du maître venait se placer de profil dans sa caricature. Avec son accent inimitable et son humour décapant, il inaugurait alors l’épisode : « Aujourd’hui, nous vous présentons une petite histoire de meurtre, de concupiscence, d’escroquerie, de vengeance et de cupidité. Je suis sûr que vous l’aimerez … ». Le ton était donné, bien sur que j’aimais !
Quelques décennies plus tard, dans le cadre d’une éducation à l’image , je proposais à des élèves de cours préparatoire et cours élémentaire, l’analyse de l’attaque des Oiseaux dans le film éponyme. Je savourais de voir ces enfants, après le visionnement de ce moment d’épouvante et l’étude du story-board, comprendre sans effroi l’effet Koulechov et les subtilités du montage alterné. Que nous revienne vite Alfred Hitchcock au bord de la plage de Dinard, devant le cinéma et la boutique de souvenirs ! Souvenirs merveilleux de cinéma !

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