La Pointe Courte à Sète
Mon oncle, originaire de Sète, m’a donné le virus et, depuis 25 ans, il n’est pas une halte au pied du Mont-Saint-Clair sans que je ne vienne arpenter ce pittoresque quartier de pêcheurs.
Comme son nom l’indique, il occupe la pointe au nord de la ville en bordure de l’étang de Thau. Il se fait discret en contrebas du mur d’une voie rapide ce qui n’est pas pour déplaire aux « Pointus », les habitants du lieu, heureux de leur tranquillité préservée.Une fois déniché, apparaît un enchevêtrement de cabanons, barques et filets qui rappellent certains ports populeux d’Asie.
On se trouve immédiatement dans l’ambiance en s’engageant de suite à l’entrée sur une petite digue surnommée avec humour, « la pointe du rat ». Ici, c’est le royaume des chats en liberté. En flânant, nous les débusquons ronronnant au soleil au fond des barques, s’abritant du vent au milieu des filets ou se pourléchant des restes de poissons. Un cabanon, facilement reconnaissable par sa girouette à la forme de sirène, a été aménagé pour ces Sans Litières Fixes. Sa propriétaire déclare une trentaine de locataires.
Margoton la jeune bergère
Trouvant dans l’herbe un petit chat
Qui venait de perdre sa mère
L’adopta
Elle entrouvre sa collerette
Et le couche contre son sein
C’était tout c’quelle avait pauvrette
Comm’ coussin
Le chat la prenant pour sa mère
Se mit à téter tout de go
Emue, Margot le laissa faire
Brav’ Margot
Un croquant passant à la ronde
Trouvant le tableau peu commun
S’en alla le dire à tout l’mondeCes vers tirés de sa chanson « Brave Margot» sont l’œuvre de Georges Brassens qui repose à quelques centaines de mètres de là, au cimetière du Py.
Si vous êtes observateur, vous découvrirez, au cours de votre promenade, plusieurs clins d’œil en hommage au grand poète, amoureux des chats et de l’étang de Thau, qui demeure dans le cœur des Sétois.
En longeant la berge baptisée à son nom, nous plongeons au cœur de l’activité de ce minuscule port. Les barques frêles tanguent doucement sur l’eau de l’étang. Les filets et nasses qui sèchent, envahissent la chaussée.
Le matin, le spectacle est coloré avec le retour de la pêche et le déversement des casiers grouillant de daurades et anguilles. Goélands et aigrettes garzette juchés de-ci, de-là, guettent les poissons rejetés.
L’après-midi, quelques pêcheurs reprisent leurs filets dans leurs guitounes de guingois, véritables vide-greniers regorgeant des objets les plus hétéroclites. L’activité s’est déplacée de l’autre côté de la pointe, le long du canal, sur le quai du Mistral, devant un alignement de maisonnettes coquettes aux couleurs pimpantes.
Les pointus se reposent en taquinant la daurade et… le verbe haut, les habitants de Pointe Longue en face.
En octobre, quand le vent du nord commence à souffler, c’est au coude à coude et avec ferveur, qu’ils attendent le passage des daurades qui migrent de l’étang vers la Méditerranée.
Le quartier est un maillage de ruelles perpendiculaires et parallèles. Elles s’appellent rue de la Pétanque, ruelle des Nacelles, traverses des Pêcheurs, des Jouteurs, des Tambours, savoureux témoignages des activités et loisirs du coin.
On trouve aussi la traverse Agnès Varda : la cinéaste a tourné en ces lieux, en 1954, son premier film « La Pointe Courte » dont on dit rarement que ce fut aussi le premier film du courant « La Nouvelle Vague ». Il évoquait l’histoire d’un couple, interprété par Sylvia Montfort et un jeune débutant Philippe Noiret, en proie au doute, faisant le point sur leur vie. La fin était heureuse mais pouvait-on en douter dans ce cadre si hospitalier ?
