Danse avec la Jonquille

Je laisse les spécialistes de la botanique à leurs vives querelles sur la nomenclature des narcisses et des jonquilles dont on recense une soixantaine d’espèces et plusieurs milliers de variétés.

 

« Es-tu narcisse ou jonquille ?
Es-tu garçon, es-tu fille ?
Je suis lui et je suis elle,
Je suis narcisse et jonquille,
Je suis fleur et je suis belle
Fille. »


Robert Desnos a trouvé une classification très poétique. Moi garçon, je souhaite vous faire partager mon enchantement pour la jonquille sauvage qui pare, à l’approche du printemps, sous-bois et prairies, de lumineux soleils.

 

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Appartenant à la famille des Amaryllidacées, on lui donne également le nom de narcisse des prés et narcisse des bois parce qu’elle colonise ces terrains. Selon les régions, elle porte le nom dit vulgaire et pourtant fleurant savoureusement le terroir, de jeannette et marteau en Lorraine, porillon, aiault. campenotte en Franche-Comté, fieuquette en Haute-Marne, rousinette au pays nantais.
Étrangement voire injustement, son appellation latine est Narcissus Pseudo-Narcissus pour la distinguer du vrai narcisse dit narcisse des poètes. D’abord, en quoi est-elle fausse, qu’y a-t-il de plus authentique qu’une fleur sauvage qui naît librement dans la nature selon les caprices de la météorologie ? Ensuite, elle inspire également le poète dans ses chansons :

 

« J’ai connu Émilie aux premières jonquilles.
Elle était si jolie des jonquilles aux derniers lilas.
Dans la ferme endormie, chaque fois que j’allais la voir,
Son père avec un fusil m’attendait derrière l’abreuvoir.
Il me chassa aux dernières jonquilles,
Me fusilla des jonquilles aux derniers lilas. »


Toujours fans des sixties, vous vous souvenez probablement de Hugues Aufray victime des foudres d’un fermier pour avoir courtisé sa fille trop assidûment.
Enfin, la jonquille sauvage n’est pas narcissique pour deux sous, au contraire, peu fière, elle semble s’incliner quand vous l’admirez.

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Au bout de sa hampe, la fleur est d’une élégance recherchée avec sa couronne plissée en forme de trompette d’un jaune éclatant, qui surgit d’une collerette soyeuse de six tépales (3 pétales et 3 sépales) plus pastel.

Sa cueillette est réglementée par des arrêtés préfectoraux dans de nombreux départements et limitée au bouquet que la main peut contenir. Demoiselle Jonquille est très courtisée et fêtée dans de nombreux coins de l’hexagone. La manifestation la plus connue se déroule à Gérardmer tous les deux ans avec un défilé de chars fleuris de 2500 jonquilles au mètre carré.

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Malgré sa délicate apparence, méfiez-vous tout de même de sa toxicité car la consommation de la fleur, de la tige et du bulbe peut être source de violents vomissements.
Cependant, étant l’une des premières fleurs à naître après les rigueurs de l’hiver, la jonquille est devenue symbole d’espoir et de renouveau dans le domaine de la santé. Dans les années 1950, plusieurs associations canadiennes et anglo-saxonnes oeuvrant dans la cancérologie, l’ont adoptée comme emblème. Cette année, elle s’affichait sur le maillot des rugbymen français lors de leur rencontre avec l’Irlande dans le cadre d’un partenariat avec l’Institut Curie fondation privée associant un hôpital et un centre de recherche contre le cancer.
Pour demeurer dans le domaine de l’Ovalie, les joueurs du XV du Pays de Galles (que nous affronterons ce samedi) arborent un poireau sur leur poitrine, symbole de la victoire des Gallois sur les Saxons. Pourtant, chaque 1er mars, jour de la Saint David, le patron national, si ce légume est toujours présent sur l’uniforme des soldats, le peuple gallois l’a remplacé bien volontiers par un brin de jonquille. La légende dit que la confusion des mots en langue welsh « cenhinen » (poireau) et « cenhinen pedr » (jonquille) serait à l’origine du troc. Curieusement, poireau et jonquille présentent une ressemblance dans leurs feuilles et leurs racines et l’appellation régionale de porion et porillon dans le nord de la France voisine celle de narcisse à feuilles de poireaux.

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Il me revient en mémoire un cours d’anglais au collège. Mon professeur, Madame Mathé nous avait fait étudier « The daffodils », Les jonquilles, le célèbre poème de l’auteur romantique anglais William Wordsworth. Daffodil … j’adorais déjà la musicalité du mot. En guise de conclusion, je ne résiste pas à vous offrir la traduction de quelques vers :

 

« J’errais solitaire comme un nuage
Qui flotte au-dessus des vallées et des monts,
Quand tout à coup, je vis une nuée,
Une foule de jonquilles dorées ;
À côté du lac, sous les branches,
Battant des ailes et dansant sous la brise …
… J’en vis dix mille d’un coup d’œil,
Agitant la tête en une danse enjouée …

… Un poète ne pouvait qu’être gai
en une telle compagnie.
Je les contemplais, les contemplais …
Souvent, quand je m’allonge dans mon lit …
… Elles viennent illuminer ma vie intérieure
Et mon cœur alors, s’emplit de plaisir
Et danse avec les jonquilles. »

traduction de Catherine Réault-Crosnier

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Rendez-vous une fois dans votre vie vers le lac de Saint-Andéol, sur le plateau d’Aubrac dépouillé de son manteau de neige. Aveuglé par les soleils brûlant les sabots des majestueuses vaches à la robe fauve, vous danserez aussi avec les jonquilles.

Publié dans : Leçons de choses |le 12 mars, 2008 |5 Commentaires »

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5 Commentaires Commenter.

  1. le 19 mars, 2008 à 20:22 Maryse écrit:

    J’adore les jonquilles… Quelle belle leçon de fleurs… merci de ce joli bouquet…

    Répondre

  2. le 20 mars, 2008 à 15:14 Mirabelle écrit:

    Un peu de soleil pour un printemps bien froid … J’ai beaucoup aimé surtout le dernier poème. Merci de nous réchauffer.

    Répondre

  3. le 14 décembre, 2008 à 11:58 Sylvie Balavoine écrit:

    c’est par hasard que je trouve ce site, étant moi même institutrice retraitée,je suis submergée d’émotion.

    mes filles arrivent, je dois vous abandonner, mais, je vous dis à très bientôt.

    Répondre

  4. le 14 décembre, 2008 à 14:27 encreviolette écrit:

    Merci pour ces quelques mots.
    En écrivant ce billet, je pensais à mes promenades, en un temps moins pollué, avec ma maman, ma grand-mère et certaines de mes maîtresses . Elles savaient attirer ma curiosité devant des choses simples mais tellement belles.

    Répondre

  5. le 29 juillet, 2023 à 21:07 Marie Lunel écrit:

    les jonquilles sous la pluie
    tendent le cou
    sur leur tige qui plie
    et boivent à petits coups

    le ciel tout entier versé
    dans leur tasse à thé
    posée là exprès
    comme un soleil sur le pré

    Poème de Françoise Urban-Menninger)

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