Archive pour le 25 janvier, 2008

Heureux qui comme Ulysse

Je vous ai déjà entretenu (voir 9 décembre 2007) de mon petit clairon dont la délicieuse musique rend, souvent, maigres mes matinées du week-end.
Ce dimanche-ci, il choisit de me réveiller en me susurrant à l’oreille, « Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage ». Sortant de ma somnolence, j’utilise quelques beaux restes de ma classe de quatrième pour prolonger le sonnet de Du Bellay:

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison ,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge.

L’enfant, intriguée, me demande si je connais l’histoire du cheval. Rassemblant mes souvenirs scolaires de la mythologie grecque, j’entreprends de lui conter brièvement cet épisode chanté par Homère dans l’Odyssée, où le roi d’Ithaque, par ce qu’il est convenu d’appeler une ruse de guerre au sens propre, imagine avec Epéios, la construction d’un cheval géant en bois creux pour déjouer la vigilance des soldats troyens.
La petite fille, circonspecte devant mes savants propos, se met à fredonner :

Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage.
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé
Après maintes traversées
Le pays des vertes années.

Je pressens le quiproquo et me revient alors à la mémoire ce refrain chanté par Georges Brassens dans le générique de ce qui fut le dernier film de Fernandel. Autre odyssée, autre cheval ! L’acteur provençal y interprète un palefrenier ramenant le vieux cheval Ulysse qu’il soignait, vers les terres de liberté de Camargue, loin des arènes d’Arles et du funeste destin de cheval de picador qui lui était promis.

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Georges Brassens n’est ni auteur ni compositeur de cette chanson même si on semble y reconnaître sa verve. Les paroles sont, en fait, d’ Henri Colpi, réalisateur du film et vieil ami sétois du poète, et la musique composée par Georges Delerue. Brassens, en d’autres circonstances, prouva qu’il pouvait exceller dans ce genre en créant le superbe hymne à l’amitié « Les copains d’abord » pour le film d’Yves Robert, adaptation de l’œuvre de Marcel Aymé.
Il est vain de comparer le poème universel qui a traversé bientôt 5 siècles, à ce qui ne prétend être qu’une modeste quoique attachante musique de film ; cependant, le cousinage est indéniable.
On y retrouve l’idée de voyage initiatique qui n’a de sens que s’il s’accompagne d’un retour au pays. Comme dit le proverbe, « Les voyages forment la jeunesse ». Chez Du Bellay, les deux héros grecs Ulysse et Jason rentrent chez eux après un « beau voyage » pourtant parsemé d’embûches. Dans la chanson qui joue sur la confusion des noms, c’est le cheval Ulysse qui quitte le Lubéron où il accomplit son apprentissage de bête de somme, pour retrouver la Camargue de « ses vertes années ». Est-ce une coquille recopiée à l’excès, nombreuses versions du texte évoquent « le pays des vertes allées » ce qui n’est pas en soi un contre sens. Cependant, tendez l’oreille, Brassens chante bien « années » !
La louange et la nostalgie de la terre natale sont aussi présentes. Du Bellay privilégie la « douceur angevine » à « l’air marin » des rivages ioniens. En écho, dans son dernier couplet, Brassens aspire à retrouver l’air de la Camargue, « battue de soleil et de vent, perdue au milieu des étangs ».

Plus tard, ce matin-là, la petite fille, chevaucha son vtt dans les allées forestières voisines en chantant à tue-tête, cette ode émouvante à la liberté :

Par un joli matin d’été,
Quand le soleil vous chante au cœur,
Qu’elle est belle la liberté,
La liberté !
Quand c’en est fini des malheurs,
Quand un ami sèche vos pleurs,
Qu’elle est belle la liberté,
La liberté.

Que Joachim Du Bellay ne soit pas jaloux ! Quatre cent cinquante ans plus tard, son sonnet connaît actuellement le succès sur les ondes grâce au jeune chanteur Ridan qui nous en offre une touchante adaptation.

Publié dans:Coups de coeur |on 25 janvier, 2008 |3 Commentaires »

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