Archive pour janvier, 2008

Heureux qui comme Ulysse

Je vous ai déjà entretenu (voir 9 décembre 2007) de mon petit clairon dont la délicieuse musique rend, souvent, maigres mes matinées du week-end.
Ce dimanche-ci, il choisit de me réveiller en me susurrant à l’oreille, « Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage ». Sortant de ma somnolence, j’utilise quelques beaux restes de ma classe de quatrième pour prolonger le sonnet de Du Bellay:

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison ,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge.

L’enfant, intriguée, me demande si je connais l’histoire du cheval. Rassemblant mes souvenirs scolaires de la mythologie grecque, j’entreprends de lui conter brièvement cet épisode chanté par Homère dans l’Odyssée, où le roi d’Ithaque, par ce qu’il est convenu d’appeler une ruse de guerre au sens propre, imagine avec Epéios, la construction d’un cheval géant en bois creux pour déjouer la vigilance des soldats troyens.
La petite fille, circonspecte devant mes savants propos, se met à fredonner :

Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage.
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé
Après maintes traversées
Le pays des vertes années.

Je pressens le quiproquo et me revient alors à la mémoire ce refrain chanté par Georges Brassens dans le générique de ce qui fut le dernier film de Fernandel. Autre odyssée, autre cheval ! L’acteur provençal y interprète un palefrenier ramenant le vieux cheval Ulysse qu’il soignait, vers les terres de liberté de Camargue, loin des arènes d’Arles et du funeste destin de cheval de picador qui lui était promis.

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Georges Brassens n’est ni auteur ni compositeur de cette chanson même si on semble y reconnaître sa verve. Les paroles sont, en fait, d’ Henri Colpi, réalisateur du film et vieil ami sétois du poète, et la musique composée par Georges Delerue. Brassens, en d’autres circonstances, prouva qu’il pouvait exceller dans ce genre en créant le superbe hymne à l’amitié « Les copains d’abord » pour le film d’Yves Robert, adaptation de l’œuvre de Marcel Aymé.
Il est vain de comparer le poème universel qui a traversé bientôt 5 siècles, à ce qui ne prétend être qu’une modeste quoique attachante musique de film ; cependant, le cousinage est indéniable.
On y retrouve l’idée de voyage initiatique qui n’a de sens que s’il s’accompagne d’un retour au pays. Comme dit le proverbe, « Les voyages forment la jeunesse ». Chez Du Bellay, les deux héros grecs Ulysse et Jason rentrent chez eux après un « beau voyage » pourtant parsemé d’embûches. Dans la chanson qui joue sur la confusion des noms, c’est le cheval Ulysse qui quitte le Lubéron où il accomplit son apprentissage de bête de somme, pour retrouver la Camargue de « ses vertes années ». Est-ce une coquille recopiée à l’excès, nombreuses versions du texte évoquent « le pays des vertes allées » ce qui n’est pas en soi un contre sens. Cependant, tendez l’oreille, Brassens chante bien « années » !
La louange et la nostalgie de la terre natale sont aussi présentes. Du Bellay privilégie la « douceur angevine » à « l’air marin » des rivages ioniens. En écho, dans son dernier couplet, Brassens aspire à retrouver l’air de la Camargue, « battue de soleil et de vent, perdue au milieu des étangs ».

Plus tard, ce matin-là, la petite fille, chevaucha son vtt dans les allées forestières voisines en chantant à tue-tête, cette ode émouvante à la liberté :

Par un joli matin d’été,
Quand le soleil vous chante au cœur,
Qu’elle est belle la liberté,
La liberté !
Quand c’en est fini des malheurs,
Quand un ami sèche vos pleurs,
Qu’elle est belle la liberté,
La liberté.

Que Joachim Du Bellay ne soit pas jaloux ! Quatre cent cinquante ans plus tard, son sonnet connaît actuellement le succès sur les ondes grâce au jeune chanteur Ridan qui nous en offre une touchante adaptation.

Publié dans:Coups de coeur |on 25 janvier, 2008 |3 Commentaires »

Ma grand-mère, Mémé Léontine (1)

Il y a 20 ans, jour pour jour, le 20 janvier 1988, un petit village de Picardie, Villers-Campsart, était en liesse. Il fêtait le centenaire de ma grand-mère.
Toutes les grand-mères sont adorables mais Mémé Léontine me laisse un souvenir exceptionnel. C’est le seul grand parent que j’ai connu, les trois autres étant disparus avant ma naissance ou quelques semaines plus tard. De plus, ultime cadeau de son existence, elle a donc atteint le cap des cent ans me procurant joie et fierté.
À l’époque, mon père, son fils, rédigea, à l’attention de la famille, une brochure qui lui était consacrée. J’avais apporté ma contribution. Aujourd’hui, en hommage, avant d’évoquer la vie de ma grand-mère paysanne, je vous livre ce que mon cœur m’avait dicté.

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Quand je vins au monde, Mémé Léontine était déjà une alerte sexagénaire. J’ai connu récemment toutes les peines qui émaillèrent la première partie de sa vie, et j’ai donc eu la chance de la connaître à un âge où, abandonnant les travaux de la ferme à mon oncle, elle consacra beaucoup de temps à choyer enfants, petits-enfants puis plus tard, arrière-petits-enfants. Le temps qui passe, embellit sans doute les souvenirs de jeunesse, mais je retiens de mes séjours à Villers, lorsque j’étais « ch’tiot », des images de joies simples et intenses.
Avec mes parents, j’eus la chance, dés ma prime enfance, de me promener à travers la France et l’Europe, cependant, j’appréciais particulièrement lorsque, dans la seconde quinzaine d’août, nous nous rendions à Villers pour participer aux travaux de la moisson. Mes petits bras, certes, s’avéraient vite inutiles lorsqu’il fallait hisser les bottes sur le chariot. Mais quelle joie quand pour le retour à la ferme, juché avec mon cousin, au sommet de la carriole, je découvrais la vaste plaine de Villers au rythme majestueux de Boulot et Mouton, deux superbes chevaux boulonnais. Le trajet le plus savoureux était celui qui précédait le repas de midi, il serait plus exact de dire quatorze heures malgré les éternelles recommandations de mon père habitué à la ponctualité scolaire. En effet, ensuite, nous attendait la délicieuse cuisine de Mémé. Souvent, elle nous préparait des monceaux de bonnes frites comme on n’en fait plus guère, longues, épaisses, croustillantes sur le dessus, onctueuses à l’intérieur.
Grâce à Mémé, « la poule à la sauce blanche » demeure un de mes plats préférés. C’était, bien sûr, une volaille de sa basse-cour qui picorait en liberté dans la cour près du tas de fumier (les technocrates de Bruxelles vont s’arracher les cheveux s’ils me lisent !). Elle la confectionnait remarquablement à l’occasion des fêtes familiales et le soir, elle nous servait le succulent bouillon. Elle n’avait nul besoin de livres de recettes. Elle estimait les proportions au jugé, il fallait la voir s’activer, toute la matinée, autour de sa pittoresque cuisinière en fonte.

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Accompagner ma grand-mère dans les quelques activités agricoles qu’elle conservait encore, constituait un plaisir précieux pour l’enfant d’une petite ville que j’étais malgré tout. Je l’observais attentivement et la questionnais tandis qu’elle trayait son unique vache dans l’étable contiguë à la maison, qu’elle nourrissait ses lapins ou ramassait les œufs dans le poulailler. J’étais fier lorsqu’elle me chargeait de « cueillir » les œufs au fond des granges ou de sortir la « biquette » pour brouter l’herbe devant la maison. J’étais beaucoup moins rassuré quand elle me demandait de remonter une cruche de cidre, de sa cave très obscure.
Aux heures chaudes de l’après-midi, alors que les moissonneurs se reposaient, je disputais fréquemment dans « ch’pature » d’interminables parties de football avec mon frère, mon cousin, Bernard Breton, Jean-Pierre Lenel, Michel Boutillier et d’autres enfants du village. L’herbe haute, les taupinières, le terrain en pente, les pommiers en guise de poteaux de buts, ne freinaient pas notre enthousiasme.
Au temps du catéchisme, assister à l’office du dimanche était obligatoire même lorsque je quittais la paroisse. J’ai ainsi connu nombre de sacristies de France et de Navarre pour y être allé faire valider ma carte de fidélité religieuse ! Quand j’étais seul en vacances chez Mémé, elle était chargée de m’accompagner à la messe dominicale, à l’église de Liomer distante d’une bonne lieue. Ce rite ne m’aurait guère enthousiasmé s’il n’y avait eu la longue promenade pour s’y rendre. Nous partions en « habits du dimanche » par le petit chemin derrière chez la cousine Marcelle, puis traversions l’immense plaine pour rejoindre le bois de Liomer et sa descente abrupte. J’adorais ce parcours car chaque champ qu’on longeait, chaque fleur sur un talus, chaque arbre, étaient prétexte à de longs monologues de Mémé.

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Je n’ai vu qu’une seule fois, ma grand-mère fâchée contre moi, mais en vilain garnement, je l’avais mérité. C’était à l’occasion d’un de ces mémorables repas familiaux. Mon cousin et moi avions abandonné les adultes à leurs interminables conversations autour de la table, pour jouer à cache-cache à travers les pièces de la maison. Ma cachette dans la chambre de Mémé, devait être efficace car mon cousin ne me trouvait pas. Tenaillé par un besoin pressant, j’entrepris dans l’obscurité, de le satisfaire dans ce que je croyais être le pot de chambre (ma grand-mère n’eut jamais l’eau courante dans sa maison). Le bruit suspect éveilla mes soupçons, aussi j’allumai la lumière et découvris que dans le récipient, macéraient de succulents pruneaux destinés à sa fameuse recette de lapin. Mémé en fut toute « retournée » comme elle disait : « Oh ! Qu’as-tu fait là min fieu ? ». Sa colère ne dura guère cependant, et je crois que je pus tout de même goûter au dessert, à son délicieux gâteau « diplomate ».Le temps de l’enfance passa mais mes visites à Villers s’avérèrent toujours des instants heureux. J’aimais écouter ma grand-mère, assise dans son fauteuil rustique de style picard, et grâce au magnétophone, je conserve des témoignages émouvants de nos conversations.

Lorsque je sus conduire, elle appréciait que je l’emmène en promenade dans la campagne environnante. Sa curiosité était débordante. La traversée d’un village, le passage devant une ferme ou un champ, lui rappelaient immédiatement une multitude d’anecdotes et déclenchaient d’interminables considérations généalogiques. De minuscules villages comme Etrejust et Croquoison devenaient soudain des sources intarissables d’inspiration.
Jusqu’à la fin de sa vie, elle se serait « frappée » comme elle disait, si je n’avais pas accepté une tasse de café, un paquet de gaufrettes, un petit verre de sa « goutte » et surtout, le « petit billet » qu’elle sortait de sa blouse ou de dessous ses draps.
Si je me suis attardé dans ces souvenirs parfois naïfs, c’est sans doute que j’éprouve dans ma maturité, la nostalgie du temps de ma Mémé Léontine, toujours rayonnante de gentillesse et de bonté. Il me paraît bien que du vrai bonheur y était enclos.

 

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Publié dans:Portraits de famille |on 20 janvier, 2008 |7 Commentaires »

Tranche de vie, tranche de mort

Une photographie qui m’a été envoyée …
L’ordinateur me fournit ces informations : cliché réalisé avec un appareil numérique Panasonic DMC-FX8, le 13 décembre 2007 matin à 7h 11. La focale de l’objectif est de 5,8 mm, l’ouverture du diaphragme de f/2.8, la vitesse de 100 ISO et le flash s’est déclenché.

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L’œil est, de suite, accroché par le premier plan très lumineux, la une d’un journal, d’une horizontalité quasi-parfaite, qui agit comme une légende : « Le retour ».
Puis, il monte, au centre de l’image, vers l’unique personnage de la scène : un chat attendrissant, assis sur ses pattes arrière, son regard attiré vers un hors champ inconnu. Non apeuré, car sans doute coutumier du fait, avec la complaisance de ses maîtres, il s’attarde sur la table. Autour de lui, on distingue quelques magazines à sa droite, un verre, une brique de lait, un pack de céréales, un quignon de pain, un cendrier sur sa gauche. Quelques miettes sur la table laissent supposer que le petit déjeuner vient de s’achever.
L’arrière-plan sombre et l’utilisation du flash témoignent de la pénombre qui règne à cette heure matinale. Un léger grossissement sur la date du quotidien confirme qu’il s’agit de l’édition du jour déposée probablement dans la boîte à lettres et parcourue en mangeant.
Je surfe sur Google pour obtenir de plus amples informations. « Le Nouvelliste » est un quotidien du Valais suisse qui titre en ce jour sur les élections au Conseil Fédéral Helvétique. Il semble se réjouir de la défaite du nationaliste Blocher et de l’accession à la présidence du démocrate valaisan Couchepin.
Polysémie d’un instantané qui, finalement, signifie beaucoup. Tranche de vie paisible, découpée, un matin apparemment banal, dans un foyer suisse.
En fait, Maïté, ainsi s’appelle cette adorable chatte, a le regard perdu loin des joutes politiciennes de la planète humaine. Pour elle, il s’agit du grand départ et non d’un retour. Très malade, elle rejoindra, quatre heures plus tard, le paradis des chats. Tranche de mort …
Le maître de maison a fixé un ultime souvenir de son animal de compagnie.
La révélation du hors cadre et du non dit, fait naître l’émotion et détruit l’atmosphère sereine de la photographie.

 

Le renard

Le renard roux est, avec le loup gris, le seul membre sauvage de la famille des canidés, vivant encore en France, malgré les campagnes d’extermination dans le cadre de la lutte contre la rage.
Résidant en zone urbaine proche de la campagne, il m’arrive d’en voir traverser la route, au petit jour, de retour peut-être d’un méfait.
De petite taille (60 à 75 cm pour le corps), il se distingue par son museau allongé, ses oreilles dressées et sa longue queue touffue (35 à 50 cm). Son cri est le glapissement. Il habite principalement dans des terriers creusés par les blaireaux ou par lui-même.

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Jusqu’au XIème siècle, cet animal n’existait pas car il s’appelait en fait un goupil. Il tire son nom actuel du « Roman de Renart », un recueil de récits médiévaux français des XIIème et XIIIème siècles, écrits en langue romane, dont deux des héros principaux sont un loup nommé Ysengrin et son neveu, le goupil Renart.
Des générations de collégiens ont « planché » sur leurs aventures car, au-delà de la farce plaisante, c’est l’esquisse d’un monde animal gouverné par les mêmes règles et animé des mêmes passions que les humains, dans une parodie de genres comme la chanson de geste et le roman courtois.
Sa faim insatiable, sa ruse pour triompher de la force font du goupil, seigneur de Maupertuis, un personnage populaire, malicieux et facétieux, redresseur de torts et contestataire de l’ordre.
Enfant, je me régalais des tours pendables que Renart imaginait à l’égard de ce loup qui m’avait tant fait pleurer, dans d’autres contes, notamment, en dévorant immanquablement la douce chèvre de Monsieur Séguin malgré toutes les précautions oratoires prises par ma maman pour atténuer ou retarder mon chagrin. L’un des plus savoureux se déroule à cette époque de l’hiver quand ce lourdaud d’Ysengrin, friand d’anguilles, demande à Renart de lui attacher un seau à sa queue avant de le plonger dans l’eau glacée du vivier. « Qui tout désire, perd tout », ainsi le goupil raille le loup qui, d’avoir trop attendu que la pêche soit miraculeuse, se trouve piégé, le seau pris dans la glace. Dans l’imaginaire littéraire, outre à la ruse, le renard est souvent associé à la flatterie et au mensonge, ainsi celui trompant le corbeau dans les fables d’Esope et La Fontaine, ou encore la cigogne qui va lui rendre, cependant, très vite, la monnaie de sa pièce.
Bien que je fusse l’un de ses fidèles supporters dans les lectures de mon enfance, il ne me manifesta pas beaucoup de reconnaissance, il y a quelques années, dans une ferme ariégeoise que j’étais chargé de surveiller, en l’absence des maîtres du lieu. Quel ne fut pas mon accablement, au lever du jour, de découvrir un verger anormalement silencieux, jonché de plumes. Le goupil avait fait main basse sur la ville gallinacée et égorgé dix sept poulets ! Nous lui préparâmes, pour les nuits suivantes, un délicieux festin digne du proche Béarn, en lui offrant une poule farcie … de quelques produits toxiques. Confirmant sa ruse légendaire, il dédaigna ce mets de choix.
Curieusement, en espagnol, le renard s’appelle « zorro » comme le célèbre justicier masqué.
Il existe des espèces cousines du renard roux d’Europe tel le fennec ou renard des sables au Sahara. Ainsi, d’ailleurs, métaphoriquement, Rommel, maréchal allemand, à la tète de l’Afrika Korps, fut surnommé « renard du désert » pour la finesse et la malice de sa stratégie.
Le renard d’Amérique n’a pas hérité, du moins dans l’imaginaire des cartoons, de l’esprit frondeur de son cousin européen et le « vil coyote », bien que fier, est immanquablement ridiculisé par l’insaisissable Bip-Bip.
Une autre espèce, née du dithyrambe des journalistes sportifs, vit dans les zones proches des buts des terrains de football. Elle est connue sous le sobriquet de « renard des surfaces » qui qualifie l’esprit matois et le flair de certains joueurs dans leur manière de marquer.
Le renard se nourrit essentiellement de mulots, lapins, poissons et fruits. Il n’attaque pas l’homme, n’en déplaise à Michel Blanc qui prétend avoir été la proie des renards dans une séquence culte du film « Marche à l’ombre ». Circonstance atténuante, l’acteur avouait ne pas être complètement « étanche » !
Au contraire, renard et enfants font souvent bon ménage. Ainsi, dans le livre de Saint-Exupéry, il apprend au Petit Prince, de retour sur terre, la signification d’ « apprivoiser » et la profondeur de l’amitié.
Actuellement, sur les écrans, une petite fille rousse comme lui, partage avec un renard, une fabuleuse amitié. Une autre enfant qui m’est chère, m’a confié qu’elle avait beaucoup pleuré … de chagrin, bien sûr, mais aussi de joie ! N’est-ce pas la plus belle des critiques qui laisse penser que Renard n’a pas fini de hanter notre imaginaire.

 

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Publié dans:Leçons de choses |on 16 janvier, 2008 |5 Commentaires »

Michel COFFIN, mon père (époque 2)

LE MILITAIRE

Son envol dans la carrière de professeur est bientôt contrarié. En 1938, la crise de Munich survient, la déclaration de guerre menace. Mon père, devenu lieutenant en 1935, est appelé en septembre pour procéder à la réquisition des chevaux dans les cantons de Saint-Saëns et de Bellencombre. Il s’acquitte de cette tâche en compagnie de trois autres officiers de réserve. La crise politique s’atténue et, en attendant d’exécuter les ordres, ils effectuent de belles promenades dans la somptueuse forêt d’Eawy sur les chevaux de l’équipage de la chasse à courre stationné à Saint-Saëns.
Le 3 septembre 1939, avec l’invasion de la Pologne par les troupes allemandes et soviétiques, c’est l’état de guerre réel. Mon père est présent sur la place de la mairie de Saint-Saëns où, pendant deux jours, les cultivateurs, très compréhensifs, défilent avec leurs percherons de trois à neuf ans. Cent quarante bêtes prennent la direction de Rouen pour être aussitôt attelées à des canons.
Le 4 septembre, papa est affecté à l’Etat-Major du 3ème Corps d’Armée comme officier observateur. Le 3ème C.A. se voit attribuer la défense du secteur de l’Escaut entre Saint-Amand-les-Eaux et Le Quesnoy, places fortes datant de Vauban. Il installe son poste de commandement à Bouchain, entre Cambrai et Valenciennes, dans deux usines tombées en léthargie. Les Allemands déclenchent les opérations militaires le 10 mai 1940 à 4 heures du matin. Pour soutenir l’armée belge, le 3ème C.A. franchit la frontière le 12 mai sous les bravos de la population civile et se positionne dans la vallée de la Dyle, non loin de Waterloo. Les combats sont brutaux et les pertes nombreuses.
Le 17 mai, un corps franc allemand commandé par Rommel franchit la Meuse près de Sedan. Le 3ème C.A. reçoit l’ordre de battre en retraite vers son cantonnement de Bouchain mais … les allemands s’y trouvent déjà. Il s’installe à Phalempin, puis Orchies, Armentières, Bailleul avant de se dissoudre à la ferme du Temple près de Steenvorde. Chacun détruit ses papiers civils et militaires . L’épisode qui suit a inspiré le roman « Week-end à Zuydcoote », prix Goncourt, ainsi qu’un film. Je reprends des écrits de mon père pour relater ce qu’il vécut personnellement :  » Nous arrivâmes à Dunkerque par paquets tout en restant soudés à notre unité. Les canaux étaient remplis de véhicules noyés afin de les rendre inutilisables. On ne voyait aucun civil dans les rues mais quand on descendait dans les abris lors des raids aériens, on découvrait tout un monde blotti, hébété et silencieux. Le bruit des canons se rapprochait peu à peu de la ville. De temps en temps, les chasseurs prenaient en enfilade les plages de Bray-Dunes et de Zuydcoote et chaque balle faisait une victime. Le 31 mai à minuit, sur ordre de l’Amiral Abrial obtenu par mon camarade Edouard Borotra, le frère du célèbre joueur de tennis, j’embarquais avec cinquante hommes sur un « rafiot », le Gâtinais. La traversée fut périlleuse. Les vedettes rapides allemandes sillonnaient le détroit. Elles envoyèrent par le fond, la Bourrasque et le Sirocco avec six cents hommes à bord chacun. Vers deux heures du matin, survint un grand choc. Nous nous précipitâmes sur le pont. Nous venions de heurter une épave. D’innombrables mâts émergeaient des flots. La mer, elle, était sereine. A trois heures, nous étions proches des côtes anglaises. Une vedette britannique vint à notre rencontre et nous guida pendant quelques milles le long des eaux territoriales. Le 2 juin, à sept heures du matin, nous entrâmes dans le port de Cherbourg. Nous fûmes accueillis dans une caserne par des officiers qui ne ménagèrent pas leurs critiques à notre égard « .
Lors d’une visite au Musée de l’Armée, aux Invalides, j’ai assisté, terrifié par la violence des images, à la projection d’archives cinématographiques narrant cette bataille de Dunkerque. Papa rappelait quelquefois que vivre des heures aussi dramatiques armait pour tous les grands combats de la vie. Avec humour, il évoquait aussi parfois les rares moments de détente, notamment à titre anecdotique, cette soirée à Bouchain, où il fit valoir ses talents de danseur auprès de la célèbre actrice Danielle Darrieux !
Le 3ème C.A. reçoit l’ordre de se reconstituer à Sainte-Honorine-du-Fay, au sud-ouest de Caen, puis de se porter sur la rive gauche de la Seine entre Pont-de-l’Arche et Les Andelys. Le 8 juin, il atteint Evreux qui vient de subir d’importants bombardements . C’est ensuite la retraite vers la Bretagne par étapes quotidiennes d’une centaine de kilomètres. Le 3eme C.A. fait sauter le pont de Chalonnes qui enjambe la Loire. Le 24 juin, jour de l’armistice, le P.C. se trouve à Mussidan en Périgord où il a la charge de concrétiser la ligne de démarcation. Puis survient le repli en zone libre, à Duras, dans le Lot-et-Garonne, où Papa est démobilisé le 27 juillet 1940.
Cruauté du destin, il apprend, dès son retour, la disparition de André Delaunay, ingénieur chimiste et camarade de l’Ecole Militaire de Poitiers, tué par une auto-mitrailleuse allemande …… dans son village natal de Villers-Campsart ! On retrouva le nom de mon père dans le carnet qu’il portait sur lui.
Papa sera remobilisé le 11 mai 1945 à l’Etablissement Principal du Matériel à Vernon, chargé de la récupération du matériel militaire éparpillé et de la gestion d’un camp de prisonniers, en majorité des S.S. en uniforme noir.
Mon père sera cité à l’ordre de l’Armée et décoré de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Etoile de vermeil pour « avoir exécuté des missions particulièrement délicates sous de violents bombardements auprès des grandes unités en ligne. Grâce à son sang-froid et son mépris du danger, il a transmis les ordres du commandement et rapporté à celui-ci des renseignements particulièrement précieux sur la situation des unités ».
Après guerre, naîtra une association amicale des anciens officiers du C.A. Papa la fréquentera régulièrement et l’une des réunions annuelles aura pour cadre la mairie de Forges. Parmi ses camarades, il entretiendra des relations épistolaires suivies avec Raymond Lindon, avocat général à la Cour de Cassation, dont le petit neveu, Vincent, brille aujourd’hui sur les écrans.
Mon père était fier de son passé militaire qui s’expliquait complètement par ce qu’il avait vécu dans son enfance. Pour l’avoir très souvent écouté, je vous affirme que les valeurs de ce fervent de l’Europe étaient bien plus civiques et patriotiques que militaristes.

LE PROFESSEUR

Cette période dramatique achevée, Papa peut enfin complètement assouvir sa passion pour l’enseignement. Toujours avide d’apprendre, durant l’année scolaire 1946-1947, il se rend, tous les jeudis, à l’Université de la Sorbonne. Il me confia fréquemment son admiration pour les brillants professeurs qu’il écouta dans cette cathédrale du savoir. Dix ans après Monsieur Anne, il découvre une nouvelle source d’inspiration et de motivation avec l’arrivée à Forges d’un jeune inspecteur, André Barrès, qui se lance dans l’éducation nouvelle préconisée par les grands pédagogues Paul Langevin et Henri Wallon. Cet homme de grande valeur, qui connaîtra ensuite une brillante carrière à l’étranger notamment au titre de l’UNESCO, devient même un grand ami de la famille.
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A l’apogée de sa carrière, mon père enseigne le français, l’histoire et la géographie dans les classes de quatrième et troisième au collège de garçons, et prépare filles et garçons, dans ces mêmes disciplines, au difficile concours d’entrée à l’Ecole Normale de Rouen.
Son prestige est tel qu’informés par leurs aînés, les élèves de sixième et cinquième appréhendent leur contact futur avec ce professeur d’une grande exigence. Mon frère et moi éprouvons également cette crainte, renforcée par celle de l’autorité paternelle, mais elle s’estompera bientôt derrière une passion pour des cours de haut niveau et d’une grande modernité. Les élèves se sentent démunis devant ses références intellectuelles mais au lieu de produire un effet inhibiteur, cette richesse culturelle suscite l’envie de travailler et d’apprendre.
Le rythme est très intense avec une accumulation de devoirs et d’interrogations écrites. Son degré d’exigence est si élevé que ceux qui poursuivent leurs études secondaires entrent au lycée avec un bon niveau. Il brille dans le très difficile exercice du commentaire de texte où sa culture s’exprime pleinement. Sa renommée est régionale et, à l’Ecole Normale, « les filles de Forges » sont réputées pour leur excellente formation en Français. J’ai profité également des leçons du maître et, au lycée, obtenu des résultats satisfaisants dans cette délicate discipline.
En composition française, les sujets proposés ( un par quinzaine ! ) sont variés et en prise avec l’actualité. Alors qu’on n’imaginait pas encore la création de villes nouvelles en France, et que Brasilia sortait de terre au Brésil, je me souviens qu’il nous demanda d’imaginer pareil projet sur notre territoire. La lecture des copies, aujourd’hui, fournirait peut-être d’intéressantes suggestions à nos architectes !
Même si la quantité ne constitue pas nécessairement un gage de qualité, la longueur des copies, parfois plusieurs dizaines de pages, caractérise les devoirs de ses classes. Cette production prolifique était sans doute le fruit de son travail systématique autour de la langue, de sa manière de susciter l’envie de lire, d’éveiller la curiosité.
Son goût pour les beautés de la langue française s’affirme aussi pleinement lors des exercices de récitation. Je me souviens de la délectation avec laquelle il s’efforçait de nous sensibiliser à la musicalité d’un vers, à la tonalité des rimes, en nous emmenant dans la « Ballade des dames du temps jadis » :

« Dites moi ou, n’en quel pays
Est Flora la belle Romaine;
Archipiades née Thaïs
Qui fut sa cousine germaine;
Echo, parlant quand bruit on mène
Dessus rivière ou sus étang,
Qui beauté ot trop plus qu’humaine?
Mais où sont les neiges d’antan? »

Ses cours de géographie sont aussi d’une richesse insoupçonnable et des générations d’élèves reprennent au lycée, en classe de première, leur classeur de troisième traitant de la France. Mon frère aîné connut l’époque « révolutionnaire » des polycopiés que mon père préparait avec des stencils et la machine à alcool. Chaque élève bénéficiait ainsi d’un cours très complet. Papa abandonna cette technique trop rigide pour l’actualisation incessante de son cours et je fus confronté à la pédagogie universitaire de la prise de notes. Il écrivait au tableau les articulations du cours et dictait les connaissances indispensables à acquérir. Il effectuait des contrôles quotidiennement, oralement ou par écrit. Il exigeait des réponses très rapides et avait organisé un système de correction immédiate avec l’échange des copies entre les élèves et le barème inscrit au tableau. Il ne s’agissait pas de commencer un cours sans avoir appris le précédent.
Il payait de sa personne et demandait à chacun des efforts très importants car il fallait que les résultats soient bons pour tous. Le terme n’était pas à la mode mais il pratiquait le « soutien » naturellement. Les cours de troisième spéciale se déroulaient d’ailleurs entre 17 et 19 heures.
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Il dégageait une autorité extraordinaire teintée cependant d’une certaine jovialité et jamais personne n’envisagea la moindre incartade durant les cours. Il vouvoyait absolument tous ses élèves, filles et garçons. Il parsemait son discours de « pourquoi est-ce que….? » et, ignorant souvent les doigts qui se levaient timidement, il reprenait superbement : « eh bien, parce que….! » Sa voix de tribun et sa façon très personnelle d’utiliser le mode interrogatif maintenaient l’attention et stimulaient l’esprit.
Ce rayonnement était le fruit d’une activité considérable de recherche et de préparation. Durant toute leur carrière, mes parents ont travaillé quotidiennement jusqu’à une heure avancée de la nuit. Je me souviens des murs du bureau tapissés de ……. casiers où s’accumulaient cahiers, chemises, revues pédagogiques, annales d’examens, etc… Le grenier de la maison familiale regorgea , au-delà de leur disparition, de toute cette documentation.
Lorsqu’il fallut vendre la propriété, j’ai feuilleté avec infiniment d’émotion quelques-unes de ces archives, préparations de cours, cahiers et devoirs d’élèves, témoignages d’une valeur professionnelle admirable.
Papa aidait beaucoup ma mère dans la gestion très contraignante de l’internat du Cours Complémentaire de filles, ancêtre du collège, puisque longtemps ce type de pensionnat ne fut pas étatisé. Pour nourrir leur « famille nombreuse » (il s’agissait bien de cela car mes parents faisaient office de seconds parents pour ces jeunes filles), il fallait composer les menus, passer les commandes, vérifier les livraisons. Cela donna lieu à des scènes cocasses. Pendant l’occupation, papa éleva et tua le cochon avec son beau-père. Pour assurer l’approvisionnement, dans la ferme de sa mère, il ressuscita la culture de la lentille. J’ai connu l’époque où il entretenait encore un potager. Le militaire sommeillait sans doute en lui quand il réquisitionnait un bataillon de jeunes filles pour « dédoubler » les carottes au jardin ou pour sacrifier à la « corvée de patates ». L’installation d’une éplucheuse électrique dans la cave constitua une importante avancée sociale !
Mon père s’investissait aussi avec ferveur dans les nombreuses activités post et périscolaires qu’impliquait la mission d’éducateur. Il mit sur pied des exercices gymniques dans le cadre des fêtes de la jeunesse.mcoffin043blog.jpg

 

Il collaborait à l’organisation des inoubliables fêtes de l’Amicale des Pervenches renommées dans tout le département. Lors de la préparation des pièces de théâtre, il devenait, à tour de rôle, metteur en scène ou décorateur. Je le revois, sous le préau, sciant et peignant les décors forestiers du « Sous-préfet aux champs » d’Alphonse Daudet, dans lesquels je voletais costumé en pic-vert. Je l’entends, démonstratif, faisant répéter inlassablement les acteurs pour parvenir au jeu juste. J’ai en tête des images de lui sous les traits de Monsieur Jourdain dans le Bourgeois Gentilhomme… faisant de la prose sans le savoir !
C’était l’homme orchestre au sein de la « famille » des professeurs du collège de filles. Avec son épouse, il proposait des sorties culturelles aux élèves, souvent issues d’un milieu modeste. Ainsi, bonheur rare, à l’époque, nous eûmes le privilège de nous rendre à l’Opéra et d’admirer les monstres sacrés de la Comédie Française. Bien évidemment, toutes ces animations accomplies avec plaisir et désintéressement …. ne supprimaient aucun cours.
Papa acheva sa carrière d’enseignant en 1968, année mythique dans l’évolution des moeurs. Jusqu’à la fin de sa vie, il suivit, avec beaucoup d’intérêt et de philosophie, les mutations de l’Education Nationale. Il découpait régulièrement, dans les journaux, des dossiers et les sujets du baccalauréat. Lorsqu’ils abordaient les grands faits de société, il lui arrivait de prendre la plume et d’adresser sa copie au responsable de la rubrique éducation du journal « Le Monde ». A quatre-vingt ans, il refusa même la proposition de donner quelques conférences au lycée au titre de … soutien en français !
Avec une fierté légitime, il déclinait parfois son « palmarès » : plus de cent cinquante de ses élèves devinrent enseignants, certains accédant au professorat d’université. Par son charisme, il avait su transmettre l’amour du métier que Monsieur Bernard lui avait inculqué dans son enfance.

… à suivre

25 avril 2024 : un de ses anciens élèves, dans l’immédiat après-guerre, a déposé un commentaire à la suite du premier volet que j’ai consacré à mon cher père. J’ai souhaité le partager avec vous en épilogue de ce billet évoquant notamment sa carrière de professeur.
Au-delà de l’émotion qui s’en dégage encore sept décennies plus tard, c’est aussi un témoignage précieux de ce que pouvait être la transmission à l’école à cette époque.

« Monsieur Michel Coffin : Le Professeur qui a façonné un Avocat.
Il y a des personnes qui traversent notre vie comme une brise légère, et puis il y a celles qui la marquent à jamais. Monsieur Michel Coffin, mon professeur de français, appartient sans conteste à cette seconde catégorie.
Monsieur Coffin avait ce don rare de faire naître en nous l’envie d’apprendre. Il a su éveiller en moi une passion pour les lettres, pour la lecture, pour l’écriture. Il m’a appris à apprécier la beauté des mots, la richesse de la langue française, la puissance de la poésie. Il m’a donné l’envie d’écrire, de lire, d’apprendre des poèmes.
Je me souviens encore de ces moments où je récitais des poèmes, debout dans la travée, sous son regard admiratif. Il avait cette capacité à nous faire sentir importants, à nous faire croire en nos talents. Il savait reconnaître et valoriser le potentiel en chacun de nous.
C’est lui qui a conseillé à ma mère de me présenter au concours d’entrée du conservatoire dramatique de Paris. Il voyait en moi un futur comédien, un artiste capable de captiver son public, de le transporter dans un autre univers grâce à la magie des mots.
Je ne suis pas devenu comédien. J’ai choisi une autre voie, celle du droit. Je suis devenu avocat. Mais je reste convaincu que c’est grâce à Monsieur Coffin si j’ai réussi dans cette voie. Car il m’a appris bien plus que le français. Il m’a appris à croire en moi, à persévérer, à travailler dur pour atteindre mes objectifs.
Lorsque je plaidais une affaire, lorsque je défendais les intérêts de mes clients, je pensais à Monsieur Coffin. Je pensais à tout ce qu’il m’a appris. Et je me disais que, d’une certaine manière, j’étais sur scène, comme il l’avait imaginé. Sauf que ma scène à moi, c’était le prétoire. Et mon public, c’étaient les juges et les jurés.
Monsieur Michel Coffin, mon professeur de français, a su me donner l’envie d’écrire, de lire, d’apprendre des poèmes. Il a su me donner l’envie de réussir. Et pour cela, je lui serai éternellement reconnaissant. »

Publié dans:Portraits de famille |on 9 janvier, 2008 |5 Commentaires »

L’Epiphanie (la Galette des Rois)

J’aime la galette
Savez-vous comment ?
Quand elle est bien faite
Avec du beurre dedans…

Savez-vous pourquoi les enfants peuvent chanter cette comptine à l’occasion de l’Epiphanie ou Fête des Rois ?
Cette fête célébrée le 6 janvier de chaque année chrétienne correspond à la date de baptême du Christ et à la présentation de l’enfant Jésus aux rois mages.
Ceux-ci venus d’Orient jusqu’à Bethléem, guidés par l’étoile du Berger plus brillante que les autres, rendirent hommage au Roi des Juifs en apportant des cadeaux symboliques.
Melchior offrit de l’or, présent des rois, Gaspard déposa l’encens, célébrant les dieux, et Balthazar, la myrrhe, servant à l’embaumement, symbole de renaissance.
Longtemps, le 6 janvier fut plus important que Noël, et encore de nos jours, l’Epiphanie est prétexte à une grande fête et des défilés dans les rues en Espagne. Les Rois Mages menacent le Père Noël de chômage technique, en apportant les cadeaux aux enfants ibériques.
La tradition, typiquement française, de la galette partagée au dessert, à cette occasion, semble remonter au moins au 11ème siècle. Des chanoines de Besançon auraient eu l’idée, pour choisir leur Supérieur, d’effectuer un tirage au sort en cachant une piécette d’argent dans un pain. Par la suite, la galette remplaça le pain et la pièce d’or apparut chez les riches.
En vérité, la tradition de la fève est païenne et remonte au temps des romains. Pour honorer Saturne, dieu de l’abondance, à Rome, ils organisaient les Saturnales et, pour élire le roi du festin, une véritable fève blanche ou noire était déposée à l’occasion du scrutin. L’heureux élu pouvait alors faire ce qu’il voulait ce jour-là.
Sous l’Ancien Régime, la galette s’appelle le «gâteau des rois» car il fallait en offrir un à son seigneur à la même époque que son impôt.
Autrefois, la fève n’était pas dissimulée dans la galette mais dans un sac. On y mettait autant de haricots que de personnes présentes, tous blancs sauf un noir. Un enfant plongeait la main dans le sac et sortait un à un les haricots en nommant les convives. Aux cris de « vive le roi », on fêtait celui qui héritait du légume noir. Le gâteau n’était mangé qu’à l’issue de ce cérémonial.
La galette avait également ses parts « sacrées ». La première part était réservée au premier visiteur imprévu ; il était de coutume, en effet, que les malheureux frappent de porte en porte, réclamer la « petite part » ou « part du pauvre ». Il y avait aussi la « part des absents » pour, par exemple, le fils à l’armée ou le pêcheur non rentré.
Les premières fèves en porcelaine apparaissent en 1875, après le Second Empire. A l’origine, elles sont fabriquées suivant des modèles très précis, symbolisant la vertu (l’enfant Jésus), le pouvoir (la reine, la couronne, le château), l’amour (le roi ou la dame de cœur), la chance (le trèfle, le fer à cheval).

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On distingue deux types de galette des rois. Dans le sud de la France, il s’agit plutôt d’une brioche appelée “royaume” en Provence, en forme de couronne, réalisée à partir d’une pâte levée, parfumée à la fleur d’oranger ou à l’anis, et parsemée de pépites de sucre et de fruits confits.
Dans la moitié septentrionale, la galette est élaborée à partir d’une pâte feuilletée dans laquelle on incorpore de la crème d’amande ou frangipane du nom de son créateur Frangipan, saucier toscan du XVIème siècle.
Selon les régions, on note quelques variantes, ainsi en Normandie, on fourre parfois avec des pommes.
La symbolique religieuse s’est perdue, peu à peu, au profit d’une coutume familiale où, entre parents ou amis, on découpe la galette et on « tire le roi » qui choisit sa reine autour de la table ou inversement.
Désormais, à l’époque du « business », nombre de boulangeries et pâtisseries proposent des galettes de la mi-décembre à la fin janvier. A la joie des collectionneurs ou « fabophiles », les fèves prennent des formes, des motifs et des matières diverses. En 1998, Melchior, Gaspard et Balthazar apparurent souvent sous les traits de Zidane, Barthez et Laurent Blanc. Nous avons échappé, cette année, aux Rois … de l’Ovalie et aux fèves « chabalisées » qui laissent la vedette aux personnages du film Astérix aux Jeux Olympiques », promotion oblige. Signe des temps, les rois mages sont devenus hommes sandwiches !

Publié dans:Almanach |on 6 janvier, 2008 |2 Commentaires »

Les cabanes de Lansargues (Hérault)

A un vol de foulque des pyramides de la Grande Motte qu’on devine à l’horizon, le cinéaste Léos Carax eut, il y a près de 20 ans, le projet hollywoodien de construire à l’identique le Pont Neuf de Paris pour, fi des fastidieuses autorisations de tournage dans la capitale, y faire valser Juliette Binoche et Denis Lavant. Il n’en reste aucun vestige et les célèbres amants ont laissé place nette aux amoureux de la nature.
Ainsi, je les invite, aujourd’hui, à abandonner la route du littoral aux touristes pressés, pour se perdre, entre mer et garrigue, derrière l’étang d’Or ou de Mauguio, un de ces nombreux étangs qui ourlent le lido languedocien.
Pour y accéder, il suffit de suivre au centre du village de Lansargues, la direction des cabanes jusqu’à un pont surplombant le canal du même nom. De là, après avoir stationné votre véhicule (pitié pas de 4 x 4 !), la flânerie commence en longeant l’une des deux rives du canal qu’un pont modeste permettra de franchir à hauteur des cabanes.

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Nous pénétrons alors dans la « sansouïre », un étrange monde entre terre et eau, cheminant au milieu des roselières. Bientôt, un héron démarre devant nous et survole l’eau saumâtre du canal à l’affût de quelque poisson. De l’autre côté des « roubines », ces rigoles creusées par l’homme pour le drainage de l’eau, paissent paisiblement des « toros » camarguais. Ils s’enfuient dès qu’ils nous repèrent… ils ne sont pas aussi « bravo » que cela, comme on dit dans le langage des aficionados. Quelques chevaux aux allures de « Crin Blanc » galopent en soulevant nuages de poussière et gerbes d’eau. Une colonie de flamants rosit l’eau grise d’un marais. Ce n’est pas un hasard si ce coin porte le nom de « Petite Camargue ».

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Après environ deux kilomètres de marche, surgissent des roseaux, les toits des premières cabanes. On en dénombre une trentaine, un peu disséminées, les plus anciennes datant du début du 20ème siècle. Certaines sont en planches et sur pilotis, d’autres en pierres possèdent un étage. Autrefois, au rez-de-chaussée, on mettait le cheval à l’abri et on y entreposait le matériel de chasse et de pêche tandis que l’étage était réservé à l’habitation.
En ce samedi de fin septembre, aucune âme ne vit dans ce minuscule hameau fantôme. A l’heure du pique-nique de midi, nous squattons la table et les bancs de bois devant la cabane des Joyeux dont la porte et les contrevents sont décorés de peintures naïves de la faune environnante. L’intérieur est aménagé sommairement avec du mobilier disparate. Quelques exemplaires de la revue « La Sauvagine » attestent de l’activité de chasse et accessoirement de pêche des « cabaniers ».

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La cabane en face, sur l’autre rive du canal, est affublée du sobriquet de « Mairie annexe » ; un peu plus loin, en amont, le propriétaire a cloué un modeste écriteau prévenant le visiteur qu’il entre dans « son petit coin de rêve ». Un barbecue de fortune, un frigo, une table et des chaises de récupération, une tonnelle, quelques cadavres de bouteilles, laissent imaginer les moments de divertissement et de convivialité, les dimanches en famille, les repas de grillades des poissons pêchés le matin, des parties de pétanque.
La plupart des cabanes sont des propriétés privées mais certaines sont construites sur des terrains communaux. Elles ne possèdent ni eau ni électricité.

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Les cabanes au bord de l’eau possèdent un ponton auquel sont amarrés le « négafol », barque étroite à fond plat, mue par une longue perche de bois ou « partègue » ainsi que le « gabion », abri flottant recouvert de roseaux où se dissimulent les chasseurs de gibier d’eau. Dans l’eau, on repère des enclos grillagés où sont enfermés les « appelants » vivants en période de chasse. Au fond d’une barque, s’entassent d’autres appelants artificiels destinés également à leurrer canards et foulques, gibier le plus couramment chassé quoique de plus en plus rare.

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Rampent au sol, quelques « trabaques », filets adaptés à la capture des anguilles. Carpes, jols, muges ou mulets sont aussi très prisés. Poissons d’eau douce et poissons de mer entrant par les graus, cohabitent dans la canalette.
En aval, après le franchissement délicat d’une roubine par une passerelle branlante, nous longeons un autre groupe de cabanes très précaires constituées de tôles ondulées, palettes et bidons. La sente étroite mal balisée dans les roseaux et le sol spongieux nous font renoncer, ce jour-là, à poursuivre jusqu’à l’étang proche.
Sur le chemin du retour, nous cueillons quelques touffes de saladelle ou lavande de mer qui tapisse les talus, en cette fin d’été. Le bouquet sec confectionné avec, constituera un souvenir original de cette promenade.

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La « cabanisation » est un art de vivre subtil, une espèce de précarité qui dure, à la frontière de la norme, revendiquée par les « cabaniers » absents ce jour-là mais que j’imagine hospitaliers.
Alors venez goûter, un jour à cette poétique de la récupération, de l’accumulation, de l’enchevêtrement. Frayez-vous un passage entre roseaux et tamaris, à la rencontre de l’esprit cabanier. Attardez-vous à écouter la nature et surprendre des échassiers à la quête de quelque pitance dans les roseaux. Dépaysement garanti.

Publié dans:Ma Douce France |on 3 janvier, 2008 |9 Commentaires »

Bonne année 2008

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Publié dans:Almanach |on 1 janvier, 2008 |7 Commentaires »

valentin10 |
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